Source: The Conversation – in French – By Celia Harris, Associate Professor in Cognitive Science, Western Sydney University
Si certaines petites filles et certains petits garçons sont particulièrement distraits, il n’est pas évident pour les enfants en général de bien se rappeler du matériel scolaire à apporter ou de veiller sur leurs affaires. Explications.
En cette période de reprise scolaire, nombreux sont les parents et les enseignants qui vont de nouveau entendre des phrases comme « Je ne retrouve plus mon pull » ou « J’ai laissé mon bonnet à la maison ». Pour les parents d’enfants plus âgés, les objets perdus peuvent avoir encore plus de valeur : téléphones portables, ordinateurs portables oubliés dans le bus…
En tant que parent, il peut être tentant de prendre les choses en main en préparant soi-même les cartables des plus jeunes ou en envoyant aux plus âgés une liste des choses à ne pas oublier à la fin de chaque journée.
Cependant, faire les choses à leur place, c’est les priver d’une occasion d’apprendre.
Que se passe-t-il dans les cerveaux des enfants ?
Dans leurs vies bien remplies, nos enfants utilisent et développent constamment leurs compétences de mémorisation : ils doivent se rappeler où ils ont rangé leurs affaires, acquérir de nouvelles connaissances à l’école et retenir les routines quotidiennes.
Le développement de la mémoire prospective – qui consiste à se souvenir de ce qu’on doit faire dans le futur – est un enjeu particulièrement complexe.
C’est elle que les enfants utilisent lorsqu’ils posent leur gourde pendant la récréation et doivent se rappeler de la reprendre plus tard, ou lorsqu’ils reçoivent un mot de leur professeur et doivent se rappeler de le montrer à leurs parents après l’école. La vivacité de la mémoire prospective implique le bon fonctionnement de plusieurs processus cognitifs.
Les enfants doivent prêter attention à ce qui est nécessaire dans une situation donnée (« Je ne peux pas jouer dehors si je n’ai pas de chapeau »), puis formuler et mémoriser une intention d’action particulière (« Je dois emporter mon chapeau à l’école »). Cette intention, ils doivent se la rappeler au moment crucial (en prenant leur chapeau avant de sortir). Et pouvoir « se rappeler de se rappeler » nécessite un déclenchement spontané de la mémoire, au bon moment, sans aide ni rappel.
Ces processus nécessitent une compétence cognitive appelée « fonction exécutive » qui nous permet de contrôler consciemment notre attention et notre mémoire et de nous engager dans des tâches intellectuelles compliquées.
Les processus qui dépendent de cette fonction exécutive sont complexes, c’est pourquoi les bouteilles de boisson perdues et les chapeaux oubliés sont des expériences frustrantes si courantes dans la vie des parents.

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Même chez les adultes, la majorité des erreurs de mémoire au quotidien concernent la mémoire prospective.
Par rapport à d’autres compétences comme le langage ou le jeu, les fonctions exécutives se développent plus tard dans l’enfance. En effet, le cortex préfrontal, qui sous-tend les tâches liées aux fonctions exécutives, n’atteint sa maturité qu’au début de l’âge adulte.
Cela signifie que l’oubli est courant chez les enfants et fait naturellement partie de leur développement. Il y a de fortes chances que vous ayez été comme ça vous aussi quand vous étiez à leur place (vous ne vous en souvenez peut-être pas).
Certains enfants ont-ils plus de difficultés avec la mémoire prospective ?
En matière de fonctions exécutives, les différences sont grandes d’un enfant à l’autre (comme d’un adulte à l’autre). Si tous les enfants progressent au fil du temps, ils ne le font pas au même rythme.
Les enfants présentant un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) sont plus susceptibles d’être concernés par les oublis. Dans le cas du TDAH de type inattentif, ils ont plus tendance à perdre des objets et à se dissiper lors d’activités quotidiennes telles que les tâches ménagères ou les courses.
Ces enfants finiront par développer leur mémoire prospective avec le temps, mais ils peuvent être plus distraits que leurs camarades du même âge.
Comment aider des enfants à être moins distraits ?
Établissez des routines et respectez-les. Des études montrent que les routines aident les enfants à développer leurs capacités cognitives et leur maîtrise de soi. Les enfants mémorisent mieux une routine lorsqu’elle est « automatisée », c’est-à-dire pratiquée suffisamment souvent pour qu’ils la suivent sans y penser.
Encouragez la « métacognition », c’est-à-dire la conscience de ses propres processus cognitifs. Une étude suggère que les enfants ont tendance à surévaluer leur capacité à mémoriser. Les parents et les enseignants peuvent les aider à prendre conscience de la difficulté de cette tâche et à mettre en place des stratégies efficaces.
Donnez l’exemple ! Ainsi, vous pouvez établir vos propres listes et astuces pour vous aider à vous souvenir des tâches quotidiennes. Vous pouvez également instaurer une routine familiale consistant à déposer les sacs près de la porte et à les vérifier la veille au soir. Ne le faites pas à leur place, faites-le ensemble.
N’hésitez pas à demander l’aide d’un professionnel si vous êtes inquiet. Tous les enfants ont des oublis de temps à autre, certains plus que d’autres. Si votre enfant est particulièrement distrait ou étourdi, il peut être utile de consulter un médecin généraliste ou un psychologue scolaire. Les troubles tels que le TDAH doivent être évalués dans plusieurs contextes (par exemple, à la maison et à l’école, ou à la maison et au sport) et répondre à des critères spécifiques. Un diagnostic peut être utile pour mettre en place les aides nécessaires.
Les attitudes à éviter
Ne comptez pas sur les enfants pour se souvenir spontanément de ce qu’il faut faire : c’est l’aspect le plus difficile de la mémoire prospective ! Utilisez plutôt des listes et des aide-mémoire. Par exemple, s’ils oublient systématiquement leur gourde à l’école, vous pouvez mettre une étiquette sur leur cahier de textes avec la mention « Où est ta gourde ? » Utiliser des rappels n’est pas tricher, c’est favoriser la réussite.
Ne vous inquiétez pas trop des erreurs, elles sont normales. Une étude menée auprès d’enfants âgés de 3 ans à 5 ans a montré que les récompenses sous forme de friandises ne suffisaient pas à améliorer les performances. Les punitions ne sont pas non plus efficaces. Utilisez plutôt les oublis comme des occasions d’apprendre : réfléchissez à la manière d’ajuster votre stratégie la prochaine fois.
Ne tardez pas à réagir. L’anxiété et le stress peuvent augmenter le risque d’oublis, car les enfants peuvent facilement se sentir dépassés. Préparez les sacs la veille, entraînez-vous à suivre de nouvelles routines et évitez autant que possible de vous précipiter.
Évitez les jugements. Les défaillances de la mémoire prospective sont parfois perçues comme des défauts de caractère, en particulier lorsqu’elles affectent d’autres personnes (comme lorsqu’on oublie de rendre un objet emprunté). Comprendre comment fonctionne la mémoire permet de réaliser au contraire que l’oubli fait partie intégrante de la vie quotidienne et du développement des enfants.
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Celia Harris a reçu des financements de l’Australian Research Council et du Longitude Prize on Dementia.
Penny Van Bergen a reçu des financements de l’ARC, de Marsden, de Google et de la Fondation James Kirby.
– ref. Pourquoi mon enfant oublie toujours ses affaires – et comment l’aider – https://theconversation.com/pourquoi-mon-enfant-oublie-toujours-ses-affaires-et-comment-laider-264913
