Source: The Conversation – in French – By Rylan Graham, Assistant Professor, University of Northern British Columbia

Les villes canadiennes de taille moyenne, c’est-à-dire celles qui comptent entre 50 000 et 500 000 habitants, ont longtemps été caractérisées comme peu denses, dispersées et décentralisées. Dans ces villes, les voitures dominent, les transports en commun sont limités et les habitants préfèrent l’espace et l’intimité des quartiers suburbains.
Plusieurs problèmes croissants, allant du changement climatique et de la crise du logement abordable au déficit croissant en infrastructures, poussent les municipalités à repenser cette approche.
Les villes adoptent des stratégies de gestion de la croissance qui favorisent la densité et cherchent à limiter, plutôt qu’à encourager, l’étalement urbain. La clé réside dans la densification, une stratégie qui privilégie la construction de nouveaux logements dans les quartiers existants et matures plutôt que l’expansion vers la périphérie de la ville.
Les centres-villes sont souvent au cœur des stratégies de densification, compte tenu de l’abondance de terrains vacants ou sous-utilisés. L’augmentation du nombre d’habitants soutient les efforts de revitalisation du centre-ville, tout en freinant l’étalement urbain.
Cet article fait partie de notre série Nos villes d’hier à demain. Le tissu urbain connait de multiples mutations, avec chacune ses implications culturelles, économiques, sociales et – tout particulièrement en cette année électorale – politiques. Pour éclairer ces divers enjeux, La Conversation invite les chercheuses et chercheurs à aborder l’actualité de nos villes.
Les défis de la densification
Malgré l’adoption de politiques audacieuses, nos recherches montrent que la mise en œuvre reste un défi. En 2013, Regina s’est fixé un objectif de densification exigeant que 30 % des logements construits chaque année soient situés dans les quartiers matures et établis de la ville. Mais entre 2014 et 2021, cet objectif n’a pas été atteint chaque année, et la quasi-totalité de la croissance s’est produite à la périphérie de la ville sous la forme de nouveaux développements suburbains.
Ce décalage n’est pas particulièrement unique et est souvent appelé « écart entre les paroles et les actes », où les résultats du développement diffèrent des intentions. Cela pose de réels défis aux villes qui tentent de passer d’une croissance suburbaine à faible densité à un développement à plus forte densité.
Le Canada étant un pays suburbain, les villes moyennes denses et compactes sont atypiques. Une série d’obstacles renforce encore cette situation, notamment la faible demande pour un mode de vie urbain à forte densité, les difficultés à rassembler des terrains, le vieillissement des infrastructures et les règles et processus d’urbanisme trop rigides qui étouffent l’innovation.
L’incapacité à mettre en œuvre un développement à plus forte densité soulève la question suivante : l’intensification dans les villes de taille moyenne est-elle plus ambitieuse que viable ?
Exemples de réussite
Plusieurs villes de taille moyenne ont récemment connu un succès en matière de densification. Cela s’est traduit par une vague d’activités de développement dans les centres-villes, avec notamment la construction de nouveaux immeubles en copropriété et de tours locatives.
Entre 2016 et 2021, le nombre de résidents du centre-ville dans les villes canadiennes a augmenté de 11 %, dépassant largement la croissance de 4,6 % enregistrée au cours des cinq années précédentes.
Parmi les exemples de réussite, on peut citer Halifax, qui a connu une augmentation de 25 %, soit la croissance la plus rapide du centre-ville au Canada. Kelowna n’est pas loin derrière, avec une augmentation de 23 % de la population résidentielle de son centre-ville.
D’autres villes de taille moyenne, notamment Kingston, Victoria, London, Abbotsford, Kamloops et Moncton, ont également connu une croissance supérieure à la moyenne au cours de cette période. Dans les villes de taille moyenne du Québec, le succès de l’augmentation de la population du centre-ville a été mitigé. Par exemple, Gatineau a connu une croissance importante, la cinquième plus forte du pays avec 17 %. Trois-Rivières, Sherbrooke et Drummondville ont également connu une croissance, bien que plus lente que la moyenne nationale. À l’inverse, Québec et Saguenay ont vu leur population du centre-ville diminuer.
L’évolution des centres-villes
La croissance des centres-villes peut être attribuée à plusieurs facteurs. L’un des plus importants est la qualité de vie dans ces quartiers, autrement dit la présence d’équipements et de services qui répondent aux besoins des habitants. De nombreux centres-villes ont évolué pour répondre principalement aux besoins des employés de bureau pendant la journée, au détriment des résidents qui vivent – ou aimeraient vivre – dans le centre-ville.
La ville Kelowna, en Colombie-Britannique, offre cependant une expérience alternative façonnée par des efforts délibérés pour rendre le centre-ville accueillant pour les résidents. Son tissu urbain se caractérise par une mixité fonctionnelle remarquable : établissements de restauration, cafés, cliniques médicales, installations sportives et même une épicerie proposant l’ensemble des denrées nécessaires au quotidien se côtoient. Cette offre alimentaire complète constitue une exception dans le paysage des villes moyennes, dont de nombreux centres-villes sont devenus des déserts alimentaires.
Les équipements culturels et civiques, notamment la bibliothèque centrale, la mairie, les musées, les galeries et les lieux de divertissement, dont une arène de 7 000 places, se trouvent dans le centre-ville. Le centre-ville borde également le lac Okanagan, offrant ainsi un accès à des équipements récréatifs et naturels. Au-delà de la commodité, la diversité des équipements et des services à Kelowna contribue à rendre le centre-ville dynamique, ce qui est essentiel pour renforcer l’attrait de la vie en centre-ville.

(Nathan Pachal/Flickr), CC BY
D’autres villes peuvent s’inspirer de Kelowna en repensant et en remodelant leur centre-ville pour en faire un quartier urbain dynamique. Drummondville pourrait notamment suivre cet exemple. La ville prévoit de densifier et de verdir son centre-ville, et d’intégrer ce projet à un développement à usage mixte à proximité d’une gare ferroviaire régionale.
Réformer et clarifier les réglementations
Nos recherches montrent que si de nombreux promoteurs soutiennent en principe la densification, ils privilégient souvent les aménagements suburbains à faible densité, car ils offrent des rendements et des processus d’approbation plus prévisibles que les aménagements mixtes du centre-ville. De nombreux promoteurs ne disposent pas non plus de l’expertise nécessaire pour se lancer dans ces projets plus complexes et plus risqués.
Sans surprise, les promoteurs immobiliers des villes de taille moyenne veulent la même chose que ceux des grandes villes : des règles plus claires, des autorisations plus rapides et des incitations financières pour construire des aménagements plus denses dans les endroits préconisés par les urbanistes, comme les centres-villes. Alors que les promoteurs plaident depuis longtemps en faveur de ces changements, les gouvernements réagissent désormais avec plus d’urgence.
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Le fonds d’accélération du logement, introduit par le gouvernement fédéral en 2023, fournit aux municipalités des millions de dollars pour soutenir la construction de logements. En échange, les municipalités ont réformé les règlements de zonage, introduit des incitations fiscales et accéléré le processus d’approbation.
En Colombie-Britannique, une loi provinciale a été adoptée afin d’autoriser jusqu’à quatre logements sur des parcelles qui n’accueillaient auparavant que des maisons individuelles ou jumelées, et jusqu’à six logements sur des terrains plus grands situés dans des zones résidentielles proches des transports en commun. L’obligation d’organiser des audiences publiques pour chaque site a également été supprimée.
Dans les grandes villes de la Colombie-Britannique, une loi a été adoptée afin de supprimer les minimums de stationnement et d’autoriser la construction d’immeubles plus hauts et une densité de logements plus élevée autour des pôles de transport en commun.
Les réformes réglementaires et l’amélioration des processus d’approbation visent à rationaliser le développement. Bien qu’il s’agisse de changements importants pour rendre les villes de taille moyenne plus denses et plus compactes, l’écart entre les idéaux d’urbanisme et les réalités du marché reste important.
Un facteur majeur concerne l’opposition des résidents et des conseillers municipaux, qui s’opposent souvent au développement dense en raison de leurs perceptions et de leurs préoccupations concernant l’augmentation du bruit et du trafic et la baisse de la valeur des propriétés. Cela suggère qu’il y a du travail à faire au-delà des investissements dans les centres-villes et des réformes réglementaires et d’approbation pour faciliter davantage l’intensification.
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Des villes en mutation
Néanmoins, l’essor récent des activités de développement et la croissance démographique des centres-villes – à Halifax, Kelowna et ailleurs – reflètent des étapes importantes dans l’évolution des villes de taille moyenne.
Cela marque une rupture notable avec le discours traditionnel qui décrit ces villes comme des villes à faible densité avec des centres-villes délabrés.
Les développements récents donnent des raisons d’être prudemment optimiste quant à un avenir où les villes de taille moyenne du Canada deviendront plus denses et plus compactes, avec des centres-villes dynamiques et agréables à vivre.
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Rylan Graham reçoit un financement du CRSH et de la British Columbia Real Estate Foundation.
Jeffrey Biggar reçoit des subventions du CRSH, du MITACS et de la province de Nouvelle-Écosse.
– ref. Les villes canadiennes de taille moyenne privilégient une croissance urbaine dense et compacte – https://theconversation.com/les-villes-canadiennes-de-taille-moyenne-privilegient-une-croissance-urbaine-dense-et-compacte-266116
