Changement climatique : la protection de la nature et l’énergie verte ont la cote

Source: The Conversation – in French – By Marina Joubert, Science Communication Researcher, Stellenbosch University

L’Afrique subit de plus en plus de phénomènes météorologiques extrêmes. Ces évènements se traduisent par des vagues de chaleur, de sécheresses, des tempêtes et des inondations qui, auparavant étaient rares à certains endroits ou à certaines périodes. Ils représentent désormais un danger pour de nombreuses personnes et pour l’économie. Marina Joubert mène des recherches sur les liens entre la société et la science. Elle a fait partie d’une équipe multidisciplinaire qui a étudié comment les habitants de 68 pays perçoivent le lien entre les phénomènes météorologiques extrêmes et le changement climatique.

Les gens croient-ils que les phénomènes météorologiques extrêmes sont causés par le changement climatique ?

Nous avons mené cette étude parce que les phénomènes météorologiques extrêmes deviennent plus fréquents et plus intenses en raison du changement climatique. Pourtant, nous disposons de très peu d’informations sur la manière dont ces événements influencent l’opinion des gens sur le changement climatique et leur soutien aux politiques en la matière.

Nous avons utilisé des données qui mesurent le nombre de personnes dans le monde qui ont été exposées à des phénomènes météorologiques extrêmes (inondations, vagues de chaleur, tempêtes, sécheresses, feux de forêt) au cours des dernières décennies. Ils ont ensuite croisé ces informations avec les réponses de près de 72 000 personnes dans 68 pays. On leur a demandé s’ils avaient déjà été confrontés à des phénomènes météorologiques extrêmes, s’ils pensaient que ceux-ci étaient dus au changement climatique. Et dans quelle mesure ils soutenaient cinq grandes politiques climatiques.

Plus de 7 000 personnes ont participé à l’enquête dans 12 pays africains (Botswana, Cameroun, Côte d’Ivoire, République démocratique du Congo, Égypte, Éthiopie, Ghana, Kenya, Maroc, Nigeria, Afrique du Sud et Ouganda).

Nos résultats montrent que beaucoup de personnes pensent que les phénomènes météorologiques extrêmes récents sont causés par le changement climatique. Mais cette perception varie selon le type de phénomène et la région. L’étude ne cherchait pas à savoir si les gens croient, de manière générale, aux preuves scientifiques sur le changement climatique ou si celui-ci est causé par les activités humaines. Elle s’intéressait plutôt à ce qu’on appelle «l’attribution subjective»: en l’occurrence le fait qu’une personne pense qu’un événement qu’elle a vécu (par exemple, une vague de chaleur ou des inondations) a été causé par le changement climatique.

Notre étude a montré que la perception de l’existence d’un lien entre le changement climatique et les phénomènes météorologiques extrêmes est généralement forte, surtout en Amérique latine. Dans cette région, les personnes interrogées sont les plus nombreuses à estimer que le changement climatique leur nuira, ainsi qu’aux générations futures. Elles considèrent aussi qu’il doit être une priorité majeure pour leurs gouvernements.

En revanche, les pays africains étudiés étaient moins enclins à accepter le lien entre le changement climatique et les phénomènes météorologiques extrêmes.

Cela montre que, malgré cette vulnérabilité, la sensibilisation aux effets du changement climatique reste faible dans plusieurs pays africains. Dans ces 12 pays africains, beaucoup de personnes interrogées ne font pas clairement le lien entre les événements extrêmes qu’elles vivent et le changement climatique.

Les personnes ayant vécu des catastrophes climatiques étaient-elles plus susceptibles de soutenir les politiques climatiques ?

Cette relation est complexe. Le simple fait de vivre une inondation ou une sécheresse ne suffit pas. Ce qui pousse vraiment à agir, c’est la conviction que ces événements sont causés par le changement climatique.

En d’autres termes, le simple fait d’être exposé à des phénomènes météorologiques extrêmes ne conduit pas automatiquement à soutenir les politiques climatiques.

En revanche, les personnes qui ont vécu ces événements et qui pensent qu’ils sont dus au changement climatique soutiennent plus facilement ces politiques. Par exemple, ceux qui ont été touchés par des incendies de forêt étaient plus favorables aux politiques climatiques. À l’inverse, les personnes confrontées à de fortes pluies y étaient moins favorables. Cela s’explique sans doute par le fait que beaucoup n’associent pas la pluie abondante au changement climatique.

Bref, ce qui compte, ce n’est pas seulement l’expérience, mais la façon dont on interprète cette expérience.

Quelles politiques climatiques avez-vous étudiées et lesquelles étaient les plus populaires en Afrique ?

Les politiques climatiques sont élaborées par les gouvernements pour limiter ou lutter contre le changement climatique, par exemple en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

L’étude a mesuré le soutien à cinq grandes politiques :

  • Augmenter les taxes sur certains aliments comme la viande de bœuf ou les produits laitiers, qui produisent beaucoup de gaz à effet de serre

  • Augmenter les taxes sur les combustibles fossiles, tels que le charbon et le gaz, qui nuisent à l’environnement lorsqu’ils sont brûlés.

  • Développer les infrastructures de transport public afin de réduire le nombre de voitures particulières sur les routes.

  • Augmenter l’utilisation des énergies renouvelables, telles que l’énergie éolienne et solaire.

  • Protéger les forêts et les espaces naturels.

Parmi toutes ces politiques, la protection des forêts et des terres naturelles est la plus populaire, avec 82 % de soutien dans le monde, y compris en Afrique. Vient ensuite l’augmentation de l’usage des énergies renouvelables, soutenue à 75 %.

Les mesures fiscales, comme les taxes carbone sur l’alimentation ou les carburants, recueillent beaucoup moins d’adhésion, avec seulement 22 % et 29 % de soutien respectivement.

Cela s’explique peut-être par le fait que les gens considèrent les zones naturelles protégées et les énergies vertes comme des solutions positives et tournées vers l’avenir. La taxe carbone peut être perçue comme punitive, en particulier dans les régions où la pauvreté et les inégalités sont élevées.

Que faut-il faire maintenant ?

Nos conclusions soulignent l’importance d’impliquer le public dans la lutte contre le changement climatique. Cela est particulièrement important en Afrique, où l’adhésion de la population est essentielle pour mettre en œuvre des politiques climatiques plus ambitieuses. Les gouvernements africains doivent encourager cette appropriation citoyenne.

Si nous voulons que le public soutienne davantage des solutions telles que les énergies propres, la protection des forêts et les transports durables, nous devons aider les gens à faire le lien entre ce qu’ils vivent et ce que la science dit. C’est là que la communication sur le climat joue un rôle important. Les scientifiques, les éducateurs, les journalistes et la société civile ont tous un rôle à jouer pour mettre en avant les raisons derrière le changement climatique.

Une communication et une mobilisation actives peuvent aider les gens à prendre conscience que le changement climatique affecte déjà leur vie à travers les inondations, les sécheresses, les vagues de chaleur, etc.

Il ne suffit pas de fournir des connaissances factuelles, car les gens interprètent ces informations en fonction de leurs opinions, de leurs valeurs et de leurs expériences antérieures. Il est essentiel de prendre en compte l’opinion publique.

Les avantages et les bénéfices des politiques climatiques, tels qu’une meilleure qualité de l’air, une énergie solaire plus abordable ou des transports publics améliorés, doivent être communiqués de manière claire et compréhensible.

Enfin, les phénomènes météorologiques extrêmes doivent être vus comme des « moments propices à l’apprentissage » : des occasions d’expliquer le changement climatique et d’ouvrir un dialogue sociétal sur ses effets.

The Conversation

Marina Joubert does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

ref. Changement climatique : la protection de la nature et l’énergie verte ont la cote – https://theconversation.com/changement-climatique-la-protection-de-la-nature-et-lenergie-verte-ont-la-cote-261466