Source: The Conversation – in French – By Alizée Pillod, Doctorante en science politique, Université de Montréal
L’Italie s’apprête à accueillir cet hiver la 25e édition des Jeux olympiques d’hiver, prévus du 6 au 22 février 2026, suivis des Jeux paralympiques, qui se tiendront du 6 au 15 mars.
Après l’effervescence des Jeux de Paris, lesquels avaient placé la durabilité au cœur de leur stratégie de planification, ceux de Milan seront déterminants pour savoir si l’on assiste véritablement à un changement de paradigme au sein du mouvement olympique.
À moins de 100 jours de l’échéance, le comité organisateur des Jeux de Milan-Cortina sera-t-il capable de tenir sa promesse verte ?
Doctorante en science politique à l’Université de Montréal, mes travaux portent à la fois sur la communication climatique et l’élaboration de politiques environnementales, y compris dans le secteur du sport.
Les Jeux d’hiver dans la tourmente climatique
Tout d’abord, il faut souligner que peu de secteurs dépendent autant des conditions météorologiques que celui du sport.
Avec la crise climatique, la pratique sportive, en particulier celle des sports d’hiver, devient de plus en plus difficile. L’annulation de la Coupe du monde de ski alpin au Mont Tremblant l’an dernier, faute de neige, en est un exemple frappant.
Selon une étude de l’Université Waterloo, d’ici 2050, seuls 10 anciens sites olympiques demeureront viables pour accueillir de futurs Jeux d’hiver. À l’horizon 2080, ce nombre pourrait chuter à seulement 6.
Parallèlement, l’organisation de mégaévènements sportifs tels que les Jeux, engendre une empreinte carbone et environnementale considérable.
Bien que généralement plus modestes que celles estivales, les éditions hivernales des Jeux ont fait l’objet de nombreuses controverses écologiques, en lien notamment avec la destruction de réserves naturelles jusque-là préservées.
La plus récente, Pékin 2022, a conduit à l’abattage de plus de 20,000 arbres ancestraux pour permettre l’expansion du domaine skiable et la construction d’infrastructures en tout genre, telles que des routes d’accès, des stationnements ou encore des sites d’hébergement.
Le sport de haut niveau se trouve ainsi pris dans une relation à la fois de dépendance et de contribution au réchauffement climatique.
Les Agendas 20 et 20+5 comme nouveaux standards
Conscient de ces défis, le Comité international olympique (CIO) a adopté ces dernières années plusieurs politiques visant à réduire l’empreinte des Jeux, comme l’Agenda 20, dont les objectifs stratégiques ont été réitérés en 2021 avec l’Agenda 20+5.
Après Paris 2024, les Jeux de Milan-Cortina seront les premiers Jeux d’hiver à devoir respecter ces exigences.
Parmi les intentions formulées figurent la volonté de promouvoir des Jeux durables et de faire de ceux-ci un tremplin pour l’atteinte des objectifs du développement durable de l’ONU.
Pour cela, le CIO demande désormais aux villes hôtes de réduire leurs émissions de CO₂ et met de l’avant la notion d’héritage, en encourageant la réutilisation de sites déjà existants et la reconversion de ceux-ci une fois l’évènement terminé.
Milan-Cortina sur la piste verte
Heureusement pour nous, il semble que le comité organisateur italien ait décidé de faire de la lutte contre le réchauffement climatique un élément central de son plan stratégique. Dès le départ, celui-ci a mis en place un processus rigoureux d’évaluation de ses émissions de gaz à effet de serre.
Dans son deuxième rapport sur sa stratégie de durabilité, publié en septembre 2025, le comité a également présenté plusieurs mesures visant à réduire davantage l’empreinte carbone de l’événement.
Parmi les initiatives phares, le comité s’est notamment engagé à utiliser une alimentation énergétique 100 % renouvelable et à limiter le gaspillage alimentaire en redistribuant l’intégralité des surplus à des organismes caritatifs locaux. Dans une volonté d’encourager l’économie circulaire, plus de 20 000 équipements issus des Jeux de Paris ont aussi été rachetés.
Du côté des infrastructures, à l’instar de ce qui avait été fait à Paris, l’accent est à nouveau mis sur la réutilisation des installations existantes et sur le recours à des structures temporaires qui seront démantelées après les Jeux. Au total, près de 90 % des sites entreront dans cette catégorie.
Les quelques nouvelles constructions permanentes deviendront des centres d’entraînement pour la future élite sportive italienne, ou bien seront transformées pour d’autres usages. Tout comme celui de Paris, le nouveau village olympique à Milan deviendra, par exemple, une résidence universitaire.
Le plan comprend également des mesures d’adaptation. Avec le réchauffement climatique, l’enneigement naturel se fait de plus en plus rare et le recours à la neige artificielle devient la nouvelle norme pour continuer d’offrir aux athlètes des conditions de performances optimales. Dans ce contexte, le comité organisateur a décidé de moderniser ses systèmes de production de neige artificielle afin de pouvoir répondre plus efficacement aux besoins en cas de températures anormalement élevées cet hiver.
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Un plan italien ambitieux, non pas sans défauts
Si le plan semble rassurant sur papier, sa mise en œuvre comporte néanmoins son lot de défis.
Au-delà des retards chroniques dans l’avancement des travaux et des dépassements budgétaires colossaux (avec des dépenses multipliées au moins par deux par rapport au budget initial), la construction de nouvelles infrastructures en montagne a nécessairement une empreinte environnementale élevée.
Rappelons que les Jeux de Milan-Cortina se dérouleront sur des sites répartis dans quatre zones du nord de l’Italie : Milan, Cortina, la Valtellina et le Val di Fiemme. Ensemble, ces sites couvrent un territoire de plus de 20 000 kilomètres carrés, ce qui en fera les Jeux les plus dispersés de l’histoire. Ainsi, il n’y aura pas un mais plutôt six sites de villégiature pour les athlètes (oui, vous avez bien lu !).
Cela explique sans doute pourquoi la majeure partie du budget est allouée au développement des transports publics, notamment du réseau ferroviaire, afin de faciliter les déplacements entre les différents sites. Les infrastructures sportives, quant à elles, représentent moins du quart du budget total.
De plus, certaines constructions ont fait polémiques. La toute nouvelle piste de bobsleigh à Cortina a, par exemple, été fortement critiquée, du fait qu’elle a entraîné l’abattage de plusieurs centaines d’arbres. Même si l’on reste loin des chiffres observés à Pékin, il n’en demeure pas moins que l’organisation des Jeux perturbe la biodiversité locale.
En ce qui concerne les installations temporaires, le comité s’est engagé à restaurer les écosystèmes et, plus largement, à compenser l’ensemble des émissions résiduelles, notamment par l’achat de crédits carbone. Les plus pessimistes diront cependant que ce qui a été détruit ne pourra jamais être entièrement restauré, et qu’aucune compensation financière ou écologique ne saurait réellement en effacer l’impact.
En termes d’adaptation, notons que la production de neige artificielle, même si optimisée, nécessite beaucoup d’eau et d’énergie, en plus de dégrader la qualité des sols. Ainsi, cette solution, censée pallier les effets du réchauffement, finit paradoxalement par y contribuer. D’où l’importance de mieux penser les solutions d’adaptation.
Enfin, les habitants redoutent un effet d’embourgeoisement. À Milan, l’édification du village olympique a entraîné l’expulsion de résidents, et les loyers prévus une fois le site reconverti en résidence universitaire sont jugés trop élevés. Ainsi, dans une perspective de justice sociale, on peut se demander à qui profiteront réellement les nouvelles installations à plus long terme.
Peut-on parler d’un vrai tournant ?
Dans l’ensemble, la stratégie de Milan-Cortina montre une réelle évolution dans la façon de penser la durabilité des Jeux d’hiver. Les organisateurs ont appris des éditions précédentes et proposent désormais des approches d’autant plus innovantes.
Bien que les émissions de gaz à effet de serre anticipées soient moins élevées qu’à Pékin ou à Pyeongchang, celles de Milan-Cortina demeurent estimées à près d’un million de tonnes de CO₂ équivalent. Dans ce contexte, il reste à espérer que le comité parvienne véritablement à mettre en œuvre l’ensemble des mesures prévues afin d’en compenser la plus grande part possible.
Par ailleurs, la prochaine édition des Jeux d’hiver aura lieu, elle aussi, dans les Alpes, mais cette fois en territoire français. Le tout nouveau comité organisateur des Jeux de 2030 suit sans doute avec attention les choix faits du côté italien, conscient des défis climatiques croissants qui l’attendent.
D’ici là, on peut compter sur les athlètes et para-athlètes, lesquels sont déjà à pied d’œuvre au moment où j’écris ces lignes, pour nous éblouir encore, ne serait-ce le temps d’un instant.
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Alizée Pillod est affiliée au Centre d’Études et de Recherches Internationales de l’UdeM (CERIUM), au Centre de recherche sur les Politiques et le Développement Social (CPDS) et au Centre pour l’Étude de la Citoyenneté Démocratique (CECD). Ses recherches sont subventionnées par les Fonds de Recherche du Québec (FRQ). Alizée a aussi obtenu la Bourse départementale de recrutement en politiques publiques (2021), la Bourse d’excellence en études environnementales Rosdev (2023), ainsi que la Bourse d’excellence en politiques publiques de la Maison des Affaires Publiques et Internationales (2025). Elle a collaboré par le passé avec le consortium Ouranos, le ministère de l’Environnement du Québec et l’INSPQ.
– ref. À moins de trois mois des JO d’hiver, quelles attentes environnementales ? – https://theconversation.com/a-moins-de-trois-mois-des-jo-dhiver-quelles-attentes-environnementales-268141
