Source: The Conversation – in French – By Wandile Sihlobo, Senior Fellow, Department of Agricultural Economics, Stellenbosch University
Le groupe de travail sur les systèmes alimentaires et agricoles durables du Business 20, un groupe consultatif du G20, a approuvé trois principes qui, selon lui, contribueront à la mise en place de systèmes alimentaires et d’une agriculture durables. Ces principes sont l’augmentation des échanges commerciaux, la résilience des chaînes d’approvisionnement et les pratiques agricoles durables.
L’économiste agricole Wandile Sihlobo explique ces trois principes et comment les pays africains peuvent les mettre à profit.
Qu’est-ce que la sécurité alimentaire mondiale ? En quoi diffère-t-elle de la pauvreté alimentaire ?
La sécurité alimentaire mondiale est un concept plus large. Elle vise à relever les défis liés à l’accès à la nourriture, à la nutrition, à la durabilité et à l’accessibilité financière. Elle cherche aussi à renforcer la coopération entre les pays – notamment les membres du G20 – pour réduire la pauvreté, à la fois dans le monde, au niveau national et au sein des ménages.
Pour atteindre cet objectif, chaque pays doit adapter ses politiques agricoles. Cela passe par une hausse de la production, une approche respectueuse de l’environnement et une réduction des obstacles au commerce.
Les pays qui ne produisent pas assez doivent pouvoir importer de la nourriture à un coût abordable. Cela implique de faciliter la logistique mondiale, de supprimer certains droits de douane et de lever, dans certains cas, les interdictions d’exportation. En 2023, par exemple, l’Inde a interdit l’exportation du riz non basmati, ce qui a provoqué une hausse des prix mondiaux.
C’est pour cette raison que je défends l’approche consistant à « assurer la sécurité alimentaire grâce au commerce ». Dans un monde où les échanges sont souvent entravés, cette approche permet de réduire les coûts et d’améliorer le niveau de vie, notamment dans les régions les plus pauvres principalement le Moyen-Orient et l’Asie.
Comment l’augmentation des échanges commerciaux, la résilience des chaînes d’approvisionnement et les pratiques agricoles durables peuvent-elles renforcer la sécurité alimentaire ?
Ces leviers sont au cœur de la réduction des coûts. Si les obstacles au commerce (tarifs douaniers, barrières non tarifaires ou interdictions d’exportation) sont allégés, il devient plus facile et moins cher d’acheminer les denrées des zones de production vers les zones de consommation à un prix abordable.
Des chaînes d’approvisionnement résilientes signifient également que les denrées alimentaires peuvent être produites, transformées et acheminées vers les points de consommation avec moins d’obstacles, même en cas de catastrophes naturelles et de conflits.
Quant aux pratiques agricoles durables, elles sont essentielles au système alimentaire mondial. Cela ne signifie pas qu’il faut abandonner les semences améliorées, la recherche génétique ou les intrants chimiques. Il s’agit principalement de mieux les utiliser.
J’ai remarqué une tendance inquiétante à l’activisme qui vise à éliminer les intrants agricoles, une voie qui conduirait à une baisse de la productivité et de la production agricoles, et finalement à une aggravation de la faim. La clé réside dans une utilisation sûre et optimale de ces intrants.
Lors des récentes manifestations agricoles dans l’Union européenne, l’approche réglementaire de l’UE en matière de pratiques agricoles durables a été l’un des principaux risques soulevés par les agriculteurs. Ils ont cité le Pacte vert pour l’Europe, qui vise à accélérer la réduction de l’utilisation d’intrants tels que les pesticides, les engrais et certains autres produits chimiques, qui sont essentiels à l’augmentation de la production.
À mon avis, le G20 devrait se prémunir contre les initiatives militantes qui mettent en danger la sécurité alimentaire mondiale.
Quelles politiques spécifiques les pays, en particulier les nations africaines, devraient-ils mettre en place pour garantir le succès de ces principes ?
L’Afrique du Sud et l’Union africaine, qui sont toutes deux membres du G20, devraient promouvoir trois grandes interventions dans le domaine de l’agriculture afin de mettre en œuvre les trois principes du G20 et de stimuler la production alimentaire au profit du continent africain.
1. Agriculture intelligente face au climat
Tout d’abord, il convient d’appeler fermement au partage des connaissances sur les pratiques agricoles intelligentes face au climat. Il s’agit de nouvelles innovations et méthodes agricoles qui minimisent les dommages causés aux cultures par les catastrophes climatiques telles que la sécheresse et les vagues de chaleur. Cela est important car l’Afrique est très vulnérable aux catastrophes naturelles.
Pour que l’agriculture africaine puisse se développer, les gouvernements doivent mettre en place des politiques coordonnées sur la manière de répondre aux catastrophes. Ces réponses doivent inclure tout ce dont les pays africains ont besoin pour atténuer les catastrophes climatiques, s’adapter au changement climatique et se remettre rapidement lorsque des catastrophes surviennent.
2. Réforme commerciale
Deuxièmement, l’Afrique doit faire pression pour une réforme du système commercial mondial et améliorer la sécurité alimentaire en Afrique grâce au commerce. L’Afrique du Sud bénéficie déjà d’un meilleur accès au commerce agricole avec plusieurs économies du G20 grâce à des droits de douane réduits et à un accès en franchise de droits.
Tous les membres du G20 ont intérêt à défendre un commerce ouvert entre les nations. Cela permet d’acheter et de vendre des produits agricoles à moindre coût. Ce qui est essentiel dans un contexte mondial où certains pays adoptent une attitude plus conflictuelle en matière de commerce.
Les pays africains dont l’agriculture est moins productive, avec des rendements généralement faibles ou médiocres, pourraient ne pas bénéficier autant, à court terme, d’un commerce ouvert. Ils en tireront toutefois profit à long terme.
3. Améliorer l’accès aux engrais
Troisièmement, l’Afrique doit continuer à prioriser la production et le commerce des engrais. Dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, l’accès et l’usage des engrais restent faibles. Or, ils sont essentiels pour accroître la production et réduire l’insécurité alimentaire. L’accès à des financements abordables est également un défi pour l’agriculture africaine.
Il est donc essentiel de relier les discussions sur les engrais aux investissements dans les industries de réseau telles que les routes et les ports. Disposer d’engrais est une chose, mais leur acheminement vers les zones agricoles est difficile dans certains pays et augmente les coûts pour les agriculteurs. Dans ce cadre, le G20 devrait encourager la production locale.
La production d’engrais sur le continent atténuerait l’impact négatif des chocs mondiaux sur les prix. Elle permettrait également aux pays africains les plus vulnérables d’acheter et de distribuer des engrais à un prix abordable.
Comment concilier productivité agricole et réduction de l’impact climatique ?
Nous devons utiliser la technologie pour nous adapter au changement climatique plutôt que de diaboliser l’utilisation des produits agrochimiques et la sélection des semences, qui est certainement une tendance à la hausse dans certaines régions d’Afrique du Sud. Si nous utilisons des variétés de semences à haut rendement, des engrais et des produits agrochimiques pour lutter contre les maladies, nous pouvons alors cultiver une superficie relativement plus petite et compter sur un rendement suffisant.
Mais si nous réduisons considérablement ces intrants, nous dépendons davantage de l’expansion de la superficie que nous cultivons. Cultiver plus de terres signifie nuire à l’environnement. L’accent devrait être mis sur l’utilisation optimale et sûre des intrants agricoles afin d’améliorer la production alimentaire. C’est la clé pour parvenir à la sécurité alimentaire mondiale.
Le G20 a un rôle à jouer pour garantir que nous nous dirigeons vers un monde meilleur. Les principes agricoles évoqués ici offrent une feuille de route concrète pour construire un monde meilleur avec plus de sécurité alimentaire.
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Wandile Sihlobo is the Chief Economist of the Agricultural Business Chamber of South Africa (Agbiz) and a member of the Presidential Economic Advisory Council (PEAC).
– ref. Commerce, résilience, durabilité : la recette du G20 pour l’Afrique – https://theconversation.com/commerce-resilience-durabilite-la-recette-du-g20-pour-lafrique-269627
