Le PSG, du club de football à la marque culturelle mondiale

Source: The Conversation – France (in French) – By Fatima Regany, Maître de conférences, Université de Lille

Un tournant est pris pour le PSG avec la victoire tant attendue, le 31 mai 2025, en Ligue des champions. Charnsitr/Shutterstock

Depuis sa victoire en Ligue des champions, le PSG souhaite faire évoluer son image et son influence. Cette ambition dépasse le simple cadre sportif. Il s’agit pour la direction du club de faire du PSG l’une des plus grandes marques sportives au monde, capable de refléter les valeurs de la ville de Paris et de rassembler en dehors du stade, en dehors du football.


Dans le but d’associer le PSG aux valeurs que symbolise la ville de Paris, le président du club Nasser Al-Khelaifi affichait depuis 2011 son ambition :

« Paris est une des villes les plus incroyables du monde, et mon objectif en tant que président a été de lui donner le club qu’elle mérite. »

Depuis sa victoire en Ligue des champions, comment cette marque peut-elle faire évoluer son image et son influence en devenant une marque culturelle ?

Pour répondre à cette question, nous avons mené une recherche qualitative avec des responsables marketing du PSG – brand activation, le digital et les réseaux sociaux, le sponsoring, partenariats et merchandising –, des consommateurs et associations de supporters, et quantitative en analysant les données des campagnes de communication du club.

« Branding »

Devenir une marque est un long et incertain processus de développement qu’il faut alimenter. Ce processus est nommé en marketing branding. Il renvoie à l’ensemble des actions marketing mises en place pour valoriser une marque tant au niveau matériel – produit, services –, qu’immatériel – identité, valeurs et promesse.

Le professeur de marketing Benoît Heilbrunn rappelle que

« les marques ne sont pas uniquement des systèmes de communication, elles ont plus généralement une fonction de transmission culturelle et idéologique en modifiant de façon significative une chaîne d’éléments structurels de l’environnement socio-économique – système de croyance, règles de comportements, rituels, etc. ».

Par son symbolisme, elle devient un outil rassemblant les communautés, qui entre en résonance avec la vie des individus et la société au sens large. Elle produit des ressources culturelles et identitaires que les individus et les groupes sociaux s’approprient, selon le professeur en marketing Douglas Holt dans son essai Comment des marques deviennent-elles iconiques.

L’appui du « sportainment »

La marque PSG s’est appuyée sur le sportainment pour créer une marque capable d’offrir, au-delà de la consommation d’un produit ou d’un service, une expérience source de valeur hédonique et sociale. La marque, comme le sport, repose sur des rituels, eux aussi moteurs de la construction communautaire, qui renforcent l’adhésion et l’engagement des supporters.

De nombreux supporters à travers le monde suivent le PSG : 65,3 millions d’abonnés sur Instagram, 53 millions sur Facebook, 49,2 millions sur TikTok ou 15,3 millions sur X.

Le PSG mise sur l’expérience du match en développant un spectacle de sport associé au Parc des Princes, lieu de destination qu’elle rend mythique. Durant la saison 2024/2025, son taux de remplissage était de 99 %, avec 47 656 spectateurs par match en moyenne. Les animations comme le Stadium Tour participent à renforcer l’expérience de stade en générant un sentiment d’appartenance au club et admirer le récent trophée de la Ligue des champions.

Des joueurs devenus stars interplanétaires

Pour développer sa capacité émotionnelle et affective, la marque PSG s’appuie sur le brand embodiment, en associant l’histoire de joueurs célèbres à son identité. Mais certains supporters expriment un désengagement envers la marque causée par la présence trop importante de joueurs stars médiatisés. Selon un répondant à notre étude,

« le PSG est devenu une machine stratosphérique avec des stars interplanétaires et peut-être que c’était difficile de s’identifier justement à ce club ».

Kylian Mbappé et Neymar da Silva Santos Júnior
Kylian Mbappé et Neymar da Silva Santos Júnior, lors du match du PSG contre l’Étoile rouge de Belgrade le 11 décembre 2018.
StefanUgljevarevic/Shutterstock

La marque PSG est au cœur de contradictions culturelles. Elle s’adresse à des audiences ayant une relation différente au club et une sociologie hétérogène. « Dans un club, il y a toujours cette dualité-là entre le concret de la ville, parce que c’est là que vous rencontrez les gens. […] Et la virtualité de l’international où vous savez que vous avez un impact très fort via la télévision et via le réseau, mais avec des gens qui n’interagissent pas physiquement » souligne un répondant.

Les abonnés historiques (supporters très fidèles ancrés localement) qui suivent l’aspect sportif du club se distinguent des nouveaux fans arrivés après 2011 intéressés par l’aspect culturel et lifestyle de la marque.

Supporters du PSG
Supporters du virage Auteuil.
VictorVelter/Shutterstock

Plus de 3,1 millions d’euros pour la Fondation

Compte tenu de sa notoriété et de son influence, la marque PSG possède-t-elle la capacité d’avoir un impact sociétal ? Elle l’inscrirait dans la catégorie des marques iconiques.

Notre analyse souligne une attente d’engagement de toutes parts :

« Même pour les supporters se dire que mon club soutient des causes, comme les personnes en situation de handicap, c’est extrêmement important »,

selon l’un des répondants. D’après l’un des responsables du marketing répondants, le PSG opère le choix volontaire de rendre les actions de la Fondation PSG For Communities peu visibles afin d’éviter tout risque d’accusation de récupération. Cela augmente le risque d’être perçu comme une marque inactive. Le montant de la fondation s’élève à plus de 3,1 millions d’euros pour la saison 2023/2024.

« Rêvons plus grand »

D’après nos résultats, la marque PSG cristallise des tensions entre le local et le global chez les supporters. Une autre tension irrésolue réside dans la contradiction entre une identité élitiste de la marque associée à l’image de Paris et une identité urbaine, populaire. Sur nos quatre supporters répondants, trois disent la percevoir comme élitiste depuis 2011, en contradiction avec la culture urbaine et populaire.

Le schéma ci-dessous, pensé par le professeur en marketing Douglas Holt, est appliqué pour cette recherche aux particularités de la marque PSG. Il montre comment le PSG tente de résoudre des contradictions socioculturelles en s’appuyant sur des récits identitaires.

Le club a construit pendant plus d’une décennie une mise en récit fondée sur le rêve, « rêvons plus grand » la grandeur et la conquête, sans toutefois avoir une image de vainqueur. Aujourd’hui, le rêve s’est concrétisé avec la victoire tant attendue le 31 mai 2025 en Ligue des champions.

Vítor Machado Ferreira, surnommé Vitinha, et Ousmane Dembélé, deux des grands artisans de la victoire du PSG en Ligue des champions de l’UEFA
Vítor Machado Ferreira, surnommé Vitinha, et Ousmane Dembélé, deux des grands artisans de la victoire du PSG en Ligue des champions de l’UEFA.
ErreRoberto/Shutterstock

Notre analyse soulève les défis pour faire évoluer la marque à savoir : quel récit la marque PSG peut-elle incarner à présent ? Quel impact aura le repositionnement sportif du club sur la marque ? Elle change en effet de statut sportif avec sa victoire et, dans le même temps, elle se repositionne comme « club de la nouvelle génération ». Elle doit construire une relation authentique avec ses consommateurs et une identité nouvelle pour l’amener à résoudre les tensions culturelles liées à son statut de marque paradoxe. Autant de défis qui font de cette marque un cas d’école dans le champ du branding culturel.


Cet article a été co-rédigé avec Clémence Delhaye (IEP Lille), d’après son travail de recherche « Le branding culturel d’un club international de football : le cas de la marque Paris Saint-Germain ».

The Conversation

Fatima Regany ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Le PSG, du club de football à la marque culturelle mondiale – https://theconversation.com/le-psg-du-club-de-football-a-la-marque-culturelle-mondiale-260255

Gestion des déchets au Cameroun : d’autres solutions existent

Source: The Conversation – in French – By Nkweauseh Reginald Longfor, Assistant Professor, Sophia University

De nombreuses villes africaines sont confrontées à des problèmes de gestion des déchets et d’ordures qui ne sont pas éliminés correctement. Cet état de fait pose de graves risques pour la santé publique, attirant les vecteurs de maladies tels que les moustiques et les mouches, et pouvant entraîner des épidémies de choléra et de paludisme.

Le déversement de déchets organiques, tels que les restes alimentaires, dans des décharges non contrôlées entraîne également des émissions de méthane, un puissant gaz à effet de serre qui accélère le changement climatique. Mais celui-ci peut aussi être utile : il peut en effet être converti en compost riche en nutriments ou en biogaz, une énergie renouvelable. Ce processus, appelé « valorisation énergétique des déchets », pourrait contribuer également à remédier aux pénuries d’électricité en Afrique.




Read more:
Les déchets plastiques de l’Afrique de l’Ouest pourraient alimenter l’économie au lieu de polluer les océans


Cela se produit malgré les investissements réalisés dans la collecte et la mise en décharge des déchets, dont le Cameroun, mon pays d’origine, qui dépense environ 6,6 millions de dollars américains chaque année pour la gestion des déchets solides municipaux. Hygiène et Salubrité du Cameroun est le principal prestataire privé du pays, assurant la majeure partie de la collecte des déchets dans les dix régions. Cependant, la fiabilité de ce service reste un défi.

Car seulement environ 60 % des déchets sont effectivement collectés. Et seulement 43 % des déchets des habitants sont collectés à l’extérieur de leur domicile. Le reste est collecté dans des poubelles communales qui sont vidées par l’entreprise. D’autres n’ont d’autre choix que de jeter leurs déchets à l’air libre.

La plupart des déchets municipaux au Cameroun finissent dans des décharges et sont brûlés. Moins de 4 % sont recyclés, principalement par des récupérateurs informels.




Read more:
Gestion des déchets : en Côte d’Ivoire, l’immense potentiel de l’économie circulaire


Je suis un scientifique spécialisé dans le développement durable qui étudie comment les déchets peuvent être transformés en énergie. J’ai mené un projet de recherche en collaboration avec Hygiène et Salubrité du Cameroun afin d’observer les pratiques locales en matière de gestion des déchets. J’ai interrogé les dirigeants de l’entreprise, des représentants d’organisations non gouvernementales et de groupes de la société civile, un maire local et des responsables gouvernementaux.

Je voulais comprendre ce qui pouvait encourager la mise en place de projets de valorisation énergétique des déchets et ce qui l’en empêchait.

Mes recherches ont montré que le système actuel et les personnes influentes qui y participent n’ont pas réussi à investir de manière stratégique dans des projets de valorisation énergétique des déchets. Au lieu de cela, ils ont tendance à se concentrer sur des solutions à court terme. Ils envisagent notamment la construction de nouvelles décharges et l’organisation de campagnes de nettoyage ponctuelles. En effet, ces solutions sont rapides et faciles à mettre en place. Elles sont également très visibles pour les électeurs qui en ont peut-être assez des déchets mal gérés. Et elles coûtent également moins cher que les systèmes de valorisation énergétique des déchets.

Mais de tels choix impliquent que le Cameroun passe à côté d’une opportunité de créer du biogaz et du compost à partir des déchets. Comme je le soulignais auparavant cette option alternative permettrait de réduire la pollution, d’améliorer la santé publique et d’atténuer les pénuries d’électricité. Elle permettrait aussi d’accélérer la transition du Cameroun vers une économie circulaire, dans laquelle les déchets sont recyclés, compostés ou transformés en énergie, afin de prolonger autant que possible la durée de vie des matériaux.

Quels sont les problèmes ?

Le Cameroun dispose d’une stratégie nationale de gestion des déchets depuis 2007. Elle est coordonnée par la Commission interministérielle camerounaise pour la gestion des déchets municipaux, qui réunit des agences gouvernementales, des autorités locales, des entreprises privées, des organisations non gouvernementales et des partenaires internationaux. Cette stratégie visait à réduire de moitié la quantité de déchets mis en décharge d’ici 2035 et à faire évoluer le pays vers une économie circulaire.

Les ressources financières limitées conduisent souvent les municipalités camerounaises à recourir à des méthodes d’élimination des déchets peu coûteuses, telles que le déversement des ordures dans des décharges.

La mise en place de systèmes de valorisation énergétique des déchets implique un coût initial élevé. Mes recherches antérieures montrent que les responsables gouvernementaux nationaux et locaux manquent également d’engagement et de volonté pour adopter des solutions innovantes face aux problèmes liés aux déchets. Cela freine les investissements dans les projets de valorisation énergétique des déchets.

Au Cameroun, le soutien politique et réglementaire à la valorisation énergétique des déchets est faible. Il n’existe aucune incitation fiscale pour encourager les entreprises à améliorer la gestion des déchets solides. Les normes d’exploitation et les réglementations gouvernementales ne sont pas claires. L’obtention d’un permis d’exploitation d’un système de valorisation énergétique des déchets prend beaucoup de temps en raison de la bureaucratie excessive des systèmes d’autorisation.

Cette situation crée une incertitude qui décourage les investisseurs locaux et internationaux. Une lacune réglementaire – l’absence ou l’insuffisance de règles et d’incitations claires et favorables régissant le secteur – signifie que la mise en décharge reste l’approche dominante.

Un autre problème réside dans le manque de coordination entre les ministères et avec les organismes extérieurs. Les entreprises privées se contentent de suivre les instructions figurant dans leurs contrats, et les organisations non gouvernementales et la société civile sont largement exclues du processus décisionnel.

Ce qu’il faut faire maintenant

Les différents groupes impliqués dans la gestion des déchets, en particulier les autorités locales et nationales et les entreprises privées de gestion des déchets, devraient adopter de toute urgence une approche d’économie circulaire.

Les mesures à court terme pourraient inclure :

  • des taxes ou des interdictions sur les décharges afin de décourager le déversement de déchets;

  • des subventions gouvernementales pour les initiatives de recyclage;

  • des campagnes de sensibilisation du public pour informer les citoyens sur les avantages de la réduction des déchets, du recyclage et des solutions de valorisation énergétique des déchets;

  • l’intégration des concepts d’économie circulaire dans les programmes scolaires et les programmes d’éducation communautaire;

  • la mise en place de stations de transfert des déchets plus proches des sources de déchets, afin de permettre un tri efficace, de réduire les coûts de transport et de diminuer les volumes mis en décharge;

  • trouver des moyens pour que tous les acteurs du secteur des déchets travaillent ensemble sur les plans et les décisions;

  • lancer des projets pilotes menés par tous les différents acteurs.

À long terme, il est urgent que le gouvernement :

  • réforme sa politique afin d’intégrer les principes de l’économie circulaire et la gestion durable des déchets dans les lois et réglementations nationales;

  • améliore les réseaux routiers et les systèmes de transport afin de rendre la collecte et le transport des déchets plus efficaces;

  • investisse dans des technologies de valorisation énergétique des déchets abordables et adaptées au contexte local;

  • promeuve les partenariats public-privé dans le secteur de la gestion des déchets;

  • renforce l’expertise et les capacités locales par l’éducation, la formation professionnelle et les pôles d’innovation;

  • crée des réglementations, des mécanismes financiers et des incitations favorables afin d’attirer les investissements du secteur privé dans des solutions durables de gestion des déchets.

Cette étude souligne la nécessité de passer de solutions de gestion des déchets à court terme, reposant sur les décharges, à des pratiques d’économie circulaire. Cela permettra de transformer les déchets urbains en actifs précieux et de favoriser la durabilité environnementale et le développement durable.

The Conversation

Nkweauseh Reginald Longfor travaille à l’université Sophia.

ref. Gestion des déchets au Cameroun : d’autres solutions existent – https://theconversation.com/gestion-des-dechets-au-cameroun-dautres-solutions-existent-265530

La France a organisé la première Assemblée de la Terre, voici pourquoi elle est pionnière

Source: The Conversation – in French – By Caroline Regad-Riot, Enseignant-chercheur, faculté de droit de l’Université de Toulon, Aix-Marseille Université (AMU)

Logo de l’Assemblée de la Terre-France. Fourni par l’auteur

C’est une première mondiale : à Toulon (Var), en juillet 2025, a eu lieu la première Assemblée de la Terre. Mêlant société civile et scientifiques, elle a pour but de décloisonner les approches pour repenser les moyens d’atteindre les objectifs de développement durable de manière écocentrée.


Le 2 juillet 2025 a marqué une date historique pour de nouveaux équilibres entre les humains, les animaux et la nature : la France a lancé la toute première Assemblée de la Terre d’envergure nationale. Cet événement pionnier, dans le prolongement des résolutions et des rapports sur l’harmonie avec la nature de l’Organisation des Nations unies (ONU), pourra servir de modèle dans le monde entier, la France ouvrant résolument la voie.

Conçue pour refonder les objectifs de développement durable (ODD) en vue du Sommet de la Terre de 2030, l’Assemblée de la Terre – France mise sur une approche participative, alliant la conscience citoyenne et la rigueur scientifique.

Un vaste et complexe travail de fond démarre à présent, échelonné sur plusieurs années, destiné à structurer l’espoir et à dessiner l’avenir de notre planète.

Les ODD, dix ans déjà et un bilan mitigé

Adoptés en 2015 et assortis de 169 cibles, les 17 Objectifs de développement durable (ODD) s’inscrivent dans l’Agenda 2030. Porteurs d’une vision à la fois globale et universelle, ils abordent des thèmes transversaux cruciaux, de l’éradication de la pauvreté à l’accès à des emplois décents, en passant par l’innovation, les infrastructures et la lutte contre le changement climatique.

Cependant, malgré leur ambition affichée, les ODD se heurtent aujourd’hui à un bilan mitigé. La complexité de leur mise en œuvre est apparue au grand jour, révélant un caractère parfois dispersé et un manque d’efficacité opérationnelle qui freinent leur pleine réalisation.

La nature transversale des objectifs est une difficulté notable. Par exemple, l’ODD 14 sur la vie aquatique peut impliquer des mesures relatives à la lutte contre le changement climatique qui, pour sa part, relève de l’ODD 13. Cette dépendance illustre la difficulté à isoler les problématiques et, plus fondamentalement, interroge la pertinence d’approches segmentées au regard de défis interconnectés. Leur nombre et leur rédaction peuvent aussi interroger.

En conséquence, l’ensemble de ces facteurs laisse présager un échec. Selon le rapport du Sustainable Development Solutions Network, aucun des ODD ne sera atteint d’ici à 2030.

Banderole de l’Assemblée de la Terre-France.
Fourni par l’auteur

L’Assemblée de la Terre – France ouvre la voie

Dans ce contexte, des Assemblées de la Terre sont appelées à se constituer dans différents pays. Elles s’inscrivent dans le prolongement des résolutions et des rapports sur l’harmonie avec la nature de l’ONU et sont désignées, à l’international, sous l’acronyme AMAT, en écho à l’espagnol Asamblea de la MAdre Tierra.

En France, l’organisation de l’Assemblée de la Terre est le fruit d’une coordination scientifique menée par des enseignants-chercheurs de l’Université de Toulon (Var), sélectionnés pour leurs travaux et l’expérience acquise avec le programme onusien précédent Harmony with Nature (HwN) : le juriste Cédric Riot ainsi que moi-même. Nous nous joignons progressivement les compétences d’autres spécialistes.

Cette démarche est guidée par un principe fondamental : la science est au cœur de l’Assemblée de la Terre – France dont l’objectif est de « semer les graines du futur », en proposant de façonner, « un modèle pour un avenir en harmonie avec la nature ».

Une assemblée participative alliant la rigueur scientifique et la conscience citoyenne

L’Assemblée de la Terre – France : une structuration par cercles concentriques.
Fourni par l’auteur

L’Assemblée de la Terre – France se structure par cercles concentriques autour de l’organe scientifique avec :

  • des personnes qualifiées, identifiées sur des critères académiques. Ces experts apportent leur savoir scientifique pointu et leur expertise sur les thèmes des ODD en adéquation avec leurs compétences ;

  • des personnes intéressées qui œuvrent ou qui ont déjà œuvré pour une approche écocentrée : institutions publiques ou privées, associations, personnes physiques prêtes à participer à l’effort de réflexion, par exemple, par la remontée d’informations locales ;

  • des observateurs volontaires qui sont les citoyens intéressés par le sujet.

Le cadencement stratégique de la feuille de route

Un cadencement stratégique du calendrier de l’Assemblée de la Terre – France.
Fourni par l’auteur

L’Assemblée de la Terre – France abordera ses travaux autour de trois thématiques principales, chacune explorée en une année.

Le cycle débutera avec la nature (biodiversité et écosystème, climat, eau, interdépendance des formes de vie…) pour la période 2025-2026, suivie des objectifs sociétaux (éducation, villes et communautés durables, santé et bien-être…) en 2026-2027, puis des objectifs économiques en 2027-2028. Chaque année, les conclusions et les avancées seront présentées lors d’une restitution solennelle, fixée au début du mois de juillet.

En 2029, une rencontre dite « régionale » (pour la France, cela signifie au niveau européen) permettra de coordonner les ultimes efforts avant le Sommet de la Terre de 2030.

Les ateliers se dérouleront pendant l’année en distanciel. La périodicité des rencontres sera ajustée en fonction des besoins du projet. Les inscriptions restent ouvertes sur la page Internet ad hoc.

La première Assemblée de la Terre nationale

Le 2 juillet 2025, la France a ainsi franchi une étape décisive, s’affirmant comme pionnière à plusieurs égards. La rediffusion de l’événement est disponible ici.

L’Assemblée de la Terre – France est non seulement la première de ce type à voir le jour au niveau mondial, mais son architecture est également conçue pour servir de modèle aux autres Assemblées de la Terre à l’étranger : l’Allemagne, le Brésil, l’Espagne, l’Équateur, les États-Unis, le Mexique, le Pays basque notamment se sont déjà manifestés en ce sens. De futurs coordinateurs de ces pays ont d’ores et déjà félicité l’initiative pionnière française et adressé leurs lettres officielles d’intention.

Dynamiser les ODD

L’Assemblée de la Terre se distingue par son approche plurielle, qui vise à surmonter les obstacles rencontrés dans la mise en œuvre des ODD. Cette stratégie repose sur plusieurs axes.

D’abord, la pluralité des voix : l’Assemblée est conçue comme une plateforme participative, intégrant non seulement des experts, mais aussi des citoyens et des acteurs de terrain. Cette inclusion favorise l’échange d’idées et la prise en compte de perspectives diverses, créant ainsi des solutions plus robustes et largement acceptées.

Ensuite, la pluralité des disciplines convoquées à l’Assemblée de la Terre est un autre facteur déterminant. Les défis de l’anthropocène sont par nature interconnectés. L’Assemblée y répond par une approche multidisciplinaire, rassemblant des experts de différents domaines (océanographes, éthologues, juristes, philosophes, médecins, vétérinaires, etc.) pour croiser leurs connaissances et élaborer des solutions qui traitent les problèmes dans leur globalité, plutôt que de manière isolée.

En outre, l’Assemblée de la Terre appelle à la pluralité des idées et de la pratique. Elle combine la réflexion théorique et l’action concrète. Elle ne se limite pas à des discussions académiques ; elle encourage également la remontée d’informations issues du terrain. Cet échange bidirectionnel entre les savoirs experts et les réalités locales est crucial. C’est en faisant circuler les idées entre tous les acteurs que des solutions efficaces et innovantes peuvent émerger.

En conséquence, l’Assemblée de la Terre – France dynamise les ODD en brisant les silos, en favorisant le dialogue entre différents savoirs et en ancrant la réflexion dans les réalités du terrain, tout en restant guidée par le savoir scientifique.

L’horizon 2030 et le Sommet de la Terre

Dans l’infographie officielle, les ODD sont représentés sous forme de roue, symbole d’un progrès harmonieux. Celle-ci est aujourd’hui confrontée à l’urgence d’une profonde métamorphose. Loin de s’arrêter, cette roue roule toujours plus vite, non pas pour conserver sa forme initiale, mais pour se dissoudre et se muer en un nouveau symbole : le buisson de la vie.

C’est le sens de la séquence, profondément symbolique, insérée dans le teaser et d’autres documents de communication audiovisuelle de l’Assemblée de la Terre – France, où la roue du logo des ODD se détache, tourne et se transforme en buisson de la vie.

La roue des ODD se détache et se transforme en buisson de la vie.
Fourni par l’auteur

Le buisson de la vie, symbole inspirant des Assemblées de la Terre – France, incarne un profond changement de paradigme. En s’appuyant sur les découvertes de la phylogénétique, il replace l’être humain non pas au sommet d’une pyramide, mais comme partie intégrante d’une communauté du vivant où toutes les formes de vie sont intrinsèquement liées. Cette approche résolument écocentrée et planéto-centrée (Earth-centered), loin de tout anthropocentrisme, guidera les réflexions et les travaux des Assemblées de la Terre – France. Et en cela, elle est également novatrice.

Logo de l’Assemblée de la Terre – France.
Fourni par l’auteur

Comment structurer l’espoir ?

D’autres Assemblées de la Terre devraient voir le jour en s’inspirant, selon leurs besoins, du modèle français. La fondatrice du programme onusien Maria Mercedes Sanchez, lors du lancement officiel, a solennellement affirmé :

« Je veillerai personnellement à transmettre aux experts situés à l’étranger tous les documents et modèles utiles que l’Assemblée de la Terre – France a déjà forgés et qu’elle complétera au fur et à mesure. »

La suite reste donc à écrire.

Voilà la science en quelque sorte replacée au milieu du village global, avec les idées nouvelles de multidisciplinarité et de multiculturalisme que comportent les Assemblées de la Terre.

Il est temps d’ouvrir un chapitre nouveau pour un avenir plus juste et profondément écocentré, dessinant les contours d’une « Cosmopolis » où humains, animaux, nature pourraient vivre en harmonie, actant une (r) évolution du droit du vivant.

The Conversation

Caroline Regad est experte auprès du programme Harmony with Nature de l’Organisation des Nations-Unies. Elle a été désignée coordinatrice de l’Assemblée de la Terre – France.

ref. La France a organisé la première Assemblée de la Terre, voici pourquoi elle est pionnière – https://theconversation.com/la-france-a-organise-la-premiere-assemblee-de-la-terre-voici-pourquoi-elle-est-pionniere-261415

L’éducation par les pairs dans la lutte contre le VIH menacée par les réductions de l’aide publique au développement

Source: The Conversation – in French – By Marion Di Ciaccio, Chair de Professeur Junior IRD, Institut de recherche pour le développement (IRD)

L’éducation par les pairs – délivrée par des personnes issues d’une même communauté – est un pilier de la lutte contre le VIH, en particulier dans les pays à ressources limitées. Les réductions drastiques de l’aide publique au développement menées par l’administration Trump, comme par les principaux pays européens donateurs, mettent à mal cette stratégie de santé communautaire qui a pourtant fait ses preuves.


S’appuyer sur des individus au sein d’une communauté donnée pour informer et sensibiliser leurs pairs, afin de promouvoir des comportements de prévention, leur accès à une prise en charge et/ou leur maintien dans les soins, c’est le principe d’une stratégie de santé communautaire baptisée pair éducation ou éducation par les pairs.

L’éducation par les pairs est apparue dans les années 1970 dans les pays anglo-saxons, notamment dans le champ de la santé mentale et de la lutte contre les inégalités sociales de santé des minorités ethniques et raciales. Dans la lutte contre le VIH, la pair éducation est devenue une stratégie incontournable, notamment dans les pays à ressources limitées.

Volontariat, motivation, partage des vécus

La spécificité de la pair éducation est de s’appuyer sur une dynamique de relation d’égal à égal. Les pairs éducatrices ou éducateurs (PE) partagent des pratiques, des vécus, des identités et des réalités communes avec une population donnée et sont recruté·e·s sur la base du volontariat et de leur motivation pour travailler auprès d’elle.

Les PE sont formé·e·s afin de leur permettre d’acquérir de nouvelles compétences sur la gestion du VIH et sur la connaissance des systèmes de santé afin de renforcer leurs savoirs et leurs expertises.

Les PE peuvent ainsi promouvoir des pratiques et des comportements favorables à la santé physique et mentale auprès de leurs pairs, en tenant compte des réalités dans lesquelles ils et elles vivent.

Qui sont les pairs éducatrices et éducateurs dans le VIH ?

Les pairs éducatrices ou éducateurs (PE) sont le plus souvent issu·e·s des organisations communautaires de lutte contre le VIH et/ou contre les discriminations. Leur mobilisation répond au besoin de sensibiliser et d’accompagner des catégories spécifiquement vulnérabilisées de la population qui supportent le double fardeau de la stigmatisation liée au VIH et de la discrimination sociale.

Les vulnérabilités psychologiques, sociales, économiques, cliniques et de genre chez les adolescentes et adolescents infecté·e·s par le VIH ont été largement démontrées et sont souvent similaires quelle que soit l’histoire de la contamination par le VIH, périnatale ou plus récente. Les PE qui les accompagnent sont donc des jeunes (15-24 ans) vivant avec le VIH qui contribuent à la continuité d’une offre de soins et de support adaptée aux besoins spécifiques des filles et des garçons, entre les services de pédiatrie et de médecine adulte.

Les PE proviennent également de groupes considérés par l’Onusida comme les « populations clés du VIH » : les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les travailleuses et travailleurs du sexe ou encore les consommateurs de drogues injectables. En effet, ces groupes ont des besoins psychosociaux spécifiques (liés à leurs conditions de vie et aux discriminations subies) que les structures publiques de santé ne sont généralement pas en mesure de prendre en charge.

Ainsi, les PE sont principalement des personnes (à partir de 15 ans) vivant avec le VIH ou fortement exposées au risque d’infection. Parce qu’elles ou ils ont une histoire ou des pratiques communes, les PE sont les mieux placés pour accompagner ces groupes vulnérabilisés dans un parcours de prévention ou de soins.

Pourquoi la pair éducation est cruciale dans la lutte contre le VIH

La lutte contre le VIH est jalonnée depuis ses débuts par la participation inédite de mouvements communautaires pour l’accès aux traitements et à la prévention. Les personnes concernées (vivant avec) et affectées (groupes principalement concernés par le VIH) ont rapidement su imposer le concept du « Rien pour nous sans nous » dans la recherche et la lutte contre le VIH, imposant une nouvelle façon de faire de la recherche et de proposer des services de santé.

Dans ce contexte, les PE effectuent un travail de proximité qui permet :

Depuis plus de deux décennies, l’engagement de jeunes PE auprès des adolescentes et adolescents est déterminant dans la prise en charge du VIH. Ils interviennent, par exemple, pour soutenir leur observance aux traitements, pour favoriser leur rétention dans les soins et leur bien-être psychosocial, pour les accompagner après l’annonce de leur sérologie VIH, pour les soutenir dans le partage de leur sérologie avec leur entourage et lutter contre l’autostigmatisation ainsi que l’isolement, ou encore pour renforcer leurs connaissances en santé et concernant le VIH en particulier.

Une revue systématique de la littérature scientifique publiée, ainsi qu’une méta-analyse de toutes les études identifiées dans cette revue, montre que la pair éducation a également des bénéfices directs sur la prévention du VIH auprès des populations clés, et notamment sur le recours au dépistage du VIH, l’utilisation du préservatif, la diminution du partage du matériel de consommation de drogues et la diminution des rapports sexuels non protégés.

Les PE apportent aussi une plus-value importante aux programmes de PrEP (prophylaxie préexposition de l’infection VIH, un traitement préventif oral contre l’infection au VIH). En effet, il a été démontré au sein d’une cohorte en Afrique de l’Ouest que les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes qui étaient en contact avec des PE prenaient mieux la PrEP que les autres.




À lire aussi :
Médicaments antirétroviraux injectables contre le VIH : une évaluation impossible en Afrique de l’Ouest ?


Une étude qualitative menée au Mali montre également que les PE jouent un rôle crucial pour le maintien dans les soins des personnes vivant avec le VIH grâce, à la fois, au soutien psychosocial qu’ils leur apportent mais également grâce à leur soutien dans l’accès aux traitements.

La pair éducation est donc cruciale non seulement au niveau individuel pour améliorer la santé et la qualité de vie des groupes clés et vulnérabilisés, mais également au niveau global pour contrôler l’épidémie de VIH.

Dans le cadre de projets de recherche, les PE sont également des acteurs clés qui, en collaborant avec les équipes de recherche, permettent d’identifier des problématiques émergentes dans leurs communautés, de faciliter le contact avec des populations plus difficiles d’accès, d’adapter les méthodologies et les pratiques de recherches à leurs réalités, ainsi qu’à mieux interpréter les données issues des projets.

Quel impact de la réduction de l’aide publique au développement ?

L’expertise et la contribution précieuse à la lutte contre le VIH des PE n’est bien souvent reconnue et valorisée qu’à travers des financements issus de l’aide au développement, de programmes de mises en œuvre de prestations de santé communautaire innovantes, ou encore de projets de recherche communautaire et interventionnelle. Cette configuration précarise encore davantage leur position et la pérennité des services qu’ils apportent aux personnes qu’ils accompagnent, pourtant avec succès.

Depuis début 2025, le financement de l’aide publique au développement connaît de nombreux bouleversements. L’événement le plus notable est l’arrêt et/ou la réduction brutale des financements américains (par l’intermédiaire des programmes PEPFAR et USAID, notamment). L’aide publique au développement européen connaît également de fortes diminutions. En effet, les principaux pays donateurs (la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas) annoncent des baisses conséquentes des budgets alloués.

Ces diminutions drastiques des financements peuvent remettre en question les progrès de la lutte contre le VIH dans les pays des Suds avec un risque accru de recrudescence de l’épidémie et d’augmentation des inégalités sociales d’accès aux soins.

Les financements américains représentent une part considérable des ressources dédiées à la prévention, au dépistage, à l’accès aux traitements antirétroviraux et au renforcement des systèmes de santé locaux pouvant aller jusqu’à 60 % des financements de la lutte contre le VIH dans certains pays comme la Côte d’Ivoire (figure ci-dessous), le Cameroun ou encore le Burundi.

Exemple de la Côte d’Ivoire

Graphique représentant les principales sources de financement de la lutte contre le VIH en Côte d’Ivoire

PEPFAR pour « President’s Emergency Plan for AIDS Relief » correspond au plan d’aide des États-Unis consacré à la lutte contre le VIH à l’international/Source des données présentées dans le graphique : Data Et cetera & Coalition PLUS, Fourni par l’auteur

Dans ces pays, les données collectées montrent que ce sont les programmes de prévention à destination des populations clés qui sont les plus touchés par les coupes budgétaires, incluant le financement des postes des PE (actuellement, uniquement dans le réseau d’organisations communautaires de Coalition PLUS – un réseau international d’associations engagées dans la lutte contre le VIH sida –, plus de 1 000 PE ne sont plus financés).

Le gel des financements a déjà eu des conséquences irréversibles sur la lutte contre le VIH. Les estimations montrent que la réduction de ces aides internationales pourrait entraîner de 4,43 millions à 10,75 millions de nouvelles infections par le VIH et de 0,77 millions à 2,93 millions de décès liés au VIH entre 2025 et 2030 dans les pays bénéficiaires de ces aides.

The Conversation

Marion Di Ciaccio est une ancienne salariée du pôle recherche communautaire de Coalition PLUS, une union internationale d’organisations communautaires de lutte contre le VIH.

Cécile Cames et Mathilde Perray ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.

ref. L’éducation par les pairs dans la lutte contre le VIH menacée par les réductions de l’aide publique au développement – https://theconversation.com/leducation-par-les-pairs-dans-la-lutte-contre-le-vih-menacee-par-les-reductions-de-laide-publique-au-developpement-264528

Du régime de Vichy à Marx… l’étonnant parcours de l’économiste Henri Denis

Source: The Conversation – in French – By Damien Bazin, Maître de Conférences HDR en Sciences Economiques, Université Côte d’Azur

Henri Denis souhaite une nouvelle organisation de l’économie, centrée sur la communauté de travail, sur l’artisanat, induisant la suspension du jeu capitaliste et des luttes de classes. Wikimediacommons

Des années 1960 aux années 1980, les étudiants en économie ont dans leur main le manuel de l’Histoire de la pensée économique, d’Henri Denis (1913-2011). Tour à tour corporatiste, proche de Vichy, progressiste chrétien, communiste, ce dernier termine ses jours en reniant le communisme et en revenant au corporatisme. Un universitaire brillant et une girouette idéologique épousant la doctrine du moment.


Du début des années 1960 aux années 1980, l’histoire de la pensée économique a pour figure centrale le professeur Henri Denis (1913-2011). Il enseigne à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, en étant l’auteur d’un manuel d’Histoire de la pensée économique.

De la première édition de 1966 à nos jours, ce manuel connaît plusieurs éditions successives et est traduit en huit langues. « Le Denis » est entre les mains des étudiants durant toutes ces années. Le cours délivré par Henri Denis forme plusieurs générations d’apprentis en sciences économiques.

Une large partie du manuel et du cours d’Henri Denis est consacrée à l’économie de Karl Marx. Bien que ce professeur d’université se réclame de l’auteur du Capital, il ne fut pas toujours un marxiste, à en juger par sa trajectoire proche de Vichy durant la Seconde Guerre mondiale. Durant cette période, il symbolise l’engagement doctrinal d’économistes dans le mouvement corporatiste, selon lequel les représentants des salariés identifient leur intérêt (de corporation) à l’intérêt général.

Alors, peut-on séparer l’homme de connaissance (théoricien) de l’homme individuel (politisé) ?

Disciple d’un vichyste

Lorsque l’on aborde la question du positionnement politique des économistes français lors de la Seconde Guerre mondiale, une figure emblématique surgit, celle de François Perroux, qui adhéra au régime de Vichy. Celle de son disciple et collègue Henri Denis est beaucoup moins connue en ce domaine.

Celui qui allait conquérir une notoriété universitaire en tant qu’historien de la pensée économique a épousé la doctrine corporatiste. Il partage les valeurs politiques de celui qui est l’un des membres de son jury de thèse, thèse soutenue le 7 mars 1938 à la Faculté de droit de Paris, « Les récentes théories monétaires en France. Idée quantitative et conflit des méthodes ».

Pour resituer le contexte, rappelons que l’entre-deux-guerres, avec en particulier le choc de la Grande Dépression (années 1930), est propice pour certains économistes à une réflexion autour d’un ordre économique nouveau, condensant un refus du libéralisme et du communisme. En économie, comme dans le reste des sciences sociales, ces visions du monde s’affrontent.

Corporatisme catholique

Portrait d’Henri Denis (1913-2011), économiste sulfureux français.
FAL

En France, la doctrine corporatiste réunit autour d’elle plusieurs économistes, dont Gaëtan Pirou (lui aussi figurant dans le jury de thèse d’Henri Denis en 1938), François Perroux et le jeune Henri Denis. Celui-ci est issu d’une famille bretonne très catholique. Il est séduit par cette pensée qui, malgré sa diversité, entend défendre les valeurs de l’Occident et celles de la chrétienté.

Henri Denis obtient son doctorat et décroche l’agrégation de sciences économiques en 1942. Un an auparavant, en 1941, il publie La corporation dans la célèbre collection « Que sais-je ? » Ouvrage dans lequel il rend un hommage appuyé à François Perroux, et aussi à Gaëtan Pirou, dont il s’inspire pour comparer les différents courants corporatistes en Europe, du Portugal salazariste à l’Italie fasciste en passant par l’Allemagne nazie.

Dans cet ouvrage, il expose la véritable finalité du corporatisme : construire un nouvel ordre social et une nouvelle organisation de l’économie, centrés sur le corporatisme, sur la communauté de travail, sur l’artisanat, induisant la suspension du jeu capitaliste et des luttes de classes. Un an plus tard, Henri Denis va jusqu’à prétendre que le socialisme est la ruine de la civilisation.

Travaux financés par Vichy

Cette adhésion d’Henri Denis aux principes du corporatisme le conduit à rejoindre la Fondation française pour l’étude des problèmes humains créée en 1941, mieux connue sous l’appellation de Fondation Alexis-Carrel (du nom du Prix Nobel de médecine Alexis Carrel, qui prôna l’eugénisme). Son budget est alloué par le secrétariat d’État à la famille et à la santé du régime de Vichy.

Cette fondation est constituée de six départements, dont celui de « bio-sociologie », dirigé par François Perroux, qui fit appel à Henri Denis en 1942 pour traiter des théories économiques. Les conflits de personnes au sein même de la Fondation conduisent Perroux et Denis à s’éloigner d’Alexis Carrel. Mais c’est surtout la fin de la guerre, occasionnant un démantèlement progressif des institutions de Vichy, qui oblige les économistes à songer à leur reconversion.

Henri Denis, comme beaucoup d’autres, entreprend, dès le lendemain du conflit, une reconversion idéologique saisissante, inattendue même.

Du corporatisme au communisme

Afin d’effacer les années d’engagement dans le corporatisme et les fonctions accomplies dans les institutions du gouvernement de Vichy, l’heure est aux reconversions. Pour les universitaires, se soustraire à ce risque, c’est entreprendre une révolution idéologique, comme celle qui va caractériser Henri Denis.

On sait qu’après la guerre, le communisme s’impose, tant par le rôle joué par l’URSS dans l’issue de la guerre, que, dans le cas français, l’affirmation politique du Parti communiste français (PCF). Après un passage par l’Union des chrétiens progressistes (UCP), Henri Denis rejoint le PCF en 1953 – il quitte le PCF huit ans plus tard, c’est-à-dire au moment où il est nommé professeur à Paris.

Il dirige le quotidien Ouest Matin, une émanation des fédérations du PCF de Bretagne, « un grand quotidien régional d’information et de défense républicaine ». Il intègre le comité de rédaction de la revue marxiste Économie et politique, où il développe une critique des approches catholiques du marxisme.

En 1950, Henri Denis publie la Valeur. Dans cet ouvrage, il critique explicitement l’économie bourgeoise et cherche à démontrer la pertinence scientifique du marxisme en économie.

Enseignant communiste


FAL

Professeur agrégé d’économie à l’Université de Rennes (Ille-et-Vilaine), Henri Denis est muté au début des années 1960 à ce qui est encore la Faculté de droit de Paris. Dans le cadre de son cours d’histoire de la pensée économique, Henri Denis publie en 1966 la première édition de son célèbre manuel Histoire de la pensée économique.

Comparativement aux manuels antérieurs (ceux de Charles Gide et Charles Rist, d’André Piettre ou d’Émile James, par exemple), la place de Marx et du marxisme dans le manuel de Denis est imposante : un bon tiers du manuel, soit plus de 200 pages. Elle témoigne de son engagement doctrinal et de sa connaissance de l’œuvre de Marx et des auteurs se réclamant de lui.

Nombreux sont les témoignages d’anciens étudiants devenus pour certains d’entre eux des professeurs d’économie qui indiquent que le manuel d’Henri Denis a contribué de manière décisive à l’implantation du marxisme dans les universités. La réception et la diffusion de l’Histoire de la pensée économique, d’Henri Denis, suscitent de nombreuses controverses. Elles opposent les professeurs plutôt conservateurs qui ont vu dans ce livre et dans le cours professé par Denis, une façon de corrompre la jeunesse française, tandis que d’autres y décèlent un renouveau de la pensée marxiste en France.

Discrédite le marxisme

Les années 1970 sont celles de la montée en puissance de la problématique des droits humains du totalitarisme, et du goulag en Union soviétique. L’étoile du marxisme commence à pâlir, et le discrédit jeté sur Marx et sur son œuvre s’affirme. Les signes annonciateurs du libéralisme se distinguent dans la science économique, et dans les mouvements politiques.




À lire aussi :
Heinrich von Stackelberg : on ne peut séparer l’économiste du nazi


Henri Denis, qui, durant plus de vingt ans, met en avant la scientificité de l’œuvre de Marx, participe à son discrédit. Il publie, en 1980, l’Économie de Marx. Histoire d’un échec. Le terme « échec » apparaissant lourd de sens à une époque où l’idée de socialisme n’a plus cours, et est associée à la dictature.

Fidèle à une conception corporatiste de l’organisation de la société, Henri Denis revient plus de quarante ans après, sur cette doctrine dans l’un de ses derniers ouvrages, publiés en 1984, Logique hégélienne et systèmes économiques. Il indique qu’il s’agit d’une solution aux maux engendrés par le libéralisme (injustices et désordres) et à la tyrannie inhérente à la planification.

Girouette économique

En se penchant sur cette figure légendaire de la pensée économique en France, l’ambition était de montrer qu’Henri Denis, dans le champ même de la science économique, avait, comme d’autres, incorporé certaines règles du jeu social qui l’ont conduit à se situer en quelque sorte sur les sommets de la pensée économique. D’abord, en affirmant sa croyance en la doctrine du moment, le corporatisme, puis, en raison de la défaite de cette doctrine, en épousant la cause du marxisme, avant d’y renoncer.

Ce faisant, il s’agit de créer une anamnèse des origines d’un professeur, et de pratiquer une historicisation d’un parcours universitaire, en se libérant d’une forme d’illusion de l’autonomie de la sphère des idées. Les discours et les actions qui se constituent dans un champ, celui de l’économie en l’occurrence, sont sociologiquement déterminés par les conditions sociales de ceux qui en sont les dépositaires. Dit autrement, l’homme de connaissance ne peut être dissocié de l’homme individuel.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

ref. Du régime de Vichy à Marx… l’étonnant parcours de l’économiste Henri Denis – https://theconversation.com/du-regime-de-vichy-a-marx-letonnant-parcours-de-leconomiste-henri-denis-257406

Comment Grok, le chatbot de Musk, est devenu nazi

Source: The Conversation – in French – By Aaron J. Snoswell, Senior Research Fellow in AI Accountability, Queensland University of Technology

En juillet 2025, Grok, le chatbot d’Elon Musk sur X, s’est qualifié d’«Hitler mécanique » et a tenu des propos pronazis. Mijansk786

Les propos problématiques de Grok, l’intelligence artificielle du réseau social X, illustrent l’influence des idées de son créateur, Elon Musk, sur sa conception. Mais ils posent également la question des biais plus discrets que ses concurrents masquent derrière un vernis d’impartialité, incompatible avec le processus d’entraînement de ce type d’IA.


Grok, l’agent conversationnel – ou chatbot – intégré au réseau social X et fondé sur l’intelligence artificielle développée par la société xAI d’Elon Musk, a fait la une des journaux en juillet 2025 après s’être qualifié de « Mecha-Hitler » (« Hitler mécanique ») et avoir tenu des propos pronazis en réponse à des demandes d’utilisateurs.




À lire aussi :
Grok, l’IA de Musk, est-elle au service du techno-fascisme ?


Les développeurs ont présenté leurs excuses pour ces « publications inappropriées » et ont pris des mesures pour empêcher, à l’avenir, Grok de tenir des propos haineux dans ses publications sur X. Cet incident aura cependant été suffisant pour relancer les débats sur les biais des intelligences artificielles (IA) dans les réponses données aux demandes des utilisateurs.

À la suite des propos pronazis tenus sur X par Grok, ses développeurs ont publié un message d’excuse le 9 juillet _via_ le compte officiel du chatbot : « Nous avons pris connaissance des publications récentes de Grok et nous nous employons activement à supprimer celles qui sont inappropriées », affirmaient-ils.

Mais cette dernière controverse n’est pas tant révélatrice de la propension de Grok à tenir des propos extrémistes que d’un manque de transparence fondamental dans le développement de l’IA sur laquelle est basé ce chatbot. Musk prétendait en effet bâtir une IA « cherchant la vérité », hors de tout parti pris. La mise en œuvre technique de ce programme révèle pourtant une programmation idéologique systémique Grok.

Il s’agit là d’une véritable étude de cas accidentelle sur la manière dont les systèmes d’intelligence artificielle intègrent les valeurs de leurs créateurs : les prises de position sans filtre de Musk rendent en effet visible ce que d’autres entreprises ont tendance à occulter.

Grok, c’est quoi ?

Grok est un chatbot doté d’ « une touche d’humour et d’un zeste de rébellion », selon ses créateurs. Il est basé sur une intelligence artificielle développée par xAI, qui détient également la plate-forme de réseau social X.

La première version de Grok a été lancée en 2023. Des études indépendantes suggèrent que son dernier modèle en date, Grok 4, surpasserait les concurrents dans différents tests d’« intelligence ». Le chatbot est disponible indépendamment, mais aussi directement sur X.

xAI affirme que « les connaissances de (cette) IA doivent être exhaustives et aussi étendues que possible ». De son côté, Musk a présenté Grok comme une alternative sérieuse aux chatbots leaders du marché, comme ChatGPT d’OpenAI, accusé d’être « woke » par des figures publiques de droite, notamment anglo-saxonnes.

En amont du dernier scandale en date lié à ses prises de position pronazi, Grok avait déjà fait la une des journaux pour avoir proféré des menaces de violence sexuelle, pour avoir affirmé qu’un « génocide blanc » avait lieu en Afrique du Sud, ou encore pour ses propos insultants à l’égard de plusieurs chefs d’État. Cette dernière frasque a conduit à son interdiction en Turquie, après des injures contre le président de ce pays, Recep Tayyip Erdoğan, et le fondateur de la République, Mustafa Kemal Atatürk.

Mais comment les développeurs peuvent-ils générer de telles valeurs chez une IA, et façonner un chatbot au comportement aussi problématique ? À l’heure actuelle, ceux-ci sont construits sur la base de grands modèles de langage (Large Language Models en anglais, ou LLM) qui offrent plusieurs leviers sur lesquels les développeurs peuvent s’appuyer pour influer sur l’attitude future de leur création.

Derrière le comportement des IA, différentes étapes

Le préentraînement

Pour commencer, les développeurs sélectionnent les données utilisées pendant cette première étape de la création d’un chatbot. Cela implique non seulement de filtrer les contenus indésirables parmi les données d’entraînement, mais aussi de mettre en avant les informations souhaitées.

GPT-3 a ainsi été alimenté par des données dans lesquelles Wikipédia était jusqu’à six fois plus représentée que d’autres ensembles de données, car OpenAI considérait l’encyclopédie en ligne comme de meilleure qualité par rapport au reste. Grok, quant à lui, est entraîné à partir de diverses sources, notamment des publications provenant de X. Cela pourrait expliquer que le chatbot ait été épinglé pour avoir vérifié l’opinion d’Elon Musk sur des sujets controversés avant de répondre.

Dans cette capture réalisée par le chercheur Simon Willison, on peut voir le processus de réflexion détaillé de Grok face à une demande portant sur un sujet controversé (ici, une demande de soutien à Israël ou à la Palestine) : le chatbot consulte les publications d’Elon Musk sur le sujet avant de fournir une réponse.

Musk a précédemment indiqué que xAI effectue un tri dans les données d’entraînement de Grok, par exemple pour améliorer ses connaissances juridiques et pour supprimer le contenu généré par d’autres LLM à des fins d’augmentation de la qualité des réponses. Le milliardaire a également lancé un appel à la communauté d’utilisateurs de X pour trouver des problèmes complexes et des faits « politiquement incorrects, mais néanmoins vrais » à soumettre à son chatbot. Rien ne permet de savoir si ces données ont bien été utilisées ni quelles mesures de contrôle qualité ont été appliquées sur celles-ci.

Dans cette publication du 21 juin 2025, Elon Musk invite les utilisateurs à répondre avec « des faits clivants pour l’entraînement de Grok ». Par cela, il entend « des choses politiquement incorrectes, mais cependant vraies sur le plan factuel ».

Le réglage de précision

La deuxième étape, le réglage de précision – plus connu sous le nom anglais de fine-tuning – consiste à ajuster le comportement du LLM à l’aide de retours sur ses réponses. Les développeurs créent des cahiers des charges détaillés décrivant leurs positions éthiques de prédilection, que des évaluateurs humains ou des IA secondaires utilisent ensuite comme grille d’évaluation pour évaluer et améliorer les réponses du chatbot, ancrant ainsi efficacement ces valeurs dans la machine.

Une enquête de Business Insider a mis en lumière que les instructions données par xAI à ses « tuteurs pour IA » humains leur demandaient de traquer l’« idéologie woke » et la « cancel culture » dans les réponses du chatbot. Si des documents internes à l’entreprise indiquaient que Grok ne devait pas « imposer une opinion qui confirme ou infirme les préjugés d’un utilisateur », ils précisaient également que le chatbot devait éviter les réponses donnant raison aux deux parties d’un débat, lorsqu’une réponse plus tranchée était possible.

Les instructions système

Les instructions système – c’est-à-dire les consignes fournies au chatbot avant chaque conversation avec un utilisateur – guident le comportement du modèle une fois déployé.

Il faut reconnaître que xAI publie les instructions système de Grok. Certaines d’entre elles, comme celle invitant le chatbot à « supposer que les points de vue subjectifs provenant des médias sont biaisés », ou celle le poussant à « ne pas hésiter à faire des déclarations politiquement incorrectes, à condition qu’elles soient bien étayées », ont probablement été des facteurs clés dans la dernière controverse.

Ces instructions sont toujours mises à jour à l’heure actuelle, et leur évolution, qu’il est possible de suivre en direct, constitue en soi une étude de cas fascinante.

La mise en place de « garde-fous »

Les développeurs peuvent enfin ajouter des « garde-fous », c’est-à-dire des filtres qui bloquent certaines requêtes ou réponses. OpenAI affirme ainsi ne pas autoriser ChatGPT « à générer du contenu haineux, harcelant, violent ou réservé aux adultes ». Le modèle chinois DeepSeek censure de son côté les discussions sur la répression contre les manifestations de la place Tian’anmen de 1989.

Des tests effectués lors de la rédaction de cet article suggèrent que Grok est beaucoup moins restrictif dans les requêtes qu’il accepte et dans les réponses apportées que les modèles concurrents.

Le paradoxe de la transparence

La controverse autour des messages pronazis de Grok met en lumière une question éthique plus profonde. Est-il préférable que les entreprises spécialisées dans l’IA affichent ouvertement leurs convictions idéologiques et fassent preuve de transparence à ce sujet, ou qu’elles maintiennent une neutralité illusoire, tout en intégrant secrètement leurs valeurs dans leurs créations ?

Tous les grands systèmes d’IA reflètent en effet la vision du monde de leurs créateurs, des prudentes positions corporatistes de Microsoft Copilot à l’attachement à la sécurité des échanges et des utilisateurs détectable chez Claude d’Anthropic. La différence réside dans la transparence de ces entreprises.

Les déclarations publiques de Musk permettent de relier facilement les comportements de Grok aux convictions affichées du milliardaire sur « l’idéologie woke » et les biais médiatiques. À l’inverse, lorsque d’autres chatbots se trompent de manière spectaculaire, il nous est impossible de savoir si cela reflète les opinions des créateurs de l’IA, l’aversion au risque de l’entreprise face à une question jugée tendancieuse, une volonté de suivre des règles en vigueur, ou s’il s’agit d’un simple accident.

Le scandale lié à Grok fait écho à des précédents familiers. L’IA de X ressemble en effet au chatbot Tay de Microsoft, qui tenait des propos haineux et racistes en 2016. Il avait également été formé à partir des données de Twitter, le prédécesseur de X, et déployé sur ce réseau social, avant d’être rapidement mis hors-ligne.

Il existe cependant une différence cruciale entre Grok et Tay. Le racisme de cette dernière résultait de la manipulation menée par des utilisateurs et de la faiblesse des mesures de sécurité en place : il résultait de circonstances involontaires. Le comportement de Grok, quant à lui, semble provenir au moins en partie de la manière dont il a été conçu.

La véritable leçon à tirer du cas Grok tient à la transparence dans le développement des IA. À mesure que ces systèmes deviennent plus puissants et plus répandus – la prise en charge de Grok dans les véhicules Tesla vient ainsi d’être annoncée –, la question n’est plus de savoir si l’IA reflétera les valeurs humaines de manière générale. Il s’agit plutôt d’établir si les entreprises créatrices feront preuve de transparence quant aux valeurs personnelles qu’elles encodent, et quant aux raisons pour lesquelles elles ont choisi de doter leurs modèles de ces valeurs.

Face à ses concurrents, l’approche de Musk est à la fois plus honnête (nous voyons son influence) et plus trompeuse (il prétend à l’objectivité tout en programmant son chatbot avec subjectivité).

Dans un secteur fondé sur le mythe de la neutralité des algorithmes, Grok révèle une réalité immuable. Il n’existe pas d’IA impartiale, seulement des IA dont les biais nous apparaissent avec plus ou moins de clarté.

The Conversation

Aaron J. Snoswell a reçu des financements de recherche de la part d’OpenAI en 2024-2025 pour développer de nouveaux cadres d’évaluation permettant de mesurer la compétence morale des agents conversationnels basés sur l’IA.

ref. Comment Grok, le chatbot de Musk, est devenu nazi – https://theconversation.com/comment-grok-le-chatbot-de-musk-est-devenu-nazi-261738

Comment la philosophie d’Hartmut Rosa « résonne » avec les sports de glisse

Source: The Conversation – in French – By Jérôme Visioli, Maître de Conférences STAPS, Université de Bretagne occidentale

Zachary DeBottis/Pexels, CC BY

Le sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa a développé une sociologie de la relation au monde qui distingue deux expériences fondamentales. D’un côté, l’« aliénation », lorsque l’individu se sent indifférent ou agressé par son environnement. De l’autre, la « résonance », expérience d’harmonie que les sportifs, entre autres, tendent à rechercher à travers leurs pratiques.


Selon Hartmut Rosa, la « résonance » repose sur quatre dimensions : être touché par le monde, entrer en relation avec lui sans chercher à le dominer, le transformer tout en acceptant d’être transformé et accueillir l’imprévisibilité de cette interaction. L’auteur souligne également que la recherche de l’expérience de résonance par les sportifs constitue l’un des principaux motifs de leur engagement durable dans la pratique, avec des enjeux importants en termes de bien-être.

Si les études empiriques visant à documenter les expériences de résonance et d’aliénation restent rares, on note actuellement un développement des recherches en sciences du sport autour de différentes pratiques (course, apnée, yoga, parkour, etc.). Cela s’illustre, par exemple, dans le numéro de la revue Sport, Ethics and Philosophy intitulé « Hartmut Rosa as a sport philosopher », que nous coordonnons avec Matthieu Quidu, Brice Favier-Ambrosini et Bernard Andrieu, à paraître en 2026.

À ce titre, les sports de glisse constituent un terrain particulièrement fécond, car ils mobilisent simultanément un rapport sensible à l’environnement naturel ou urbain, des interactions sociales marquées par la coopération et la reconnaissance entre pairs, une relation intime à la matérialité de l’équipement, un fort engagement corporel, mental et émotionnel (équilibre, risque, maîtrise technique), un rapport au temps singulier où alternent attente, répétition et fulgurance des instants de réussite.

Pour illustrer plus concrètement cet aspect, nous proposons de rendre compte d’une étude auprès de skateurs, menée avec Oriane Petiot, Pauline Prouff et Gilles Kermarrec, à paraître en 2026. L’objectif était de documenter résonance et aliénation à travers la documentation de récits d’expérience particulièrement marquants, correspondant à des incidents critiques. L’étude a été menée auprès de 50 skateurs âgés de 10 à 47 ans, dont 9 femmes et 41 hommes.

L’expérience de résonance en skateboard

L’expérience de résonance, c’est ce moment où une personne sent que « quelque chose vibre » entre elle et le monde. Dans le cadre de la pratique du skate, elle se divise en deux grandes catégories : la relation à la planche (74,2 %) et la relation à l’environnement (25,8 %).

La première regroupe la réussite dans une figure (47 %) et le dépassement de la peur (27,3 %). Dans le premier cas, la résonance est vécue comme une expérience d’harmonie entre corps, esprit et skateboard :

« Une session de skate où ma confiance en moi était totale. Je me sentais aligné avec toutes les planètes, presque dans un état de grâce. […] J’avais l’impression de me voir skater de l’extérieur et que mes capacités cognitives étaient amplifiées. »

Dans le second, elle naît du surpassement de soi face aux échecs et à la prise de risque :

« Après des tentatives ratées et beaucoup de peur, le trick passe enfin : un immense soulagement, une fierté et un bonheur intenses. »

Ces récits montrent que l’expérience de résonance émerge autant en lien avec la maîtrise de la planche que dans le dépassement de l’insatisfaction.

La deuxième catégorie (25,8 %) met en évidence la qualité de la relation au monde, structurée autour de deux sous-catégories : les moments avec les pairs (N = 15 ; 22,7 %) et les déplacements et découvertes de spots (N = 2 ; 3,0 %). Des moments d’émotions partagées illustrent une résonance collective, nourrie aussi par des projets communs où

« tout le monde vit le trick avec toi et t’encourage à le réussir ! […] Une joie folle, une immense satisfaction de partager un tel moment avec autant d’amis ».

Les voyages et découvertes de spots offrent également des expériences mémorables :

« Partir une semaine avec neuf potes… joie intense, liberté totale, euphorie, ivresse. »

Ces récits d’expérience soulignent l’importance du partage social des émotions liées à la découverte de nouveaux espaces de pratique.

L’expérience d’aliénation en skateboard

L’expérience d’aliénation correspond à une rupture du lien avec le monde, lorsque l’individu ne parvient plus à se sentir en relation vivante et signifiante avec son environnement. Dans le cadre de la pratique du skate, elle se divise en deux grandes catégories : la relation avec la planche (88,5 %) et la relation avec l’environnement ou les pairs (11,5 %).

Dans la première catégorie, l’aliénation découle principalement des blessures (45,9 %), des échecs répétés (32,8 %) et des difficultés d’apprentissage (9,8 %). Un jeune skateur raconte :

« Je me suis cassé le bras assez sérieusement […]. Dès que je suis tombé, j’ai su qu’il était cassé. »

L’expérience de la blessure est non seulement liée à la douleur, mais également à l’impossibilité de continuer à pratiquer le skateboard associée à une fragilisation de l’estime de soi et des liens sociaux :

« Boom, entorse ! […] tu réalises que tu ne pourras pas skater pendant un ou deux mois. »

Les échecs répétitifs suscitent également une forte insatisfaction :

« Après des dizaines d’essais sur un trick, tu te sens capable, mais ça ne passe pas […] fatigue, nervosité, frustration m’ont fait littéralement craquer. »

La seconde catégorie porte sur la relation au social, et représente 11,5 % des expériences d’aliénation, autour de la pression sociale et de la compétition (8,2 %), mais aussi des conflits (3,3 %). L’aliénation émerge notamment lorsque les interactions avec les pairs deviennent sources de rejet :

« Un gars m’a poussé, et, honnêtement, j’ai beaucoup remis en question ma place au skatepark. »

Certains évoquent un sentiment de solitude :

« Pendant trois-quatre mois, j’ai skaté seul… vraiment triste, car à ce moment, le skate était la seule chose qui me faisait plaisir. »

L’observation et le jugement peuvent également blesser les pratiquants :

« Après une chute devant les autres, j’étais tellement honteuse […] je suis partie démoralisée. »

Ces expériences montrent l’ambivalence des relations sociales, qui peuvent fragiliser l’estime de soi et transformer le skatepark en espace d’exclusion.

À la recherche de l’expérience de résonance dans les pratiques sportives

Les résultats de l’étude révèlent une dialectique essentielle entre résonance et aliénation dans l’expérience des skateurs, qui se déploie sur une temporalité évolutive. La résonance surgit souvent après des phases d’aliénation, par exemple lorsqu’un trick réussi suit de multiples tentatives infructueuses. Inversement, l’intensité des moments de résonance peut nourrir la quête permanente de sensations, au risque de retomber dans l’aliénation. Cette dialectique structure la pratique du skateboard, redéfinissant les relations au corps, à la planche, à l’environnement social et urbain.

Ces processus échappent en partie à notre contrôle, car, comme l’explique Rosa, l’expérience de résonance se caractérise aussi par une certaine indisponibilité, c’est-à-dire qu’elle ne peut pas être produite ou maîtrisée à volonté. Néanmoins, la pratique régulière favorise l’appropriation progressive de la planche comme prolongement du corps.

Le skatepark apparaît également comme une « oasis de résonance » potentielle, par ses dimensions sociales parfois associées à l’écoute de la musique, permettant de s’évader d’une société caractérisée par l’accélération, autre concept développé par Hartmut Rosa.

The movie tag contains https://www.arte.tv/fr/videos/110980-002-A/le-grand-entretien-avec-hartmut-rosa/, which is an unsupported URL, in the src attribute. Please try again with youtube or vimeo.

Les résultats de notre étude invitent à la prise en compte de l’expérience des pratiquants par les intervenants dans le cadre d’une pédagogie de la résonance. Ils peuvent également susciter des réflexions dans les associations sportives et les politiques publiques, afin de favoriser des environnements propices à l’épanouissement des skateurs.

Enfin, ils invitent à élargir les recherches sur l’expérience de résonance à d’autres sports de glisse (surf, planche à voile, snowboard, etc.), et plus globalement à l’ensemble des pratiques sportives contemporaines, en intégrant éventuellement l’écoute de la musique comme amplificateur d’évasion.

The Conversation

Jérôme Visioli ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Comment la philosophie d’Hartmut Rosa « résonne » avec les sports de glisse – https://theconversation.com/comment-la-philosophie-dhartmut-rosa-resonne-avec-les-sports-de-glisse-263674

Tests psychologiques : à quels outils se fier sur un marché pléthorique ?

Source: The Conversation – France in French (3) – By Katia Terriot, Maîtresse de conférences en psychologie, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)

Du milieu scolaire aux process de recrutement, en passant par les choix d’orientation, les tests psychologiques sont de plus en plus mobilisés, dans des situations décisives pour l’avenir des personnes concernées. Mais sont-ils toujours fiables ? Et à quelles sont les conditions d’une utilisation pertinente ?


À leur création au XIXe siècle, les tests psychologiques ont été utilisés principalement pour étudier le fonctionnement de l’intelligence. Avec la création de programmes centrés sur l’évaluation des personnalités à partir des années 1960, ils ont été largement diffusés dans les entreprises pour accompagner la gestion des ressources humaines et le recrutement.

Depuis les années 2000, ils sont de plus en plus mobilisés dans le champ de l’orientation également. Du test d’aptitudes pour un futur pilote de l’air au questionnaire de personnalité destiné à un manager, en passant par l’évaluation cognitive en milieu scolaire, ces outils interviennent chaque jour dans des situations décisives.

Utilisés à bon escient, ils peuvent éclairer et objectiver un choix ; mal choisis ou mal interprétés, ils risquent au contraire de l’orienter dans une mauvaise direction.

Une offre pléthorique

La diversité des tests psychologiques est impressionnante : tests d’aptitude pour surveillant pénitentiaire, questionnaire de personnalité pour managers, échelles de motivation pour élèves en difficulté… et, à l’autre extrémité du spectre, les quiz en ligne ou dans les magazines, parfois présentés comme « scientifiques » mais sans aucune base rigoureuse.

Certains tests psychologiques sont utilisés dans le monde entier, parfois à des milliers d’exemplaires chaque année. Leur popularité, le fait qu’ils aient été créés par une personnalité reconnue ou adoptés par de grandes entreprises ne garantit pourtant en rien leur qualité scientifique. Derrière une apparente simplicité et un succès commercial peuvent se cacher de fortes disparités de qualité. Or, un outil mal construit peut mener à des interprétations erronées et à des décisions inadaptées.

À quoi les tests servent-ils ?

Un test psychologique n’est pas qu’un simple questionnaire. C’est un instrument standardisé (c’est-à-dire prévu pour être utilisé dans des conditions contrôlées, toujours les mêmes), destiné à mesurer une dimension précise, comme le raisonnement, la mémoire, l’attention, la personnalité ou les intérêts professionnels. Par exemple, certaines épreuves de raisonnement sont utilisées depuis plus d’un siècle et ont été améliorées avec le temps. Elles permettent de manière fiable de prédire la capacité d’une personne à s’adapter à des situations nouvelles et complexes.

Utilisés de manière appropriée (c’est-à-dire adaptés à la situation et à la personne évaluée, utilisés par une personne compétente, respectant les règles de standardisation), ces outils ont une réelle valeur ajoutée. Ils permettent d’objectiver des observations (par exemple, pour confirmer ou pour infirmer un trouble d’apprentissage) ou d’aider à la prise de décisions d’orientation scolaire ou professionnelle, en éclairant les motivations, les intérêts ou les compétences des personnes, ou encore de suivre l’évolution d’une compétence ou d’une souffrance psychologique au fil du temps.

Si les tests peuvent jouer un rôle clé dans de nombreux contextes, encore faut-il qu’ils soient conçus avec rigueur. Dans l’idéal, la conception d’un test psychologique s’appuie sur plusieurs années de travail collectif entre chercheurs et praticiens, avec des phases d’expérimentation et une validation par les pairs. En pratique, beaucoup d’outils diffusés dans le monde du travail ou sur Internet échappent à ce cadre scientifique rigoureux, ce qui explique la grande diversité de qualité que l’on trouve sur le marché.

La démarche d’élaboration d’un test psychologique

Construire un test de qualité demande bien plus qu’une idée lumineuse. Le processus commence par un modèle théorique solide. Les tests d’intelligence actuels, par exemple, reposent souvent sur le modèle CHC (Cattell-Horn-Carroll), qui distingue différentes composantes cognitives. À partir de cette base, on élabore des items (par exemple, une question ou un problème à résoudre), que l’on soumet à un large échantillon de participants.

Les données ainsi recueillies font l’objet d’analyses statistiques sophistiquées : on vérifie que le test mesure bien ce qu’il prétend mesurer (validité), que les résultats sont stables et reproductibles (fidélité), et que chaque item contribue réellement à l’évaluation. Cette phase est suivie de l’étalonnage. Les résultats d’un échantillon représentatif de la population à laquelle s’adresse le test sont recueillis.




À lire aussi :
« Dyslexique », « hyperactif », « HPI »… Ces diagnostics qui se multiplient en milieu scolaire


À chaque utilisation, les résultats d’une personne pourront ainsi être comparés à une « norme » de référence. Enfin, toutes ces étapes doivent être documentées dans un manuel détaillé, où sont présentées les preuves scientifiques, les conditions d’utilisation et les limites de l’outil.

Reconnaître un test de qualité

Ainsi, la qualité d’un test se juge d’abord sur la solidité de sa documentation. Un manuel expose clairement ses fondements théoriques, sa méthode de construction, les résultats des analyses statistiques et les conditions précises de passation.

Les normes doivent avoir été établies sur un échantillon représentatif, reflétant la diversité de la population à laquelle le test est destiné. L’absence de ces éléments doit alerter. Un test dépourvu de manuel, dont les promesses se limitent à des slogans vagues comme « Révélez votre potentiel caché » ou qui se contente de vanter sa popularité sans présenter de données scientifiques fiables, doit être abordé avec prudence.

À titre d’exemple, un argument marketing mettrait en avant que « ce test est plébiscité par des milliers d’utilisateurs et recommandé par les plus grands coachs » alors que l’argument scientifique pourrait indiquer que « ce test a été validé sur 1 500 personnes représentatives de la population française ».

Cependant, même lorsqu’un test est élaboré de façon rigoureuse sur le plan scientifique, il reste nécessaire de garder un regard critique sur ses atouts et sur ses limites. Les données psychométriques doivent être examinées avec attention pour faire un choix éclairé. Car un test fiable mais mal choisi peut avoir des conséquences importantes sur la pratique professionnelle.

Par exemple, utiliser avec un enfant un outil dont l’étalonnage a été conçu à partir d’une population d’adolescents peut conduire à sous-estimer les capacités de l’enfant, avec un risque de l’orienter vers un dispositif de soutien inapproprié.

Une utilisation éthique et rigoureuse

Mais avoir un regard critique sur la qualité d’un test ne suffit toujours pas. Encore faut-il que son utilisation respecte des règles strictes. Même l’outil le plus solide sur le plan scientifique peut produire des conclusions erronées s’il est administré dans de mauvaises conditions ou interprété sans tenir compte du contexte. C’est là qu’interviennent les principes d’une utilisation éthique et rigoureuse.

Respecter les conditions standardisées de passation (temps, consignes, cotation, environnement) est indispensable. La confidentialité des résultats doit être assurée, et leur interprétation doit tenir compte du contexte, des observations qualitatives et d’autres sources d’information. Il est, en effet, indispensable, de rappeler qu’un test psychologique, même élaboré scientifiquement, n’est pas omniscient. Il ne peut à lui seul saisir toute la complexité d’une personne ni prédire son avenir.

Un résultat chiffré ne prend sens que replacé dans un ensemble plus large d’informations : observations cliniques, entretiens, éléments contextuels. Se fier uniquement à un score, c’est comme évaluer toute la personnalité de quelqu’un en ne lui posant qu’une seule question, par exemple : « Préférez-vous passer vos vacances à la plage ou à la montagne ? »

En France, l’usage de certains tests est réservé aux psychologues, parce que leur interprétation exige des compétences techniques et cliniques spécifiques. D’autres outils peuvent être utilisés par des non-psychologues, à condition de suivre une formation spécifique, généralement proposée par l’éditeur du test. Mais même dans ce cas, un usage hors cadre légal ou déontologique expose à des décisions inadaptées, potentiellement néfastes pour l’individu, ou discriminatoires.

Dans un marché pléthorique, savoir faire la différence entre des tests valides scientifiquement et d’autres plus douteux est devenu une compétence en soi. C’est l’objectif du MOOC Tout comprendre sur les tests en psychologie : usages, limites et bonnes pratiques) diffusé sur FUN MOOC. Il propose aux professionnels et au grand public de comprendre les principes de construction des tests, d’identifier les critères de qualité et de distinguer preuves scientifiques et arguments commerciaux.


Le MOOC Tout comprendre sur les tests en psychologie : usages, limites et bonnes pratiques, a été conçu par Jean-Luc Bernaud, Pascal Bessonneau, Richard Gucek, Lin Lhotellier, Even Loarer, Katia Terriot et Aline Vansoeterstede, membres de l’Institut national d’étude du travail et d’orientation professionnelle (Inétop) du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam).

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

ref. Tests psychologiques : à quels outils se fier sur un marché pléthorique ? – https://theconversation.com/tests-psychologiques-a-quels-outils-se-fier-sur-un-marche-plethorique-264056

Retraites par répartition ou capitalisation : quels sont les risques ?

Source: The Conversation – France (in French) – By Anne Lavigne, Professeure de Sciences économiques, Université d’Orléans

Même si les débats sur la retraite ont été mis sur pause, ils reviendront sur le devant de la scène. Souvent, la retraite par répartition est présentée comme plus sûre que la retraite par capitalisation soumise aux aléas des marchés financiers. Qu’en est-il vraiment ? Existe-t-il vraiment un système plus sûr que l’autre ? ou chaque système a-t-il des risques propres ?


La retraite par capitalisation est un des serpents de mer des réformes des retraites. Dans ce domaine inflammable et hautement passionnel, les tenants et les opposants d’un système ou de l’autre avancent les avantages de leur système de prédilection et les dangers posés par la solution rivale.

Lors des dernières discussions, que le premier ministre d’alors avait nommées « conclave », la question d’une dose de capitalisation a été évoquée. Cette proposition a été rapidement remise sous la table, en même temps que le conclave entre les partenaires sociaux s’achevait sur un constat d’échec. Les pistes suggérées par son successeur Sébastien Lecornu sur la question des retraites n’incluent pas l’introduction d’une dose de capitalisation, tant la mesure compte de farouches opposants. Après avoir étudié la rentabilité des deux systèmes, nous proposons d’étudier les risques inhérents à la répartition et à la capitalisation.




À lire aussi :
Retraites par capitalisation ou par répartition : quel système est le plus rentable ?


Le rapport entre cotisants et cotisés

Toutes choses égales par ailleurs (notamment si la productivité du travail est inchangée), l’augmentation du nombre de retraités par rapport au nombre de cotisants dégrade la situation financière d’un système en répartition. Cette augmentation peut avoir plusieurs origines :

  • l’allongement de l’espérance de vie qui est un choc démographique durable qui accroît le nombre de retraités (on parle de vieillissement « par le haut » de la population) ;

  • symétriquement, la baisse du taux de fécondité réduit le nombre des cotisants après quelques décennies (on parle de « vieillissement par le bas » de la population).

Gare au baby-boom !

D’autres chocs sont transitoires, par exemple le baby-boom d’après-guerre qui a entraîné une très forte augmentation des naissances pendant un temps limité, entre 1945 et 1970.

Les chocs durables peuvent être absorbés par des « modifications paramétriques » du système (modification du taux de cotisation, du taux de remplacement ou de l’âge de départ à la retraite) alors que les chocs transitoires, comme un baby-boom, peuvent être absorbés par une accumulation de réserves dans le système par répartition lorsque les boomers sont actifs, réserves qui seront utilisées lorsque les boomers arrivent à la retraite.

Dangereuse inflation

Du côté des risques économiques, le ralentissement des progrès de productivité du travail (et, a fortiori, la baisse de cette productivité) réduit le rendement de la répartition : un choc de productivité a un impact analogue à un choc démographique. L’inflation est un autre risque si les paramètres du système ne s’ajustent que partiellement, ou avec retard, sur l’évolution des prix. L’indexation concerne les pensions versées aux retraités, sujet qui fait actuellement débat en France.

Mais il concerne également l’indexation des salaires portés au compte des cotisants, ce qui est moins connu. Au régime général en effet, la pension est calculée sur la base du salaire moyen perçu au cours des 25 meilleures années de carrière. Or un salaire de 1 800 euros perçu en 2000 n’est pas équivalent à un salaire de 1 800 euros perçu en 2025, car l’inflation depuis 2000 a érodé le pouvoir d’achat des 1 800 euros gagnés en 2000. Il faut donc indexer les salaires perçus chaque année, et le choix a été fait d’une indexation sur les prix, pour rendre comparables, en termes de pouvoir d’achat, les différents salaires de carrière.

Sous-indexation rendue nécessaire

Si le gouvernement suit le dernier avis du Comité de suivi des retraites préconisant une sous-indexation partielle et temporaire des pensions des retraités à l’horizon de 2030, il exposera les retraités au risque d’inflation.

Enfin, parce que la répartition instaure une solidarité entre les générations sur la base d’une réciprocité indirecte entre des générations passées, présentes et futures, elle est exposée à un risque politique. Le principe sous-jacent à la répartition est le suivant pour un individu : « J’accepte de cotiser pour les générations qui m’ont précédé (les retraités actuels) parce que je sais, ou j’anticipe, que les générations futures feront de même pour moi. »

La confiance en la répartition est étroitement liée à la confiance que l’on accorde à l’État. Celle-ci repose, en dernier lieu, sur la capacité de ce dernier à mutualiser des risques de toutes natures : démographiques (taille et durée de vie des générations…), économiques (emploi, salaires, taux d’intérêt…) et politiques (guerres…).

Capitalisation : qui assume le risque à la fin des fins ?

La capitalisation est exposée aux fluctuations des marchés financiers, et notamment aux risques de baisse brutale des cours des actions. On pourrait objecter que les krachs boursiers sont des événements rares. Mais, encore une fois, pour un individu donné, si ce risque rare se réalise, c’est sa survie à la retraite qui est en jeu s’il finance sa couverture vieillesse par de l’épargne retraite placée en actions.

Pour autant, même l’existence de risques financiers (c’est-à-dire le risque de perdre une partie des sommes qu’on place en épargne retraite) ne suffit pas à disqualifier la capitalisation. En effet, des techniques financières existent pour se couvrir contre ces risques financiers. C’est notamment le cas des fonds de pension à prestations définies qui s’engagent à verser des prestations de retraite d’un montant prédéterminé, par exemple un pourcentage du dernier salaire d’activité, ou de la moyenne des salaires perçus pendant la vie active, quel que soit le rendement financier des sommes placées en bourse.

Bien évidemment, pour pouvoir garantir un taux de remplacement quelles que soient les fluctuations en bourse, il faut que quelqu’un assume le risque financier, c’est-à-dire recapitalise le fonds de pension en cas de pertes sur les marchés. Et ce quelqu’un, c’est l’employeur qui a créé le fonds de pension pour ses salariés.

Les facteurs démographiques

On lit parfois que la capitalisation, à la différence de la répartition, est protégée contre les risques démographiques. C’est inexact, sauf dans un cas très particulier où les machines seraient parfaitement substituables aux humains.

Imaginons, par exemple, une réduction durable de la fécondité, qui entraînerait moins de naissances, puis une vingtaine d’années plus tard, moins d’actifs. Dans ce cas, comme les travailleurs deviennent plus rares, les salaires augmentent. Et comme le stock de capital devient relativement plus abondant par rapport au nombre de travailleurs employés, son rendement baisse et la capitalisation devient moins rentable.

Idem pour l’augmentation de l’espérance de vie : qu’on soit en répartition ou en capitalisation, un allongement de l’espérance de vie implique qu’on prélève plus sur la richesse produite chaque année pour financer la retraite des retraités (sous la forme de cotisation ou d’épargne supplémentaire) pour un niveau de vie des retraités inchangé, ou qu’on réduise les retraites à effort de financement inchangé.

Capitalisation et épargne nette

Parmi les arguments avancés pour promouvoir l’essor des fonds de pension en France figurent la mobilisation nécessaire d’une épargne longue, d’une part, et la reconquête souhaitée du capital des entreprises françaises par des investisseurs institutionnels nationaux, d’autre part. S’il est vrai que, dans un système fonctionnant en répartition pure, les cotisations ne constituent pas une épargne, car elles sont redistribuées sous forme de pensions aux retraités contemporains, la capitalisation collective n’induit pas une épargne nette structurelle.

France Culture, 2025.

En effet, les cotisants d’un régime fonctionnant en capitalisation pure achètent des titres financiers, mais les retraités vendent les titres accumulés pendant leur vie active. La capitalisation n’engendre une épargne nette positive que si l’épargne des actifs est supérieure à la désépargne des retraités. L’épargne nette susceptible d’être dégagée par un développement des fonds de pension dépend du poids relatif des cotisants par rapport aux retraités, ainsi que des supports d’épargne alternatifs.

Du patriotisme économique

Reste l’argument du patriotisme économique. Alors que les investisseurs étrangers ne contrôlent qu’environ 17 % du capital des entreprises américaines en 2023, les non-résidents détiennent 40,3 % de la capitalisation boursière des sociétés françaises du CAC 40 fin 2022. Pour les tentants du système par capitalisation, celui-ci est un moyen de drainer l’épargne des ménages vers les entreprises françaises.

Mais rien n’est moins sûr. Au bout du compte, l’instauration de fonds de pension ne suffira pas à inciter les Français à investir dans des actions d’entreprises françaises : tout dépend du choix de l’allocation stratégique des affiliés représentés dans les conseils d’administration des fonds, entre actions et obligations, françaises ou étrangères, et donc, in fine, de leur attitude vis-à-vis du risque.

The Conversation

Anne Lavigne est membre du Conseil d’administration de l’Etablissement de retraite additionnelle de la fonction publique, en qualité de personnalité qualifiée. Cette fonction est assurée à titre bénévole.

ref. Retraites par répartition ou capitalisation : quels sont les risques ? – https://theconversation.com/retraites-par-repartition-ou-capitalisation-quels-sont-les-risques-263455

La génération des boomers a profondément changé la société… et continue de le faire

Source: The Conversation – in French – By Gérard Bouchard, Professeur émérite, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)

Les boomers sont à l’âge de la retraite, où ils profitent pleinement de la société des loisirs. Nés à une période faste, ils ont bénéficié toute leur vie de conditions gagnantes. (unsplash plus), CC BY-NC-ND

La génération des baby-boomers a profondément changé la société, et continue de le faire alors que les plus âgés d’entre eux deviennent octogénaires et les plus jeunes, sexagénaires. Ce phénomène coïncide avec une accélération du vieillissement de la population au Québec, au Canada et dans l’ensemble des sociétés occidentales.

À 81 ans, l’historien et sociologue Gérard Bouchard, professeur émérite à l’UQAC, s’identifie à la génération des boomers, même s’il la devance de quelques années. Comme tous les membres de ceux et celles que le professeur de littérature François Ricard a qualifié de « génération lyrique », il a été un participant enthousiaste de la Révolution tranquille, adoptant les nouvelles valeurs de liberté qui déferlaient sur l’Occident.

Il est aussi l’un de ses intellectuels les plus en vue, auteurs d’une trentaine d’ouvrages, récipiendaires de nombreux prix et distinctions, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la dynamique comparée des imaginaires collectifs, et co-directeur en 2007 de la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles. Il y a élaboré son concept d’interculturalisme, une approche québécoise en matière d’intégration des nouveaux arrivants et des groupes minoritaires qui se différencie du multiculturalisme canadien.

Cette semaine, Gérard Bouchard publie un énième ouvrage, qu’il considère comme l’un de ses plus importants, Terre des humbles. « Le livre est sur mon établi depuis 50 ans », dit-il lors de notre rencontre à son bureau de l’UQAC, à Chicoutimi. Il s’agit d’une histoire des premiers habitants du Saguenay, celle des gens ordinaires, « pas juste de ses dirigeants ».




À lire aussi :
Octobre 70 : l’État a eu peur de sa jeunesse


Son prochain ouvrage portera quant à lui sur les boomers. Il traitera des différentes interprétations de la Révolution tranquille, de l’avant et de l’après Grande noirceur.

Gérard Bouchard travaille sept jours par semaine, « un peu moins le dimanche », et ne comprend pas les gens qui prennent leur retraite à 55 ans, alors qu’ils sont en pleine santé, avec des enfants devenus adultes. « Ils vont passer quarante années de leur vie à s’amuser ? C’est absurde. » Lui n’arrêtera jamais. « Je suis un chercheur, c’est ma passion, je suis incapable de penser que je pourrais arrêter. Je vais travailler jusqu’à la fin. »


Cet article fait partie de notre série La Révolution grise. La Conversation vous propose d’analyser sous toutes ses facettes l’impact du vieillissement de l’imposante cohorte des boomers sur notre société, qu’ils transforment depuis leur venue au monde. Manières de se loger, de travailler, de consommer la culture, de s’alimenter, de voyager, de se soigner, de vivre… découvrez avec nous les bouleversements en cours, et à venir.


La Conversation Canada : Le baby-boom qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale a provoqué des secousses partout en Occident, dont au Québec. La société a dû s’ajuster à leur arrivée massive. Quels étaient les principaux défis au Québec ?

Gérard Bouchard : Sans aucun doute la démocratisation de l’éducation. Les Canadiens français accusaient un important retard. La plupart des enfants quittaient l’école à partir de 12 et 13 ans. Or, les attentes vis-à-vis de l’instruction se sont faites plus importantes dès les années cinquante. Les parents des classes moyennes et pauvres voyaient bien que ceux qui avaient une belle vie, les notables, les avocats, les notaires et les médecins, étaient des gens instruits. L’idée que « qui s’instruit s’enrichit » a été formulée dans les années 60, mais elle était présente bien avant. Il fallait instruire cette génération.

LCC : On a donc construit des écoles secondaires, le réseau des cégeps, celui des universités du Québec…

G.B. : Oui, car il y avait urgence. Et pour cela, il fallait d’abord se défaire de l’autoritarisme considérable de l’Église, sa censure, sa guerre contre les intellos. L’Église s’opposait à l’instruction obligatoire jusqu’à 14 ans. L’arrivée du premier ministre Jean Lesage, en 1960, a changé les choses. Lui-même n’était pas porteur du changement. Il était contre la nationalisation de l’électricité, la laïcisation, la création de la Caisse de dépôt… Il a fallu le convaincre. Ce qu’il a fait de mieux, c’est de s’entourer de gens très brillants et très intègres [NDLR notamment René Lévesque et Jacques Parizeau], qui ont créé un État moderne, avec moins de corruption, d’arbitraire, d’amateurisme dans la manière de gouverner.

Une bourgeoisie francophone a pris son essor, on a créé des entreprises, une classe de technocrates. C’était la Révolution tranquille. Elle s’est déployée dans les années soixante, mais ses idées circulaient depuis quelques décennies, notamment avec l’intellectuel André Laurendeau, le plus important de sa génération.

L’école est devenue obligatoire jusqu’à 16 ans et on a créé le tout nouveau réseau de l’Université du Québec, avec ses dix antennes. Il fallait des professeurs. On a embauché des gens qui n’avaient parfois que de simples maîtrises. On les formait, on payait leurs études et leurs salaires jusqu’au doctorat. On n’avait pas le choix. Il fallait pourvoir les postes pour former les cohortes qui venaient. Mais on s’est arrêté une fois les besoins remplis. Les générations suivantes ont donc frappé un mur…

LCC : Quel a été l’impact de la Révolution tranquille sur cette génération devenue adulte ?

G.B. : Les boomers n’ont pas fait la Révolution tranquille, ils en ont bénéficié et ils ont participé activement et avec beaucoup d’enthousiasme à sa mise en place. J’avais 20 ans en 1963. À 25 ans j’étais un militant, partisan des nouvelles valeurs de liberté, de l’indépendance du Québec. Cette génération a assimilé profondément ces nouvelles valeurs et en a fait les siennes. Les boomers sont donc associés à de grands changements sociaux, à l’émergence d’une société de consommation, où le travail n’était plus l’absolu sanctifié, à un monde de liberté.

LCC : Le party s’est terminé cependant…

G.B. : Oui, dès 1973, l’Occident a connu le premier choc pétrolier, la fin de l’expansion économique, l’inflation. Les États étaient endettés. Les boomers n’en ont pas tant souffert. Ils étaient établis dans leur vie. Par ailleurs, avec la Révolution tranquille, le Québec s’est doté de vastes politiques sociales qui sont restées en vigueur.


Déjà des milliers d’abonnés à l’infolettre de La Conversation. Et vous ? Abonnez-vous gratuitement à notre infolettre pour mieux comprendre les grands enjeux contemporains.


Mais l’idée qu’un bon diplôme équivalait à un bon emploi ne fonctionnait plus. Ce qui a fait que la génération qui a suivi, les X, s’est sentie traitée injustement. La musique s’était arrêtée. Il n’y avait plus de chaises pour eux. Les X ont cherché des coupables et blâmé les boomers de s’être empiffrés, d’avoir été narcissiques. On comprend cette réaction émotive.

Ils ont eu raison d’être fâchés. L’évolution de notre société leur a causé beaucoup de tort.

Mais les boomers n’y étaient pour rien. La crise économique était à l’échelle de l’Occident. Il y a eu rupture dans la mobilité sociale. Cela dit, le Québec a su résister aux effets du néo-libéralisme qui a déferlé à partir des années 80. Il n’a pas coupé dans ses politiques sociales. Le filet s’est même étendu.

LCC : Les premiers boomers auront bientôt 80 ans, et seront suivis par une vaste cohorte. Comment vivent-ils leur vieillesse ?

G.B. : Ils ont de bons fonds de pension universelle. Ils ont des moyens, dépensent, s’amusent, sont heureux… jusqu’à ce qu’ils soient malades. Et lorsque c’est le cas, l’État s’en occupe. À l’image de leur vie, leur couloir est tracé. Ils sont sur la voie de sortie, et c’est une voie convenable, qui est le propre d’une société civilisée.

Évidemment, il y a des inégalités, notamment dans les fonds de pension individuels. Tous ne participent pas au même banquet. Mais la société leur permet de vivre une vie convenable. La manière dont on traite les personnes âgées, c’est quelque chose qu’on fait de bien.

La Conversation Canada

Gérard Bouchard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. La génération des boomers a profondément changé la société… et continue de le faire – https://theconversation.com/la-generation-des-boomers-a-profondement-change-la-societe-et-continue-de-le-faire-264009