La France a organisé la première Assemblée de la Terre, voici pourquoi elle est pionnière

Source: The Conversation – in French – By Caroline Regad-Riot, Enseignant-chercheur, faculté de droit de l’Université de Toulon, Aix-Marseille Université (AMU)

Logo de l’Assemblée de la Terre-France. Fourni par l’auteur

C’est une première mondiale : à Toulon (Var), en juillet 2025, a eu lieu la première Assemblée de la Terre. Mêlant société civile et scientifiques, elle a pour but de décloisonner les approches pour repenser les moyens d’atteindre les objectifs de développement durable de manière écocentrée.


Le 2 juillet 2025 a marqué une date historique pour de nouveaux équilibres entre les humains, les animaux et la nature : la France a lancé la toute première Assemblée de la Terre d’envergure nationale. Cet événement pionnier, dans le prolongement des résolutions et des rapports sur l’harmonie avec la nature de l’Organisation des Nations unies (ONU), pourra servir de modèle dans le monde entier, la France ouvrant résolument la voie.

Conçue pour refonder les objectifs de développement durable (ODD) en vue du Sommet de la Terre de 2030, l’Assemblée de la Terre – France mise sur une approche participative, alliant la conscience citoyenne et la rigueur scientifique.

Un vaste et complexe travail de fond démarre à présent, échelonné sur plusieurs années, destiné à structurer l’espoir et à dessiner l’avenir de notre planète.

Les ODD, dix ans déjà et un bilan mitigé

Adoptés en 2015 et assortis de 169 cibles, les 17 Objectifs de développement durable (ODD) s’inscrivent dans l’Agenda 2030. Porteurs d’une vision à la fois globale et universelle, ils abordent des thèmes transversaux cruciaux, de l’éradication de la pauvreté à l’accès à des emplois décents, en passant par l’innovation, les infrastructures et la lutte contre le changement climatique.

Cependant, malgré leur ambition affichée, les ODD se heurtent aujourd’hui à un bilan mitigé. La complexité de leur mise en œuvre est apparue au grand jour, révélant un caractère parfois dispersé et un manque d’efficacité opérationnelle qui freinent leur pleine réalisation.

La nature transversale des objectifs est une difficulté notable. Par exemple, l’ODD 14 sur la vie aquatique peut impliquer des mesures relatives à la lutte contre le changement climatique qui, pour sa part, relève de l’ODD 13. Cette dépendance illustre la difficulté à isoler les problématiques et, plus fondamentalement, interroge la pertinence d’approches segmentées au regard de défis interconnectés. Leur nombre et leur rédaction peuvent aussi interroger.

En conséquence, l’ensemble de ces facteurs laisse présager un échec. Selon le rapport du Sustainable Development Solutions Network, aucun des ODD ne sera atteint d’ici à 2030.

Banderole de l’Assemblée de la Terre-France.
Fourni par l’auteur

L’Assemblée de la Terre – France ouvre la voie

Dans ce contexte, des Assemblées de la Terre sont appelées à se constituer dans différents pays. Elles s’inscrivent dans le prolongement des résolutions et des rapports sur l’harmonie avec la nature de l’ONU et sont désignées, à l’international, sous l’acronyme AMAT, en écho à l’espagnol Asamblea de la MAdre Tierra.

En France, l’organisation de l’Assemblée de la Terre est le fruit d’une coordination scientifique menée par des enseignants-chercheurs de l’Université de Toulon (Var), sélectionnés pour leurs travaux et l’expérience acquise avec le programme onusien précédent Harmony with Nature (HwN) : le juriste Cédric Riot ainsi que moi-même. Nous nous joignons progressivement les compétences d’autres spécialistes.

Cette démarche est guidée par un principe fondamental : la science est au cœur de l’Assemblée de la Terre – France dont l’objectif est de « semer les graines du futur », en proposant de façonner, « un modèle pour un avenir en harmonie avec la nature ».

Une assemblée participative alliant la rigueur scientifique et la conscience citoyenne

L’Assemblée de la Terre – France : une structuration par cercles concentriques.
Fourni par l’auteur

L’Assemblée de la Terre – France se structure par cercles concentriques autour de l’organe scientifique avec :

  • des personnes qualifiées, identifiées sur des critères académiques. Ces experts apportent leur savoir scientifique pointu et leur expertise sur les thèmes des ODD en adéquation avec leurs compétences ;

  • des personnes intéressées qui œuvrent ou qui ont déjà œuvré pour une approche écocentrée : institutions publiques ou privées, associations, personnes physiques prêtes à participer à l’effort de réflexion, par exemple, par la remontée d’informations locales ;

  • des observateurs volontaires qui sont les citoyens intéressés par le sujet.

Le cadencement stratégique de la feuille de route

Un cadencement stratégique du calendrier de l’Assemblée de la Terre – France.
Fourni par l’auteur

L’Assemblée de la Terre – France abordera ses travaux autour de trois thématiques principales, chacune explorée en une année.

Le cycle débutera avec la nature (biodiversité et écosystème, climat, eau, interdépendance des formes de vie…) pour la période 2025-2026, suivie des objectifs sociétaux (éducation, villes et communautés durables, santé et bien-être…) en 2026-2027, puis des objectifs économiques en 2027-2028. Chaque année, les conclusions et les avancées seront présentées lors d’une restitution solennelle, fixée au début du mois de juillet.

En 2029, une rencontre dite « régionale » (pour la France, cela signifie au niveau européen) permettra de coordonner les ultimes efforts avant le Sommet de la Terre de 2030.

Les ateliers se dérouleront pendant l’année en distanciel. La périodicité des rencontres sera ajustée en fonction des besoins du projet. Les inscriptions restent ouvertes sur la page Internet ad hoc.

La première Assemblée de la Terre nationale

Le 2 juillet 2025, la France a ainsi franchi une étape décisive, s’affirmant comme pionnière à plusieurs égards. La rediffusion de l’événement est disponible ici.

L’Assemblée de la Terre – France est non seulement la première de ce type à voir le jour au niveau mondial, mais son architecture est également conçue pour servir de modèle aux autres Assemblées de la Terre à l’étranger : l’Allemagne, le Brésil, l’Espagne, l’Équateur, les États-Unis, le Mexique, le Pays basque notamment se sont déjà manifestés en ce sens. De futurs coordinateurs de ces pays ont d’ores et déjà félicité l’initiative pionnière française et adressé leurs lettres officielles d’intention.

Dynamiser les ODD

L’Assemblée de la Terre se distingue par son approche plurielle, qui vise à surmonter les obstacles rencontrés dans la mise en œuvre des ODD. Cette stratégie repose sur plusieurs axes.

D’abord, la pluralité des voix : l’Assemblée est conçue comme une plateforme participative, intégrant non seulement des experts, mais aussi des citoyens et des acteurs de terrain. Cette inclusion favorise l’échange d’idées et la prise en compte de perspectives diverses, créant ainsi des solutions plus robustes et largement acceptées.

Ensuite, la pluralité des disciplines convoquées à l’Assemblée de la Terre est un autre facteur déterminant. Les défis de l’anthropocène sont par nature interconnectés. L’Assemblée y répond par une approche multidisciplinaire, rassemblant des experts de différents domaines (océanographes, éthologues, juristes, philosophes, médecins, vétérinaires, etc.) pour croiser leurs connaissances et élaborer des solutions qui traitent les problèmes dans leur globalité, plutôt que de manière isolée.

En outre, l’Assemblée de la Terre appelle à la pluralité des idées et de la pratique. Elle combine la réflexion théorique et l’action concrète. Elle ne se limite pas à des discussions académiques ; elle encourage également la remontée d’informations issues du terrain. Cet échange bidirectionnel entre les savoirs experts et les réalités locales est crucial. C’est en faisant circuler les idées entre tous les acteurs que des solutions efficaces et innovantes peuvent émerger.

En conséquence, l’Assemblée de la Terre – France dynamise les ODD en brisant les silos, en favorisant le dialogue entre différents savoirs et en ancrant la réflexion dans les réalités du terrain, tout en restant guidée par le savoir scientifique.

L’horizon 2030 et le Sommet de la Terre

Dans l’infographie officielle, les ODD sont représentés sous forme de roue, symbole d’un progrès harmonieux. Celle-ci est aujourd’hui confrontée à l’urgence d’une profonde métamorphose. Loin de s’arrêter, cette roue roule toujours plus vite, non pas pour conserver sa forme initiale, mais pour se dissoudre et se muer en un nouveau symbole : le buisson de la vie.

C’est le sens de la séquence, profondément symbolique, insérée dans le teaser et d’autres documents de communication audiovisuelle de l’Assemblée de la Terre – France, où la roue du logo des ODD se détache, tourne et se transforme en buisson de la vie.

La roue des ODD se détache et se transforme en buisson de la vie.
Fourni par l’auteur

Le buisson de la vie, symbole inspirant des Assemblées de la Terre – France, incarne un profond changement de paradigme. En s’appuyant sur les découvertes de la phylogénétique, il replace l’être humain non pas au sommet d’une pyramide, mais comme partie intégrante d’une communauté du vivant où toutes les formes de vie sont intrinsèquement liées. Cette approche résolument écocentrée et planéto-centrée (Earth-centered), loin de tout anthropocentrisme, guidera les réflexions et les travaux des Assemblées de la Terre – France. Et en cela, elle est également novatrice.

Logo de l’Assemblée de la Terre – France.
Fourni par l’auteur

Comment structurer l’espoir ?

D’autres Assemblées de la Terre devraient voir le jour en s’inspirant, selon leurs besoins, du modèle français. La fondatrice du programme onusien Maria Mercedes Sanchez, lors du lancement officiel, a solennellement affirmé :

« Je veillerai personnellement à transmettre aux experts situés à l’étranger tous les documents et modèles utiles que l’Assemblée de la Terre – France a déjà forgés et qu’elle complétera au fur et à mesure. »

La suite reste donc à écrire.

Voilà la science en quelque sorte replacée au milieu du village global, avec les idées nouvelles de multidisciplinarité et de multiculturalisme que comportent les Assemblées de la Terre.

Il est temps d’ouvrir un chapitre nouveau pour un avenir plus juste et profondément écocentré, dessinant les contours d’une « Cosmopolis » où humains, animaux, nature pourraient vivre en harmonie, actant une (r) évolution du droit du vivant.

The Conversation

Caroline Regad est experte auprès du programme Harmony with Nature de l’Organisation des Nations-Unies. Elle a été désignée coordinatrice de l’Assemblée de la Terre – France.

ref. La France a organisé la première Assemblée de la Terre, voici pourquoi elle est pionnière – https://theconversation.com/la-france-a-organise-la-premiere-assemblee-de-la-terre-voici-pourquoi-elle-est-pionniere-261415