Source: The Conversation – in French – By Donald Rothwell, Professor of International Law, Australian National University
L’armée israélienne a intercepté plusieurs navires de la flottille Global Sumud qui vise à acheminer de l’aide à Gaza. Un certain nombre de personnes se trouvant à bord ont été interpellées, y compris Greta Thunberg.
Ces interceptions ont eu lieu en mer Méditerranée, à 70-80 milles marins au large des côtes de Gaza. Il s’agit d’eaux internationales où le droit international reconnaît la liberté de navigation en haute mer pour tous les navires.
Israël a justifié cette opération en affirmant que la flottille tentait de forcer un « blocus maritime légal » interdisant l’entrée de navires étrangers à Gaza, et ajouté que la flottille était organisée par le Hamas – une accusation que les organisateurs de la flottille réfutent.
Que sont les flottilles d’aide humanitaire à Gaza ?
La flottille mondiale Sumud était au départ composée de plus de 40 bateaux transportant de l’aide humanitaire (nourriture, fournitures médicales et autres articles essentiels), ainsi que plusieurs centaines de parlementaires, d’avocats et de militants provenant de dizaines de pays.
La flottille a quitté l’Espagne à la fin du mois d’août et a traversé la mer en direction de l’est, faisant escale en Tunisie, en Italie et en Grèce. En cours de route, les gouvernements italien et espagnol ont déployé des escortes navales pour assurer la sécurité du convoi.
Les passagers des bateaux ont déclaré avoir été harcelés par des drones à plusieurs endroits au cours du voyage.
« Global Sumud » constitue l’occurrence la plus récente d’un mouvement qui existe depuis plus de 15 ans et qui vise à contester le blocus imposé par Israël à la bande de Gaza depuis 2007.
En mai dernier, le navire Conscience, qui transportait des militants et de l’aide humanitaire à destination de Gaza, a été touché par des explosions au large des côtes de Malte.
En juin, Israël a intercepté le Madleen avec Greta Thunberg et d’autres militants à son bord, puis en juillet le Handala.
Dès 2010, une première flottille emmenant de l’aide humanitaire et des centaines de militants avait tenté de se rendre à Gaza avec à son bord de l’aide humanitaire et des centaines de militants. Des commandos israéliens ont abordé l’un des navires qui la composaient, le Mavi Marmara, battant pavillon turc, ce qui a donné lieu à une violente confrontation qui s’est soldée par la mort de dix militants. Ces décès ont suscité une condamnation généralisée et ont tendu les relations entre Israël et la Turquie pendant des années.
Le blocus maritime de Gaza est-il légal ?
Le droit international relatif aux actions des navires de la flottille et à la capacité d’intervention d’Israël est complexe. Voilà près de 20 ans qu’Israël impose depuis divers types de blocus à la bande de Gaza.
La base juridique des blocus et leur conformité avec le droit international, en particulier le droit de la mer, ont fait l’objet de multiples controverses, comme l’a souligné une enquête de l’ONU menée à la suite de l’incident du Mavi Marmara.
Bien que les relations juridiques entre Israël et Gaza aient varié au cours de cette période, Israël est désormais considéré comme une puissance occupante à Gaza en vertu du droit international.
La codification des rôles des puissances occupantes, établie par la quatrième Convention de Genève en 1949, a été inspirée des obligations juridiques assumées par les puissances alliées en Allemagne et au Japon après la Seconde Guerre mondiale. La Convention de Genève définit un cadre juridique clair pour les puissances occupantes.
Au cours des dernières décennies, Israël a été à la fois une puissance occupante de jure (reconnue par la loi) et de facto en Palestine.
En 2024, la Cour internationale de justice a statué que l’occupation des territoires palestiniens par Israël était illégale au regard du droit international.
En tant que puissance occupante, Israël contrôle tous les accès à Gaza, que ce soit par voie terrestre, aérienne ou maritime. Les camions d’aide humanitaire ne sont autorisés à entrer à Gaza que sous contrôle strict. Les largages d’aide humanitaire effectués par les forces aériennes de pays tiers au cours de ces derniers mois n’ont également été autorisés que sous le contrôle strict d’Israël.
La quantité d’aide arrivée par voie maritime depuis le début de la guerre est très faible, car Israël a sévèrement restreint l’accès maritime à Gaza. Les États-Unis ont construit une jetée flottante au large des côtes pour acheminer l’aide en 2024, mais elle a rapidement été abandonnée en raison de problèmes météorologiques, sécuritaires et techniques.
Toutefois, cet épisode a montré qu’Israël était prêt à autoriser l’acheminement d’aide par la voie maritime provenant de son plus proche allié, les États-Unis. Cette exception au blocus n’a pas été appliquée aux autres acteurs humanitaires.
L’interception de navires en eaux internationales
Bien que l’acheminement d’aide par voie maritime soit actuellement complexe sur le plan juridique, Israël ne dispose que d’une capacité limitée pour perturber les flottilles. La liberté de navigation se trouve au cœur du droit de la mer. À ce titre, la flottille est en droit de naviguer sans entrave en Méditerranée.
Tout harcèlement et toute interception de la flottille dans les eaux internationales de la Méditerranée constituent donc des violations flagrantes du droit international.
Le lieu où les forces israéliennes interceptent et abordent les navires de la flottille est à cet égard déterminant.
Israël peut certainement exercer un contrôle sur les 12 milles marins d’eaux territoriales au large des côtes de Gaza. La fermeture de ces eaux territoriales aux navires étrangers serait justifiée en vertu du droit international en tant que mesure de sécurité, ainsi que pour garantir la sécurité des navires neutres en raison de la guerre en cours.
Mais les organisateurs de la flottille ont déclaré que leurs navires avaient été interceptés à une distance située entre 70 et 80 milles marins des côtes, soit bien avant le début des eaux territoriales de Gaza.
La décision de réaliser cette interception à cet endroit a sans doute été prise pour des raisons opérationnelles. Plus la flottille s’approchait des côtes de Gaza, plus il devenait difficile pour les militaires israéliens d’intercepter chaque navire la composant, augmentant ainsi la possibilité qu’au moins l’un d’eux atteigne les côtes.
Des dizaines de militants à bord des navires auraient été arrêtés et seront placés en détention dans le port israélien d’Ashdod. Ils seront ensuite probablement rapidement expulsés.
Ces personnes bénéficient de protections en vertu du droit international relatif aux droits de l’homme, notamment l’accès à des diplomates étrangers exerçant une protection consulaire pour leurs citoyens.
![]()
Donald Rothwell a reçu des financements de l’Australian Research Council.
– ref. Interception de la flottille humanitaire pour Gaza pour Israël : ce que dit le droit international – https://theconversation.com/interception-de-la-flottille-humanitaire-pour-gaza-pour-israel-ce-que-dit-le-droit-international-266625
