La démocratie municipale n’a pas la couverture médiatique qu’elle mérite 

Source: The Conversation – in French – By Sandra Breux, Démocratie municipale, élections municipales, Institut national de la recherche scientifique (INRS)

De façon générale, les médias traditionnels réussissent difficilement, faute de moyens, à couvrir l’ensemble des enjeux et à les documenter en profondeur. La Conversation Canada, CC BY

La campagne électorale du 2 novembre, qui déterminera la composition de plus de 1 000 conseils municipaux, est l’occasion de nous rappeler que la démocratie municipale québécoise souffre d’un double déficit : un manque criant de couverture médiatique et un traitement systématiquement négatif qui occulte les dynamiques constructives au profit des dysfonctionnements.

Cette vision déséquilibrée décourage la participation électorale et l’engagement citoyen.

La démocratie municipale, c’est près de 12 000 candidats qui postulent aux quelques 8 000 postes à pourvoir. C’est aussi des élus qui sont, dans leur grande majorité, rémunérés à temps partiel et qui tentent de satisfaire les besoins de la population, de répondre aux exigences auxquelles ils et elles doivent se conformer et d’inciter les citoyens à participer au développement de leur municipalité.

La démocratie municipale, c’est aussi des électeurs qui exercent leurs droits de vote, qui proposent des projets audacieux, se mobilisent, participent à des consultations publiques, cherchent à comprendre le bien-fondé d’une décision, demandent des comptes à leurs élus et font du bénévolat. C’est aussi un ensemble d’organismes variés qui soutiennent l’action des municipalités dans différents domaines pour essayer d’améliorer leur cadre de vie et le bien-être général de la population.

Parler de démocratie municipale, ce n’est pas que – certaines représentations sont tenaces – parler d’aqueducs, de déneigement et de collecte de poubelles. C’est discuter de la façon dont les ressources vont être allouées : faut-il vendre un terrain à un promoteur immobilier pour récupérer des fonds qui seront investis dans d’autres projets, ou le conserver pour créer un espace pour la population ?

Respectivement professeure à l’INRS en études urbaines, et professeure à l’Université d’Ottawa en sciences politiques, nous nous interrogeons sur le contexte médiatique et ses effets sur notre manière collective d’appréhender le palier de gouvernement municipal. Outre le déficit d’information qui le caractérise, le traitement médiatique dont il est l’objet pose certainement question à la veille du rendez-vous démocratique du 2 novembre prochain.

Sur le déficit informationnel

Plusieurs chercheurs et observateurs ont déjà souligné la faiblesse de la couverture médiatique dont fait l’objet la scène municipale. Si les médias provinciaux et régionaux couvrent les principaux pôles urbains, l’essentiel du territoire ne peut compter que sur les journaux locaux, dont le modèle d’affaire peine à en assurer la survie.




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De façon générale, les médias traditionnels réussissent difficilement, faute de moyens, à couvrir l’ensemble des enjeux et à les documenter en profondeur. Cette situation n’est pas spécifique au Québec. Plusieurs travaux en Amérique du Nord font l’hypothèse qu’il existe à l’échelle municipale une circulation plus faible de l’information politique en comparaison avec les autres niveaux de gouvernement.

L’absence d’une circulation suffisante et adéquate de l’information politique a des conséquences sur l’électorat : il est plus difficile de savoir qui se présente, quel est le programme de chaque candidat, mais aussi de saisir la réelle portée des enjeux qui sont discutés. Plus encore, une enquête menée en 2017 sur 3 200 électeurs au Québec a montré que plus un électeur connaît les programmes et les projets des candidats, plus il est susceptible de voter.

Sur le traitement médiatique

Lorsqu’elle existe, la couverture municipale met davantage l’accent sur les dysfonctionnements (faible participation, augmentation du nombre d’élections par acclamation, démissions d’élus, harcèlement des élus, climat tendu au sein du conseil, mécontentement des citoyens), que sur les dynamiques constructives (solutions locales, innovations de services, mobilisations citoyennes).

Ces éléments s’ajoutent aux nouveaux enjeux auxquels sont confrontées les municipalités : logement, mobilité, itinérance, ou gestion de l’eau. La complexité de ces problèmes empêche souvent les municipalités de trouver des solutions à court ou à moyen terme. Ils nourrissent alors un flot de nouvelles négatives qui surpasse de loin les informations valorisant les actions des élus et des citoyens.

Le problème n’est pas que ces sujets soient couverts – ils doivent l’être –, mais que l’écart avec les informations valorisant les actions et les solutions soit tel qu’il produit une image déséquilibrée et décourageante de la démocratie municipale.

La faible présence médiatique du municipal favorise par ailleurs la domination d’une seule grille de lecture qui met sans cesse en évidence les défaillances de cette démocratie. Ce cadrage unique ne favorise ni la participation électorale, ni l’engagement citoyen, ni le renouvellement des élus. Et si on peut penser que de façon générale, la couverture médiatique des affaires provinciales et fédérales peut aussi être négative, la diversité des médias et le volume des informations relayées rendent possibles plusieurs lectures.




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Le déséquilibre en exemples

Lire que 65 % des élus en 2021 l’ont été par acclamation laisse entendre que c’est un problème. On sait pourtant que ce fait mérite une lecture plus nuancée et qu’il cache une réalité bien différente. Cette situation peut s’expliquer par la difficulté à recruter, parfois par un choix volontaire pour éviter des frais de tenue d’élection, et d’autres fois encore par la volonté de ne pas s’opposer à quelqu’un que l’on connaît. Il convient par ailleurs de rappeler que le fait d’avoir quelque 8 000 élus est déjà une réalisation de taille.


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De même, mettre de l’avant que la population ne participe pas, notamment les jeunes, c’est occulter l’ensemble des actions que des bénévoles (Commission jeunesse etc.), des citoyens, des municipalités et des institutions mettent en place pour favoriser l’intérêt des citoyens. La moyenne provinciale de la participation électorale est par ailleurs plus élevée que celle que l’on rencontre dans d’autres provinces, notamment l’Ontario, même si elle demeure faible, à 38,7% de taux de participation.

Enfin, parler d’un climat politique tendu et des difficultés d’être élu, c’est oublier que certains élus se mobilisent et s’entraident pour parler d’une fonction qu’ils apprécient (que ce soit au sein de la FQM et de l’UMQ, ou dans de nouveaux lieux comme la nouvelle vague municipale, ou encore via une série de publications individuelles ou collectives.

La Conversation Canada

Sandra Breux a reçu des financements du CRSH, du FRQSC et du programme des Chaires de recherche du Canada

Anne Mevellec a reçu des financements du CRSH

ref. La démocratie municipale n’a pas la couverture médiatique qu’elle mérite  – https://theconversation.com/la-democratie-municipale-na-pas-la-couverture-mediatique-quelle-merite-266531