Source: The Conversation – France (in French) – By Sergei Petrovskii, Professor of Applied Mathematics , University of Leicester

Véritable cauchemar du jardinier ou de l’agriculteur, les limaces sont aussi très mystérieuses. Pour aider à minimiser les ravages qu’elles provoquent, des scientifiques ont étudié leurs déplacements.
Presque tous ceux qui ont un jardin savent à quel point les limaces peuvent être nuisibles. Elles demeurent aussi l’un des ravageurs les plus destructeurs pour certaines cultures. Des études montrent ainsi que les rendements de céréales comme le blé, sont considérablement réduits par leur présence. Sur 46 parcelles de céréales à paille, étudiées en Bourgogne-Franche-Comté en 2024, la moitié présentait des signes de ravages provoqués par les limaces à la fin de l’automne.
Mais des recherches récentes sur les déplacements des limaces pourraient aider les agriculteurs à mettre en place des stratégies de prévention contre ces nuisibles qui leur coûtent cher.
Au Royaume-Uni, un rapport publié en 2014 par l’Agriculture and Horticulture Development Board estimait ainsi que les limaces généraient des dépenses allant jusqu’à 100 millions de livres sterling par an, en l’absence de mesures de contrôle efficaces. En France les achats de produits antilimaces ont explosé de 320 % entre 2023 et 2024 pour atteindre 21 millions d’euros, du fait de conditions météorologiques de plus en plus clémentes pour les limaces.
Du côté du consommateur, les limaces agissent également aussi comme un repoussoir : on aime en général pas trop en trouver une dans sa salade.
Gagner sa vie en cultivant des aliments est déjà laborieux en raison de la pénurie de main-d’œuvre, de la hausse des coûts, du changement climatique et d’autres défis. Les fléaux provoqués par les limaces s’ajoutent à tout cela, car il reste difficile de mettre au point des solutions abordables et fiables pour lutter contre ces nuisibles.
Il existe certes des pesticides, mais plusieurs aspects du comportement des limaces font que leur efficacité est aléatoire. Par exemple, la plupart des produits ne ciblent que les limaces actives à la surface ou très près de celle-ci. Or, une grande partie de leur population se trouve à différentes profondeurs dans le sol. En effet, elles se déplacent dans le sol en fonction des conditions météorologiques, des caractéristiques du sol et de plusieurs autres facteurs.
Lorsque les conditions météorologiques sont difficiles, elles peuvent devenir moins actives, rester plus profondément enfouies dans le sol, se cacher dans des endroits dissimulés ou difficiles d’accès, sous des pierres ou dans une végétation dense telle que des touffes d’herbe. Cela donne la fausse impression qu’elles ont disparu, alors qu’elles peuvent réapparaître rapidement et en nombre dès que le temps s’améliore.
Certains pesticides chimiques tels que le métaldéhyde sont également à utiliser avec grande précautions et soumis à une réglementation très stricte en raison de leurs effets néfastes sur l’environnement, en particulier sur les rivières et les lacs.
Plusieurs animaux peuvent eux faire office d’agents de biocontrôle. Certains nématodes, semblent par exemple efficaces, mais les agriculteurs les jugent trop coûteux pour être commercialement viables. Les nématodes sont des créatures microscopiques également connues sous le nom de vers ronds, et certaines espèces peuvent effectivement infecter et tuer des mollusques tels que les limaces. Ils constituent toutefois une bonne option pour les jardiniers, qui ont généralement besoin d’en appliquer beaucoup moins car ils ont un espace plus petit à protéger.
Suivi des groupes de limaces
Pour les agriculteurs, une piste de solution alternative apparaît dans des recherches montrant que la répartition des limaces dans un champ cultivable est inégale. Des études sur les limaces dans les principales cultures, notamment le blé et le colza, ainsi que dans les cultures de couverture et les champs laissés en jachère, ont déjà remarqué qu’on retrouve un grand nombre de limaces dans certaines zones qui étaient collées à d’autres secteurs où les limaces étaient en revanche peu nombreuses. Notre article de 2020 a confirmé cela dans tous les champs cultivés que nous avons étudiés.
De fait, la répartition spatiale des animaux dans leur environnement naturel est rarement uniforme. On pourrait s’attendre à ce que les animaux se rassemblent dans les zones où la densité alimentaire est plus élevée. Mais dans de nombreux cas, les animaux forment des « parcelles » même dans des environnements où les ressources alimentaires sont réparties de manière uniforme. Les chercheurs ne savent pas exactement pourquoi.
Si l’on parvient à prédire les zones à forte densité de limaces, les agriculteurs pourraient dès lors concentrer les pesticides et les nématodes dans ces zones, ce qui serait plus abordable et meilleur pour l’environnement. Une autre étude réalisée en 2020 a montré que cela pourrait aider les agriculteurs à réduire leur utilisation de pesticides d’environ 50 %.

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Cependant, cela n’est possible que si l’emplacement des zones à forte densité de limaces ne change pas beaucoup. Jusqu’à récemment, les informations sur la formation et la pérennité des zones de limaces étaient rares. Notre étude de 2022 a toutefois révélé que des zones stables de concentration de limaces apparaissaient dans toutes les cultures que nous avons étudiées. Ces parcelles se formaient toujours aux mêmes endroits tout au long de la saison de croissance des végétaux et cultures.
Dans le cadre d’un précédent projet de recherche, nous avons équipé des limaces de balises radio afin de suivre leurs déplacements dans les champs. Cette étude a révélé que les limaces présentaient un comportement collectif, ce qui signifie qu’elles circulent différemment lorsqu’elles se déplacent en groupe. Les changements sont subtils. Leur vitesse moyenne et le zigzaguement de base de leurs trajectoires ne changent pas beaucoup. Cependant, en y regardant de plus près, on constate qu’elles effectuent des virages plus serrés et que chaque limace développe une légère préférence dans le sens de ses virages. Elles ont également tendance à se reposer davantage lorsqu’elles sont ensemble.
Nous avons utilisé les données des balises radio pour créer un modèle numérique des populations de limaces que nous avons étudiées. Cela nous a permis d’examiner des facteurs qui seraient difficiles, voire impossibles, à étudier sur le terrain.
Que vous aimiez ou détestiez les limaces, nous devons les comprendre afin d’aider les agriculteurs à produire notre alimentation à tous.
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Keith Walters bénéficie actuellement d’un financement de recherche de la part d’Innovate UK. Par le passé, il a reçu des subventions de recherche du gouvernement britannique, de conseils de recherche, d’organismes de prélèvement industriels et de diverses autres sources.
Natalia Petrovskaya et Sergei Petrovskii ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.
– ref. Pourquoi les limaces sont si difficiles à contrôler dans les champs et les jardins – https://theconversation.com/pourquoi-les-limaces-sont-si-difficiles-a-controler-dans-les-champs-et-les-jardins-267992
