À Montréal, même en doublant les pistes cyclables, les voitures conserveraient 90 % de la chaussée

Source: The Conversation – in French – By Daniel Romm, PhD Candidate, Geography, McGill University

Montréal est souvent considérée comme la ville la plus « favorable au vélo » en Amérique du Nord. Pourtant, nos recherches montrent que seulement 2,3 % de la chaussée est dédiée aux vélos, alors que les voitures occupent les 97,7 % restants de l’espace.

Nous avons mesuré l’espace routier par type d’infrastructure et comparé aux modes de déplacement. Résultat : les vélos représentent 4,9 % des déplacements, contre 95,1 % pour les voitures.

Les propositions de création ou d’extension de pistes cyclables se heurtent souvent à une vive opposition ou à des réactions négatives, dans un phénomène appelé « bikelash », les automobilistes étant réticents à céder de l’espace sur la chaussée.

Pourtant, notre étude révèle que l’espace est tellement biaisé en faveur des voitures qu’on peut doubler les pistes cyclables sans réduire de façon significative l’espace pour les automobilistes.

Après tout, le vélo est incroyablement efficace en termes d’espace. Même si toutes les infrastructures cyclables étaient doublées, les voitures conserveraient toujours au moins 90 % de la chaussée dans tous les arrondissements.

Partager l’espace

Nos recherches présentent plusieurs mesures d’allocation spatiale. La première, et la plus simple est l’espace consacré à une infrastructure de transport spécifique.

Nous avons constaté que 97,7 % de l’espace routier était consacré aux voitures et 2,3 % aux vélos. Lorsque nous avons inclus les trottoirs, 79,6 % de l’espace était occupé par les voitures, 18,8 % par les trottoirs et seulement 1,6 % par les vélos.

Les arrondissements les plus associés au cyclisme ont tendance à consacrer davantage d’espace aux infrastructures cyclables. À Montréal, Le Plateau-Mont-Royal, un quartier considéré comme branché et favorable au vélo, arrive en tête avec 4,7 %.

Proportions allouées

La deuxième mesure que nous utilisons est l’espace par voyageur et par mode de transport.

Dans le Plateau-Mont-Royal, où 21,9 % des trajets se font à vélo, nous constatons que les automobilistes disposent de 3,4 m2 par voyageur, tandis que les cyclistes n’ont que 1,5 m2 par voyageur. Cette mesure permet de comprendre la relation entre l’espace disponible et le nombre de voyageurs par mode de transport.

Nous pouvons également présenter cela comme l’écart entre l’espace alloué aux infrastructures cyclables et la proportion de cyclistes, ce qui illustre les déséquilibres entre infrastructure et pratique réelle dans chaque arrondissement.

Nous avons développé le score d’allocation équitable des infrastructures (EIA) afin de comprendre comment l’espace par voyageur pour un mode de transport se compare à celui d’un autre. Nous avons utilisé l’EIA pour comparer l’espace par cycliste à l’espace par automobiliste : lorsque l’EIA est égal à zéro, les automobilistes et les cyclistes se voient attribuer le même espace par voyageur. Lorsque l’EIA est inférieur à zéro, l’espace est biaisé en faveur de l’automobile.

Grâce à l’EIA, nous avons constaté que neuf des 19 arrondissements de Montréal présentent une inégalité spatiale en faveur des voitures ; Le Plateau a obtenu le pire score, avec -0,55.

Doubler les voies

Ces mesures peuvent également être modélisées pour des changements potentiels d’infrastructure, tels que l’installation d’une nouvelle série de pistes cyclables, afin de mieux communiquer sur l’impact de tels projets sur l’espace.

En avril 2024, le système de vélos en libre-service BIXI de Montréal comptait plus de 11 000 vélos répartis dans 900 stations. Cela représente beaucoup de vélos, mais comme ils sont très peu encombrants, l’espace total utilisé par BIXI à Montréal n’est que de 0,021 km2. Si BIXI doublait le nombre de vélos et de stations, l’espace occupé par les voitures par voyageur diminuerait de 0,003 m2.

Nous avons modélisé ce qui se passerait si nous doublions toutes les infrastructures cyclables à Montréal. Nous avons constaté que l’espace pour les vélos augmenterait de 4,4 m2 par voyageur, tandis que l’espace pour les automobilistes diminuerait de 0,2 m2.

Dans le Plateau, les automobilistes ne perdraient que 0,15 m2 par voyageur, et dans toute la ville, tous les arrondissements sauf deux auraient des scores EIA positifs.

Le déséquilibre actuel de l’espace par voyageur est tellement favorable aux voitures que les projets d’infrastructures cyclables améliorent la situation spatiale des cyclistes dans une bien plus grande mesure qu’ils ne détériorent l’allocation spatiale pour les automobilistes.

Il existe de nombreuses raisons bien établies pour améliorer les infrastructures cyclables et encourager les modes de transport durables, notamment la réduction du nombre de décès liés aux accidents de voiture.

Nos conclusions corroborent cette affirmation, en mettant en évidence une forte corrélation entre l’augmentation des infrastructures cyclables et la diminution du nombre de collisions entre voitures et vélos.

Faire face à l’opposition

Les projets d’infrastructures cyclables se heurtent souvent à une opposition farouche et bien ancrée. Nos recherches fournissent aux urbanistes, décideurs, défenseurs et chercheurs des outils pour évaluer la situation spatiale actuelle et illustrer l’effet de scénarios alternatifs.

Dans notre étude sur les rues de Montréal, nous avons constaté que même avec des améliorations des infrastructures cyclables à une échelle bien plus importante que tout ce qui est proposé aujourd’hui, l’espace routier reste favorable aux voitures.

La Conversation Canada

Daniel Romm reçoit un financement du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH)

ref. À Montréal, même en doublant les pistes cyclables, les voitures conserveraient 90 % de la chaussée – https://theconversation.com/a-montreal-meme-en-doublant-les-pistes-cyclables-les-voitures-conserveraient-90-de-la-chaussee-265541