Source: The Conversation – in French – By Steffie Gallin, Professeur Assistant, Montpellier Business School

Une étude montre que le nombre de suggestions affichées sur les sites de e-commerce compte bien plus que les fameuses étoiles laissées par les autres consommateurs.
Qui n’a jamais acheté un produit en ligne sur un coup de tête ? Un coussin moelleux, une cafetière design ou un gadget apparu comme par magie dans la section « recommandé pour vous ». Si vous vous reconnaissez, vous n’êtes pas seul : la prédominance du e-commerce rend les achats impulsifs (c’est-à-dire soudains) plus fréquents. Un assortiment plus large de produits, des stratégies marketing sophistiquées (incluant par exemple la réalité virtuelle) ou encore les évaluations d’autres consommateurs rendent les espaces en ligne particulièrement propices à ce type d’achat, davantage que les magasins physiques.
Les achats impulsifs sont activement encouragés par la manière dont les sites de e-commerce conçoivent leurs systèmes de recommandation. Dans une recherche, nous montrons que plus nous pensons qu’un algorithme est performant (par rapport à un humain), plus nous lui faisons confiance… et plus nous cliquons sur « ajouter au panier » sans réfléchir. Avec un résultat surprenant : le nombre de suggestions affichées compte bien plus que les fameuses étoiles laissées par les autres clients.
Des algorithmes qui nous connaissent (trop) bien
Les sites e-commerce, comme Amazon, Cdiscount ou Temu, n’affichent pas leurs suggestions par hasard. Leurs algorithmes analysent notre historique de navigation, nos achats passés, et même le moment de la journée où nous naviguons sur leurs sites pour nous proposer des produits sur mesure.
Résultat : des recommandations personnalisées, parfois trop bien ciblées. À titre d’exemple, elles permettent de générer 35 % des ventes d’Amazon. L’âge rentre aussi en ligne de compte : les jeunes adultes semblent effectuer peu de recherche d’informations et ont davantage tendance à céder à des achats impulsifs.
Cocktail gagnant de l’achat impulsif
Le processus qui mène à l’achat impulsif se déroule en deux temps. D’abord, en tant que consommateurs, nous développons une attente de performance : nous sommes convaincus que l’algorithme, capable d’analyser de très nombreuses données, est plus efficace qu’un vendeur humain pour nous proposer le bon produit.
Cette perception de compétence génère de la confiance et c’est cette confiance qui ouvre la porte à l’achat impulsif. Elle nous rend plus réceptifs aux suggestions. Ce besoin de personnalisation est d’ailleurs important : 71 % des acheteurs en ligne se sentent frustrés lorsque le contenu d’un site n’est pas personnalisé. Nous faisons confiance aux algorithmes parque nous croyons en leur supériorité, et cette confiance nous pousse à l’achat spontané.
Trop de choix ? Tant mieux !
Notre recherche s’est également intéressée à la façon dont les recommandations sont présentées : plus il y a de recommandations affichées, plus l’achat impulsif est probable. Comment l’expliquer ? Face à une suggestion unique, notre « radar à manipulation » peut s’activer. L’intention du site semble trop évidente : nous pousser à acheter ce produit en particulier.
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En revanche, une large sélection de recommandations donne une illusion de contrôle et de diversité. L’algorithme ne semble plus essayer de nous vendre un produit, mais plutôt de nous ouvrir un catalogue de possibilités pertinentes, nous laissant a priori l’entière liberté du choix final. Cette abondance de suggestions, loin de nous paralyser, nous rassure et nous incite à explorer… et donc, à potentiellement craquer.
Les notes (des consommateurs) pas si décisives
Contre toute attente, les notes attribuées par les autres consommateurs n’ont pas d’effet sur l’achat impulsif. Cette découverte peut s’expliquer par une forme de lassitude et de méfiance généralisée envers ces systèmes de notation. Les consommateurs sont de plus en plus conscients que ces avis peuvent être biaisés ou manipulés.
Cette méfiance est justifiée : une enquête de la Commission européenne a révélé qu’au moins 55 % des sites de e-commerce examinés enfreignaient les règles sur la transparence des avis. Le consommateur veut bien être conseillé, mais il ne veut pas être manipulé, notamment par les systèmes de recommandation utilisant l’intelligence artificielle.
Un équilibre à trouver
Pour les marques, l’enjeu est de proposer des recommandations nombreuses et crédibles, sans donner l’impression de manipuler. Et pour les consommateurs ? La conclusion n’est pas de se méfier de toute technologie, mais de garder une forme de scepticisme éclairé.
Ces recommandations sont des outils permettant de découvrir des produits, à condition de se souvenir que derrière chaque « recommandé pour vous » se cache une architecture de persuasion pensée pour nous faire cliquer. Et parfois, le clic le plus puissant est celui qui ferme l’onglet.
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Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.
– ref. Les algorithmes nous poussent à faire des achats impulsifs – https://theconversation.com/les-algorithmes-nous-poussent-a-faire-des-achats-impulsifs-264405
