Climat : les pays africains se préparent à donner un coup d’accélérateur

Source: The Conversation – in French – By Pedi Obani, Associate Professor, School of Law, University of Bradford

Le deuxième Sommet africain sur le climat, qui s’est tenu en Éthiopie en septembre 2025, a réuni plus de 25 000 participants : présidents, ministres, agriculteurs, militants, chefs d’entreprise et étudiants. Tous sont venus discuter de la manière dont l’Afrique peut trouver des financements pour se développer de manière plus écologique et faire face à l’aggravation des catastrophes climatiques. Le continent, qui contribue très peu aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, subit pourtant de plein fouet les effets du réchauffement climatique. Dans le même temps, il ne dispose pas de fonds suffisants pour s’adapter au réchauffement de la planète. J’examine ici les trois grands projets dévoilés lors du sommet et ce qui est nécessaire pour les concrétiser.

Des financements importants pour un avenir vert en Afrique

L’un des grands sujets sur la table du sommet était la question du financement de l’adaptation des pays africains à un climat qui se réchauffe rapidement.

Le changement climatique entraîne en effet déjà des pertes sociales et économiques importantes en Afrique. Or, la communauté internationale ne prévoit de mettre à la disposition du continent qu’environ 195 milliards de dollars américains pour l’adaptation au changement climatique d’ici 2035. Ce montant est bien inférieur aux 1 600 milliards de dollars américains considérés comme nécessaires.

Le sommet a présenté certaines des innovations utilisées par les pays africains pour s’adapter au changement climatique et prévenir les catastrophes. Il a aussi présenté des pistes pour mieux financer ces initiatives. L’objectif était de mettre en lumière une Afrique certes victime du réchauffement climatique, mais aussi porteuse de leadership et de solutions face à ce défi mondial.

L’initiative éthiopienne « Green Legacy » (Héritage vert) a ainsi permis de planter 48 milliards d’arbres en sept ans. L’initiative « Climate-Resilient Wheat Initiative » (Blé résilient face au climat), qui vise à améliorer la production de cette céréale, la productivité et les revenus des petits agriculteurs, a également été présentée, mais aussi d’autres projets liés aux industries vertes.

Afin, précisément, d’accélérer l’industrialisation verte sur le continent, des institutions financières africaines telles que la Banque africaine de développement, Afreximbank, Africa50, Africa Finance Corporation, KCB Group, Equity Bank, Standard Bank Kenya, Ecobank et le secrétariat de la Zone de libre-échange continentale africaine se sont engagées à verser 100 milliards de dollars américains à l’Initiative pour l’industrialisation verte de l’Afrique, lancée par l’Union africaine en 2023 lors de la conférence mondiale sur le changement climatique COP28.

Cette initiative vise à accélérer l’industrialisation verte afin de développer les industries locales respectueuses de l’environnement. Ce qui permettra d’offrir davantage d’opportunités d’emploi et de faire de l’Afrique un acteur clé de l’économie verte mondiale.

Le sommet s’est également engagé à financer chaque année 1 000 projets africains d’innovation ou d’adaptation au changement climatique. Le Pacte africain pour l’innovation climatique et le Fonds africain pour le climat permettront de lever 50 milliards de dollars américains par an d’ici 2030 pour financer ces projets.

Les participants ont également insisté pour que les pays du Nord soient légalement tenus de verser des subventions à l’Afrique afin de réparer les dommages liés au climat. Ces subventions ne doivent pas être remboursables, car les prêts alourdissent davantage le fardeau déjà écrasant de la dette des pays africains.

Une loi type sur le climat que les pays africains peuvent adapter

Actuellement, environ huit pays africains ont mis en place des lois sur le changement climatique. Le Groupe d’experts des négociateurs africains – un groupe de réflexion qui fournit aux gouvernements du continent des conseils scientifiques et politiques – a présenté, lors du sommet, une nouvelle loi type sur le changement climatique pour l’Afrique.

Cette loi peut être adaptée par les pays africains en fonction de leur situation tout en intégrant les engagements internationaux pris pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

La mise en place de lois sur le climat permet aux citoyens de poursuivre plus facilement les gouvernements en justice en cas de catastrophes climatiques. Elle aide également les institutions publiques à faire appliquer les obligations en matière de changement climatique.

Par exemple, en 2024, pas moins de 56 % des poursuites liées au climat dans les pays du Sud ont été intentées par des gouvernements. Elles visaient à garantir le respect des responsabilités climatiques ou à obtenir une indemnisation pour les dommages liés au climat.

La loi type a été élaborée conjointement par des parlementaires, des membres du personnel parlementaire, des experts en changement climatique et des juristes. Lorsque les pays intégreront leurs spécificités nationales dans cette loi, celle-ci constituera une avancée importante sur le chemin de la décolonisation de la législation climatique à l’échelle mondiale. Plus les États africains adopteront de telles lois, plus leur voix comptera dans les débats juridiques internationaux sur le climat.

Cette loi type reconnaît également le rôle de la société civile – les femmes, les jeunes, les peuples autochtones et les personnes handicapées- dans la gouvernance climatique, aux côtés des gouvernements.

Le financement climatique doit être une obligation légale

Le financement climatique sert généralement à financer des activités ou des projets qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit notamment de produire de l’énergie à partir de sources propres ou renouvelables et de préserver les forêts qui servent de puits de carbone naturels. Il sert également à soutenir les populations et les écosystèmes afin qu’ils puissent mieux s’adapter aux effets négatifs du changement climatique.

Les délégués du sommet ont affirmé que les financements climatiques vers l’Afrique devaient être prévisibles, équitables et garantis par la loi, et non livrés au bon vouloir des donateurs. Ils ont aussi appelé à réformer les cadres commerciaux et d’investissement pour renforcer la résilience économique et climatique.

Selon eux, le système de financement climatique doit être repensé par une diversité d’acteurs : les communautés autochtones, les femmes, les jeunes et les institutions religieuses.

Les actions à entreprendre

Le sommet a organisé des événements parallèles mettant en avant les contributions de la société civile, des organisations confessionnelles, des femmes et des groupes de jeunes. Mais la plupart des pays africains n’ont pas encore intégré ces acteurs dans la prise de décision concernant l’adaptation au changement climatique. Cela doit changer.

Les plus grandes économies mondiales, le G20, actuellement dirigé par l’Afrique du Sud, ne sont pas sur la voie d’une limitation de la hausse moyenne des températures mondiales bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels d’ici 2100.

Le G20 représente environ 80 % des émissions de gaz à effet de serre. Bon nombre de ses membres augmentent leur production de pétrole et de gaz. C’est le cas notamment de l’Afrique du Sud, des États-Unis, de la Russie, du Canada et de l’Arabie saoudite. Les pays du G20 semblent privilégier les technologies de capture du carbone et les marchés d’échange de quotas d’émission plutôt que de réduire purement et simplement leurs émissions de gaz à effet de serre.

Il est d’autant plus remarquable que les États africains aient rompu avec ces pratiques lors du sommet en Éthiopie. Ils se sont engagés en faveur de l’innovation climatique, du financement climatique et de l’adoption de lois sur le changement climatique.

Le sommet a également montré que les pays africains étaient prêts à mener la lutte contre le réchauffement climatique. Le Nigeria est déjà candidat pour accueillir la conférence annuelle mondiale sur le changement climatique, la COP32, en 2027. L’Éthiopie a annoncé lors du sommet qu’elle se porterait également candidate.

Cependant, le déficit de financement lié au changement climatique reste un problème. La 30e conférence mondiale annuelle sur le changement climatique, COP30, qui se tiendra en novembre 2025 au Brésil, montrera dans quelle mesure l’Afrique parvient à obtenir un financement climatique international. Elle devrait aussi faire avancer la création du fonds pour les pertes et dommages, destiné à indemniser les pays les plus touchés par les catastrophes climatiques.

Le financement du climat doit ouvrir un espace plus juste, où ceux qui subissent le plus les effets du réchauffement pourront participer aux décisions, être indemnisés pour leurs pertes et voir les règles appliquées équitablement.

The Conversation

Pedi Obani reçoit un financement du programme UKRI Future Leaders Fellowship.

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