Source: The Conversation – France (in French) – By Alexandra Killewald, Professor of Sociology, University of Michigan

Aux États-Unis, baisse du taux de natalité et réduction de l’écart salarial entre hommes et femmes ne sont pas simplement concomitantes. Elles sont liées. Pour obtenir l’égalité salariale, il faudra agir sur les effets de la parentalité en matière de rémunération.
Aux États-Unis, les femmes ne gagnaient en moyenne que 85 % de ce que les hommes gagnaient pour chaque heure travaillée en 2024. Cependant, elles s’en sortent beaucoup mieux que leurs mères et grands-mères il y a quarante ans. Au milieu des années 1980, les femmes ne touchaient que 65 % du salaire des hommes pour chaque heure de travail rémunéré.
Les salaires des femmes se sont améliorés par rapport à ceux des hommes en partie grâce aux progrès réalisés dans leur niveau d’éducation et leur expérience professionnelle, et parce que les femmes se sont orientées vers des professions mieux rémunérées. Mais les avancées vers l’égalité salariale sont actuellement au point mort.
En tant que sociologues et démographes, nous voulions savoir si les changements au sein des familles américaines avaient également contribué à rapprocher les femmes de l’égalité salariale avec les hommes. Dans un article publié en juin 2025 dans la revue académique Social Forces, nous avons montré que cet écart salarial se réduit en partie parce que les femmes ont moins d’enfants.
Les mères gagnent moins, mais les pères gagnent davantage
Aux États-Unis et ailleurs, de nombreuses preuves montrent que la parentalité affecte différemment les salaires des hommes et des femmes. Comparativement aux femmes sans enfant, la maternité entraîne des pertes de salaire pour les femmes. Et ces pertes sont plus importantes lorsque les femmes ont plusieurs enfants.
En revanche, après être devenus pères, les hommes voient généralement leur salaire augmenter. Comme le fait d’avoir des enfants tend à faire baisser les salaires des femmes et à les faire augmenter pour les hommes, la parentalité élargit l’écart salarial entre les sexes.
La baisse du taux de natalité joue un rôle
Les Américaines ont en général moins d’enfants. Les femmes, y compris celles qui ne travaillent pas à l’extérieur du foyer, avaient en moyenne environ trois enfants avant l’âge de 40 ans en 1980. En 2000, cette moyenne était tombée à 1,9 enfant, et elle est restée relativement stable depuis.
Pour déterminer si les changements dans le nombre d’enfants des mères américaines actives influencent leurs revenus par rapport à ceux des hommes, nous avons analysé des données recueillies auprès d’un échantillon représentatif à l’échelle nationale des familles américaines. Nous avons suivi l’évolution au fil du temps du nombre d’enfants des Américains actifs âgés de 30 à 55 ans.
Nous avons constaté que le nombre moyen d’enfants par employé a chuté de manière significative entre 1980 et 2000, passant d’environ 2,4 à environ 1,8. Cette moyenne s’est stabilisée après 2000 ; en 2018, dernière année de notre analyse, les employés avaient en moyenne environ 1,8 enfant.
Dans le même temps, le salaire horaire des femmes de cette tranche d’âge par rapport à celui des hommes a fortement augmenté. Il est passé de 58 % en 1980 à 69 % en 1990, puis a progressé plus lentement pour atteindre 76 % en 2018. Autrement dit, à mesure que le nombre d’enfants diminuait, l’écart salarial entre les sexes se réduisait. Pour les deux tendances, les changements ont été rapides dans les années 1980, puis plus lents après 1990.
Nous avons ensuite estimé dans quelle mesure la diminution du nombre d’enfants chez les hommes et les femmes pouvait expliquer la réduction de l’écart salarial entre les sexes entre 1980 et 2018. Nous avons constaté que, même après avoir tenu compte d’autres facteurs tels que le nombre d’années d’études, l’expérience professionnelle antérieure et la profession exercée, environ 8 % de la réduction de l’écart salarial entre les sexes peut s’expliquer par le fait que les hommes et les femmes actifs ont moins d’enfants.
Ensuite, nous avons montré que le nombre d’enfants des employés américains avait diminué plus rapidement dans les années 1980 que par la suite. Ce ralentissement a coïncidé avec une décélération des gains salariaux des femmes par rapport aux hommes. Une fois que le nombre moyen d’enfants des employés américains s’est stabilisé vers 2000, les progrès des femmes vers l’égalité salariale avec les hommes se sont également stabilisés.
Des questions sur l’avenir de la fécondité aux États-Unis
Aux États-Unis, universitaires et responsables politiques débattent de la question de savoir pourquoi les Américains ont moins d’enfants aujourd’hui qu’il y a une ou deux décennies, et de ce que le gouvernement devrait faire à ce sujet.
Nous convenons que ce sont des questions importantes.
Nos recherches montrent que tout changement futur dans le nombre d’enfants des Américains est très susceptible d’influencer la rapidité avec laquelle les femmes et les hommes atteignent l’égalité salariale. Mais ce n’est pas une fatalité. Le nombre d’enfants que les Américains ont affecte l’écart salarial entre les sexes uniquement parce que la parentalité réduit les salaires des femmes tout en augmentant ceux des hommes. Tant que ces effets inégaux de la parentalité sur les revenus des hommes et des femmes persistent, ils continueront à freiner les progrès des femmes vers l’égalité salariale.
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Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.
– ref. C’est en ayant moins d’enfants que les femmes ont réduit l’écart salarial avec les hommes – https://theconversation.com/cest-en-ayant-moins-denfants-que-les-femmes-ont-reduit-lecart-salarial-avec-les-hommes-265894
