Source: The Conversation – France in French (2) – By Claudio Lazzari, Professeur des Universités, Département de biologie animale et de génétique, Université de Tours
La tique est un acarien parasite bien connu pour se nourrir de sang (on dit qu’elle est hématophage) et pour transmettre des maladies, telles que la maladie de Lyme. Contrairement à une idée reçue, les tiques ne dépendent pas de l’être humain : elles piquent principalement des animaux sauvages et domestiques. La question devient alors : combien de temps peuvent-elles survivre sans se nourrir ?
Les scientifiques ont identifié environ 900 espèces de tiques, dont une quarantaine est présente en France. La durée d’existence d’une tique et les particularités de son cycle de vie varient beaucoup d’une espèce à l’autre.
La piqûre de la tique
Contrairement aux moustiques ou aux punaises qui mènent une vie libre et ne cherchent un hôte que lorsqu’ils ont besoin de sang, les tiques s’accrochent fermement à leur hôte pendant de longues périodes, parfois de plusieurs mois, durant lesquelles elles se nourrissent lentement et de façon continue.
L’attachement d’une tique à la peau d’un animal ou d’un humain est très ferme grâce à ses pièces buccales munies de crochets et à la sécrétion d’une substance qui la colle à la peau. De cette façon, la bouche de la tique reste en contact permanent avec une petite accumulation interne de sang produit par l’action de sa salive qui détruit des tissus et des vaisseaux capillaires de l’intérieur de la peau, ce qui lui assure un apport de nourriture permanent.
Un besoin de sang à chaque étape de sa vie
Une tique passe par quatre stades de développement :
- œuf,
- larve (6 pattes),
- nymphe (8 pattes),
- adulte.
Chaque étape, de la larve à l’adulte, nécessite du sang pour se développer et pour passer au stade suivant de même que pour survivre et se reproduire. Il s’agit d’organismes dits « hématophages obligés », car le sang des animaux constitue leur unique source de nutriments tout au long de leur vie.
Une fois qu’elle est prête à passer au stade suivant, ou lorsque la femelle a accumulé suffisamment d’œufs, la tique se détache pour muer ou pondre dans le sol. Ce cycle peut nécessiter, selon les espèces, un, deux ou trois hôtes différents que la tique parasitera au cours de sa vie.
La quantité d’œufs qu’une tique femelle peut produire avant de se détacher de l’hôte est énorme, grâce à son corps souple qui augmente de taille à mesure que les œufs s’accumulent par milliers à l’intérieur. Une petite tique à peine repérable devient ainsi une boule d’œufs et de sang de plus d’un ou deux centimètres lorsqu’elle est prête à pondre.
Certaines espèces montent à l’état de larve sur un hôte et ne le quittent qu’une fois adultes, au bout de quelques mois, au moment de la ponte des œufs et le cycle se répète de manière continue.
D’autres espèces passent leur première année de vie en tant que larve sur un rongeur, leur seconde année en tant que nymphe sur un herbivore de taille moyenne, comme un lapin, puis leur troisième année en tant qu’adulte sur une vache, pendant laquelle la femelle produit une quantité colossale d’œufs qu’elle laisse par terre avant de mourir.
Une question de santé humaine et animale
En France, la maladie de Lyme est principalement transmise par la tique dure Ixodes ricinus, qui est largement répandue sur le territoire hexagonal, à l’exception du pourtour méditerranéen et des régions en altitude. La même espèce peut transmettre d’autres maladies, comme l’encéphalite à tiques.
D’autres espèces de tiques aussi présentes en France transmettent également des maladies qui affectent l’homme, comme la fièvre boutonneuse méditerranéenne et le Tibola, qui sont causées par des bactéries du genre Rickettsia et transmises par des tiques comme Rhipicephalus sanguineus ou Dermacentor.
Les tiques impactent également la santé animale, car elles transmettent des micro-organismes pathogènes au bétail, comme les responsables de la piroplasmose et de l’anaplasmose bovine, provoquant des pertes économiques importantes dans les élevages et dans la production laitière.
La survie sans piquer
Les tiques ont la capacité remarquable de survivre longtemps sans se nourrir. Pour supporter le manque de nourriture, elles mettent en place diverses stratégies, comme ralentir leur métabolisme et ainsi leurs dépenses énergétiques, ou consommer leurs propres tissus, un processus appelé « autophagie ».
Selon plusieurs études scientifiques, à l’état de nymphe ou d’adulte, les tiques peuvent survivre plus d’un an sans se nourrir dans la litière (l’ensemble de feuilles mortes et débris végétaux en décomposition qui recouvrent le sol), si les conditions environnementales sont favorables, notamment une température basse et une humidité élevée. Comme tout organisme de taille relativement petite, les tiques sont particulièrement exposées à la perte d’eau corporelle par dessiccation. Elles possèdent néanmoins des mécanismes pour absorber de l’eau de l’air si l’humidité relative de l’environnement le permet, comme au moment de la rosée.
Le jeûne hors hôte se caractérise par un métabolisme lent avec de longs intervalles d’inactivité, ponctués par des déplacements courts afin d’augmenter l’absorption d’eau ou de rechercher une position permettant de détecter un hôte. Si la température et l’humidité relative restent adéquates, la survie dépend alors du maintien d’un équilibre délicat entre une utilisation judicieuse de l’énergie et le maintien de la teneur en eau du corps, car l’équilibre hydrique est probablement le facteur le plus critique.
Pour maximiser les possibilités de trouver un hôte, les tiques ont un comportement assez particulier, consistant à grimper sur une brindille à côté des corridors de passage d’animaux et restent longtemps accrochées avec les pattes étendues. Ce comportement, appelé « de quête », leur permet de détecter le passage d’un hôte et de monter sur lui.
Il est important de rappeler que les tiques ne préfèrent pas les humains comme hôtes. Elles s’attaquent naturellement aux mammifères sauvages (cerfs, rongeurs), aux oiseaux et aux animaux domestiques. Elles ne dépendent donc pas de l’homme pour survivre ou évoluer. Une tique peut très bien vivre toute sa vie sans jamais piquer un être humain, pourvu qu’elle trouve un autre hôte.
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Claudio Lazzari ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
– ref. Combien de temps une tique peut-elle vivre sans piquer un humain ? – https://theconversation.com/combien-de-temps-une-tique-peut-elle-vivre-sans-piquer-un-humain-268802
