Accès aux soins en Afrique : pourquoi cartographier les établissements de santé peut sauver des vies

Source: The Conversation – in French – By Peter M Macharia, Senior postdoctoral research fellow, Institute of Tropical Medicine Antwerp

Le manque d’informations fiables sur les établissements de santé en Afrique subsaharienne etait très manisfeste pendant la pandémie de COVID-19. Au moment où les besoins en soins d’urgence augmentaient, il était difficile de savoir où se trouvaient les établissements, combien de lits ou de bouteilles d’oxygène ils avaient, ou encore quels spécialistes y travaillaient. Ces données manquantes auraient permis d’évaluer avec précision la capacité d’accueil supplémentaire des hôpitaux et l’accès aux soins intensifs selon les régions.

Ces données auraient permis d’évaluer avec précision la capacité d’accueil supplémentaire des hôpitaux et l’accès géographique aux soins intensifs. Peter Macharia et Emelda Okiro, dont les recherches portent sur la santé publique et l’équité dans l’accès aux services de santé dans les milieux défavorisés, partagent les conclusions de leur récente étude, réalisée avec plusieurs collègues.

Que sont les bases de données ouvertes sur les établissements de santé ?

Un établissement de santé est un lieu où sont fournis des services de santé. Il peut s’agir de petites cliniques ou de cabinets médicaux, mais aussi de grands hôpitaux universitaires ou de référence.

Une base de données sur les établissements de santé est une liste de tous les établissements de santé d’un pays ou d’une zone géographique, telle qu’un district. Une base de données type doit attribuer à chaque établissement de santé un code unique, un nom, une taille, un type (soins primaires, secondaires ou tertiaires), un statut de propriété (public ou privé), un statut opérationnel (en activité ou fermé), un emplacement et une localisation administrative (district, commune). Elle doit également mentionner les services (soins obstétricaux d’urgence, par exemple), la capacité (nombre de lits, par exemple), les infrastructures (disponibilité de l’électricité, par exemple), les coordonnées (adresse et courriel) et la date de la dernière mise à jour de ces informations.

La méthode idéale pour établir cette liste consiste à mener un recensement, comme l’a fait le Kenya en 2023. Mais cela nécessite des ressources. Certains pays ont compilé des listes à partir de données existantes bien qu’incomplètes. Le Sénégal l’a fait, tout comme le Kenya en 2003 et 2008.

Cette base de données doit être accessible à tous les acteurs concernés : autorités publiques, partenaires au développement, chercheurs. Elle doit être partagée dans un cadre clair, qui protège à la fois la vie privée des individus et le travail des personnes qui ont produit les données. Dans certains pays, tels que le Kenya et le Malawi, ces listes sont accessibles via des portails web sans besoin d’autorisation. Dans d’autres, ces listes n’existent pas ou nécessitent une autorisation supplémentaire.

Pourquoi sont-elles utiles ?

Les listes d’établissements peuvent répondre aux besoins des individus et des communautés. Elles contribuent également à la réalisation des objectifs sanitaires à l’échelle régionale, nationale et continentale.

Pour les individus, ces listes permettent de connaître les options disponibles pour se faire soigner. Pour les communautés, ces données aident à mieux organiser les services. Par exemple, elles permettent de décider où déployer les agents de santé communautaires. C’est ce qui a été fait au Mali et en Sierra Leone.

Les listes de services de santé sont utiles pour distribuer des produits tels que des moustiquaires et allouer les ressources en fonction des besoins sanitaires des zones desservies. Elles aident à planifier les campagnes de vaccination en créant des microplans détaillés de vaccination.

Quand on tient compte du type de maladies présentes, des conditions sociales ou de l’environnement, les services peuvent être mieux adaptés aux réalités locales.

Des cartes détaillées des ressources sanitaires permettent d’intervenir plus rapidement en cas d’urgence en localisant précisément les établissements équipés pour faire face à des crises spécifiques. Les systèmes de surveillance des maladies dépendent de la collecte continue de données auprès des établissements de santé.

Au niveau continental, les listes sont essentielles pour coordonner la réponse du système de santé en cas de pandémie ou d’épidémie. Elles peuvent faciliter la planification transfrontalière, la préparation aux pandémies et la collaboration.

Pendant la pandémie de COVID-19, ces listes ont permis de déterminer où affecter des ressources supplémentaires, telles que des hôpitaux de fortune ou des programmes de transport pour les personnes âgées de plus de 60 ans.

Les listes sont utilisées pour identifier les populations vulnérables exposées à des agents pathogènes émergents et les populations qui peuvent bénéficier de nouvelles infrastructures sanitaires.

Elles sont importantes pour rendre accessibles les soins obstétricaux et néonataux d’urgence.

Que se passe-t-il si ces listes n’existent pas ?

De nombreux problèmes surviennent si nous ne savons pas où se trouvent les établissements de santé ni ce qu’ils offrent. La planification des soins de santé devient inefficace. Cela peut entraîner la duplication des listes d’établissements et une mauvaise allocation des ressources, ce qui conduit à du gaspillage et à des inégalités.

Nous ne pouvons pas identifier les populations qui manquent de services. Les interventions d’urgence sont affaiblies par l’incertitude quant au meilleur endroit où transporter les patients atteints de pathologies spécifiques.

Les ressources sont gaspillées lorsqu’il existe des listes de structures en double. Par exemple, entre 2010 et 2016, six ministères ont collaboré avec des organisations de développement, ce qui a donné lieu à dix listes de structures de santé au Nigeria.

En Tanzanie, il existait plus de 10 listes différentes d’établissements de santé en 2009. Tenues par des bailleurs de fonds et des agences gouvernementales, ces listes spécifiques à chaque fonction ne permettaient pas de partager facilement et précisément les informations. Cela a rendu nécessaire la création d’une liste nationale des établissements.

Que faut-il faire pour en créer une ?

Une liste complète des établissements de santé peut être établie en faisant une cartographie ou en rassemblant des listes existantes. C’est le ministère de la Santé qui doit en être responsable. Il doit créer, développer et mettre à jour cette base de données.

Les partenariats jouent un rôle clé dans ce processus. Plusieurs acteurs peuvent contribuer : bailleurs de fonds, ONG humanitaires, partenaires techniques, instituts de recherche. Beaucoup d’entre eux ont déjà leurs propres listes, créées pour des projets spécifiques. Ces listes devraient être réunies dans une base centralisée, gérée par le ministère.

Les partenariats sont essentiels pour élaborer des listes d’établissements. Les parties prenantes comprennent les bailleurs de fonds, les partenaires humanitaires et chargés de la mise en œuvre, les conseillers techniques et les instituts de recherche. Beaucoup d’entre eux disposent de leurs propres listes basées sur des projets, qui devraient être intégrées dans une liste centralisée gérée par le ministère. Le ministère de la Santé doit favoriser un climat de transparence, en encourageant les citoyens et les parties prenantes à contribuer à l’amélioration des données sur les établissements de santé.

Les gouvernements doivent s’engager sur le plan politique et financier. Créer et actualiser une bonne liste des centres de santé demande de l’argent, du personnel formé et des moyens adaptés.

Il est important de s’engager à rendre ces données accessibles à tous. Quand les listes sont en libre accès, elles deviennent plus complètes, plus fiables et plus utiles pour tout le monde.

The Conversation

Peter Macharia bénéficie d’un financement du Fonds voor Wetenschappelijk Onderzoek- Belgique (FWO, numéro 1201925N) pour sa bourse postdoctorale senior.

Emelda Okiro bénéficie d’un financement pour ses recherches de la part du Wellcome Trust dans le cadre d’une bourse senior Wellcome Trust (n° 224272).

ref. Accès aux soins en Afrique : pourquoi cartographier les établissements de santé peut sauver des vies – https://theconversation.com/acces-aux-soins-en-afrique-pourquoi-cartographier-les-etablissements-de-sante-peut-sauver-des-vies-260441