Source: The Conversation – in French – By David E Kiwuwa, Associate Professor of International Studies, University of Nottingham
Pour la première fois, les partis d’opposition au Cameroun n’ont jamais été aussi « proches » de renverser Paul Biya, 92 ans, qui dirige le pays depuis 1982.
Le concurrent le plus sérieux de Biya lors des élections de 2025 était Issa Tchiroma Bakary, 76 ans, ancien allié et porte-parole du gouvernement. Il s’est présenté sous la bannière du Front de salut national du Cameroun. Il a obtenu plus de 35 % des voix, soit le deuxième meilleur score jamais obtenu par un candidat de l’opposition depuis que Biya se présente aux élections. Bien qu’il s’agisse de l’un des meilleurs résultats obtenus par les partis d’opposition au Cameroun depuis 1992, l’opposition a souffert de son incapacité à présenter un front uni et un candidat unique.
Biya a une fois de plus triomphé, mais avec une majorité réduite de 53,66 %. Les autres candidats ont obtenu un total combiné de 11 %. En 2018, Paul Biya avait obtenu avec 71,28 % des voix, contre 14,23 % pour Maurice Kamto.
Ce résultat contraste avec la victoire écrasante revendiquée par Bakary aux urnes avec 60 % des voix. Ses affirmations ont été rejetées par la Cour constitutionnelle et la commission électorale.
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La victoire controversée de Biya a donné lieu à des manifestations dans tout le pays et à une répression qui a fait des victimes.
En tant que chercheur et observateur de longue date des politiques africaines, des régimes politiques et de la gouvernance démocratique, je considère que le Cameroun se trouve à un tournant décisif. La victoire de Biya pourrait traduire une forme de résignation silencieuse des Camerounais face à la perspective de voir se poursuivre l’un des règnes présidentiels les plus longs au monde.
Je soutiens que le Cameroun se trouve à un tournant, où le triomphe de Biya pourrait annoncer une résignation « silencieuse » à l’idée de voir se terminer l’un des plus règnes présidentiels au monde. Pour Biya, la liste des défis à relever est longue. Au Cameroun et sur le continent, la démocratie est une fois de plus confrontée à des questions difficiles sans réponses évidentes.
Une opposition divisée
L’élection se jouait à la majorité simple. Biya, souvent qualifié de “propriétaire absent” du Cameroun, en raison de ses longs séjours à l’étranger, n’avait besoin d’un simple soutien pour prolonger son mandat à vie. Son nouveau mandat de sept ans prendra fin en 2032, date à laquelle il aura près de 100 ans.
Malgré une baisse d’environ 20 points de pourcentage de son score, il s’est imposé à nouveau en raison des défis récurrents de l’opposition.
L’incapacité à se rallier autour d’un candidat unique a fait que l’opposition, avec ses 11 candidats, apparaissant divisée.
Avec les institutions de l’État, notamment la Cour constitutionnelle, qui lui sont hostiles, il était évident que l’opposition menait un combat perdu d’avance.
Les défis à relever sont colossaux.
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La voie à suivre
Biya a beaucoup à faire.
Face à un mécontentement croissant, l’une de ses principales priorités est d’assurer la stabilité politique de son régime. Les récents changements de régime forcés en Afrique de l’Ouest, et tout récemment à Madagascar, pourrait le faire réfléchir sur la vulnérabilité de son pouvoir.
Il est possible que des troubles politiques prolongés provoquent un coup d’État, comme ce fut le cas au Gabon. Cela dit, les efforts déployés par Biya pour protéger son régime contre un coup d’État grâce à des militaires loyalistes de la même ethnie, les Betis, semblent lui avoir apporté un certain réconfort. Le sort de nombreux officiers supérieurs serait lié à celui de Biya.
Sa victoire, obtenue avec une majorité affaiblie, oblige Biya à renforcer sa légitimité, aussi bien sur la scène nationale qu’internationale.
Le sud-ouest reste une source de préoccupation. Avec la crise anglophone, causée par la marginalisation perçue du sud-ouest anglophone, toujours en cours, le résultat de l’élection pourrait galvaniser la rébellion dans l’espoir que la reprise des hostilités crée les conditions propices à un règlement du conflit avant le départ de Biya.
Il ne fait aucun doute que Biya est entré dans la dernière ligne droite de sa présidence à vie. Il est inévitable que les rivalités entre les élites politiques pour préparer l’après-Biya vont s’intensifier.
Ces luttes intestines pourraient déstabiliser le régime et entraver sa gouvernance. Des personnalités ambitieuses pourraient abandonner le navire de Biya, comme l’a fait Bakary.
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Pendant la campagne électorale, Biya a promis en particulier aux jeunes Camerounais et aux femmes que « le meilleur reste à venir ». Il était parfaitement conscient du niveau élevé d’insatisfaction et son régime sera contraint de répondre aux attentes.
Selon la Banque mondiale, environ 40 % des Camerounais vivent en dessous du seuil de pauvreté. Le taux de chômage urbain atteint 35 % et de nombreux jeunes diplômés ont des difficultés à trouver un emploi formel.
Une enquête Afrobarometer de 2024 révèle que 51 % des jeunes Camerounais ont déjà envisagé d’émigrer.
Les défis permanents que sont la corruption systémique, la prestation de services, la pauvreté et la lenteur de la croissance persistent. Le niveau de vie du Camerounais moyen n’a pas progressé n’a pas progressé depuis 1986. La manière dont Biya gérera ces défis sera déterminante pour apaiser temporairement la frustration accumulée.
Alors que Biya, âgé de 92 ans, entame un nouveau mandat aux côtés du président de la Cour constitutionnelle, Clément Atangana (84 ans), du chef de cabinet Claude Meka (86 ans), du président du Sénat Marcel Niat (90 ans) et du président de l’Assemblée nationale Cavaye Yegue (85 ans), le Cameroun devrait envisager avec confiance un changement de génération après l’ère Biya.
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David E Kiwuwa does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.
– ref. Cameroun : la présidence à vie de Paul Biya entre dans une phase finale critique – https://theconversation.com/cameroun-la-presidence-a-vie-de-paul-biya-entre-dans-une-phase-finale-critique-268587
