Source: The Conversation – in French – By Ana Colovic, Professeur de stratégie / Professor of Strategy, Neoma Business School
Ce n’est pas un hasard si Paris, outre les touristes, attire des entreprises venues du monde entier. La capitale de la France fait partie de ce qu’on appelle « villes-mondes ». Quels sont leurs atouts ? Ne sont-elles pas victimes de leur succès ? Quel type d’entreprises ont vraiment intérêt à s’y installer ?
Comme chaque année, au mois de juin dernier, le salon Vivatech s’est déroulé à Paris, attirant les entreprises tech du monde entier. Plusieurs entreprises étrangères du domaine de l’intelligence artificielle (IA) ont d’ailleurs récemment choisi de localiser leurs activités à Paris : Insider, une plateforme singapourienne d’expérience client, Avanade, leader mondial états-unien des solutions numériques Microsoft en IA, ou bien Tata Consultancy Services, géant indien des services informatiques. De fait, Paris fait partie du club privilégié des villes-mondes ou global cities, ces villes qui concentrent des volumes colossaux d’investissements directs étrangers.
Les villes-mondes comme New York, Londres, Paris ou Tokyo sont des centres de commande et de contrôle de l’économie mondiale. Elles possèdent des caractéristiques uniques. Le réseau de recherche Globalization & World Cities de l’Université de Loughborough en Angleterre propose un classement de ces villes dites mondiales en se basant sur les activités de 175 cabinets de conseil et d’audit (dont les plus connus sont les Big 4 : Deloitte, EY, KPMG et PwC) dans 785 villes à travers le monde.
Les chercheurs établissent trois grandes catégories de villes-monde : alpha, beta et gamma. Parmi les villes françaises, Paris se situe dans la catégorie alpha, Lyon dans la catégorie beta et Marseille dans la catégorie gamma.
Mais la localisation des activités dans ces villes-mondes a-t-elle des conséquences sur la performance des entreprises ? Dans notre recherche, nous répondons positivement à cette question et montrons que localiser une part importante des activités dans les « villes globales » conduit à une meilleure performance financière de l’entreprise multinationale. Toutefois, c’est surtout vrai pour les multinationales opérant dans des secteurs intensifs en connaissances (knowledge-intensive). Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène.
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Concentration de connaissances et de technologie
Premièrement, les villes-mondes concentrent des sources de connaissances et de technologies de pointe : universités et centres de recherche renommés, scientifiques, chercheurs, start-ups high-tech. Les entreprises peuvent ainsi accéder à ces talents et bénéficier des transferts de connaissances. Par exemple, Paris et sa région disposent de nombreuses universités, de grandes écoles d’ingénieur et de commerce, de centres de recherche et de pôles de compétitivité en hautes technologie rassemblant des milliers de scientifiques, d’étudiants, d’ingénieurs et de doctorants. Choose Paris Region, l’agence d’investissement d’Île-de-France, suit de près l’attractivité de Paris et publie des études disponibles gratuitement sur son site ainsi que les success-stories.
Une grande connectivité
Deuxièmement, les villes-mondes sont caractérisées par une grande connectivité. Elles ont des infrastructures leur permettant de réduire les temps et coûts de transports : elles disposent, par exemple, de plusieurs aéroports, gares ferroviaires internationales, réseaux de routes, etc. La connectivité est présente également au niveau des connaissances et de la technologie. Pour préserver leur compétitivité, les entreprises, notamment les multinationales, cherchent à avoir accès à de la connaissance et à des technologies de pointe, y compris les nouvelles technologies, dispersées dans les villes-mondes et ailleurs.
Les villes-mondes peuvent donc leur permettre d’atteindre ces ressources et d’y puiser des connaissances. Ainsi, en localisant une partie importante de leurs activités dans les « villes globales », les multinationales peuvent puiser les connaissances disponibles dans ces villes ainsi qu’à travers le monde. Par exemple, les universités et centres de recherche à Paris sont connectés à des centres de savoir partout dans le monde. L’École polytechnique a ainsi de nombreux partenariats internationaux avec des universités et des centres de recherche de pointe.
Troisièmement, les villes-mondes ont des concentrations très fortes de services spécialisés, en comptabilité, en affaires juridiques, en relations publiques et en services financiers. Des acteurs majeurs comme les Big 4, les grands cabinets d’audit et de conseil, sont localisés dans les villes-mondes et les entreprises peuvent donc facilement accéder à leurs services, indispensables à leur fonctionnement.
Un environnement cosmopolite
Quatrièmement, les villes-mondes jouissent d’un environnement cosmopolite qui attire les expatriés. Beaucoup de langues y sont parlées, de nombreuses personnes y passent, se rencontrent, échangent et fertilisent les idées. On y trouve également des écoles internationales, indispensables pour accueillir les familles des expatriés. Par exemple, à proximité de Paris, le lycée international de Saint-Germain-en-Laye (Hauts-de-Seine) propose 14 sections internationales : espagnole, italienne, néerlandaise, britannique, américaine, danoise, suédoise, norvégienne, russe, polonaise, chinoise, japonaise, portugaise et allemande.
Ces atouts des villes-mondes ne semblent toutefois pas bénéficier à toutes les entreprises de la même manière.
En effet, notre recherche montre qu’ils sont particulièrement importants pour les entreprises évoluant dans les secteurs que l’on caractérise comme « intensif en connaissances » (knowledge-intensive). Pour les autres entreprises, localiser les activités dans ces villes est moins attractif.
Des atouts mais aussi des inconvénients
Car localiser ses activités dans les villes-mondes ne vient pas sans inconvénients. Les prix de l’immobilier sont généralement élevés et il y a une concurrence accrue pour les localisations centrales. Les salaires ont tendance à être plus élevés pour répondre à des coûts de la vie plus importants et il y a une forte concurrence pour attirer les talents.
À cela s’ajoute la difficulté à trouver de grandes surfaces pour installer des bureaux. Pour toutes ces raisons, il est plus judicieux pour certaines entreprises de chercher des localisations dans des plus petites villes ou même dans des zones rurales.
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Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.
– ref. Localiser ses activités dans une ville-monde : quelle incidence sur la performance financière des multinationales ? – https://theconversation.com/localiser-ses-activites-dans-une-ville-monde-quelle-incidence-sur-la-performance-financiere-des-multinationales-259750
