Source: The Conversation – France (in French) – By Willem Standaert, Associate Professor, Université de Liège

Trop nombreuses, trop longues et inefficaces, les réunions de travail, loin d’être de simples outils de coordination, peuvent devenir de véritables moteurs de mal-être. Comment y remédier ? Analyse par la science… des réunions.
Quiconque travaille dans une organisation le sait : les réunions s’enchaînent à un rythme effréné. En moyenne, les managers y passent vingt-trois heures par semaine. Une grande partie de ces échanges est jugée de faible valeur, voire totalement contre-productive. Le paradoxe de cette frénésie est que de mauvaises réunions en génèrent encore davantage… pour tenter de réparer les précédentes.
Pendant longtemps, les réunions n’ont pas été étudiées comme un objet de recherche en soi ; elles servaient de contexte à l’analyse, mais rarement d’unité centrale. Un manuel publié en 2015 a posé les bases de ce champ émergent, la « science des réunions ». Le véritable problème ne tient pas tant au nombre de réunions qu’à leur conception, au manque de clarté de leurs objectifs, et aux inégalités qu’elles renforcent souvent inconsciemment.
Se réunir nourrit le bien-être, ou lui nuit
Notre série d’études menées pendant et après la pandémie de Covid-19 souligne que les réunions peuvent à la fois nourrir le bien-être des participants et lui nuire. Trop de réunions peuvent conduire au burn-out et à l’envie de quitter son organisation ; mais elles peuvent aussi renforcer l’engagement des employés.
Le recours massif au télétravail et aux réunions virtuelles, accéléré par la pandémie, a introduit de nouvelles sources de fatigue : surcharge cognitive, hyperconnexion, effacement des frontières entre vie professionnelle et personnelle. Ces réunions en ligne favorisent aussi des interactions sociales continues et permettent de mieux percevoir la place de chacun dans l’organisation.
Les femmes parlent moins en visioconférence
Ces nouveaux formats de réunion ne sont pas vécus par tous de la même manière.
Un constat frappant concerne le temps de parole. Dans notre enquête menée auprès de centaines d’employés, les résultats sont clairs. Les femmes rapportent avoir plus de difficultés à s’exprimer en réunion virtuelle qu’en présentiel. Les causes sont multiples : interruptions plus fréquentes, invisibilité sur les écrans partagés, difficulté à décoder les signaux non verbaux, ou encore la double charge mentale lorsque les réunions se tiennent à domicile.
Autrement dit, les réunions en ligne – censées démocratiser l’accès – peuvent, si l’on n’y prend pas garde, renforcer les inégalités de genre.
Une réunion doit se concevoir, pas se subir
Face à cette folie des réunions, la solution n’est pas de les supprimer, mais de mieux les concevoir. Tout commence par une question simple, souvent oubliée : pourquoi nous réunissons-nous ?
Selon notre série d’études couvrant plusieurs milliers de réunions, il existe quatre grands objectifs :
- partager de l’information,
- prendre des décisions,
- exprimer des émotions ou des opinions,
- et construire des relations de travail.
Chacun de ces objectifs exige des conditions spécifiques, comme voir les visages, entendre les intonations, observer les réactions, partager un écran, etc. Aucun format (audio, visioconférence, hybride ou présentiel) n’est universellement le meilleur. Le mode choisi doit dépendre de l’objectif principal, et non d’une habitude ou d’une commodité technologique.
Plus encore, la recherche identifie des leviers simples mais puissants pour améliorer l’expérience collective :
-
partager à l’avance un ordre du jour clair et les documents nécessaires pour préparer les participants ;
-
varier les modes de prise de parole grâce à des outils de « main levée », des chats anonymes, ou des tours systématiques ;
-
jouer un vrai rôle de modération. Les responsables de réunion doivent équilibrer les interventions, encourager la participation et éviter les dynamiques d’exclusion.
Miroir de la culture organisationnelle
Les réunions ne sont jamais neutres. Elles reflètent – souvent inconsciemment – la culture, les rapports de pouvoir et les priorités implicites d’une organisation. Les données sont claires, les pistes d’amélioration existent. Reste aux entreprises et à leurs dirigeants à reconnaître le pouvoir transformateur des réunions.
Une organisation où seules les voix les plus fortes se font entendre en réunion est rarement inclusive en dehors. À l’inverse, des réunions bien menées peuvent devenir des espaces de respect et d’innovation collective.
L’objectif n’est pas d’avoir moins de réunions, mais de meilleures réunions. Des réunions qui respectent le temps et l’énergie de chacun. Des réunions qui donnent une voix à tous. Des réunions qui créent du lien.
Article écrit avec le Dr Arnaud Stiepen, expert en communication et vulgarisation scientifiques.
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Willem Standaert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
– ref. Pourquoi les réunions de travail nuisent au bien-être – https://theconversation.com/pourquoi-les-reunions-de-travail-nuisent-au-bien-etre-269205
