Pourquoi les girafes ont-elles de si longues pattes ? Une nouvelle étude révèle une explication surprenante

Source: The Conversation – France in French (2) – By Roger S. Seymour, Professor Emeritus of Physiology, University of Adelaide

La longueur du cou des girafes est un défi colossal pour leur cœur, obligé de pomper le sang jusqu’à plus de deux mètres de haut. Une nouvelle étude montre que ces mammifères ont trouvé une solution inattendue à ce casse-tête de la gravité : leurs longues pattes.


Si vous vous êtes déjà demandé pourquoi les girafes ont un cou si long, la réponse semble évidente : cela leur permet d’atteindre les feuilles succulentes au sommet des grands acacias des savanes d’Afrique.

Seules les girafes peuvent atteindre directement ces feuilles, tandis que les mammifères plus petits doivent se partager la nourriture au niveau du sol. Cette source de nourriture exclusive permettrait aux girafes de se reproduire toute l’année et de mieux survivre aux périodes de sécheresse que les espèces plus petites.

Mais ce long cou a un prix. Le cœur de la girafe doit générer une pression suffisamment forte pour propulser le sang à plusieurs mètres de hauteur jusqu’à sa tête. Résultat : la pression artérielle d’une girafe adulte dépasse généralement 200 millimètres de mercure (mm Hg), soit plus du double de celle de la plupart des mammifères.

Ainsi, le cœur d’une girafe au repos consomme plus d’énergie que l’ensemble du corps d’un être humain au repos –,et même davantage que celui de tout autre mammifère de taille comparable. Pourtant, comme nous le montrons dans une nouvelle étude publiée dans le Journal of Experimental Biology, le cœur de la girafe bénéficie d’un allié insoupçonné dans sa lutte contre la gravité : ses très longues pattes.

Découvrez l’« élaffe »

Dans notre étude, nous avons estimé le coût énergétique du pompage sanguin chez une girafe adulte typique, puis nous l’avons comparé à celui d’un animal imaginaire doté de pattes courtes, mais d’un cou plus long, capable d’atteindre la même hauteur que la cime des arbres.

Cette créature hybride, sorte de Frankenstein zoologique, combine le corps d’un éland (Taurotragus oryx) et le cou d’une girafe. Nous l’avons baptisée « élaffe ».

Images d’une girafe, d’un éland et de l’« élaffe », mi-girafe mi-eland, avec l’emplacement de leur cœur respectif mis en évidence
L’« élaffe » imaginaire, avec le bas du corps d’un éland et un long cou de girafe, utiliserait encore plus d’énergie pour pomper le sang de son cœur jusqu’à sa tête.
Estelle Mayhew/Université de Pretoria (Afrique du Sud)

Nos calculs montrent que cet animal dépenserait environ 21 % de son énergie totale pour faire battre son cœur, contre 16 % pour la girafe et 6,7 % pour l’être humain.

En rapprochant son cœur de sa tête grâce à ses longues pattes, la girafe économise environ 5 % de l’énergie tirée de sa nourriture. Sur une année, cela représenterait plus de 1,5 tonne de végétaux – une différence qui peut littéralement décider de la survie dans la savane africaine.

Comment fonctionnent les girafes

Dans son ouvrage How Giraffes Work, le zoologiste Graham Mitchell explique que les ancêtres des girafes ont développé de longues pattes avant d’allonger leur cou – un choix logique sur le plan énergétique. Des pattes longues allègent le travail du cœur, tandis qu’un long cou l’alourdit.

Un troupeau de girafes dans une plaine herbeuse
Les ancêtres des girafes ont développé de longues pattes avant leur long cou.
Zirk Janssen Photography

Mais ces pattes ont un coût : les girafes doivent les écarter largement pour boire, ce qui les rend maladroites et vulnérables face aux prédateurs.

Les données montrent d’ailleurs que la girafe est le mammifère le plus susceptible de quitter un point d’eau… sans avoir pu boire.

Jusqu’où un cou peut-il s’allonger ?

Squelette de dinosaure dans un musée, disposé presque à la verticale avec son cou extrêmement long
De son vivant, le dinosaure giraffatitan aurait très probablement été incapable de lever la tête aussi haut.
Shadowgate/Wikimedia, CC BY

Plus le cou est long, plus le cœur doit fournir d’efforts. Il existe donc une limite physique.

Prenons le giraffatitan, un dinosaure sauropode de 13 mètres de haut dont le cou atteignait 8,5 mètres. Pour irriguer son cerveau, il aurait fallu une pression artérielle d’environ 770 mm Hg – près de huit fois celle d’un mammifère moyen. Une telle pression aurait exigé une dépense énergétique supérieure à celle du reste de son corps, ce qui est hautement improbable.

En réalité, ces géants ne pouvaient sans doute pas lever la tête aussi haut sans s’évanouir. Il est donc peu probable qu’un animal terrestre n’ait jamais dépassé la taille d’un mâle girafe adulte.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

ref. Pourquoi les girafes ont-elles de si longues pattes ? Une nouvelle étude révèle une explication surprenante – https://theconversation.com/pourquoi-les-girafes-ont-elles-de-si-longues-pattes-une-nouvelle-etude-revele-une-explication-surprenante-269001