Source: The Conversation – in French – By Frédéric N. Daussin, Professeur d’Université en STAPS, Université de Lille
Des travaux de recherches émergents s’intéressent aux liens entre, d’une part, les dépenses énergétiques du corps humain et, d’autre part, la longévité ou encore la survenue de certaines pathologies. Une bonne gestion de l’énergie dont dispose l’organisme – par le sommeil, par la pratique d’une activité physique comme le yoga et par les interactions sociales – pourrait avoir un impact positif sur la santé.
L’énergie est l’élément vital pour la vie de l’être humain. Elle alimente toutes les réactions cellulaires nécessaires à notre bon fonctionnement, pour faire battre notre cœur, respirer, penser ou bouger.
L’énergie transformée de la nourriture que l’on mange en molécules d’ATP au sein de nos cellules provient d’organites appelés mitochondries.
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Les mitochondries sont principalement connues pour leur capacité à fournir l’énergie mais elles participent également à d’autres processus essentiels tels que la production d’hormones ou la mort cellulaire.
Une approche énergétique du fonctionnement du corps humain
En 1988, le professeur Doug Wallace a découvert que les mitochondries jouaient un rôle central dans la santé humaine et il a suggéré d’orienter les recherches scientifiques vers l’étude de leur fonctionnement pour mieux comprendre l’étiologie de nombreuses maladies. En effet, une incapacité à produire suffisamment d’énergie ne permet pas à nos cellules de fonctionner correctement.
Ce dysfonctionnement jouerait un rôle dans des pathologies comme certaines maladies cardiovasculaires, neurodégénératives ou encore des cancers.
Fondée sur cette approche énergétique du fonctionnement du corps humain, une théorie émergente soutient que nous disposerions d’un budget énergétique limité que notre corps répartirait en fonction de ses priorités.
Répartition de l’énergie et santé, une théorie émergente
Trois grands types de besoins énergétiques sont identifiés :
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les besoins vitaux, indispensables à la survie, représentent une dépense énergétique fixe. Ils permettent de faire battre le cœur et de respirer …
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les besoins couvrant toutes les actions ponctuelles, qui ont pour effet de produire un stress sur notre organisme. Ces besoins peuvent être liés à différents types de stress tels qu’un effort physique ou une situation de stress psychologique. Par exemple, lors d’une situation stressante psychologiquement, notre corps augmente sa fréquence cardiaque ou sa sudation. Or, toutes ces réponses ont un coût ;
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les besoins d’entretien du corps, comme l’augmentation de la masse musculaire à la suite d’un entraînement en force ou encore les actions de réparation suite à des dommages oxydants.
En temps normal, et en moyenne, les besoins vitaux représenteraient 60 % des besoins énergétiques d’une personne au repos, ceux liés à l’entretien du corps 30 % et les 10 % restant seraient dédiés aux réponses à un stress. Cette répartition suivrait une hiérarchie inspirée de la pyramide de Maslow. On couvre d’abord les besoins vitaux ; puis, si on a les ressources nécessaires, on couvre ceux liés au stress, et enfin ceux associés à l’entretien de notre corps.
Notre budget n’est pas extensible à l’infini. Dans certaines situations, notre organisme peut être amené à faire des choix. Une ressource énergétique insuffisante met en compétition les besoins et il est possible qu’il n’y ait plus assez d’énergie pour maintenir ses fonctions vitales.
Selon ce modèle, le coût énergétique de la réponse de l’organisme pour lutter contre un virus, lors d’une infection comme le Covid, peut dépasser notre capacité. Dans les cas graves, cela vient amputer notre budget associé aux fonctions vitales entraînant la mort de la personne.
Dépense énergétique et longévité
Heureusement, notre organisme est capable d’ajuster sa production d’énergie et sa gestion. Il est ainsi capable de répondre à des besoins importants sur de courtes périodes. Par exemple, lors d’un exercice physique, le corps est capable de multiplier jusqu’à 20 fois sa production d’énergie de repos. Mais suite à cet effort, un temps de récupération sera nécessaire. L’alternance de périodes d’hypermétabolisme (activité) et d’hypométabolisme (repos) est essentielle pour maintenir l’intégrité du corps humain.
À l’inverse, une période de stress prolongée empêchera le corps de se réparer correctement. Une cellule qui n’a pas suffisamment d’énergie réduira sa capacité entretenir ses composants et se traduira par une accumulation de dommages. L’augmentation de ces dommages favorise les dysfonctionnements et peut conduire au développement de pathologies chroniques qui, en retour, réduisent l’espérance de vie.
Une étude états-unienne menée pendant quarante ans a, ainsi, mis en évidence que les personnes ayant une dépense énergétique au repos élevée présentaient un risque de mortalité jusqu’à 1,5 fois plus élevé que celles ayant une dépense énergétique plus faible. Ce résultat, soutenu par une autre étude, suggère qu’un rythme métabolique trop élevé peut raccourcir la vie… comme une chandelle qui brûlerait trop vite.
Notre mode de vie et ses effets délétères
Nos modes de vie modernes sont caractérisés par l’augmentation du stress, le manque de sommeil ou l’obésité qui perturbent l’allocation de notre énergie et favorisent le risque de développer des pathologies ou le vieillissement.
Par exemple, en réponse à une situation de stress psychosocial, notre corps produit une quantité importantes d’hormones qui nous permettent de répondre à la situation. Mais ces hormones coûtent de l’énergie, et ont donc pour effet d’accroître les besoins énergétiques.
Ce cercle vicieux altère l’entretien des cellules et peut accélérer la diminution de la longueur des télomères (les extrémités des chromosomes qui diminuent avec l’âge) ou encore augmenter le stress oxydant.
Quelles stratégies pour gérer notre énergie ?
Il est possible d’agir pour mieux répartir notre énergie et pour préserver notre santé. Une bonne santé requière de consacrer suffisamment d’énergie à nos processus d’entretien pour nous permettre de vieillir en bonne santé.
Plusieurs stratégies ont démontré leur efficacité pour réduire notre demande énergétique de repos et ainsi libérer de l’énergie et la rendre disponible pour l’entretien de nos cellules :
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Un sommeil adéquat permet de réduire notre métabolisme de repos. Quelques heures de sommeil permettent de compenser des coûts énergétiques élevés.
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La pratique d’activité de relaxation ou de méditation limite le stress et la consommation d’énergie. Par exemple, la pratique régulière du yoga est associée à une diminution de la consommation d’énergie au repos.
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Maintenir des interactions sociales et éviter l’isolement favorise la diminution de notre consommation d’énergie au repos. Une méta-analyse portant sur plus d’un million de personnes a mis en évidence le fait que l’isolement social augmente le risque de mortalité.
La vie en société permettrait de partager les efforts pour affronter les menaces, ce qui pourrait expliquer pourquoi la consommation énergétique au repos a diminué lors des trente dernières années.
Bref, pour gérer votre énergie, mieux vaut dormir suffisamment, bouger, et maintenir des liens sociaux.
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Frédéric N. Daussin a reçu des financements de la région Hauts-de-France et de la Fondation de l’université de Lille.
Martin Picard a reçu des financements du NIH (États-Unis) et de Baszucki Group.
– ref. Corps humain : l’hypothèse d’un budget énergétique limité pour gérer notre santé santé – https://theconversation.com/corps-humain-lhypothese-dun-budget-energetique-limite-pour-gerer-notre-sante-sante-262154
