Source: The Conversation – in French – By Melise Panetta, Lecturer of Marketing in the Lazaridis School of Business and Economics, Wilfrid Laurier University

Les jeunes dans la vingtaine et la trentaine évoluent dans un nouveau contexte social où les réalités financières influencent leurs relations.
Si vous avez l’impression que l’inflation transforme votre vie amoureuse ou vos amitiés, vous ne rêvez pas. Partout dans le monde les contraintes économiques ont un véritable impact sur les relations humaines.

Chacun vit sa vingtaine et sa trentaine à sa façon. Certains économisent pour contracter un prêt hypothécaire quand d’autres se démènent pour payer leur loyer. Certains passent tout leur temps sur les applications de rencontres quand d’autres essaient de comprendre comment élever un enfant. Notre série sur les 25-35 ans aborde vos défis et enjeux de tous les jours.
Qu’il s’agisse de tensions dans les couples ou d’étapes importantes de la vie que l’on repousse, l’incertitude financière affecte la manière dont les gens entrent en relation et communiquent, selon un récent sondage réalisé par la Banque Royale du Canada (RBC).
Les adultes dans la vingtaine et la trentaine, en particulier, évoluent dans un nouveau contexte social, où même les aspects les plus fondamentaux des relations sont influencés par la réalité financière.
Stress financier et tensions conjugales
L’argent est depuis longtemps l’une des principales sources de conflit dans les couples, mais le contexte économique actuel accentue encore davantage le stress financier.
Au Canada, 77 % des couples déclarent rencontrer des contraintes financières et 62 % affirment se disputer à propos de l’argent. L’augmentation du coût du loyer, de l’alimentation et des dépenses quotidiennes a en effet poussé de nombreux couples à prendre des décisions financières difficiles, parfois au détriment de leur relation, toujours selon le sondage RBC.
Ces préoccupations ne concernent pas uniquement les ménages canadiens. Une étude menée au Royaume-Uni a révélé que 38 % des personnes en couple admettent avoir un compte secret ou « de l’argent caché » dont leur partenaire ignore l’existence. Aux États-Unis, les couples interrogés ont déclaré avoir 58 disputes liées à l’argent par an.

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Plus inquiétant encore, l’instabilité financière a une incidence sur la durée des relations. Toujours selon le récent sondage de la RBC, 55 % des Canadiens estimaient devoir être en couple pour pouvoir se permettre leur style de vie.
Les obstacles économiques à l’indépendance sont particulièrement importants si l’on envisage une séparation ou un divorce. Traditionnellement, une rupture signifiait que l’un des partenaires quittait la maison, mais aujourd’hui, de plus en plus de couples divorcés ou séparés doivent cohabiter simplement parce qu’ils n’ont pas les moyens de vivre seuls.
Pour les couples, savoir entretenir une relation saine lorsqu’on rencontre des contraintes financières est essentiel pour traverser ces temps difficiles.
Reporter les décisions importantes de la vie
La crise du coût de la vie retarde également les étapes importantes de la vie des jeunes adultes dans le monde entier. Une enquête de Statistique Canada a révélé que 38 % d’entre eux estiment que leur capacité financière et l’accès à un logement adéquat pourraient constituer des obstacles à leur projet d’avoir un enfant.
Ce problème ne repousse pas seulement le passage à l’indépendance, il provoque même des retours en arrière. Au Royaume-Uni, par exemple, un jeune adulte sur cinq ayant quitté le domicile familial a dû y revenir en raison de la crise actuelle.
L’accessibilité au logement joue un rôle majeur dans ce contexte. Avec la flambée des prix de l’immobilier au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni et ailleurs, l’accession à la propriété semble hors de portée pour beaucoup. Ainsi, 55 % des jeunes Canadiens déclarent que la crise du logement les incite à reporter le projet de fonder une famille.

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Ces retards ont des répercussions en cascade sur les individus et les tendances sociétales plus larges, avec une baisse des taux de fécondité et une évolution vers des familles moins nombreuses.
Les rencontres amoureuses à l’ère des budgets serrés
Une des conséquences de la hausse du coût de la vie est que les couples emménagent ensemble plus tôt qu’ils ne l’auraient fait autrement, afin de partager les dépenses courantes. D’autres adoptent une approche pragmatique de l’amour et abordent des sujets tels que la stabilité financière, la sécurité de l’emploi et le logement beaucoup plus tôt dans leur relation.
Une tendance dans le monde de la recherche amoureuse, connue sous le nom de « future-proofing » (préparer son avenir) se répand également. Selon le rapport annuel de Bumble sur les tendances, 95 % des célibataires interrogés déclarent que leurs inquiétudes quant à l’avenir influencent leurs choix en matière de rencontres et leur approche des relations. Parmi leurs principales préoccupations figurent les finances, la sécurité de l’emploi, le logement et les changements climatiques.
Parallèlement, les difficultés financières incitent les gens à opter pour des sorties simples et bon marché. Plus de la moitié des Canadiens affirment que la hausse du coût de la vie a une incidence sur leur façon de faire des rencontres. Les gens privilégient les activités abordables, comme les rendez-vous dans un café, les pique-niques ou les repas faits maison, plutôt que les restaurants chics ou les escapades d’une fin de semaine.
Au Royaume-Uni, le tiers des jeunes célibataires se disent moins enclins à faire des rencontres à cause de l’inflation et des dépenses quotidiennes. Environ un quart d’entre eux affirment que cela les a rendus moins enclins à rechercher une relation amoureuse.

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Ces coûts obligent les célibataires américains à revoir leurs projets en matière de rencontres amoureuses. En effet, 44 % d’entre eux déclarent avoir modifié un rendez-vous pour des raisons financières et 27 % l’avoir carrément annulé. Il est clair que le coût de la vie transforme la façon dont les Américains font des rencontres.
De plus, 38 % des Canadiens qui cherchent l’amour affirment que les coûts liés aux rendez-vous ont un impact négatif sur leur capacité à atteindre leurs objectifs financiers, certains allant même jusqu’à renoncer complètement aux rencontres.
Le coût de l’amitié
Les amitiés en pâtissent également. L’époque où l’on pouvait aller au restaurant ou assister à un concert sans se poser de questions est révolue. Environ 40 % des Canadiens, 42 % des Britanniques et 37 % des Américains ont en effet réduit leurs sorties sociales pour des raisons financières.
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Le sacrifice peut sembler anodin, mais le déclin des interactions sociales a de graves conséquences. Une vie sociale régulière est essentielle pour la santé mentale, la résilience et la réussite professionnelle. L’augmentation de la solitude et de l’isolement, deux facteurs pouvant avoir un impact significatif sur le bien-être émotionnel, est proportionnelle à la réduction des activités sociales.
De nos jours, beaucoup de gens choisissent des activités abordables pour socialiser. Cependant, même avec des solutions créatives, les contraintes financières rendent difficile le maintien de liens solides.
Les relations changent
Si vous êtes dans la vingtaine ou la trentaine, vous avez probablement remarqué à quel point la réalité économique actuelle transforme les relations. L’inflation influence beaucoup de choses, notamment les choix de cohabitation, de sorties amoureuses ou encore le moment où l’on franchit des étapes importantes de la vie.
Vous avez peut-être emménagé avec votre conjoint plus tôt que prévu pour partager les frais de loyer, remplacé les sorties nocturnes par des activités moins coûteuses ou reporté des étapes importantes, comme fonder une famille. Vous n’êtes pas seul. Les contraintes financières redéfinissent la façon dont nous vivons les uns avec les autres.
Il est essentiel de trouver des moyens de maintenir des relations solides dans un contexte économique difficile. Des études montrent que le soutien émotionnel, l’utilisation de techniques positives de résolution de problèmes et une communication ouverte sont fondamentaux pour entretenir des relations de qualité.
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Melise Panetta ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
– ref. La hausse du coût de la vie modifie notre façon de faire des rencontres, de vivre et d’aimer – https://theconversation.com/la-hausse-du-cout-de-la-vie-modifie-notre-facon-de-faire-des-rencontres-de-vivre-et-daimer-266133
