Source: The Conversation – in French – By James Horncastle, Assistant Professor and Edward and Emily McWhinney Professor in International Relations, Simon Fraser University
On constate une importante augmentation des incursions russes en Europe ces derniers temps. Elles ont commencé à la mi-septembre, quand des drones russes ont violé l’espace aérien polonais, contraignant la Pologne à déployer son armée de l’air pour protéger sa souveraineté.
Par la suite, un drone russe a violé l’espace aérien roumain. Plus inquiétant encore, trois MiG-31 russes ont survolé le ciel estonien dans un acte clairement provocateur.
Ces incursions russes établies sont toutefois éclipsées par un phénomène troublant. Des aéroports européens, notamment ceux de Copenhague et de Munich, ont vu leurs opérations perturbées par des drones d’origine inconnue.
Les analystes sont de plus en plus convaincus que ces derniers sont pilotés par des agents russes dans le but de semer la peur et de faire monter la tension en Europe. L’avenir nous dira si cette théorie est fondée.
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Affaiblissement de l’offensive russe ?
Ces incidents peuvent sembler destinés à aggraver le conflit qui se déroule en Europe en menaçant d’entraîner l’Union européenne et l’OTAN dans l’affrontement, mais ils révèlent en réalité la faiblesse stratégique de la Russie à l’approche de l’hiver.
Tout au long de l’année 2025, la Russie a bénéficié de plusieurs avantages par rapport à l’Ukraine. Sa supériorité en matière de production d’armes et de mobilisation, renforcée par l’aide directe et indirecte de pays comme la Corée du Nord et la Chine, lui a conféré une position stratégique favorable.
La Russie a attaqué l’Ukraine sur de multiples fronts.
Pendant que ses forces avançaient vers des positions ukrainiennes, la Russie intensifiait le rythme et l’ampleur de ses frappes par drones et missiles contre des villes ukrainiennes. Néanmoins, même si ces armes ont causé d’importantes destructions et des pertes considérables en Ukraine en 2025, les Ukrainiens n’ont pas perdu leur volonté de résister.
Les forces russes ont profité de ce déséquilibre stratégique pour s’emparer de territoires ukrainiens. Si elles ont enregistré des gains, elles n’ont toutefois pas réussi à obtenir une percée décisive. Par ailleurs, les avancées minimes réalisées par la Russie en septembre indiquent que son offensive est au point mort.
L’arrivée de l’automne, avec ses pluies et ses températures froides, devrait encore ralentir les opérations militaires russes en Ukraine. Si l’année 2025 avait bien commencé pour la Russie, le bilan de Poutine s’avère en fin de compte plutôt décevant.
De plus, l’Ukraine n’est pas demeurée passive pendant cette période.
Exploiter les vulnérabilités russes
D’un point de vue numérique et matériel, la Russie possède un avantage considérable sur l’Ukraine. L’Ukraine cherche toutefois à affaiblir deux composantes étroitement liées de la situation en Russie : le soutien populaire dont bénéficie Poutine et l’économie du pays.
L’ampleur du soutien au président russe à l’échelle nationale fait l’objet de débats parmi les universitaires et les analystes. Cependant, les actions de Poutine donnent à penser qu’il est suffisamment inquiet pour chercher à protéger sa base électorale des effets de la guerre. Dans ce but, il entretient l’illusion d’une économie russe forte.
Elvira Nabiullina, présidente de la Banque centrale russe, a déclaré que l’économie du pays était en difficulté. Poutine a ignoré ses avertissements et a préféré répondre aux critiques par des répliques cinglantes.
Malgré la réaction désinvolte de Poutine face aux propos sur la faiblesse de l’économie russe, l’Ukraine est consciente de la fragilité de la position de son voisin. Et elle s’en prend désormais de manière répétée à la ressource qui est au cœur de la prospérité précaire de la Russie : le pétrole.
Le pétrole et le gaz naturel représentent au moins 30 pour cent du budget fédéral russe. Les innovations ukrainiennes dans le domaine de la technologie des drones et des missiles ont permis au pays de frapper à plusieurs reprises les infrastructures logistiques et de raffinage de pétrole et de gaz naturel russes.
La Russie a dû déclarer un moratoire total sur les exportations d’essence pour le reste de l’année. De plus, elle a récemment été contrainte d’étendre l’interdiction d’exportation au diesel.
Les pénuries de carburant ne feront qu’empirer à mesure que la demande en énergie augmentera durant le rude hiver russe. Et les partisans de Poutine finiront par souffrir des conséquences de ses politiques.
Escalader pour désescalader
Les échecs stratégiques russes en 2025, associés à la pression croissante exercée par l’Ukraine, expliquent en partie les actions subversives déployées par la Russie en Europe.
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Un élément souvent mal compris de la doctrine stratégique russe est le concept d’intensification de la tension pour obtenir un apaisement. Bien que cette tactique soit le plus souvent associée à la stratégie nucléaire, elle s’applique à tous les aspects de la doctrine stratégique russe.
Les politiciens et les généraux russes estiment que l’Europe n’est ni prête ni disposée à entrer en guerre contre la Russie. Ils sont également convaincus que les dirigeants européens, malgré leurs discours, feront tout leur possible pour éliminer la cause profonde des incursions russes récentes dans l’espace aérien européen, soit le conflit entre la Russie et l’Ukraine.
Après avoir donné l’impression de pousser l’Europe au bord de la guerre, Poutine devrait se tourner vers une politique encourageant une solution diplomatique en Ukraine. Il a suivi une stratégie similaire en se montrant plus enclin à la diplomatie pendant les hivers 2024 et 2025. Les leaders mondiaux, désireux de voir la guerre prendre fin, ont pris ces propositions plus au sérieux qu’elles ne le méritaient.
Les drones et les missiles russes ont peut-être eu des effets dévastateurs pour l’Ukraine, mais ils n’ont pas modifié l’équilibre stratégique.
Les frappes ukrainiennes, en revanche, semblent porter leurs fruits sur le plan stratégique à un moment critique où la Russie est vulnérable, obligeant Poutine à recourir à des moyens non conventionnels pour tenter de remporter la victoire contre l’Ukraine.
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James Horncastle ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
– ref. Les provocations de la Russie en Europe indiquent-elles un affaiblissement de sa position stratégique ? – https://theconversation.com/les-provocations-de-la-russie-en-europe-indiquent-elles-un-affaiblissement-de-sa-position-strategique-267512
