Moins d’étudiants étrangers aux États-Unis : une baisse qui coûte cher aux universités

Source: The Conversation – in French – By Tara Sonenshine, Edward R. Murrow Professor of Practice in Public Diplomacy, Tufts University

On estime à 150 000 la baisse du nombre d’étudiants étrangers sur les campus états-uniens cet automne en raison des politiques mises en place par l’administration Trump. Ce retournement de situation va peser sur les campus et sur leur économie locale.


C’est la période où les étudiants reprennent leurs marques à l’université et, comme tous les ans, les campus états-uniens, de Tucson (Arizona) à Tallahassee (Floride), bourdonnent d’activité. Une tendance nouvelle se dessine toutefois.

Par rapport aux évolutions de l’année universitaire 2024-2025, on estime que 30 à 40 % d’étudiants internationaux de moins sont attendus en cet automne 2025, selon la NAFSA-Association of International Educators – une organisation à but non lucratif spécialisée dans l’éducation internationale – et JB International, une entreprise à but lucratif spécialisée dans les technologies éducatives.

Au total, on estime à 150 000 le nombre d’étudiants internationaux en moins qui doivent arriver ces prochaines semaines, en raison des nouvelles restrictions en matière de délivrance de visas et de l’annulation de rendez-vous administratifs dans les ambassades et consulats états-uniens de nombreux pays, tels que l’Inde, la Chine, le Nigeria et le Japon.

Il y avait plus de 1,1 million d’étudiants internationaux – dont plus de la moitié venaient de Chine ou d’Inde – dans les universités états-uniennes au cours de l’année universitaire 2023-2024, selon l’Institute for International Education, qui surveille les programmes destinés aux étudiants étrangers et qui partage les données récentes les plus complètes.

Cette forte baisse du nombre d’étudiants internationaux pourrait coûter 7 milliards de dollars à l’économie des États-Unis au cours de l’année scolaire 2025-2026, selon les estimations de la NAFSA.

Pour trois étudiants internationaux aux États-Unis, un nouvel emploi américain est créé, ou soutenu, par les 35 000 dollars en moyenne que ces étudiants dépensent localement pour le logement, la nourriture, les transports et d’autres frais.

En qualité de chercheuse à la Fletcher School of Law and Diplomacy de l’université Tufts et ancienne sous-secrétaire d’État à la diplomatie publique dans l’administration Obama, j’ai supervisé de nombreux programmes d’échanges étudiants impliquant de nombreux pays à travers le monde. Je pense que des conséquences économiques majeures se profilent du fait de cette crise des mobilités étudiantes, et qu’elles pourraient s’étirer sur des années.

Une rapide inversion de courbe

Les étudiants étrangers ont commencé à venir aux États-Unis au début du XXe siècle, lorsque des philanthropes, tels que les familles Carnegie, Rockefeller et Mott, ont cherché à envoyer des universitaires états-uniens à l’étranger. Ils ont contribué à la création de bourses internationales qui, par la suite, ont souvent été financées par le gouvernement fédéral, comme le programme Fulbright, qui accorde des bourses à des étudiants états-uniens pour leur permettre de passer du temps et de faire des recherches à l’étranger.

En 1919, des organisations à but non lucratif, telles que l’Institute for International Education, servaient d’intermédiaires entre les étudiants étrangers et les universités américaines.

Le nombre d’étudiants étrangers inscrits aux États-Unis n’a cessé d’augmenter à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale, alors qu’émergeait un monde où il était devenu plus facile et moins coûteux de voyager. Alors que 26 000 étudiants étrangers sont venus aux États-Unis au cours de l’année scolaire 1949-1950, ce nombre est passé à 286 343, trois décennies plus tard.

Dans les années 1990, plus de 400 000 étudiants internationaux fréquentaient chaque année les établissements états-uniens. Ce nombre a continué d’augmenter pour dépasser les 500 000 au début des années 2000. Le nombre d’étudiants internationaux inscrits aux États-Unis a passé pour la première fois le cap du million au cours de l’année scolaire 2015-2016.

Alors que les étudiants internationaux ne représentaient que 1 % des 2,4 millions d’étudiants aux États-Unis en 1949-1950, ils représentaient environ 6 % des 18,9 millions d’étudiants en 2023-2024, selon le Migration Institute, un organisme de recherche non partisan. Ce pourcentage est toutefois relativement faible par rapport à la proportion d’étudiants étrangers dans les universités d’autres pays.

Les étudiants internationaux représentaient 38 % des inscriptions totales dans les universités canadiennes, 31 % de l’ensemble des étudiants universitaires en Australie et 27 % de l’ensemble des étudiants au Royaume-Uni au cours de l’année scolaire 2024-2025.

Les avertissements de Trump aux étudiants étrangers

Dans les 90 jours suivant son retour au pouvoir, le président Donald Trump a invoqué la loi de 1952 sur l’immigration et la nationalité, qui donne au secrétaire d’État le pouvoir d’expulser les étudiants étrangers dont le comportement pourrait menacer les intérêts de la politique étrangère américaine.

Depuis, le gouvernement états-unien a révoqué les visas de 6 000 étudiants étrangers, a rapporté le département d’État en août 2025.

Plusieurs arrestations très médiatisées d’étudiants internationaux ont également eu lieu, notamment celle de Rumeysa Ozturk, une étudiante turque de l’Université Tufts (Massachusetts). Les agents des services de l’immigration et des douanes ont arrêté Mme Ozturk en mars 2025, peu après que l’administration a révoqué son visa. Son arrestation est survenue un an après qu’elle a co-rédigé un article d’opinion appelant l’Université Tufts à reconnaître le génocide dans la bande de Gaza et à se désengager de toutes les entreprises ayant des liens avec Israël.

Le secrétaire d’État Marco Rubio a pris parti pour l’arrestation d’Ozturk, déclarant en mars que le gouvernement n’accordera pas de visas aux personnes qui viennent aux États-Unis dans l’intention de « vandaliser des universités, [de] harceler des étudiants, [d’]occuper des bâtiments, [de] semer le trouble ».

En mai 2025, un juge fédéral a statué qu’il n’y avait aucune preuve démontrant qu’Ozturk représentait une menace crédible pour les États-Unis. Elle a alors été libérée du centre de détention pour immigrants.

Mais son arrestation a coïncidé avec celle d’autres étudiants étrangers dans des affaires très médiatisées, comme celle de Mahmoud Khalil, étudiant de troisième cycle à Columbia (New York) et résident permanent aux États-Unis, arrêté après avoir participé à des manifestations sur le campus en faveur des droits des Palestiniens. Ces arrestations ont envoyé le message suivant aux étudiants étrangers, « Il n’est plus aussi sûr qu’avant de venir aux États-Unis ».

L’administration a annoncé d’autres changements qui rendront plus difficile le séjour des étudiants étrangers aux États-Unis, comme une politique de restriction des voyages à partir de 2025, qui bloque ou restreint l’entrée des personnes de 19 pays, principalement du Moyen-Orient et d’Afrique.

L’administration a également annoncé, en août, son intention de limiter à quatre ans la durée de séjour des étudiants étrangers. Actuellement, ceux-ci bénéficient d’un délai de soixante jours après l’obtention de leur diplôme pour rester aux États-Unis, avant de devoir obtenir un visa de travail ou un autre type d’autorisation pour rester légalement dans le pays.

Une simple équation mathématique

L’Université de New York, l’Université Northeastern de Boston (Massachusetts) et l’Université Columbia sont celles qui ont accueilli le plus grand nombre d’étudiants internationaux en 2023-2024. Mais ceux-ci ne se concentrent pas uniquement dans les grandes villes à tendance démocrate.

L’Université d’État de l’Arizona a accueilli le quatrième plus grand nombre d’étudiants internationaux cette année-là, et l’Université Purdue dans l’Indiana et l’Université du Texas du Nord figurent également parmi les dix établissements qui accueillent le plus grand nombre d’étudiants internationaux.

Tous ces établissements, ainsi que d’autres, comme les universités de Kansas City (Missouri) – qui ont accueilli beaucoup moins d’étudiants internationaux que prévu au printemps, certains d’entre eux n’ayant pas pu obtenir de visa – subiront les conséquences financières du refus d’accueillir des étudiants internationaux aux États-Unis.

En raison de toutes ces évaluations, je pense qu’il existe des arguments solides en faveur d’une augmentation du nombre d’étudiants étrangers accueillis aux États-Unis plutôt que d’une réduction.

The Conversation

Tara Sonenshine ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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