Pourquoi la construction des villages JO de Paris 2024 fut une réussite

Source: The Conversation – in French – By Geneviève Zembri-Mary, Professeure en Urbanisme et Aménagement, CY Cergy Paris Université

La construction des villages et du centre aquatique olympique ainsi que les aménagements urbains ont coûté 4,5 milliards d’euros, dont 2 milliards apportés par le secteur privé. AntoninAlbert/Shutterstock

Le village des athlètes et le village des médias ont été livrés à temps. Ils trouvent aujourd’hui une seconde vie avec des habitations, des commerces et des entreprises. Comment l’expliquer ? En partie grâce à la loi de 2018 relative à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques. Ce sont également des bâtiments bas carbone et étudiés pour être réversibles, en particulier dans le cas du village des athlètes.


Le contrat de ville hôte signé entre Paris 2024 et le Comité international olympique (CIO) pour accueillir les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) a prévu de réaliser seulement trois ouvrages nouveaux : le village des médias, le village des athlètes et le centre aquatique olympique. Ces constructions devaient être durables, avec une empreinte carbone réduite, et faire partie de l’héritage des JOP.

Les Jeux olympiques et paralympiques ont pu être critiqués par des mouvements citoyens en raison de leur coût, de l’absence de garantie gouvernementale sur les risques des projets ou de leur empreinte carbone liée aux déplacements des visiteurs et à la construction de nouvelles infrastructures. Le CIO a donc établi des recommandations pour limiter le nombre de nouveaux sites olympiques et leur empreinte carbone avec l’agenda olympique.

Cela implique pour la ville hôte d’agir dans deux domaines :

  • Faire en sorte que la réalisation des infrastructures et des projets urbains rencontre le moins d’incertitudes pour être livrée à temps.

  • Construire des infrastructures sportives et des projets urbains durables avec une empreinte carbone réduite pour la phase « Héritage ».

Pour quel bilan de ces ouvrages olympiques ? Avec quelles innovations ? Dans notre étude, nous analysons tout particulièrement les nouveautés juridiques du droit de l’urbanisme mises en œuvre pour les JOP de Paris et la réversibilité des ouvrages olympiques.

Livrer à temps

Le contrat de ville hôte oblige à livrer le centre aquatique olympique, le village des athlètes et le village des médias pour la date des JOP. La Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) a été en charge de cette mission.

Les JOP bénéficiant d’une couverture médiatique mondiale, les enjeux financiers liés aux droits de retransmission télévisés perçus par le CIO sont particulièrement importants. Ces droits ont atteint 3,107 milliards de dollars pour Tokyo 2020. Une ville hôte cherche quant à elle à se mettre en valeur à l’échelle internationale, en étant sensible à tout risque réputationnel. Livrer à temps était une nécessité pour la SOLIDEO et les acteurs privés impliqués dans la construction.

L’organisme public a dû faire face aux incertitudes liées à ces projets d’infrastructures. Le village des médias a fait l’objet de deux recours par deux associations locales pour des raisons environnementales. La construction des ouvrages a été exposée à l’arrêt et au ralentissement de l’activité pendant la pandémie de Covid-19. D’autres incertitudes pouvaient impacter le planning, comme des délais allongés pour obtenir les permis de construire ou exproprier.

Mégaprojets urbains

Le village des athlètes de Saint-Denis, de Saint-Ouen et de l’Île-Saint-Denis, et le village des médias de Dugny, en Seine-Saint-Denis, sont les deux projets urbains des JOP. Le village des athlètes a pu accueillir 15 000 athlètes. Le village des médias a pu loger 1 500 journalistes et techniciens.

Les bâtiments deviennent aujourd’hui des logements, bureaux, services et commerces. Ils sont considérés comme des mégaprojets urbains. La zone d’aménagement concerté du village des athlètes a une surface de 52 hectares et accueillera 6 000 nouveaux habitants et 6 000 salariés, une fois l’ensemble des travaux de transformation terminés en 2025, et en fonction du rythme de vente. Les ventes sont en cours.

La zone d’aménagement concerté du village des médias compte 70 hectares, et 1 400 logements à terme. Elle est desservie par la gare du tramway T11 de Dugny-La Courneuve et le RER B du Bourget. Elle bénéficiera, comme le village des athlètes, de la desserte des futures lignes 16 et 17 du Grand Paris Express. Des parcs, des commerces, des équipements publics sont aussi réalisés. La construction des villages et du centre aquatique olympique, ainsi que les aménagements urbains ont coûté 4,5 milliards d’euros, dont 2 milliards apportés par le secteur privé.

Loi olympique et paralympique de 2018

Aussi pour faire face aux incertitudes pouvant affecter habituellement la réalisation des projets urbains et les livrer à temps, la Solideo a intégré par anticipation une marge au planning. La réalisation des villages et du centre aquatique olympiques a également bénéficié d’une loi olympique et paralympique votée en 2018. Elle a permis de réduire les délais et de sécuriser juridiquement la réalisation des projets pour la date des JOP par rapport aux procédures habituelles du code de l’urbanisme. Ont été mis en place :

  • Une procédure d’expropriation d’extrême urgence, qui a permis à la Solideo d’exproprier plus rapidement que la procédure classique, les propriétaires des terrains et immeubles des zones de construction des équipements olympiques. Les expropriations essentiellement faites pour le village des médias et le village des athlètes ont été peu nombreuses.

  • Des consultations publiques par voie électronique dans le cadre de la concertation. Ces consultations électroniques ont supprimé de fait les réunions publiques de discussion sur le projet, plus longues à mettre en place dans le cadre d’une concertation classique.

  • L’innovation juridique du permis de construire à double état. En une seule fois, il confie au maire le droit de donner un permis de construire pour les deux usages des bâtiments des villages : (i) la construction des logements des athlètes et des logements des journalistes de la phase Jeux et (ii) leur transformation en quartier d’habitations, de bureaux et de commerces classique lors de la phase Héritage des JOP.

  • La cour administrative de Paris, censée être plus rapide pour statuer, devait juger les éventuels recours contre les trois projets, en remplacement du tribunal administratif. Cela évitait que la réalisation des équipements olympiques ne prenne de retard par rapport à la date des JOP. La Cour administrative d’appel de Paris a eu notamment à statuer sur les deux recours contre le village des médias en avril 2021. Ces recours ont occasionné un retard d’un mois du début de la construction du projet.

Réversibilité bas carbone

La réversibilité consiste à concevoir un bâtiment pour que son usage puisse changer plusieurs fois dans le temps. Par exemple, le village des athlètes a été conçu pour :

  • Intégrer des chambres et des sanitaires lors de la phase Jeux pour les athlètes.

  • Transformer les espaces en logements familiaux lors de la phase Héritage. Par exemple, les réseaux d’arrivée d’eau et d’électricité pour les futures cuisines des logements ont été prévus lors de la construction, ainsi que la modification des cloisons.

Le village des médias, le village des athlètes et le centre aquatique olympique ont été conçus avec des principes de construction circulaire et bas carbone pour limiter leur impact environnemental. La construction circulaire permet par exemple de récupérer une partie des matériaux pour les réutiliser pour d’autres constructions après la phase Jeux.

Les sites olympiques devaient aussi avoir une empreinte carbone réduite. Dans le cas de Paris 2024, celle-ci est divisée par deux grâce à une conception bioclimatique des bâtiments, une bonne isolation, des protections solaires, la récupération d’énergie, le réemploi des matériaux, la construction bois et béton bas carbone, le transport fluvial des matériaux, le recyclage de ces derniers.

La réversibilité est en cours d’achèvement au village des athlètes où elle est la plus importante par rapport au village des médias. La vente des appartements, des bureaux et des commerces est en cours. Elle connaît cependant un ralentissement et une baisse des prix de vente au village des athlètes liée en partie au ralentissement plus général du marché.

The Conversation

Geneviève Zembri-Mary a reçu des financements de Cergy Paris université pour cette recherche.

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