Le dernier accord de paix vacille en RDC : pourquoi ces échecs à répétition

Source: The Conversation – in French – By Kristof Titeca, Professor in International Development, University of Antwerp

Une série d’initiatives de paix lancées depuis 2021 ont cherché à remédier à l’escalade du conflit dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) à la suite d’une nouvelle offensive du groupe rebelle M23.

Les origines de cette crise remontent à la première guerre du Congo en 1996. Depuis lors, l’intensité du conflit dans l’est de la RDC a connu des hauts et des bas. L’offensive actuelle du M23 représente l’une de ses phases les plus violentes.

Au cours de près de trois décennies, de nombreux efforts de paix ont été entrepris, mais aucune intervention locale, régionale ou internationale n’a réussi à instaurer une stabilité durable. Elles n’ont surtout pas réussi à s’attaquer aux dynamiques profondes qui sous-tendent cette violence dans l’est du pays, riche en minerais, où au moins 120 groupes armés seraient actifs.

Parmi ces efforts récents, on peut citer le processus de Nairobi lancé en avril 2022 par la Communauté de l’Afrique de l’Est, et le processus de Luanda en juin de la même année, lancé par le président angolais João Lourenço.

La Communauté d’Afrique de l’Est a déployé sa force régionale en RDC en novembre 2022. Elle a été suivie par la Communauté de développement de l’Afrique australe, qui a déployé des troupes en décembre 2023. Ces troupes se sont retirées respectivement en 2023 et 2025.

Plus récemment, des pourparlers de paix ont eu lieu à Doha, après une rencontre entre les présidents du Congo et du Rwanda en mars 2025. Les États-Unis ont joué le rôle de médiateur à Washington à partir d’avril 2025.

Le conflit a continué de s’intensifier. Plus de 7,8 millions de personnes sont désormais déplacées à l’intérieur de la RDC orientale. Environ 28 millions de personnes supplémentaires sont confrontées à l’insécurité alimentaire, dont près de quatre millions se trouvent dans une situation d’urgence.

Pourquoi tous ces processus de paix n’ont-ils pas réussi à instaurer la stabilité et que pourrait-on faire pour les renforcer ?

J’ai étudié les dynamiques des conflits en Afrique centrale pendant des décennies et, à mon avis, la persistance des conflits dans l’est de la RDC n’est pas due à un manque d’initiatives de paix. Je soutiens que certaines initiatives souffrent d’une conception défaillante, d’autres d’une mise en œuvre difficile, et certaines d’une combinaison des deux.

Une profonde méfiance, des engagements au point mort, l’exclusion d’acteurs clés, des efforts de médiation fragmentés, une importance excessive accordée aux incitations économiques et une faible légitimité nationale ont entravé les progrès.

Idéalement, les processus de paix devraient remédier de manière globale à ces lacunes et jeter les bases d’une stabilité durable.

Mais les conditions idéales sont rares.

Le défi consiste donc à recourir à une diplomatie soutenue pour rendre les cadres imparfaits actuels plus efficaces, tout en instaurant progressivement la confiance et l’inclusivité nécessaires à une paix plus durable.

Ce qui a mal tourné

1. Profonde méfiance entre les parties

Depuis 2021, les processus de paix se sont concentrés sur les négociations de paix entre le gouvernement de la RDC, les représentants du M23 (et leur branche politique Alliance Fleuve Congo) et le gouvernement rwandais. L’ONU et de nombreux autres acteurs ont montré que le Rwanda soutenait le M23, une accusation que Kigali niée à plusieurs reprises.

Au cœur de l’échec de ces processus se trouve un profond manque de confiance. Les relations entre Kinshasa, le M23 et Kigali sont marquées par l’hostilité, la méfiance mutuelle et les promesses non tenues.

De plus, le M23, l’Alliance Fleuve Congo et le Rwanda ne peuvent être considérés comme des acteurs interchangeables. Parmi ces acteurs, des divergences subsistent quant aux objectifs ultimes de la rébellion : marcher sur Kinshasa, prendre le contrôle des territoires clés de l’est du pays ou renforcer leur influence à travers les structures étatiques congolaises plutôt que par le biais d’une administration séparée de facto.

Les atrocités qui continuent d’être commises sur le terrain renforcent la méfiance. Des rapports récents de l’ONU, Human Rights Watch et Amnesty International documentent les meurtres et les exécutions sommaires continus de civils congolais par les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda, soulevant des inquiétudes de nettoyage ethnique. Ces atrocités s’ajoutent aux abus commis par les forces congolaises et les milices alliées (regroupées sous le nom de Wazalendo).

2. Mesures de mise en œuvre insuffisantes

En raison de cette méfiance, les parties hésitent à faire le premier pas dans la mise en œuvre des accords. La Déclaration de principes de Doha du 19 juillet 2025, par exemple, engageait les deux parties à procéder à des échanges de prisonniers et à rétablir l’autorité de l’État dans les zones contrôlées par les rebelles. Cependant, Kinshasa a refusé d’échanger des prisonniers avant un règlement définitif, une condition que le M23 considérait comme essentielle.

3. Échec à inclure tous les acteurs régionaux

La guerre dans l’est de la RDC implique plusieurs États voisins. L’Ouganda, en particulier, dispose d’une présence militaire importante et partage les préoccupations et les motivations du Rwanda : tous deux considèrent la région comme une menace pour la sécurité et une opportunité économique, notamment grâce aux exportations d’or et au commerce transfrontalier. Pourtant, l’Ouganda a été exclu de certaines négociations.

Début août 2025, les États africains ont annoncé qu’ils fusionneraient les structures de médiation de la Communauté de l’Afrique de l’Est, de la Communauté de développement de l’Afrique australe et de l’Union africaine en un processus consolidé dirigé par l’Union africaine. Cela pourrait potentiellement impliquer ces acteurs régionaux, en particulier l’Ouganda.

4. Duplication et fragmentation des initiatives

Depuis la reprise du conflit en 2021, un problème récurrent est la prolifération d’initiatives de paix parallèles et qui se chevauchent. Elles impliquent divers acteurs et manquent souvent de cohérence.

5. Le rôle et les limites de la pression extérieure

Le succès des négociations dépend dans une certaine mesure de la marge de manœuvre diplomatique dont disposent les acteurs de la médiation.

Dans le contexte actuel, la pression exercée par les États-Unis est essentielle. Et en effet, à la lumière de la reprise des combats à la mi-août 2025, les États-Unis ont publié une série de déclarations et de sanctions contre les parties impliquées, principalement le M23. Cependant, les attentes d’une intervention musclée des États-Unis, y compris l’idée irréaliste d’un « déploiement de troupes américaines sur le terrain », ont suscité la déception de nombreux acteurs, en particulier en RDC.

6. Les incitations économiques ne suffisent pas

Le processus de Washington a mis fortement l’accent sur la promotion du commerce avec les États-Unis, présentant la croissance économique comme une voie vers la stabilité. Mais la paix nécessite plus que des accords économiques. Cette approche risque de réduire un conflit multidimensionnel, enraciné dans des griefs politiques, sécuritaires et sociaux, à une question de marchés. Elle risque également de donner la priorité aux intérêts économiques américains plutôt que de répondre aux réalités locales.

7. Faible légitimité interne

Enfin, la légitimité des accords de paix actuels en RDC reste contestée. L’intensification du conflit a coïncidé avec une montée des critiques internes à l’encontre du président Félix Tshisekedi, dont l’autorité a été sapée par son incapacité à mettre fin à la violence. Les accords ont été critiqués par la société civile congolaise comme étant dictés par l’extérieur et insuffisamment inclusifs. Ils n’ont pas été ratifiés par le Parlement et n’ont pas impliqué la société civile ni les acteurs locaux.

Que faut-il changer ?

L’est de la RDC reste en proie à des conflits malgré les initiatives de paix. Les promesses non tenues, la mise en œuvre insuffisante et la profonde méfiance freinent les progrès. Les incitations économiques ne peuvent à elles seules résoudre une crise qui trouve ses racines dans des enjeux politiques, la sécurité et les revendications sociales.

Les puissances extérieures ne peuvent qu’exercer une influence. Une paix durable doit être négociée et approuvée par les parties elles-mêmes. Sans un soutien plus large, les processus de paix risquent de ne servir que de mécanismes d’apaisement, et non de véritables voies vers une résolution.

The Conversation

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