Source: The Conversation – France in French (3) – By Ty Schepis, Professor of Psychology, Texas State University

Les enfants dont les parents présentent un trouble lié à l’usage de substances psychoactives sont plus susceptibles que les autres d’avoir des problèmes de santé mentale. À terme, ils présentent aussi un risque plus élevé de développer eux-mêmes des addictions.
Aux États-Unis, près de 19 millions d’enfants (soit environ un enfant sur quatre) a au moins un parent souffrant d’un trouble lié à l’usage de substances psychoactives, qu’il s’agisse d’alcool, de cannabis, d’opioïdes délivrés sur ordonnance ou de drogues illicites.
Cette nouvelle estimation, effectuée par notre équipe et publiée dans la revue JAMA Pediatrics, s’appuie sur les données de la National Survey on Drug Use and Health menée en 2023 (l’année la plus récente pour laquelle les données sont disponibles). Près de 57 000 personnes âgées de 12 ans et plus avaient répondu au questionnaire de l’enquête.
En tant que chercheur, j’étudie l’usage de substances chez les adolescents et les jeunes adultes. Je sais que les enfants qui se retrouvent dans une telle situation courent un risque considérable de développer eux aussi un trouble lié à l’usage de substances, ainsi que d’autres problèmes de santé mentale tels que des troubles du comportement, des symptômes d’anxiété ou une dépression.
Qu’appelle-t-on trouble lié à l’usage de substances ?
Le « trouble lié à l’usage de substances » est une pathologie psychiatrique caractérisée par une consommation fréquente et excessive de substances. Il se manifeste par de multiples symptômes, notamment des comportements à risque (conduite sous l’emprise de substances psychoactives, par exemple) ou conflictuels (avec leur famille ou leurs amis, à propos de leur consommation).
Ce trouble altère également la capacité des parents à être des aidants attentifs et bienveillants. Leurs enfants sont dès lors plus susceptibles d’être exposés à la violence, de vivre leur scolarité dans de moins bonnes conditions et de commencer à consommer eux-mêmes des substances à un âge plus précoce que les autres. Ils sont aussi plus fréquemment pris en charge par le système de protection de l’enfance. Ils présentent par ailleurs un risque accru de développer des problèmes de santé mentale, non seulement durant leurs jeunes années, mais aussi à l’âge adulte. Enfin, la probabilité qu’ils soient atteints d’un trouble lié à la consommation de substances à l’âge adulte est nettement plus élevée que chez les autres personnes.
Parmi ces 19 millions d’enfants, notre étude révèle qu’environ 3,5 millions vivent avec un parent présentant non pas un, mais plusieurs troubles liés à la consommation de substances.
L’alcool demeure de loin la substance la plus répandue parmi les substances consommées, puisque les troubles liés à son usage concernent les parents de 12,5 millions d’enfants. Par ailleurs, plus de 6 millions d’enfants ont un parent souffrant à la fois d’un trouble lié à la consommation de substances et de symptômes marqués de dépression ou d’anxiété, ou des deux.
Notre estimation de 19 millions est nettement supérieure à celle dérivée d’une étude antérieure qui s’appuyait sur des données plus anciennes. Cette dernière, qui portait sur la période 2009-2014, faisait état de 8,7 millions d’enfants états-uniens – soit environ un enfant sur huit – vivant avec un parent ou des parents souffrant d’un trouble lié à la consommation de substances. L’écart avec notre propre estimation est d’environ 10 millions d’enfants.
Cette évolution s’explique principalement par le fait que les critères définissant le trouble lié à l’usage de substances ont été élargis et assouplis entre 2014 et 2023, ce qui a contribué à en modifier le diagnostic. Ce changement a entraîné une augmentation de plus de 80 % du nombre estimé d’enfants affectés par le trouble lié à l’usage de substances de leurs parents.
Toutefois, au-delà de cette augmentation « mécanique », on constate, depuis 2020, un accroissement du nombre de parents touchés par un trouble de l’usage de substances, ce qui signifie que 2 millions d’enfants supplémentaires se sont retrouvés concernés par cette problématique au cours des dernières années.
Perspectives
Il est impératif d’améliorer le dépistage des parents souffrant d’un trouble lié à l’usage de substances. D’après mon expérience, si de nombreux pédiatres dépistent la consommation de substances chez les enfants, plus rares sont ceux qui s’intéressent également aux parents qui les accompagnent en consultation. Il apparaît essentiel de rendre les dépistages systématiques, tant pour les enfants que pour leurs aidants.
Malheureusement, aux États-Unis, l’US Preventive Services Task Force, un comité d’experts chargé de formuler des recommandations sur les bonnes pratiques de dépistage et de prévention, ne recommande pas encore un tel dépistage. Celui-ci permettrait pourtant d’orienter les personnes concernées vers les traitements les plus adaptés et de prévenir les problèmes les plus graves.
Des mesures supplémentaires, accompagnées de financements adéquats, sont donc requises au niveau fédéral, étatique et local. Cela peut sembler utopique, à l’heure où chaque ligne budgétaire est scrutée. Mais y déroger se traduira par une inflation considérable de la facture qui nous sera présentée dans les années à venir. Les millions d’adultes qui auront été exposés à ce trouble dès leur plus jeune âge seront contraints, des décennies plus tard, de composer avec leurs propres problèmes de consommation de substances et de santé mentale.
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Ty Schepis reçoit des fonds des National Institutes of Health (NIH)/National Institute on Drug Abuse (NIDA), de la Food and Drug Administration (FDA) et de la Substance Abuse and Mental Health Services Administration (SAMHSA). Les opinions exprimées sont celles du Dr Schepis et ne représentent pas nécessairement les opinions officielles du NIH/NIDA, de la FDA ou de la SAMHSA. Ces bailleurs de fonds n’ont joué aucun rôle dans les articles publiés, et il n’y a eu aucune orientation éditoriale ni censure de la part des bailleurs de fonds.
– ref. Aux États-Unis, 19 millions d’enfants vivraient avec des parents toxicomanes – https://theconversation.com/aux-etats-unis-19-millions-denfants-vivraient-avec-des-parents-toxicomanes-258521
