Source: The Conversation – in French – By James Horncastle, Assistant Professor and Edward and Emily McWhinney Professor in International Relations, Simon Fraser University
Depuis 2022, l’Ukraine n’a jamais été dans une situation aussi vulnérable, alors que les combats se poursuivent sans relâche et que les frappes contre les infrastructures civiles deviennent de plus en plus courantes.
Les dirigeants mondiaux en appellent désormais à la fin du conflit. On pourrait croire que les rencontres du président américain Donald Trump avec les dirigeants ukrainien et russe constituent une approche équilibrée. En réalité, c’est bien la Russie qui en profite.
Sommet en Alaska
Après sa récente rencontre avec le président russe Vladimir Poutine en Alaska, Trump a déclaré ce sommet « très utile ». Prié de l’évaluer sur une échelle de 1 à 10, le président a déclaré que la rencontre méritait la plus haute note en raison du climat de bonne entente.
Mais s’ils se sont si bien entendus, c’est parce qu’il n’a pas été question de la raison même d’un tel sommet : l’agression russe en Ukraine. Cette approche s’est avérée fort « utile » pour Poutine et la Russie — d’autant que ni l’Ukraine ni aucun de ses alliés n’avait été invité au sommet.
Ce format a suscité une vive consternation. En Ukraine, on redoutait la conclusion d’un accord sans son consentement. Côté européen, c’est la menace d’invasion et le révisionnisme russes qui suscitent la crainte.
Avant le retour de Trump au pouvoir en 2025, l’Ukraine profitait d’un front largement uni entre l’OTAN et l’Union européenne. Cette unité s’est affaiblie depuis, et encore davantage avec ce sommet, au bénéfice de la Russie.
Un cessez-le-feu parti en fumée
Poutine et ses négociateurs ont ainsi obtenu une concession majeure de Trump lors du sommet : sa renonciation à réclamer un cessez-le-feu.
Pour l’Ukraine et ses alliés, il s’agissait pourtant d’une condition fondamentale pour toute négociation de paix — a fortiori depuis que la Russie intensifie ses attaques contre les villes et les civils ukrainiens.
Enfin, la nature même de la réunion en Alaska contribue à légitimer l’invasion russe auprès de l’opinion internationale.
Bien que les Européens et les Nord-Américains l’admettent difficilement, la Russie a su entretenir l’ambivalence d’une grande partie de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique latine — et même à y obtenir du soutien.
Toutefois, les condamnations prononcées contre la Russie par plusieurs organisations internationales, dont l’ONU, en refroidissaient plusieurs, notamment l’interdiction de voyager prononcée par la Cour pénale internationale.
Mais la consécration diplomatique américaine, en accueillant Poutine sur son sol, a sapé les condamnations de ces institutions.
Zelensky à Washington
Les avantages que Poutine a obtenus de Trump en Alaska ont exigé une réponse immédiate de l’Ukraine. Le président Volodymyr Zelensky a rapidement organisé une réunion à la Maison-Blanche. Et il s’y est déplacé en compagnie de plusieurs dirigeants européens, dont la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président français, Emmanuel Macron.
Le secrétaire d’État Marco Rubio a insisté sur le fait que leur présence ne visait pas à empêcher Trump d’intimider Zelensky dans le Bureau ovale, comme il l’avait fait précédemment.
Chose certaine, les dirigeants européens étaient là pour empêcher Trump de contraindre le dirigeant ukrainien à faire des concessions préjudiciables à leurs propres intérêts.
Le message publié par Trump sur les réseaux sociaux avant la réunion avait de quoi inquiéter. Il y faisait porter la responsabilité de la paix à Zelensky, affirmant que l’Ukraine devait accepter la perte de la Crimée et ne jamais adhérer à l’OTAN.
Soigneuse mise en scène
Pour cette rencontre, le président Zelensky, qui portait le costume, a remis une lettre de la première dame ukrainienne à Melania Trump.
Ces efforts de mise en scène, soigneusement orchestrés par le protocole ukrainien, visaient à flatter l’égo trumpien. La manœuvre a en partie marché à en juger par sa réaction : il aurait jugé Zelensky « fabuleux » dans son costume, selon un journaliste — le même qui avait critiqué le président ukrainien pour sa tenue en février lors de sa visite malheureuse.
Durant cette rencontre, Trump n’a pas exclu que des soldats américains puissent contribuer au rétablissement de la paix en Ukraine. Selon les observateurs, une telle présence serait une condition fondamentale à une paix durable.
Bien qu’il ne s’y soit pas opposé, Trump n’a pas non plus pris d’engagement ferme à cet égard. Quelques heures plus tard, il a soutenu au contraire qu’il offrirait du soutien aérien sans mettre de troupes au sol.
Il a toutefois déclaré qu’il s’efforçait d’organiser une réunion trilatérale avec Poutine et Zelensky.
Ce qui reste à voir, étant donné sa propension à revenir sur les déclarations.
Espoir contre réalité
Rappelons toutefois que l’une des principales promesses de campagne de Trump était de ne pas impliquer les États-Unis dans des « guerres étrangères sans fin ». Le déploiement de soldats américains en Ukraine compromettrait le soutien de sa base politique, laquelle est déjà divisée quant à sa gestion du dossier Jeffrey Epstein.
La cordialité de la rencontre de Trump avec Zelensky et les dirigeants européens permet de nourrir certains espoirs parmi les partisans de l’Ukraine dans les jours à venir.
Mais tout optimisme doit être tempéré par les dégâts causés par le sommet Trump-Poutine en Alaska. Le président américain aurait même interrompu les réunions à Washington pour appeler Poutine.
Le refus de Trump de prendre des engagements fermes en présence de Zelensky et des dirigeants européens réunis signifie que la Russie est parvenue à faire valoir ses intérêts au détriment de l’Ukraine et des perspectives d’une paix durable à long terme.
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James Horncastle ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
– ref. Réunions séparées avec Poutine et Zelensky : Trump fait le jeu de la Russie – https://theconversation.com/reunions-separees-avec-poutine-et-zelensky-trump-fait-le-jeu-de-la-russie-263491
