Source: The Conversation – in French – By François L’Italien, Professeur associé, sociologie, Université Laval

Le vieillissement de la population québécoise et canadienne, combiné à l’allongement de l’espérance de vie, représente un véritable défi pour nos régimes de retraite.
Les retraités actuels et futurs courent le risque de voir certaines de leurs sources de revenus diminuer, ou, dans le meilleur des cas, stagner.
L’espérance de vie a beaucoup augmenté, atteignant 86 ans en 2021 pour les personnes atteignant l’âge de 65 ans, contre 78 ans en 1927, selon une étude de Retraite Québec.
En tant que coordonnateur de l’Observatoire de la retraite, je suis préoccupé par le déclin des régimes à prestations déterminées (RPD), car cela fragilise les revenus des futurs retraités. Les régimes à prestations déterminées versent des rentes pour toute la vie des retraités, jusqu’au décès.
Cet article fait partie de notre série La Révolution grise. La Conversation vous propose d’analyser sous toutes ses facettes l’impact du vieillissement de l’imposante cohorte des boomers sur notre société, qu’ils transforment depuis leur venue au monde. Manières de se loger, de travailler, de consommer la culture, de s’alimenter, de voyager, de se soigner, de vivre… découvrez avec nous les bouleversements en cours, et à venir.
Le système de retraite
Il faut voir le système de retraite comme une maison à trois ou à quatre étages. Au Québec, les deux premiers étages représentent le programme de la Sécurité de la vieillesse et le Régime de rentes du Québec. Ces deux régimes permettent au retraité de recevoir des rentes jusqu’à son décès. Ces rentes sont garanties et indexées chaque année en fonction de l’Indice des prix à la consommation.
Quant au troisième étage, il renferme différents types de régimes.
Outre les produits d’épargne individuels, comme les Régimes enregistrés d’épargne-retraite (REÉR) ou les Comptes d’épargne libre d’impôts (CÉLI), les régimes collectifs sont présents dans certains milieux de travail afin que les personnes salariées puissent cotiser et, à leur retraite, jouir d’un revenu de retraite. Les deux grandes familles de régimes collectifs sont les régimes à cotisations déterminées (RCD) et les régimes à prestations déterminées (RPD).
Les produits d’épargne individuelle et certains régimes d’employeurs, comme les RCD, permettent aux personnes salariées d’accumuler un capital qui sera décaissé durant la retraite. Le décaissement se fait avec des produits offerts par les compagnies d’assurance ou les institutions financières privées. Les individus sont responsables de leur patrimoine, doivent gérer leur argent et assumer les risques de manière individuelle.
Mais il faut savoir qu’environ la moitié des personnes qui travaillent ne bénéficient pas d’un régime de retraite collectif, ni d’un REÉR.
Le remplacement des RPD par les RCD
Le problème, depuis quelques décennies, est la diminution de la proportion de personnes travaillant dans le secteur privé qui sont couvertes par des RPD. Cela fait en sorte que davantage de personnes salariées doivent se fier sur l’épargne individuelle ou des RCD pour financer leur retraite. Ces personnes sont donc financièrement vulnérables et doivent assumer les risques liés au décaissement de leur épargne, comme celui qu’il n’y ait pas suffisamment d’argent jusqu’à la fin de leurs jours.
Avec l’allongement de l’espérance de vie, les personnes nouvellement retraitées doivent planifier le décaissement de leur patrimoine issu de l’épargne individuelle ou des rentes de cotisations déterminées sur une plus longue période de temps.
Allongement de l’espérance de vie et décaissement
Quels peuvent être les impacts de cette situation ? Avec un décaissement réparti sur une plus longue période de temps, les montants mensuels pouvant être versés sont plus faibles. Par exemple, pour un même niveau de patrimoine (par exemple 400 000 $), les montants mensuels versés sur 15 ans peuvent être supérieurs à ceux versés sur un horizon de 25 ans.
Déjà des milliers d’abonnés à l’infolettre de La Conversation. Et vous ? Abonnez-vous gratuitement à notre infolettre pour mieux comprendre les grands enjeux contemporains.
Les personnes retraitées pourraient par ailleurs vivre plus longtemps que la période prévue de décaissement, avec pour résultat que certaines sources de revenus se tariront ou diminueront fortement. Des difficultés financières peuvent ainsi apparaître à la fin de la vie, et des décisions difficiles pourraient devoir être prises alors que les capacités cognitives des personnes retraitées déclinent.
Une idée pour les RCD
Des actions ont déjà été entreprises par les organismes de contrôle et de supervision en matière de retraite pour faire bénéficier de rentes à vie les participants à des RCD. Le projet de loi no 80 préparé par Retraite Québec et adopté en 2024 permet aux RCD de mettre en place des modalités de décaissement versant des rentes pour toute la vie de la personne retraitée.
Cette année-là, le Québec a emboîté le pas au gouvernement fédéral en légiférant pour que les RCD puissent verser des rentes à vie.
L’une des limites de ces régimes qui offrent des rentes versées à vie est que la petite taille de l’actif du régime ne permettra pas de faire diminuer les frais de gestion. De manière générale, plus l’actif à gérer est important, plus ils diminuent.
Nous pourrions aller plus loin. Le Royaume-Uni, par exemple, a mis en place le National Employment Savings Trust (NEST) en 2012 afin de recueillir et de gérer les cotisations des personnes salariées n’ayant pas de régime de retraite offert dans leurs milieux de travail. Les salariés et les employeurs y versent les cotisations. Les frais de gestion du NEST sont de 1,8 % pour les cotisations et de 0,3 % de l’actif sous gestion.
L’intérêt pour ce type de formule publique dans un contexte d’allongement d’espérance de vie est que les frais de gestion sont, de manière générale, plus faibles que dans le secteur privé.
Le patrimoine accumulé dans cet organisme grâce aux cotisations peut être retiré graduellement pour toute la vie, tout en permettant de sortir de l’argent dans les cas d’urgence. Il s’agit d’une approche plus structurante dont le Québec et les provinces canadiennes pourraient s’inspirer pour améliorer les modalités de décaissement des régimes à cotisations déterminées.
Une idée pour les régimes publics
Les régimes publics du Québec et du Canada (le premier et le deuxième étage du SRR) versent des rentes indexées selon l’Indice des prix à la consommation. Cependant, d’autres méthodes d’indexation existent ailleurs dans le monde. Par exemple, certains pays indexent les rentes des régimes publics en fonction des salaires ou du coût de la vie.
Plusieurs organismes ont déjà proposé que les rentes des régimes publics canadiens et québécois soient indexées en fonction de la hausse du salaire moyen plutôt que de l’Indice des prix à la consommation. Cela ferait en sorte que les rentes augmenteraient plus rapidement, puisque les salaires augmentent plus rapidement que l’inflation.
Une méthode d’indexation plus avantageuse pour les personnes retraitées est celle utilisée au Royaume-Uni. Elle consiste à indexer les rentes du plus élevé de ces facteurs : les prix à la consommation, les salaires ou 2,5 %. Elle a été surnommée Triple Lock.
Selon cette méthode d’indexation appliquée au Régime de rentes du Québec, calculée par l’institut de recherche et d’informations socioéconomiques, les rentes du RRQ auraient augmenté plus rapidement avec la méthode d’indexation du Royaume-Uni que de celle du Canada.
Des solutions existent donc afin de bonifier les modalités de décaissement des régimes à cotisations déterminées, ainsi que la méthode d’indexation des régimes publics.
Je remercie Riel Michaud-Beaudry, chercheur de l’Observatoire, pour sa relecture et ses commentaires.
![]()
François L’Italien est coordonnateur de l’Observatoire de la retraite directeur adjoint de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC). Le financement de l’Observatoire de la retraite et de l’IREC provient d’organismes variés comme des associations de retraités ou de travailleurs et de Fonds de travailleurs.
– ref. Comment adapter nos régimes de retraite à la nouvelle longévité – https://theconversation.com/comment-adapter-nos-regimes-de-retraite-a-la-nouvelle-longevite-250342
