Une étude révèle le rôle des insectes et escargots dans les écosystèmes aquatiques africains

Source: The Conversation – in French – By Emmanuel O. Akindele, Professor, Obafemi Awolowo University

La ceinture tropicale africaine, délimitée par les forêts guinéennes d’Afrique occidentale et le bassin du Congo en Afrique centrale, est reconnue mondialement pour son incroyable biodiversité.

Sous la surface de cette région écologique se cache le monde des macroinvertébrés d’eau douce. Il s’agit de minuscules créatures qui vivent dans les rivières, les ruisseaux et les lacs. Selon les termes du célèbre écologiste américain Edward O. Wilson :

Les invertébrés sont les petites choses qui font tourner le monde.

Les macroinvertébrés comprennent les escargots et les larves de libellules, de trichoptères, d’éphémères et de plécoptères, entre autres. On peut les décrire comme des ingénieurs écologiques des écosystèmes d’eau douce. Ils décomposent les matières organiques, recyclent les nutriments et constituent la base de la chaîne alimentaire.

Plus important encore, ils constituent les meilleurs indicateurs biologiques de la santé des écosystèmes d’eau douce. Leur présence ou leur absence en dit beaucoup plus que n’importe quel autre test chimique sur la pollution, la dégradation des habitats ou la restauration de l’environnement que n’importe quel test chimique.

Mais les macroinvertébrés d’eau douce ne font pas l’objet d’une grande attention en matière de conservation. Certains pays ne mènent pas d’études. Il y a également un manque de personnes qualifiées pour le faire.

Notre étude comble cette lacune en compilant des données sur les macroinvertébrés de la région guinéo-congolaise. La base de données ainsi constituée peut être utilisée pour modéliser leur répartition.

En tant qu’expert en biodiversité, je pense que des modèles comme celui-ci peuvent aider les scientifiques à identifier les habitats et les espèces d’eau douce qui méritent une attention particulière en matière de conservation.

Nos recherches

Pour cette étude, des scientifiques spécialisés dans les eaux douces du Nigeria et d’Allemagne ont compilé des données sur les macroinvertébrés d’eau douce de 15 pays africains.

En nous appuyant sur des publications évaluées par des pairs et sur le Global Biodiversity Information Facility, nous n’avons inclus que les enregistrements identifiés au niveau de l’espèce. Le Global Biodiversity Information Facility est une plateforme internationale de premier plan qui offre un accès libre aux données sur la biodiversité à l’échelle mondiale.

Notre étude rassemble des données dispersées dans une ressource centralisée et organisée. Elle peut servir de base pour modéliser la répartition des espèces et orienter les priorités en matière de conservation. Des approches similaires ont été appliquées avec succès dans des régions telles que l’Europe et l’Amérique du Nord, où les données sur la répartition des espèces ont contribué à éclairer la protection des habitats d’eau douce. Notre étude est l’une des premières à se concentrer sur les écosystèmes africains, qui ont été peu étudiés jusqu’à présent.

Les résultats sont surprenants. La plupart des pays de cette ceinture tropicale sont fortement sous-représentés dans les registres sur les macroinvertébrés.

Dans certains cas, comme à São Tomé-et-Príncipe, il n’existe aucune donnée disponible. Dans d’autres, comme la Guinée équatoriale et le Togo, le nombre de données documentées est extrêmement faible (moins de 50 espèces). Lorsque ces données existent, elles sont généralement accessibles via des plateformes telles que le Système mondial d’information sur la biodiversité ou sous forme de données publiées.

Le Nigeria, la République démocratique du Congo, le Gabon et le Cameroun affichent une meilleure couverture avec plus de 200 espèces chacun. Ces données proviennent principalement d’enquêtes nationales, d’études publiées et de contributions à des plateformes mondiales. Cependant, ces chiffres sont modestes par rapport à la diversité probable dans ces pays. Le nombre d’espèces pourrait être beaucoup plus élevé, mais le caractère limité des efforts d’échantillonnage et les lacunes dans la recherche taxonomique font que cette biodiversité reste en grande partie non documentée. Les chiffres ne donnent pas une image complète ou précise de la diversité des macroinvertébrés d’eau douce.

Notre étude montre une relation positive claire entre le nombre d’espèces enregistrées et l’intensité des efforts d’échantillonnage. Une grande partie de la biodiversité reste probablement non documentée dans les zones sous-échantillonnées. Le faible nombre d’espèces n’est pas nécessairement dû à une faible biodiversité.

Ce qui manque

L’étude montre une corrélation directe entre le nombre d’années consacrées par les pays à l’échantillonnage sur le terrain et le nombre d’espèces recensées. Lorsque les efforts ont été intensifiés, le nombre d’espèces observées a augmenté.

Cela montre que le potentiel de biodiversité des eaux douces de la région est largement sous-estimé.

On note notamment l’absence d’espèces indiquant la bonne santé des habitats d’eau douce : les éphémères, les plécoptères et les trichoptères.

Ces espèces sont connues pour leur sensibilité au stress environnemental. Elles sont fréquemment utilisées dans les programmes de biosurveillance à travers le monde, car là où elles sont nombreuses et variées, le système d’eau douce est en bon état. Leur rareté dans les bases de données africaines reflète non pas leur absence dans la nature, mais un manque d’expertise taxonomique et de recherche ciblée.

Ce qui doit changer

Pour protéger les écosystèmes d’eau douce, il est nécessaire de :

  • mener des études sur les macroinvertébrés dans les pays sous-échantillonnés

  • investir dans la formation taxonomique et l’accès aux outils d’identification, tant pour les citoyens scientifiques que pour les chercheurs

  • mettre en place des initiatives régionales et des partenariats de recherche transnationaux afin de partager l’expertise, les données et les méthodologies entre les experts en biodiversité.

Les gouvernements au niveau national et l’Union africaine doivent inscrire la biodiversité d’eau douce à leur agenda environnemental. La recherche et la conservation des macroinvertébrés doivent être reconnues comme un élément essentiel de la réalisation de l’objectif de développement durable n° 15 des Nations unies. Celui-ci met l’accent sur les écosystèmes d’eau douce continentaux. Des travaux sur le terrain dans des sites jusqu’alors inexplorés ont déjà permis de découvrir des espèces de macroinvertébrés rares et menacées.

Les systèmes d’eau douce exceptionnels doivent être protégés avant qu’ils ne disparaissent.

Ignorer les macroinvertébrés, c’est ignorer le fondement même de la santé des systèmes d’eau douce. Ces créatures sont les gardiens silencieux de la biodiversité.

Il est temps de les sortir de l’ombre et de les placer au premier plan des efforts de conservation.

The Conversation

Emmanuel O. Akindele travaille pour l’université Obafemi Awolowo, à Ile-Ife, au Nigeria, et a reçu une bourse de recherche de la Fondation Alexander von Humboldt pour effectuer des recherches à l’Institut Leibniz d’écologie des eaux douces et de pêche intérieure, à Berlin, en Allemagne.

ref. Une étude révèle le rôle des insectes et escargots dans les écosystèmes aquatiques africains – https://theconversation.com/une-etude-revele-le-role-des-insectes-et-escargots-dans-les-ecosystemes-aquatiques-africains-261541