Source: The Conversation – in French – By Festival Godwin Boateng, Senior Research Associate, University of Oxford
Voyager sur les routes africaines comporte de nombreux défis. La principale difficulté consiste à arriver à destination en toute sécurité. Le continent est l’une des régions du monde les plus touchées par des accidents de la route. Le nombre de morts de l’Afrique sur les routes représente un quart des victimes dans le monde, alors que le continent compte moins de 4 % du parc automobile mondial.
La situation en Afrique subsaharienne est particulièrement grave. Les accidents de la route touchent cette région plus que toute autre au monde. Son taux de mortalité routière de 27 pour 100 000 habitants est trois fois plus élevé que la moyenne européenne de 9 et bien supérieur à la moyenne mondiale de 18.
Il y a ensuite le problème des infrastructures routières en Afrique. Malgré la récente augmentation des investissements dans le développement routier, la qualité des routes dans de nombreux pays africains est généralement médiocre. Ce constat a été confirmé par des recherches, des enquêtes du Forum économique mondial et le classement international de la qualité des routes du Fonds monétaire international.
Les accidents et les mauvaises routes ne sont pas les seuls éléments qui peuvent rendre les déplacements moins agréables. Le manque de toilettes en est un autre. Lorsque l’envie de faire ses besoins presse, on se retrouve dans une situation compliquée. Les autorités prévoient rarement des toilettes adéquates, sûres et propres pour les voyageurs.
En 2020, un avocat qui défend l’intérêt public, Adrian Kamotho Njenga, a poursuivi en justice avec succès certaines autorités au Kenya. Il les a obligées à mettre des toilettes à la disposition des voyageurs.
Ce problème n’est pas propre à l’Afrique. Des défis similaires existent aux États-Unis et au Royaume-Uni.
La différence est que dans ces pays, des chercheurs étudient la question et produisent des connaissances pour sensibiliser et faire évoluer les choses.
Je suis chercheur senior en gouvernance de la mobilité à l’Unité d’études sur les transports de l’université d’Oxford. Mes recherches portent notamment sur l’accès aux toilettes dans les systèmes de mobilité. Dans un article récent, j’ai attiré l’attention sur les avantages des toilettes en matière de sécurité routière.
Je soutiens que l’amélioration de l’accès convenable des conducteurs aux toilettes peut avoir des avantages en matière de sécurité routière comparables à ceux de l’application des lois contre la conduite en état d’ivresse ou la fatigue au volant.
J’ai effectué des recherches dans des bases de données universitaires telles que Scopus et examiné plusieurs articles. J’ai constaté que l’amélioration de l’accès aux toilettes pour les conducteurs était rarement étudiée en tant que stratégie de sécurité routière en Afrique. Or, elle peut renforcer la sécurité routière en réduisant la distraction des conducteurs et d’autres pratiques de conduite dangereuses qui conduisent à des accidents de la route.
Les pertes liées aux accidents de la route en Afrique sont immenses. Il n’y a pas si longtemps, l’Union africaine déplorait qu’elles représentent environ 2 % du PIB annuel de ses États membres. Pour y remédier, il faudra une approche intégrant des solutions diverses, y compris des mesures innovantes, telles que faciliter l’accès aux toilettes pour les conducteurs sur la route.
Les avantages des toilettes pour la sécurité routière
Conduire alors que l’on a envie d’aller aux toilettes peut être une expérience éprouvante et une source importante de distraction. Cela peut rendre les conducteurs dangereux pour eux-mêmes et les autres usagers en détournant leur attention de la route et des conditions de circulation. Une urgence de se soulager peut affecter leur jugement et leur capacité à réagir face à des situations dangereuses.
La distraction et l’urgence peuvent rendre le conducteur impatient et l’inciter à rouler trop vite, à suivre de trop près les véhicules devant lui ou à tenter des manœuvres imprudentes pour se rendre à l’endroit le plus proche où il pourra se soulager.
Des recherches ont montré que les personnes qui ne peuvent pas uriner lorsque leur vessie est pleine souffrent d’une altération cognitive ou d’une baisse de concentration équivalente à celle d’une personne restée éveillée pendant 24 heures.
La détérioration cognitive associée à l’envie extrême d’uriner équivaut également à un taux d’alcoolémie de 0,05 %. Cela équivaut ou dépasse les limites de taux d’alcoolémie imposées aux conducteurs en Tunisie (0,05 %), au Soudan et en Mauritanie (0 %), au Maroc (0,02 %), au Mali (0,03 %), à Madagascar (0,04 %) et d’autres pays africains.
Tout cela suggère que conduire en ayant envie d’aller aux toilettes est aussi dangereux que conduire en état d’ivresse ou en état de fatigue. Cela implique également que l’amélioration de l’accès aux toilettes peut avoir des effets bénéfiques sur la sécurité routière comparables à ceux de l’application des lois contre la conduite en état d’ivresse ou en état de fatigue.
Les toilettes devraient être intégrées dans les projets d’aménagement routier et les systèmes de mobilité.
Il est temps d’investir dans l’accès aux toilettes dans les systèmes de mobilité
Pour commencer, les gouvernements du continent peuvent construire davantage de toilettes publiques. L’Afrique est l’une des régions les plus touchées par le manque de toilettes dans le monde. Selon l’Organisation mondiale de la santé, quelque 779 millions de personnes sur le continent n’ont pas accès de manière convenable à des toilettes adéquates, sûres et propres. La construction de toilettes publiques supplémentaires peut contribuer à lutter contre la pénurie générale de toilettes sur le continent, ainsi que dans le contexte de la mobilité.
Il est réjouissant de constater qu’au Ghana, par exemple, des promoteurs privés investissent dans des aires de repos le long des autoroutes. Ces infrastructures sociales de transport routier permettent aux voyageurs de se détendre, d’accéder à des biens et services et de socialiser pendant leur pause. Elles sont souvent équipées de toilettes payantes. Les gouvernements peuvent explorer des moyens de soutenir ces initiatives privées afin qu’elles se développent et deviennent plus abordables.
Cependant, les aires de repos sont souvent situées en périphérie. La plupart des conducteurs et autres usagers de la route circulent en ville. Lorsqu’ils ont besoin d’aller aux toilettes pendant leurs déplacements, certains conducteurs et autres voyageurs en milieu urbain sont susceptibles d’utiliser les toilettes disponibles dans les stations-service, les hôtels, les restaurants, les banques, les cafés, les salons de coiffure et autres établissements situés en ville.
On ne sait pas grand-chose sur leur coût, leur sécurité, leur propreté et leur emplacement, ni sur la gêne que peuvent ressentir ceux qui les utilisent. Les chercheurs devront étudier ces questions et partager leurs conclusions avec le public.
Lorsque davantage de personnes seront sensibilisées à ces questions, il pourrait y avoir un changement de mentalité pour exiger et soutenir un meilleur accès aux toilettes dans le cadre de la politique de mobilité.
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Festival Godwin Boateng est affilié à l’American Restroom Association (ARA).
– ref. Les toilettes peuvent rendre les routes africaines plus sûres, selon cette nouvelle étude – https://theconversation.com/les-toilettes-peuvent-rendre-les-routes-africaines-plus-sures-selon-cette-nouvelle-etude-270478
