Qu’est-ce qui rend une personne cool ? Une étude à l’échelle mondiale apporte quelques réponses

Source: The Conversation – in French – By Todd Pezzuti, Associate Professor of Marketing, Universidad Adolfo Ibáñez

De Lagos à Cape Town, de Santiago à Séoul, tout le monde veut être cool. « Cool » est un mot que l’on entend partout : dans la musique, dans la mode, sur les réseaux sociaux. Nous l’utilisons pour décrire certains types de personnes.

Mais qu’est-ce qui rend vraiment quelqu’un « cool » ? Est-ce juste une question de popularité ou de style ? Ou y a-t-il quelque chose de plus profond ?

Dans une étude récente menée avec d’autres professeurs de marketing, nous avons cherché à répondre à une question simple mais rarement posée. Quels sont les traits de personnalité et les valeurs qui rendent quelqu’un cool, et varient-ils d’une culture à l’autre ?

Nous avons interrogé près de 6 000 personnes dans 12 pays. Nous leur avons demandé de penser à quelqu’un qu’elles connaissaient personnellement et qu’elles trouvaient soit « cool », soit « pas cool », soit « une bonne personne », soit « une mauvaise personne ». Ensuite, elles devaient décrire les traits de caractère et les valeurs de cette personne avec des outils de psychologie validés. Nous avons utilisé ces données pour examiner en quoi le fait d’être cool diffère de la sympathie ou de la moralité en général.

L’étude a couvert des pays aussi divers que l’Australie, la Turquie, les États-Unis, l’Allemagne, l’Inde, la Chine, le Nigeria et l’Afrique du Sud.

Les résultats montrent qu’à travers le monde, la coolitude se caractérise par six traits essentiels : les personnes perçues comme cool sont généralement extraverties, portées sur le plaisir, aventurières, ouvertes d’esprit, puissantes et indépendantes.

Ces conclusions permettent d’éclaircir un débat de longue date : qu’est-ce qu’être cool à notre époque ?

Brève histoire de la coolitude

Les premiers écrits sur la « coolitude » la définissaient comme une forme de retenue émotionnelle : savoir rester calme, posé et impassible.

Certains chercheurs estiment que cette forme de « cool » remonte à l’époque de l’esclavage et de la ségrégation. Pour les Africains réduits en esclavage et leurs descendants, garder le contrôle de leurs émotions était une véritable stratégie de survie. Cette retenue devenait alors un symbole d’autonomie et de dignité face à l’oppression. D’autres pensent que cette attitude de maîtrise existait déjà bien avant l’esclavage.

Quoi qu’il en soit, ce sont les musiciens de jazz des années 1940 qui ont rendu ce style « cool » célèbre : une allure détendue, élégante et maîtrisée sur le plan émotionnel. Ce modèle a ensuite séduit la jeunesse et plusieurs mouvements contre-culturels. Au fil du temps, des marques comme Nike, Apple ou MTV ont récupéré cette attitude rebelle pour en faire un produit marketing. Ce qui était à l’origine un esprit marginal est devenu une esthétique mondiale, plus facile à vendre au grand public.

Ce qui rend quelqu’un cool

Nos conclusions suggèrent que la signification du mot « cool » a changé. C’est un moyen d’identifier et de cataloguer les personnes ayant un profil psychologique spécifique.

Les personnes cool sont extraverties et sociables. Elles recherchent le plaisir et la jouissance (hédonistes). Elles prennent des risques et essaient de nouvelles choses (aventurières). Elles sont curieuses et ouvertes à de nouvelles expériences (ouvertes). Elles ont de l’influence ou du charisme (puissantes). Et peut-être surtout, elles font les choses à leur manière (autonomes).

Cette conclusion est restée remarquablement la même dans tous les pays. Que l’on soit aux États-Unis, en Corée du Sud, en Espagne ou en Afrique du Sud, les gens ont tendance à penser que les personnes cool partagent le même « profil cool »..

Nous avons également constaté que même si le fait d’être cool recoupe le fait d’être bon ou sympathique, être cool et être bon ne sont pas la même chose. Être gentil, calme, traditionnel, sûr de soi et consciencieux était davantage associé à la bonté qu’à la coolitude. Certains traits associés à la coolitude, comme l’extraversion ou la recherche du plaisir, ne sont pas toujours vus comme des qualités morales.

Qu’en est-il de l’Afrique du Sud et du Nigeria ?

L’un des aspects les plus intéressants de notre étude est la régularité des résultats entre les cultures, même dans des pays aux valeurs et traditions très différentes.

En Afrique du Sud, les participants considéraient les personnes cool comme extraverties, hédonistes, puissantes, aventureuses, ouvertes et autonomes, tout comme les participants d’Europe et d’Asie. En Afrique du Sud, cependant, la coolitude se distingue particulièrement du fait d’être bon. L’Afrique du Sud est l’un des pays où être hédoniste, puissant, aventureux et autonome était a été associé au fait d’être cool que d’être une bonne personne.

Le Nigeria a montré des résultats un peu différents. C’était le seul pays où les personnes cool et pas cool étaient perçues comme également autonomes. En gros, l’individualité n’était pas considérée comme cool. Cette différence pourrait refléter des valeurs culturelles qui accordent une plus grande importance à la communauté, au respect des aînés ou à l’identité collective. Dans les sociétés où la tradition et la hiérarchie sont importantes, faire ce que l’on veut n’est pas forcément vu comme cool.

Cependant, comme toutes les sciences, les sciences sociales ne sont pas exactes. Il est donc raisonnable de supposer que l’autonomie est peut-être assoociée à la coolitude au Nigeria, mais que des biais d’enquête ou d’interprétation aient faussé les réponses.

Autre particularité : au Nigeria, la différence entre être cool et être bon était moins marquée qu’ailleurs. Là-bas, la coolitude est plus souvent perçue comme une qualité morale que dans les autres pays.

Pourquoi est-ce intéressant ?

Le fait que tant de cultures s’accordent sur ce qui rend quelqu’un cool suggère que la « coolitude » pourrait avoir une fonction sociale universelle. Les traits qui rendent les gens cool peuvent les pousser à essayer de nouvelles choses, à innover en matière de style et de mode, et à influencer les autres. Ces personnes repoussent souvent les limites et introduisent de nouvelles idées, que ce soit dans la mode, l’art, la politique ou la technologie. Elles inspirent les autres et contribuent à façonner ce qui est considéré comme moderne, désirable ou avant-gardiste.

Dans ce sens, la coolitude pourrait fonctionner comme une sorte de marqueur de statut culturel, une récompense pour l’audace, l’ouverture d’esprit et l’innovation. Être cool ne se limite pas à l’apparence : c’est avoir un temps d’avance et donner aux autres l’envie de suivre.

Que peut-on retenir de tout cela ?

D’une part, les jeunes d’Afrique du Sud, du Nigeria et du monde entier ont peut-être plus en commun que nous ne le pensons souvent. Malgré d’énormes différences culturelles, ils ont tendance à admirer les mêmes traits de caractère. Cela ouvre des pistes intéressantes pour mieux communiquer, collaborer et s’influencer à travers les cultures.

D’autre part, si on veut entrer en contact avec les autres ou les inspirer, que ce soit par l’éducation, l’image de marque ou le leadership, il est utile de comprendre ce que les gens considèrent comme cool. Le cool n’est peut-être pas une vertu universelle, mais c’est un langage universel.

Enfin, il y a dans tout cela quelque chose de rassurant : être cool ne dépend pas de la richesse ou de la célébrité. C’est une manière d’être.

Êtes-vous curieux ? Courageux ? Fidèle à vous-même ? Si oui, il y a de fortes chances que quelqu’un vous trouve cool, peu importe d’où vous venez.

The Conversation

Todd Pezzuti a reçu un financement de l’ANID Chili pour mener cette recherche.

ref. Qu’est-ce qui rend une personne cool ? Une étude à l’échelle mondiale apporte quelques réponses – https://theconversation.com/quest-ce-qui-rend-une-personne-cool-une-etude-a-lechelle-mondiale-apporte-quelques-reponses-262067

Craquer pour un prédateur ? Voici des contes qui font l’apologie de l’hybristophilie, à votre insu…

Source: The Conversation – in French – By Sylvie Genest, Professeure titulaire, Faculté des arts, Université du Québec à Montréal (UQAM)

L’amour sublimé par la peur n’est jamais une protection contre les crimes d’un assassin. (Image tirée du film Mia et le lion blanc)

Dans cet article, j’examine la portée symbolique de quelques contes familiaux mettant en vedette des animaux prédateurs en relation de proximité physique avec de « jeunes filles au cœur pur » : Mystère de Denis Imbert (2021), Mia et le lion blanc (2018) et Le dernier jaguar (2024) de Gilles de Maistre. À ceux-ci, on pourrait ajouter Le renard et l’enfant (2007), Le loup et le lion (2021) et même Moon le panda (2025) qui met en scène un garçon plutôt qu’une fille.

Je suggère de voir dans ces aventures une ruse symbolique dans laquelle l’animal est l’incarnation métaphorique du tueur en série tandis que l’héroïne, une jeune fille en processus de maturation sexuelle, psychologique et sociale, illustre le cas troublant de l’hybristophilie, une condition qui désigne l’attirance morbide que peuvent éprouver certaines femmes à l’égard de criminels dangereux.

Mon interprétation vise à susciter un regard critique sur les œuvres de l’industrie du divertissement, lesquelles sont trop souvent prises à la légère par un journalisme culturel complaisant. Je fais cette lecture avec tout le sérieux de l’anthroposémiotique, discipline qui a fait ses preuves, notamment au sein des facultés de communication et des programmes de psychologie familiale.

Pour ma part, je m’y exerce dans le cadre de mes travaux à la Faculté des arts de l’UQAM. Mes analyses sont motivées par l’intention féministe d’amortir les effets de la propagande phallocrate là où elle se fait la plus sournoise, comme c’est toujours le cas lorsqu’elle se déguise en histoires amusantes destinées à un public d’enfants à l’aube de la puberté.


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Le mythe originaire de « l’animal-époux »

Tous les contes examinés perpétuent le mythe ancien de l’animal-époux dans lequel la bête est un prince déguisé ou ensorcelé. Pour certains folkloristes, c’est l’archétype des histoires de dévotion féminine alors que pour d’autres, il faut plutôt y voir le mauvais sort de Psyché, mariée de force à un être abject pour assouvir la jalousie de Vénus.




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Dans tous les cas, le thème dominant est celui d’une union entre la sexualité divine masculine et la virginité mortelle féminine. Le couple dénaturé qui en résulte prend, dans la littérature moderne, la figure de La Belle et la Bête, une mouture complexifiée du mythe dans laquelle la jeune femme consent au sacrifice de s’accoupler avec un monstre pour sauver son père, lourdement condamné pour avoir « volé une rose », symbole chrétien de la virginité.

En psychologie, une telle abnégation féminine consentie dans l’intérêt d’un criminel s’appelle l’hybristophilie.

La naturalisation du prédateur

Les versions du mythe que j’ai choisi d’examiner ont la particularité de mettre en scène de vrais animaux filmés en prises de vues réelles plutôt que des bêtes créées avec l’assistance de procédés d’animation, de maquillage et de prothèses, de modélisation 3D ou d’effets numériques sophistiqués.

En propulsant au premier rang la bestialité littérale du mâle prédateur plutôt que sa construction imaginaire, ces œuvres parviennent à détourner notre attention de l’histoire d’amour pathologique qu’elles racontent pour mieux nous orienter sur un thème dont la portée éducative est plus susceptible de plaire aux parents : celui de la défense des animaux.

Extrait d’une interview avec le réalisateur Gilles de Maistre.

Dès lors, la logique narrative se renverse. La Bête du conte n’est plus un danger pour la fillette, mais une victime de la méchanceté humaine : c’est un loup persécuté par des fermiers, un lion chassé par des touristes cruels, un jaguar dont l’espèce est menacée d’extinction.

Bien que cet appel à la miséricorde pour la faune soit légitime dans le registre du réel, il devient un moyen fallacieux de disculper la Bête mythique des crimes commis dans le registre symbolique du conte : le rapt, la séquestration et le viol répété de la Belle.

Cette logique troublée nous rapproche de l’hybristophilie.

Un mariage « forcé » par imprégnation

Pour les actrices des trois films étudiés – Shanna Keil, Lumi Pollack et Daniah de Villiers, ayant respectivement 11, 13 et 14 ans au moment des tournages – leur engagement a nécessité de longues périodes d’adaptation avec l’animal : de 2 à 3 mois pour le loup, plus d’un an pour le jaguar, jusqu’à 3 ans pour le lion.

On parle alors d’imprégnation.

Il s’agit, en gros, d’imposer à l’animal une présence humaine constante dès sa naissance, le forçant à s’attacher à un humain au lieu de s’attacher à un membre de sa propre espèce. Cette domination précoce de son instinct permet, par la suite, une proximité sécuritaire avec le prédateur devenu énorme.

Dans le cadre du mythe, ce rapport de domination est inversé : c’est la mortelle Psyché qui se voit imposer, toutes les nuits, la présence de son animal-époux. Sous cet angle symbolique, l’imprégnation revêt une connotation phallocentrique dont le fin mot se trouve dans la théorie de la fécondation humaine telle que conçue de façon erronée au dix-neuvième siècle.

Elle consiste à imposer à une femme vierge la génétique d’un homme par son empreinte génitale et séminale durable, ce que la féministe Simone de Beauvoir a dénoncé comme un des plus grands « rêves du mâle », celui de marquer la femme de manière qu’elle demeure à jamais sienne.

Les références à l’hybristophilie

Tous les films mentionnés en début d’article contiennent des indices visuels, narratifs ou autres confirmant leur référence à l’hybristophilie. En voici quatre, lesquels évoquent respectivement le caractère obsédant, aphrodisiaque, déviant et même séditieux de l’attirance pathologique pour des criminels.

Dans le film Mystère, la petite Victoria a perdu l’usage de la parole depuis la mort de sa mère. Les premiers mots qu’elle prononce et répète obsessivement devant son père au premier tiers du film sont « tueur en série » : ce passage n’est pas là pour faire avancer le récit, mais plutôt pour confirmer aux cinéphiles avertis la présence d’une référence cachée à l’attirance des femmes pour les grands criminels.

Dans le film Mia et le lion blanc, des images suggèrent une scène de copulation entre l’actrice et un jeune mâle de 80 kilos appelé Charlie. L’obscénité de cette rencontre est accentuée par la réplique à la fois naïve et suggestive de l’adolescente : « Do you love it, Charlie ?… I suppose so ».

Dans le film Le dernier jaguar, l’héroïne affiche une conduite déviante que le scénario justifie par son désir impérieux de sauver son animal chéri. Cette conduite inclut l’isolement social, les problèmes d’opposition, le décrochage scolaire, le vol, la fugue, le vandalisme, la prise de risques et le délire de toute puissance. Tous ces problèmes de comportement suggèrent une forme agressive de l’hybristophilie qui concerne les femmes qui participent activement aux crimes violents de leur partenaire.

Mais c’est dans le film Mia et le lion blanc que l’on découvre la référence la plus claire au Syndrome de Bonnie and Clyde, nom que l’on attribue à l’hybristophilie dans la culture populaire. Dans une scène qui semble emprunter son esthétique à une minisérie de 2013 (ci-dessous), la délinquance juvénile de l’héroïne se transforme soudain en acte grave relevant du droit pénal : prête à tout pour s’échapper avec l’animal qu’elle appelle « son amour », Mia n’hésite pas à braquer un fusil à fléchettes anesthésiantes sur son père. Ce geste évoque les vols à main armée et même les meurtres commis par Bonnie Parker lors de sa cavale suicidaire avec Clyde Barrow.

Des mensonges sur l’amour

Deux faussetés criantes au sujet de l’amour sont répandues impunément par ces contes pour enfants. On en retrace les racines idéologiques dans les affirmations dogmatiques du réalisateur Gilles de Maistre en entrevue avec les médias.

La première concerne le prétendu bien-fondé des crimes commis « par amour » : sur cette question, les contes s’efforcent de nous convaincre qu’il est tout à fait légitime de « désobéir pour sauver celui qu’on aime ».

Extrait d’une interview avec le réalisateur Gilles de Maistre.
Arras Film Festival 2018555 ko (download)

La deuxième concerne les présumés pouvoirs de l’amour contre les assauts d’un partenaire violent : à ce sujet, la réalité des tournages nous invite à croire que l’amour est effectivement « la meilleure protection possible » contre les pulsions d’un prédateur.

Extrait d’une interview avec le réalisateur Gilles de Maistre.

Ces deux contrevérités à propos de l’amour sont non seulement insidieuses et imprudentes, notamment quand on cherche à les inculquer à des mineures. Elles sont également propagandistes dans la mesure où elles plaident pour une soumission idéologique et physique des femmes au bon désir de l’animâle époux, avec les conséquences fatales que l’on connaît.

C’est exactement en cela que ces contes font, à tort et à notre insu, l’apologie de l’hybristophilie.

La Conversation Canada

Sylvie Genest ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Craquer pour un prédateur ? Voici des contes qui font l’apologie de l’hybristophilie, à votre insu… – https://theconversation.com/craquer-pour-un-predateur-voici-des-contes-qui-font-lapologie-de-lhybristophilie-a-votre-insu-255693

Le retour des rencontres en personne… un défi pour la génération Z

Source: The Conversation – in French – By Treena Orchard, Associate Professor, School of Health Studies, Western University

Avec le déclin des applications de rencontre, on assiste à un retour des activités de rencontre en personne, comme le speed dating, les clubs de course à pied et les raves en journée. (Unsplash)

Avec la chute spectaculaire du nombre d’abonnés, la hausse des coûts et des utilisateurs lassés de « swiper » sans fin, le monde des applications de rencontre traverse une véritable crise.

Les récents licenciements chez Bumble soulèvent des interrogations sur l’avenir du secteur et sur les alternatives pour les personnes qui souhaitent trouver l’amour et nouer des relations hors ligne.

L’une des alternatives les plus en vogue est le retour aux activités de rencontre en personne telles que le speed dating, les clubs de course à pied et les raves en journée.

Pour les millénariaux et les générations précédentes, les rencontres en personne sont un terrain familier, mais si vous faites partie de la génération Z – souvent décrite comme la « génération numérique » – ce n’est pas forcément le cas.

Ce fossé intergénérationnel est apparu clairement lors de la première conférence canadienne sur les technologies sexuelles, où j’ai fait une présentation sur la masculinité, les applications de rencontre et les alternatives au « swiping » en personne. Pendant la séance de questions, une jeune femme est intervenue avec un commentaire qui m’a interpellé : « Vous avez peut-être le privilège d’être extraverti », m’a-t-elle dit.


25-35 ans : vos enjeux, est une série produite par La Conversation/The Conversation.

Chacun vit sa vingtaine et sa trentaine à sa façon. Certains économisent pour contracter un prêt hypothécaire quand d’autres se démènent pour payer leur loyer. Certains passent tout leur temps sur les applications de rencontres quand d’autres essaient de comprendre comment élever un enfant. Notre série sur les 25-35 ans aborde vos défis et enjeux de tous les jours.

Après un moment de flottement, la discussion a repris, mettant en lumière une réalité : pour beaucoup de jeunes, les rencontres en face à face sont difficiles. Nombre d’entre eux sont déçus par les applications de rencontre, mais n’ont pas l’expérience interpersonnelle que les générations plus âgées considèrent comme allant de soi.

Alors, que faire ? Dire à la génération Z de « sortir de chez elle » n’est pas seulement déplacé culturellement, mais cela pourrait également contribuer à accroître le sentiment de solitude et d’inutilité qui touche déjà un grand nombre de jeunes aujourd’hui.

Les rencontres en personne ont le vent en poupe

Si faire des rencontres via les applications vous semble devenu une corvée plutôt qu’une opportunité, vous n’êtes pas seul. Dans un article du New York Times, la journaliste Catherine Pearson encourage la génération Z à créer des communautés authentiques et à s’ouvrir à différents types de relations, en ne se limitant pas à la recherche de « l’âme sœur », une source de pression.

Certaines applications de rencontre ont d’ailleurs rejoint le mouvement. Par exemple, Hinge organise One More Hour, une initiative à impact social visant à aider les gens à nouer des relations en personne. Elle s’adresse à la génération Z, dont beaucoup déclarent ressentir de l’anxiété à l’idée d’interagir en face à face.

Une personne assise sur un lit regarde une femme sur une application de rencontre par swipe
Les utilisateurs des sites de rencontre sont lassés de swiper.
(Unsplash)

À force de vivre dans un environnement ultra-connecté, de plus en plus de jeunes trouvent rafraîchissant de rencontrer quelqu’un dans un parc, un bar ou une bibliothèque.

Ces rencontres spontanées ont aussi l’avantage d’éliminer les pratiques frustrantes des applications, comme le catfishing (l’action de créer une fausse identité en ligne). Il est révélateur que 38 % des membres de la génération Z interrogés dans le cadre d’une récente enquête souhaitent avoir accès à des espaces dédiés aux rencontres et à l’amour de soi au travail.

Comment une organisation repense les rencontres

Bien qu’elle ne cible pas exclusivement la génération Z, l’organisation We Met IRL, fondée en 2022 par l’entrepreneuse Maxine Simone Williams, joue un rôle clé dans ce renouveau des rencontres en personne.

Née d’une frustration vis-à-vis des applications de rencontre et au manque de diversité dans les espaces de rencontre traditionnels, We Met IRL organise des événements de speed dating, des soirées rencontres et des réunions sociales qui encouragent les relations amoureuses ou platoniques dans la vraie vie.

Cette évolution culturelle semble s’ancrer chez les jeunes, du moins aux États-Unis : une enquête récente indique que seuls 23 % des adultes de la génération Z ont rencontré leur partenaire via une application, les réseaux sociaux ou une communauté en ligne.

Si tant de jeunes se tournent vers les rencontres en personne, pourquoi est-ce encore perçu comme si difficile ?

Les rencontres en personne sont difficiles

Les rencontres en personne peuvent être difficiles pour plusieurs raisons. Parmi les principaux facteurs, on retrouve l’aspect performatif ou artificiel des interactions sur les applis, les défis liés au passage à l’âge adulte pendant la pandémie et une évolution des normes qui met moins l’accent sur les relations amoureuses.

Une étude que j’ai menée auprès d’étudiants de la génération Z a également mis en évidence un paradoxe : ils aspirent à des relations sérieuses, mais ont peur d’être trompés, « ghostés » ou blessés émotionnellement.

D’autres facteurs socioculturels entrent aussi en jeu : le recul de l’intimité et de la vulnérabilité chez les hommes affaiblit les structures relationnelles traditionnelles. Résultat : les jeunes générations, et les garçons, en particulier, sont décrits comme « perdus » et moins résilients sur le plan émotionnel.

À cela s’ajoute la montée en puissance des influenceurs misogynes et des politiciens qui dénigrent ouvertement les femmes, alimentant la radicalisation des garçons et des jeunes hommes.

Et oui, une partie de la gêne liée aux rencontres en personne peut s’expliquer par ce fameux « privilège de l’extraversion ». Une étude récente a révélé que la génération Z est plus timide que les autres générations, mais pas sans raison. Ayant grandi immergée dans la technologie des téléphones intélligents et les réseaux sociaux, la génération Z a eu moins d’occasions de développer ses compétences interpersonnelles.

Mais ce n’est pas parce que c’est difficile qu’il y a un problème. La connexion, la confiance et la vulnérabilité… tout cela demande de l’apprentissage et de la pratique dans un monde complexe qui ne crée pas toujours l’espace nécessaire.


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Comment prendre confiance dans les rencontres en personne

En tant qu’ancienne jeune fille terriblement timide, je peux affirmer avec certitude que les catégories « introverti » et « extraverti » ne sont pas immuables. Les jeunes qui manquent de confiance en eux dans le domaine amoureux peuvent apprendre à améliorer leurs compétences en face à face et à réduire leur anxiété lors d’événements sociaux.

Voici sept conseils pour prendre confiance lors de rencontres en personne :

  1. Préparez-vous à l’événement à l’avance, dans la mesure du possible.

  2. Recadrez votre perception et votre ressenti face à l’incertitude : ne la considérez pas comme une menace, mais comme une opportunité de croissance.

  3. Restez fidèle à vous-même.

  4. Entraînez-vous à développer vos compétences sociales pour gagner en confiance.

  5. Soyez attentif à votre langage corporel afin de vous montrer ouvert et accueillant.

  6. Rappelez-vous que vous n’êtes pas le seul à avoir du mal à avoir confiance en vous.

  7. Envisagez de demander l’aide d’un thérapeute si la peur ou l’anxiété sont trop fortes.

L’une des choses les plus utiles que vous puissiez faire est de repenser votre vulnérabilité : au lieu de la voir comme une faiblesse profondément enracinée, envisagez-la comme une porte d’entrée vers une meilleure compréhension de vous-même en tant qu’être relationnel.

Des outils tels que les tableaux de visualisation réflexive ou les exercices d’introspection peuvent vous aider à clarifier vos valeurs, vos objectifs et votre identité de façon plus profonde. Et ces pratiques de réflexion sont encore plus efficaces lorsqu’elles sont soutenues par des écoles, des communautés ou des organisations qui peuvent aider les jeunes à transformer les moments de risque ou de peur en opportunité d’exploration personnelle.

Car la résilience, tout comme un muscle, se développe avec l’entraînement. Il faut l’exercer et la mettre à l’épreuve pour qu’elle devienne une ressource essentielle. Avec un bon accompagnement et un espace sûr pour vous exercer, vous pouvez cultiver une confiance en vous durable et une conscience de soi solide, qui enrichiront tous les aspects de votre vie, bien au-delà des relations amoureuses.

La Conversation Canada

Treena Orchard a reçu des subventions du CRSH, des IRSC et de l’Université Western, mais aucun financement de recherche n’a été accordé ni utilisé pour la rédaction de cet article.

ref. Le retour des rencontres en personne… un défi pour la génération Z – https://theconversation.com/le-retour-des-rencontres-en-personne-un-defi-pour-la-generation-z-261540

Sénégal : réformer l’enseignement, un acte de souveraineté intellectuelle vital

Source: The Conversation – in French – By Laurent Bonardi, Professeur associé, Directeur du département MBA. Spécialiste en management et en éducation., Groupe Supdeco Dakar

Alors que l’État du Sénégal annonce une réforme curriculaire d’envergure, touchant l’ensemble des cycles de l’enseignement primaire et secondaire, la question de la qualité, de l’inclusivité et de la pertinence des contenus éducatifs revient au cœur des débats. Le chercheur Laurent Bonardi auteur d’un ouvrage critique sur le système éducatif sénégalais explique à The Conversation Africa les enjeux de cette réforme, les défis structurels de l’école sénégalaise et les leviers pour bâtir une éducation plus équitable et adaptée aux réalités locales.


Pourquoi changer les programmes d’enseignement au Sénégal ?

Au Sénégal, comme ailleurs en Afrique, l’école reste fortement marquée par les héritages de la colonisation, dans ses structures, ses langues, ses références et ses finalités. À la faveur des débats actuels sur la souveraineté et la place de la jeunesse, la question des contenus enseignés à l’école revient avec force. Et il s’agit à n’en pas douter d’une question politique qui interroge la manière dont une société pense sa transmission, son histoire et son avenir.

Le système éducatif sénégalais s’est construit sur les fondations du modèle français hérité de la période coloniale. Cette continuité historique se manifeste dans la structure même des programmes, la langue d’enseignement, les finalités implicites de l’école et l’organisation des examens. L’élève modèle, dans ce système, est celui qui maîtrise des savoirs considérés comme universels, mais dont les références culturelles, historiques ou géographiques sont souvent exogènes.

L’histoire enseignée accorde ainsi une place centrale aux conflits européens du XXe siècle. A l’inverse, les résistances africaines à la colonisation, les empires ouest-africains, ou encore les penseurs africains contemporains restent peu valorisés. En littérature aussi, le déséquilibre est patent : les élèves étudient les écrivains français Molière, Victor Hugo ou Albert Camus, mais moins en profondeur les Sénégalais comme Cheikh Hamidou Kane, Aminata Sow Fall ou Birago Diop.

En philosophie, les programmes du baccalauréat continuent de privilégier René Descartes, Emmanuel Kant ou Jean-Jacques Rousseau, avec peu de place accordée aux traditions philosophiques africaines ou aux penseurs contemporains du continent.

Outre le contenu des disciplines, les formes mêmes de savoir valorisées posent question. Les savoirs endogènes – ceux transmis par l’oralité, par l’expérience, par les pratiques sociales – sont largement absents des curricula. L’école les ignore, parfois les stigmatise, comme si seule la connaissance académique, écrite et codifiée à l’occidentale méritait d’être transmise.

Au-delà de la marginalisation des savoirs africains, ce modèle renforce le fossé entre l’école et la société. Il prépare à des trajectoires d’expatriation ou à des concours formatés, plutôt qu’à des engagements locaux, citoyens et productifs. Ce décalage nuit à l’utilité même de l’école, qui ne répond plus aux besoins économiques, sociaux et culturels du pays. D’où l’urgence d’une réforme qui ne soit pas simplement pédagogique mais aussi politique, identitaire, économique et civilisationnelle.

Réformer les programmes d’enseignement est donc une question majeure de souveraineté intellectuelle. Dans un contexte mondial marqué par les recompositions géopolitiques et les tensions identitaires, une nation qui n’enseigne pas son histoire, sa géographie, ses savoirs, se condamne à rester en marge du récit mondial. Enseigner l’Afrique à l’Afrique, le Sénégal au Sénégal, c’est faire le choix d’une école qui ne reproduit plus des modèles importés, mais qui construit ses propres repères, en lien avec son territoire, son histoire et ses aspirations.

Qu’est-ce qui doit changer concrètement ?

La réforme doit porter à la fois sur les contenus, les langues, les méthodes et les finalités de l’enseignement.

Sur les contenus, il s’agit d’équilibrer les curricula en intégrant les savoirs africains, les figures historiques du continent, les littératures africaines, les traditions philosophiques endogènes et les expériences sociales locales. Il ne s’agit pas de rejeter les savoirs dits universels, mais de les recontextualiser.

Enseigner l’écologie à partir des pratiques agricoles locales, mobiliser les contes africains pour développer le langage, ou introduire les résistants sénégalais dans les manuels d’histoire ne sont pas des options folkloriques. Ce sont de puissantes voies d’ancrage culturel et de pertinence pédagogique.

Concernant la langue d’apprentissage, une évolution est également nécessaire car la recherche montre que les apprentissages fondamentaux se construisent plus solidement lorsque l’enfant reçoit un enseignement dans sa langue maternelle. Le maintien du français comme unique langue d’enseignement dès les premières années crée ainsi une barrière linguistique et cognitive, empêchant les élèves de penser le monde avec les mots de leur culture.

L’intégration progressive des langues nationales – wolof, sérère, pulaar, etc. – dans l’enseignement fondamental apparaît donc non seulement comme souhaitable, mais véritablement essentielle pour une meilleure appropriation des apprentissages.

Quant aux formes de savoir, il faut reconnaître la valeur éducative des savoirs endogènes telles que les pharmacopées traditionnelles, les mathématiques présentes dans l’artisanat, les formes orales de transmission ou les savoir-faire locaux. Ces contenus doivent sortir de la marginalité pour devenir matière à réflexion, à recherche et à transmission.

Enfin, l’école doit valoriser les compétences utiles au développement du pays, à savoir l’esprit d’analyse avec une grille de lecture locale, la culture entrepreneuriale, les capacités à travailler dans l’agriculture, les services ou l’artisanat, souvent plus représentatifs du tissu socio-économique réel que les filières généralistes surreprésentées.

Comment réussir une telle réforme ?

La réforme curriculaire ne peut être pensée comme une série d’initiatives isolées ou de projets pilotes, comme cela a été trop souvent le cas par le passé. Elle doit être globale, cohérente et structurelle.

Elle suppose d’abord une volonté politique forte, car toucher aux programmes, c’est toucher au cœur du projet de société. Il faut oser remettre en cause les héritages coloniaux, réécrire les programmes à partir des réalités sénégalaises, repenser les finalités de l’éducation non plus comme une sortie vers l’ailleurs, mais comme une insertion et une transformation de l’ici.

Cette réforme, pour être à la hauteur de ses ambitions, demande aussi un investissement massif dans la formation des enseignants. On ne peut exiger d’eux qu’ils valorisent des savoirs endogènes ou enseignent dans les langues nationales sans les y avoir formés. Parler une langue ou connaître un domaine n’est pas le seul pré-requis pour pouvoir l’enseigner. Il faut donc revoir la formation initiale, les concours, les manuels scolaires, les outils pédagogiques et les critères d’évaluation des compétences des élèves.

Il convient également de mobiliser la recherche et les ressources nationales. Les universités, les instituts de pédagogie, les conteurs ou encore les artisans doivent être mis à contribution pour reconstruire un patrimoine éducatif national. Il faut éditer de nouveaux manuels, concevoir des outils ancrés dans le territoire afin de permettre aux enseignants de s’appuyer sur des contenus légitimes, validés, accessibles.

Enfin, il faudra affronter les freins au changement car les résistances à une réforme curriculaire n’ont pas disparu. Elles tiennent à des raisons historiques, institutionnelles, mais aussi symboliques. L’école est encore perçue, dans de nombreuses familles, comme un moyen de sortir du local, de rejoindre un univers de réussite associé à l’Occident et à l’expatriation.

Modifier les programmes en faveur de contenus africains peut alors apparaître, à tort, comme un renoncement à cette ambition. Autre aspect à ne pas négliger, les financements de l’aide internationale en matière d’éducation s’accompagnent souvent de prescriptions implicites ou explicites sur les modèles pédagogiques à adopter.

The Conversation

Laurent Bonardi does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

ref. Sénégal : réformer l’enseignement, un acte de souveraineté intellectuelle vital – https://theconversation.com/senegal-reformer-lenseignement-un-acte-de-souverainete-intellectuelle-vital-262138

Donald Trump à l’assaut des médias publics aux États-Unis

Source: The Conversation – in French – By Anaïs Le Fèvre-Berthelot, Maîtresse de conférences en civilisation des États-Unis, Université Rennes 2

Pris pour cible par Donald Trump et le camp conservateur, l’audiovisuel public américain fait face à des coupes budgétaires inédites. Derrière la dénonciation d’un prétendu biais gauchiste, c’est l’existence même des réseaux de radio et de télévision publiques qui est menacée, dans un paysage médiatique déjà dominé par les grands conglomérats privés.


Depuis l’accession au pouvoir de Donald Trump, les auditrices et auditeurs des stations de radio affiliées au réseau de la National Public Radio (NPR) reçoivent des e-mails de plus en plus nombreux et de plus en plus pressants de leurs stations favorites leur demandant de les soutenir, notamment financièrement, face aux attaques croissantes de l’administration fédérale.

Les réseaux de radio et de télévision publiques, NPR et PBS, figurent en effet parmi les premières cibles des décisions prises par le président des États-Unis qui, à la suite de la droite conservative, dénonce ce qu’il considère comme un gaspillage d’argent public au service d’une propagande gauchiste. Le Parti républicain multiplie ainsi les décrets présidentiels, les convocations mettant en scène l’intimidation des responsables des réseaux publics par les élus populistes, les propositions de loi et les coupes budgétaires pour affaiblir cet ennemi désigné.

Pour saisir la portée de ces attaques, qui s’inscrivent dans la droite ligne du projet autoritaire mené par Donald Trump et ses soutiens, il est nécessaire de comprendre la spécificité de l’audiovisuel dit « public » aux États-Unis. S’il existe bien des stations de radio et des chaînes de télévision qui reçoivent des fonds publics, elles s’inscrivent dans un modèle très différent des modèles européens, comme France Télévisions, Radio France ou la BBC.

Tout d’abord parce que, contrairement à ces dernières, elles occupent un statut relativement marginal dans un paysage audiovisuel états-unien très largement dominé par les conglomérats privés. Mais surtout parce qu’elles sont loin d’être intégralement financées par l’argent des contribuables et dépendent surtout de fonds privés, qu’il s’agisse de mécénat d’entreprises ou de dons provenant de particuliers ou d’organismes de philanthropie.

Des médias publics récents et faiblement financés par l’État fédéral

Dès qu’elle devient accessible au plus grand nombre dans les années 1920 et 1930, la radio aux États-Unis se structure autour d’un modèle économique commercial s’appuyant sur la publicité dans lequel ni l’État fédéral ni les États fédérés ne s’impliquent au-delà de la régulation des ondes et l’attribution des fréquences. Ce modèle s’impose ensuite à la télévision.

Ainsi, bien que les radioamateurs et quelques stations financées par des universités publiques ou par des municipalités s’efforcent dans la première moitié du XXe siècle de défendre une autre idée de la radiodiffusion, ancrée dans un idéal démocratique et de bien commun, avec des programmes éducatifs et de création artistique notamment, ce modèle reste marginal et essentiellement local jusqu’à l’adoption du Public Broadcasting Act en 1967 après des années d’activisme de la part de réformistes convaincus qui contribuent ainsi à la Great Society de Lyndon Johnson.

Cette loi crée la Corporation for Public Broadcasting (CPB), une entité de droit privé dont la mission est de redistribuer les fonds alloués par le gouvernement fédéral à des chaînes de télévision et des stations de radio locales qui s’affilient à des réseaux nationaux, dont le Public Broadcasting Service (PBS) pour la télévision et NPR pour les stations de radio. Ce fonctionnement vise à garantir l’indépendance des médias publics vis-à-vis du gouvernement fédéral, qui ne finance ainsi jamais directement la production de programmes.

Par ailleurs, les fonds distribués par la CPB, s’ils constituent une part importante du budget de certaines stations et chaînes, sont complétés par d’autres sources de financement qui proviennent des États, mais aussi et surtout du mécénat et des dons privés. Ainsi, en 2025, pendant que le gouvernement fédéral allouait 535 millions de dollars à la CPB (soit environ 1,50 dollar par habitant, alors que, ces dernières années, la Suisse en dépensait environ 150, le Royaume-Uni environ 75 et la France environ 60), les médias publics recevaient plus d’un milliard de dollars de dons privés.

Au-delà des déclarations de principe, le souci de préserver l’indépendance des chaînes et stations par rapport au pouvoir politique, mais aussi aux intérêts commerciaux, se lit donc dans la structure même des médias publics et de leur financement. Ainsi, PBS ne produit pas directement de programmes et n’est propriétaire d’aucune chaîne de télévision, l’entité sert simplement de point de connexion entre les producteurs et un réseau de chaînes membres qui parfois produisent elles-mêmes des émissions qui peuvent être distribuées à travers le pays via l’entremise de PBS ou d’autres réseaux, comme American Public Television, The Independent Television Service ou la National Educational Telecommunications Association. Ainsi, même l’émission d’information phare du réseau, PBS Newshour, est produite par une chaîne locale, WETA-TV, située à Washington, en collaboration avec des chaînes de New York, San Francisco, Saint-Louis et Chicago.

Du côté de la radio, les fonds alloués par la CPB représentent environ 10 % du budget des stations, mais moins de 1 % du budget annuel de NPR. De fait, la majorité des fonds fédéraux alloués aux médias audiovisuels publics sert en réalité à assurer les moyens techniques d’enregistrement et de diffusion des stations et chaînes locales. Parce que le budget alloué à la CPB n’est pas pérenne et doit être voté tous les ans par le Congrès, les médias publics se sont souvent retrouvés au centre de querelles politiciennes.

L’audiovisuel public au centre des affrontements partisans

La place occupée par l’audiovisuel public dans les débats politiques aux États-Unis est sans commune mesure avec son coût, mais elle peut s’expliquer par l’influence des stations de radio publiques même dans un paysage fragmenté et polarisé. NPR touche en effet 43 millions d’auditeurs et auditrices chaque semaine, et ses programmes témoignent d’un niveau d’exigence journalistique qui en fait une cible de choix pour les adeptes de la désinformation et autres faits alternatifs.

Depuis les années 1970, les médias publics sont critiqués, car ils s’adresseraient de manière prioritaire à un public blanc, éduqué et plutôt aisé financièrement. Ce biais nourrit les critiques venues de deux pôles du spectre politique : pour les conservateurs populistes, les médias publics par nature élitistes ne s’adressent pas au « pauvre petit blanc » ; pour le camp progressiste, les médias publics, dont on peut être en droit d’attendre une représentativité exemplaire en raison de leur statut, ne rendent pas suffisamment compte ni à l’antenne ni dans les coulisses, de la diversité ethnique, raciale et de genre, notamment de la population états-unienne.

Les affinités partisanes sont essentielles dans la perception que les Étatsuniennes et Étatsuniens ont des médias publics. Ainsi, en 2011, alors que 37 % des auditeurs démocrates faisaient confiance à NPR, ils n’étaient que 16 % parmi les auditeurs proches du Parti républicain, ces derniers, et notamment les plus conservateurs parmi eux, préférant écouter des talk-shows qui participent à la radicalisation des débats.

Des attaques conservatrices de plus en plus virulentes

Ce sont les conservateurs qui adressent à l’audiovisuel public les critiques les plus virulentes. Tous les présidents républicains, à l’exception de Gerald Ford, ont essayé de réduire le financement fédéral des médias publics (même si celui-ci ne représente que 0,01 % du budget fédéral). Les attaques s’intensifient à partir des années 1990, en même temps que se renforcent des médias privés partisans (comme les talk-shows radiophoniques conservateurs et Fox News) et que différentes branches du conservatisme s’allient pour dénoncer les médias audiovisuels publics pour des raisons à la fois sociales (les médias publics auraient un « biais libéral ») et fiscales (l’État devrait limiter ses dépenses au strict nécessaire). Ces attaques n’épargnent même pas la très populaire émission pour enfants Sesame Street.

Donald Trump avait déjà appelé à couper les financements de la CPB en 2017 et les attaques, qu’elles viennent du pouvoir exécutif ou de la sphère conservatrice plus largement, se sont accentuées avec son retour à la Maison-Blanche : en février, Elon Musk, encore à la tête du DOGE, a publié sur le réseau social dont il est propriétaire un message appelant à ne plus financer NPR (« Defund NPR. It should survive on its own. ») ; le sénateur républicain de la Louisiane, John Kennedy, a déposé début mars un projet de loi intitulé le « No Propaganda Act », qu’il défend en affirmant que l’audiovisuel public n’offre pas une programmation indépendante et qu’il n’y a plus besoin des médias publics aujourd’hui, car l’offre serait suffisamment diversifiée (90 % des médias aux États-Unis appartiennent à 6 grands conglomérats) ; le 1er mai 2025, Donald Trump a signé un décret présidentiel ordonnant à la CPB de ne plus financer PBS et NPR, au prétexte que le traitement de l’actualité y serait biaisé et, le Congrès a accepté le 16 juillet une demande de la Maison-Blanche de révoquer 1,1 milliard de dollars précédemment alloués à la CPB pour les deux prochaines années. Cette décision menace l’existence de plusieurs dizaines de stations de radio et de chaînes de télévision locales.

Une menace pour la démocratie

Au-delà des cas de NPR et PBS qui ont été érigés en symboles à abattre par les conservateurs, ces attaques constituent des menaces sérieuses pour la démocratie états-unienne. En effet, une étude de 2021 menée par Timothy Neff et Victor Pickard suggère qu’un financement élevé et stable des médias publics est un signe de bonne santé pour une démocratie. Lors de la signature du Public Broadcasting Act, le président Lyndon B. Johnson insistait sur l’importance de l’enrichissement intellectuel des citoyennes et citoyens états-uniens et définissait l’information et la connaissance comme des biens publics. Les attaques de l’administration Trump contre les médias publics s’inscrivent contre cette logique et participent d’un mouvement plus large de délégitimation des faits qui se manifeste aussi dans les menaces contre la liberté de la presse de manière générale et contre la science.

Non seulement les médias publics peuvent contribuer à la liberté et à l’indépendance de la presse, mais, dans le contexte états-unien, ils comblent aussi un vide dans un paysage audiovisuel où la concentration économique et la polarisation politique font loi. Les stations et chaînes locales aux États-Unis donnent accès à l’information à des communautés trop isolées pour être rentables pour le système commercial ; elles produisent et diffusent des programmes éducatifs ; elles permettent d’entendre des voix minorisées souvent absentes des médias commerciaux et elles permettent d’assurer la communication dans des situations d’urgence (comme lors des inondations en Caroline du Nord en 2024, des incendies en Californie de janvier 2025 ou d’un tremblement de terre en Alaska). Les médias publics relient les citoyennes et citoyens avec les communautés locale et nationale, ils jouent donc un rôle essentiel dans le renforcement de liens démocratiques aujourd’hui malmenés.

The Conversation

Anaïs Le Fèvre-Berthelot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Donald Trump à l’assaut des médias publics aux États-Unis – https://theconversation.com/donald-trump-a-lassaut-des-medias-publics-aux-etats-unis-261790

Le succès des groupes de K-pop en Europe, la consécration d’un long travail du gouvernement sud-coréen

Source: The Conversation – in French – By Sarah A. Son, Senior Lecturer in Korean Studies, University of Sheffield

Le « girl group » sud-coréen Blackpink se produira les 2 et 3 août 2025 au Stade de France, confirmant l’ampleur prise par la K-pop en France. Ce double concert illustre non seulement l’essor fulgurant du genre à l’échelle mondiale, mais aussi son implantation croissante sur la scène musicale hexagonale, portée par une stratégie culturelle coréenne ambitieuse et une communauté de fans en pleine expansion.

L’occasion pour nous de vous présenter cet article paru sur The Conversation en anglais en mars 2024, trois mois avant que le groupe de K-pop SEVENTEEN joue à Glastonbury (Angleterre).


La K-pop a atteint de nouveaux sommets internationaux au cours de la dernière décennie. Le groupe féminin Blackpink a marqué l’histoire en 2024 en rejoignant le « Billions Club » de Spotify avec leur single de 2020 How You Like That, dépassant le milliard d’écoutes. Le groupe de K-pop le plus célèbre, BTS, fait également partie de ce club grâce à ses titres Dynamite (2020) et Butter (2022).

Le succès mondial de la K-pop est le résultat d’une stratégie de marketing culturel habile, déployée par le gouvernement coréen en collaboration avec les industries créatives. Cette stratégie a coïncidé avec la généralisation de l’accès aux contenus culturels via les plates-formes de streaming et les réseaux sociaux, permettant de constituer une base de fans mondiale comptant plusieurs centaines de millions de personnes.

L’histoire du succès de la K-pop

Tout a commencé lorsque le gouvernement coréen a reconnu le potentiel économique du contenu créatif dans les années 1990. La Corée du Sud cherchait alors des moyens de se relever des ravages de la crise financière asiatique de 1997.

Même lorsque la libéralisation et la dérégulation imposées par le Fonds monétaire international ont été mises en œuvre dans les années 2000, le gouvernement a continué à soutenir les industries du cinéma, de la télévision et de la musique en gardant un contrôle ferme sur leur développement et leur exportation. Cela comprenait des incitations financières pour les sociétés de production et le développement d’infrastructures, notamment l’accès à Internet haut débit dans tout le pays, afin de soutenir la production et la consommation de contenus.

Cette stratégie a porté ses fruits. La popularité d’un flux constant de séries télévisées coréennes a commencé à croître au Japon et en Chine. Le gouvernement coréen a investi davantage encore dans les infrastructures pour faire croître l’industrie et diffuser les contenus au-delà de la région. Aujourd’hui, 60 % des abonnés de Netflix dans le monde ont déjà visionné un programme coréen sur la plateforme.

Le succès de la culture populaire coréenne se ressent également dans d’autres secteurs de l’économie. Les stars de la K-pop et du cinéma signent des contrats publicitaires avec des entreprises coréennes, faisant la promotion de cosmétiques, de machines à laver ou de smartphones auprès d’un public mondial.

Le marché des contenus culturels coréens est désormais l’un des plus importants au monde, évalué à environ 80 milliards de dollars US (environ 70 milliards d’euros) en 2024, soit un niveau proche de celui de la France et du Royaume-Uni. Sa croissance continue repose sur une politique multifacettes mêlant investissements financiers, allègements fiscaux et soutien institutionnel, tant dans le pays qu’à travers des centres culturels coréens implantés à l’étranger. Le gouvernement offre également des incitations financières pour encourager la coopération entre sociétés de production et conglomérats (par exemple LG ou Samsung), qui bénéficient eux-mêmes du rayonnement de la culture populaire coréenne à l’international.

Ce succès contribue également à la diplomatie publique de la Corée du Sud. La stratégie concertée de « nation branding » mise en place à la fin des années 2000 et dans les années 2010 par l’administration de Lee Myung-Bak visait à améliorer la position du pays dans les différents classements d’image de marque des nations. Lee reconnaissait le rôle que pouvait jouer le soft power pour asseoir la position de la Corée du Sud comme puissance d’influence modérée sur la scène internationale.

Depuis lors, les stars de la K-pop ont été impliquées dans la diplomatie publique du pays sur la scène internationale, notamment à l’ONU ou lors de la COP 26.

Un groupe de K-pop pas comme les autres ?

Cela ne signifie pas que le groupe SEVENTEEN, par exemple, ne soit qu’un rouage d’une vaste machine de production et d’exportation de contenus culturels coréens. Contrairement à de nombreux autres groupes de leur génération, les membres produisent une grande partie de leur propre travail, écrivent des chansons et des raps et chorégraphient eux-mêmes leurs danses.

Particularité inhabituelle, SEVENTEEN est composé de plusieurs sous-groupes. Il arrive que ces sous-groupes enregistrent séparément afin de mettre en valeur leurs compétences respectives en rap, danse et chant. Comme c’est souvent le cas dans la culture populaire coréenne, le groupe cherche à multiplier les points de connexion avec son public.

On peut citer en exemple la série de téléréalité du groupe, Going SEVENTEEN, mélange de jeux, de défis et de coulisses diffusé chaque semaine sur YouTube et V Live, une application coréenne de streaming en direct pour les célébrités.

Autre caractéristique commune à de nombreux groupes de K-pop, SEVENTEEN compte des membres originaires de différents pays, dont la Chine et les États-Unis. Cela les aide à se connecter avec leurs fans étrangers et garantit qu’il y a toujours un membre capable de participer aux médias internationaux dans d’autres langues que le coréen.

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Sarah A. Son ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Le succès des groupes de K-pop en Europe, la consécration d’un long travail du gouvernement sud-coréen – https://theconversation.com/le-succes-des-groupes-de-k-pop-en-europe-la-consecration-dun-long-travail-du-gouvernement-sud-coreen-262277

Afghanistan : des mandats d’arrêt contre deux chefs talibans pour crimes contre l’humanité

Source: The Conversation – in French – By Yvonne Breitwieser-Faria, Lecturer in Criminal Law and International Law, Curtin University

Le 8 juillet 2025, la Cour pénale internationale (CPI) a émis des mandats d’arrêt contre deux dirigeants talibans, Haibatullah Akhundzada et Abdul Hakim Haqqani, pour persécution des femmes et des jeunes filles en raison de leur genre. Ces mandats, une première en la matière, marquent une étape inédite dans la reconnaissance des crimes commis par le régime taliban.


D’après la Chambre préliminaire II de la Cour pénale internationale (CPI), il y a des motifs raisonnables de croire que le chef suprême Haibatullah Akhundzada et le chef de la justice Abdul Hakim Haqqani sont coupables d’avoir « ordonné, incité ou sollicité le crime contre l’humanité que constitue la persécution pour des motifs liés au genre ».

Les mandats d’arrêt – les premiers jamais délivrés pour des accusations de persécution fondées sur le genre – ont été salués comme une « importante revendication et reconnaissance des droits des femmes et des jeunes filles afghanes ».

Mais ces mesures amélioreront-elles réellement le sort des femmes et des jeunes filles en Afghanistan dans la mesure où les talibans ne reconnaissent ni le tribunal ni sa compétence ? Et qu’ils considèrent les mandats comme des « actes manifestements hostiles et comme une insulte aux croyances des musulmans du monde entier » ?

Les femmes sont effacées de la vie publique

Depuis leur retour au pouvoir en août 2021, les talibans ont imposé des règles et des interdictions strictes au peuple afghan. Les femmes et les jeunes filles sont écartées de l’espace public et subissent les pires traitements en raison de leur genre.

Selon les mandats d’arrêt, les talibans ont gravement privé, par le biais de décrets et d’édits, les filles et les femmes de leur droit à l’éducation, à la vie privée et à la vie familiale, ainsi que de leurs libertés de mouvement, d’expression, de pensée, de conscience et de religion. Les femmes sont interdites dans les lieux publics et les jeunes filles ne peuvent plus se rendre à l’école à partir de l’âge de 12 ans.

Zahra Nader est la rédactrice en chef du média Zan Times(« (le) Temps des femmes », en français, ndlr) qui enquête sur les violations des droits humains en Afghanistan. Elle affirme que les femmes et les jeunes filles afghanes sont réduites au silence, soumises à des restrictions et privées de leurs droits fondamentaux.

C’est ce système discriminatoire de contrôle des femmes en Afghanistan qui est au cœur des poursuites judiciaires.

Les mandats accusent également les talibans de persécuter les personnes qui ne se conforment pas à leurs attentes idéologiques en matière de genre, d’identité ou d’expression sexuelle, ainsi que les personnes perçues comme des « alliés des filles et des femmes », pour des raisons politiques.

C’est la première fois qu’une cour, ou qu’un tribunal international confirme l’existence de crimes contre l’humanité impliquant des victimes LGBTQIA+. Il s’agit d’une étape importante dans la protection des minorités sexuelles en vertu du droit international.

Arte, 15 juin 2024.

Des crimes contre l’humanité définis par le statut de Rome

Le droit international condamne clairement les infractions qui constituent des crimes contre l’humanité. L’objectif est de protéger les civils contre les atteintes graves et généralisées à leurs droits fondamentaux. Différentes définitions des crimes contre l’humanité ont été incluses dans les statuts des cours et des tribunaux internationaux.

La définition du statut de Rome de la Cour pénale internationale est la plus complète. Elle inclut la privation grave de liberté individuelle, le meurtre, la réduction en esclavage, le viol, la torture, la déportation forcée ou l’apartheid.

Plus précisément, les dirigeants talibans sont accusés en vertu de l’article 7, paragraphe 1, alinéa h du statut de Rome, qui stipule que :

« La persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste […] ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international… »

La violence physique et directe n’est pas nécessaire pour que la persécution reposant sur des « motifs liés au sexe […] » soit établie. Pour cela, il faut s’appuyer sur des formes systémiques et institutionnalisées de préjudice, telles que l’imposition de normes sociales discriminatoires.

Les femmes et les jeunes filles sont souvent touchées de manière disproportionnée par les politiques et les règles des talibans. Mais il ne suffit pas de prouver que des crimes à caractère sexiste ont été commis. L’intention discriminatoire doit également être prise en compte.

Les talibans n’avaient pas caché leurs croyances et leurs interprétations religieuses, suggérant une intention claire de persécuter des personnes en raison de leur genre.

Une accusation uniquement symbolique ?

Comme dans d’autres affaires, la CPI compte sur la coopération des États pour exécuter et remettre les accusés.

Le gouvernement intérimaire de Kaboul, formé après l’invasion menée par les États-Unis en 2001, avait adhéré au statut de Rome en 2003. En conséquence, l’Afghanistan reste toujours légalement tenu de poursuivre les auteurs de ces crimes – et doit accepter la compétence de la Cour en la matière.

Le mouvement Purple Saturdays, un groupe de protestation dirigé par des femmes afghanes, a averti que les mandats d’arrêt doivent être plus que simplement symboliques. Tout échec dans les poursuites judiciaires risquerait d’entraîner une escalade des violations des droits humains. Les talibans ont toujours répondu à la pression internationale non pas par des réformes, mais en intensifiant leurs politiques répressives.

France 24, 30 Août 2024.

Une étape qui donne de l’espoir

Il est important de noter que les politiques strictes et les abus généralisés visant les femmes et les jeunes filles en Afghanistan se poursuivent, malgré l’intervention de la CPI.

Le Bureau du procureur de la Cour a affirmé son engagement dans la recherche « de voies juridiques efficaces » pour traduire en justice les dirigeants talibans. Les femmes afghanes en exil souhaitent la création d’un comité judiciaire international indépendant, chargé de surveiller et d’accélérer le processus judiciaire.

Le Bureau du procureur affirme, quant à lui, qu’il n’est pas encore certain que les mandats d’arrêt aboutiront à des arrestations et à des poursuites à La Haye. Mais nous savons que cela est possible. Un exemple frappant est l’arrestation, plus tôt cette année, de l’ancien président philippin Rodrigo Duterte. Par ailleurs, les mandats d’arrêt constituent déjà une avancée encourageante vers la responsabilisation des talibans et pour la justice pour les femmes d’Afghanistan.

The Conversation

Yvonne Breitwieser-Faria ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Afghanistan : des mandats d’arrêt contre deux chefs talibans pour crimes contre l’humanité – https://theconversation.com/afghanistan-des-mandats-darret-contre-deux-chefs-talibans-pour-crimes-contre-lhumanite-262255

Partir seule pour mieux se trouver : comment le voyage en solo transforme l’identité des femmes

Source: The Conversation – France (in French) – By Magali Trelohan, Enseignante-chercheuse, marketing social, EM Normandie

Que signifie « voyager en solo » quand on est une femme et, plus particulièrement, une jeune femme ? L’expérience du voyage transforme intimement la voyageuse. Le voyage devient une épreuve d’« empowerment » identitaire.


Ces dernières années, une tendance singulière a émergé avec force : de plus en plus de femmes décident de voyager seules. Entre 2014 et 2017, le nombre de femmes voyageant seules a même doublé selon les chiffres établis par Hostel World,portant à 37 % la proportion de voyageurs solitaires dans le monde aujourd’hui.

Mais derrière ce chiffre se cache une réalité intime bien plus complexe qu’un simple choix touristique. Notre étude récemment publiée dans Current Issues in Tourism, basée sur des entretiens approfondis avec des femmes « backpackeuses » âgées de 23 à 47 ans, révèle à quel point ces expériences solitaires peuvent constituer un puissant vecteur d’empowerment identitaire.

Pourquoi partir seule ?

Loin d’être une simple quête d’aventure ou d’évasion, le voyage en solo répond souvent à une volonté de mieux se connaître et de dépasser ses propres limites. Léa, 29 ans, résume clairement ce ressenti :

« Aujourd’hui, physiquement ou mentalement, j’ai clairement dépassé mes limites. Je ne pensais pas que j’étais capable de ça avant de partir seule. »

L’expérience de ces voyageuses se déroule généralement en trois phases clés qui façonnent durablement leur identité : la découverte, le partage et l’affrontement des peurs.

La première phase, celle de la découverte, est marquée par l’exploration de nouveaux territoires géographiques, mais aussi personnels.

Amélie, 36 ans, exprime cette double dimension :

« Voyager seule m’a permis de me découvrir moi-même et de rencontrer des gens formidables, dont je me souviendrai toute ma vie même si je ne les reverrai jamais. »

Cette étape est déterminante. Loin de leurs repères habituels, ces femmes découvrent une autonomie nouvelle et une capacité insoupçonnée à se réinventer.

Le deuxième moment clé est celui du partage, souvent inattendu mais toujours intense. Ce partage se manifeste sous différentes formes, que ce soit dans les rencontres spontanées faites sur place ou via les échanges numériques avec d’autres voyageuses. Fanny, 32 ans, témoigne de ce lien fort avec une communauté éphémère :

« Je participais beaucoup aux groupes Facebook, pour rassurer celles qui voulaient partir. C’était ma façon de transmettre ce que j’avais vécu. »

Le voyage solitaire, paradoxalement, se révèle souvent riche de rencontres humaines, permettant aux femmes de se sentir moins isolées dans leur démarche.

Affronter ses peurs

La troisième phase est sans doute la plus intense : il s’agit de l’affrontement des peurs et des risques. Le voyageur solitaire et sûrement encore plus la voyageuse solitaire, s’expose à de nombreuses difficultés, comme l’explique Leina, 24 ans :

« Mon expérience la plus marquante s’est déroulée lors de mon tout premier voyage en solo. C’était à Londres et j’avais tout juste 18 ans. Je voyageais seule avec mon sac à dos. Je suis allée en auberge de jeunesse et j’ai été abordée par un monsieur très insistant, d’une cinquantaine d’années environ… Il a commencé par me proposer à boire… et cela m’a mise très mal à l’aise. J’étais habituée jusque-là à voyager accompagnée et du fait je me suis posé plein de questions : est-ce que son comportement était normal ? Pas normal ?… Je n’avais pas de repères et je me suis fiée à mon intuition… J’ai donc décidé d’aller parler à la réceptionniste avec qui j’avais déjà sympathisé et je lui ai décrit la situation. La réceptionniste m’a expliqué que je n’étais pas la première que cet homme avait abordée de cette manière et m’a conseillé de m’éloigner. Cet homme a, par ailleurs, reçu un avertissement et a été informé qu’au prochain avertissement, il serait mis dehors. »

Même si toutes soulignent que ces risques existent autant en dehors du voyage, la solitude dans le voyage, le fait de ne pas avoir ses repères et soutiens habituels transforment les moments difficiles en épreuves particulières. Romane, 25 ans, raconte :

« Ce qui est dangereux, c’est, par exemple, la conduite en Albanie… les bus conduisent très vite là-bas, la porte ouverte ! Les routes sont hyper sinueuses entre les villages et les bus roulent très près du bord de la route… C’est très impressionnant, on sent que le danger est imminent. »

Cet affrontement du danger peut ainsi contribuer à renforcer leur confiance et leur assurance. Fanny, 24 ans, l’expose ainsi :

« Cela m’a rendue plus forte de caractère, plus têtue… Cela a renforcé mes traits de personnalité, j’ai gagné confiance en moi. Peu importe la galère, il y a toujours une solution… Si je me perds dans une ville, si je n’ai plus de téléphone, je trouverai quelqu’un qui m’aidera, je trouverai toujours une solution. »

Revenir changée

À leur retour, les femmes évoquent systématiquement une transformation notable de leur identité. Ces changements s’articulent autour de trois axes principaux : grandir, se reconstruire et voir le monde autrement. La notion de « grandir » revient fréquemment dans leurs témoignages, traduisant un sentiment d’avoir mûri, gagné en confiance et en autonomie. Ce sentiment est souvent accompagné d’une prise de conscience nouvelle de leurs propres ressources internes.

Le deuxième axe, la reconstruction personnelle, intervient souvent après une épreuve de vie, comme une rupture sentimentale ou une perte d’emploi. Sabrina, 36 ans, illustre parfaitement cette situation :

« J’étais à un tournant de ma vie après une rupture amoureuse. Voyager seule a été une manière de me retrouver, de reprendre pied. Je me suis reconstruite. »

Brut 2019.

Enfin, ces voyages modifient durablement leur perception du monde et des autres. Fanny, 32 ans, explique :

« En stop, j’étais vulnérable, et en même temps, ça m’a réconciliée avec le monde. J’ai retrouvé foi en l’humanité. »

Ce changement de regard permet à ces femmes de revenir avec une ouverture et une compréhension nouvelle, souvent plus profonde et plus heureuse.

« Empowerment » identitaire, un nouveau concept

Notre recherche met en avant un concept innovant : l’empowerment identitaire.

Contrairement aux notions classiques d’empowerment (« empouvoirement ») centrées sur les compétences ou les capacités individuelles, l’empowerment identitaire intègre pleinement la dimension transformative de l’identité personnelle à travers l’expérience vécue.

Nous identifions trois dimensions clés de cet empowerment : la croissance personnelle (growing), la reconstruction identitaire (rebuilding) et l’évolution du regard porté sur le monde (seeing the world differently).

Cette approche théorique montre que l’empowerment peut aller au-delà d’un simple renforcement des capacités individuelles, et correspondre à une véritable reconstruction de soi, influencée par des contextes de vie particuliers et des expériences marquantes. On l’appelle alors « empowerment identitaire ».

Ce processus dynamique fait écho à la transformation identitaire vécue durant l’adolescence, une période elle aussi caractérisée par l’exploration, l’engagement personnel et la recherche d’une cohérence interne. Le parallèle avec l’adolescence souligne combien le voyage en solo constitue un véritable rite de passage moderne, permettant aux femmes de redéfinir profondément leur identité, indépendamment des attentes et des normes sociales préétablies.

Tensions au retour

Cependant, ce retour n’est pas toujours facile. Une tension peut naître entre leur nouvelle identité et la perception inchangée qu’en garde leur entourage. Comme pour les adolescents, la difficulté réside alors dans l’ajustement entre l’image intérieure nouvellement forgée et le regard extérieur resté fixe.

Finalement, ces récits montrent que le voyage en solo dépasse largement le simple cadre touristique. Il s’agit en réalité d’un véritable rite de passage contemporain permettant aux femmes d’affirmer leur identité, leur liberté, et leur place dans une société en constante évolution. Ce phénomène mérite sans aucun doute d’être mieux compris, accompagné et valorisé dans les politiques touristiques et sociales.

Nouvelles recherches

La conceptualisation de l’empowerment identitaire à travers le voyage en solitaire des « backpackeuses » appelle à de nouvelles recherches pour identifier d’autres expériences, si elles existent, qui auraient la même puissance. Nous pourrions ainsi étudier, par exemple, les séjours longs à l’étranger dans le cadre professionnel ou dans le cadre des études, l’expatriation ou encore les changements de vie radicaux impliquant une immersion dans des cultures ou environnements très différents.

Il serait également pertinent d’explorer si cet empowerment est ressenti différemment en fonction de variables culturelles, générationnelles ou socioéconomiques, afin d’approfondir la compréhension de ce concept émergent. Ces nouvelles pistes de recherche permettraient d’affiner cette théorisation innovante, mais aussi d’en élargir les implications concrètes, notamment dans les politiques sociales, éducatives et touristiques. Cela représenterait une opportunité pour les destinations et les acteurs économiques de mieux connaître les défis, les besoins et les motivations de ces femmes voyageuses en solo.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

ref. Partir seule pour mieux se trouver : comment le voyage en solo transforme l’identité des femmes – https://theconversation.com/partir-seule-pour-mieux-se-trouver-comment-le-voyage-en-solo-transforme-lidentite-des-femmes-258414

Les minerais africains sont échangés contre la sécurité : pourquoi c’est une mauvaise idée

Source: The Conversation – in French – By Hanri Mostert, SARChI Chair for Mineral Law in Africa, University of Cape Town

Un accord de paix, négocié par les États-Unis entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, prévoit un arrangement préoccupant. L’une des parties cède ses ressources minérales à une grande puissance en échange de promesses floues de sécurité.

L’accord de paix, signé en juin 2025, vise à mettre fin à trois décennies de conflit entre la RDC et le Rwanda.

Un élément clé de l’accord engage les deux pays à développer un cadre d’intégration économique régionale. Cet arrangement prévoit une coopération élargie entre la RDC, le Rwanda, le gouvernement américain et les investisseurs américains pour établir des “chaînes d’approvisionnement en minerais transparentes et formalisées”.

Malgré ses immenses richesses minérales, la RDC figure parmi les cinq pays les plus pauvres du monde. Elle cherche à attirer les investissements américains dans son secteur minier.

De leur côté, les Etats-Unis promettent un programme d’investissement de plusieurs milliards de dollars pour sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement en minerais sur ce territoire traumatisé et appauvri.

La paix promise par l’accord de juin 2025 dépend ainsi de l’approvisionnement des États-Unis en minerais, en échange d’une présence militaire puissante, mais définie de manière vague, de la part de Washington.

L’accord de paix établit en outre un comité de mixte surveillance composé de représentants de l’Union africaine, du Qatar et des États-Unis, chargé de recevoir les plaintes et de résoudre les différends entre la RDC et le Rwanda.

Mais au-delà de ce comité mixte de surveillance, l’accord de paix ne prévoit aucune obligation spécifique en matière de sécurité pour les États-Unis.

Les relations entre la RDC et le Rwanda sont marquées par des guerres et des tensions depuis les première (1996-1997) et deuxième (1998-2003) guerres particulièrement sanglantes du Congo. Ces conflits ont alimenté la rivalité, l’exploitation et la violence armée.

Ce dernier accord de paix instaure un arrangement de type « ressources contre sécurité ». De tels accords ne sont pas nouveaux en Afrique. Ils ont fait leur apparition au début des années 2000 sous la forme de transactions « ressources contre infrastructures ». Dans ce type d’accord, un État étranger s’engage à construire des infrastructures économiques et sociales (routes, ports, aéroports, hôpitaux) dans un État africain. En échange, il obtient une participation importante dans une société minière publique ou un accès préférentiel aux ressources minérales du pays hôte.

Nous étudions le droit minier et la gouvernance en Afrique depuis plus de 20 ans. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si un accord de type « ressources contre sécurité » négocié par les États-Unis permettra à la RDC de mieux tirer profit de ses ressources.

Nos recherches sur l’exploitation minière, le développement et la durabilité nous font penser que cela est peu probable.

En effet, l’échange de ressources contre la sécurité est la dernière version d’une approche de troc de ressources que la Chine et la Russie ont mise en place dans des pays tels que l’Angola, la République centrafricaine et la RDC.

Le troc de ressources en Afrique a affaibli la souveraineté et le pouvoir de négociation des nations riches en minerais telles que la RDC et l’Angola.

En outre, ces accords sont moins transparents et plus complexes que les accords antérieurs de troc de ressources.

Les failles sécuritaires de la RDC

La RDC est dotée d’importants gisements de minerais essentiels tels que le cobalt, le cuivre, le lithium, le manganèse et le tantale. Ces minerais sont les éléments constitutifs des technologies du XXIe siècle : intelligence artificielle, véhicules électriques, énergie éolienne et matériel de sécurité militaire. Le Rwanda est moins riche en minerais que son voisin, mais il est le troisième producteur mondial de tantale, utilisé dans l’électronique, l’aérospatiale et les appareils médicaux.

Depuis près de 30 ans, les minerais alimentent les conflits et les violences extrêmes, en particulier dans l’est de la RDC. Le tungstène, le tantale et l’or (appelés « 3TG ») financent et alimentent les conflits. Les forces gouvernementales et environ 130 groupes armés se disputent le contrôle de sites miniers lucratifs. Plusieurs rapports et études ont accusé les voisins de la RDC – le Rwanda et l’Ouganda – de soutenir l’extraction illégale des 3TG dans cette région.

Le gouvernement de la RDC n’arrive pas à imposer la sécurité sur son vaste territoire (2,3 millions de kilomètres carrés peuplé de (109 millions d’habitants, issus de 250 groupes ethniques. Le manque de ressources, la corruption et des défis logistiques affaiblissent ses forces armées.

Ce contexte rend le soutien militaire des États-Unis extrêmement attractif. Mais nos recherches montrent que cet appui cache de nombreux pièges.

Quels États risquent de perdre ?

Les accords de type “ressources contre infrastructures” ou “ressources contre sécurité” offrent souvent des avantages à court terme : financements, stabilité, reconnaissance internationale. Mais ils ont un coût à long terme : la perte de contrôle sur les ressources nationales.

Voici comment cela se passe :

L’Afrique regorge d’exemples de pertes, partielles ou totales, de souveraineté liées à ce type d’accords. Par exemple, en 2004, l’Angola a contracté un prêt de 2 milliards de dollars adossé au pétrole auprès de la China Eximbank.

Ce prêt était remboursable par des livraisons mensuelles de pétrole, dont les recettes étaient versées sur des comptes contrôlés par la Chine. La conception du prêt privait les autorités angolaises de tout pouvoir de décision sur cette source de revenus avant même que le pétrole ne soit extrait.

Ces accords contribuent également à diluer les responsabilités. Ils impliquent souvent plusieurs ministères (tels que la défense, les mines et le commerce), ce qui empêche tout contrôle ou redevabilité. Cela favorise la captation des ressources par les élites. Des personnalités influentes peuvent détourner les accords à leur profit personnel.

En RDC, cela a donné naissance à une kleptocratie violente, où les richesses issues des ressources naturelles sont systématiquement détournées au détriment de la population.

Enfin, ces accords risquent d’aggraver les traumatismes liés à l’extraction : déplacements forcés des communautés, dégradations de l’environnement, pertes de moyens de subsistance et tensions sociales.

Ces problèmes ne sont pas nouveaux. Mais en les liant à la sécurité ou aux infrastructures, ils cessent d’être temporaires et s’installent dans la durée.

Ce qui doit changer

Les minerais critiques sont dits “critiques” parce qu’ils sont difficiles à extraire ou à remplacer.

De plus, leurs chaînes d’approvisionnement sont stratégiquement vulnérables et politiquement exposés. Celui qui contrôle ces minéraux contrôle l’avenir. L’Afrique doit veiller à ne pas brader cet avenir.

Dans un monde où les minerais critiques redessinent les rapports de force, les États africains ne doivent pas sous-estimer la valeur stratégique de leurs ressources. Ils disposent d’un levier puissant.

Mais ce levier n’a d’effet que s’il est utilisé avec stratégie. Pour ce faire, il faut :

  • investir dans le renforcement des institutions et des capacités juridiques afin de négocier de meilleurs accords

  • exiger la création et la valeur ajoutée locales

  • exiger la transparence et le contrôle parlementaire des accords relatifs aux minéraux

  • refuser les accords qui ne respectent pas les normes en matière de droits humains, d’environnement ou de souveraineté.

L’Afrique dispose des ressources. Elle doit préserver ce levier de pouvoir qu’elles lui confèrent.

The Conversation

Hanri Mostert est financée par la National Research Foundation (NRF) d’Afrique du Sud. Elle est membre du groupe d’experts sur l’expropriation et membre du comité directeur du groupe consultatif académique (AAG) de l’Association internationale du barreau (IBA) dans le secteur du droit de l’énergie, de l’environnement, des ressources et des infrastructures (SEERIL).

Tracy-Lynn Field est financée par la Fondation Claude Leon. Elle est directrice non exécutive de la Wildlife and Environment Society of South Africa.

ref. Les minerais africains sont échangés contre la sécurité : pourquoi c’est une mauvaise idée – https://theconversation.com/les-minerais-africains-sont-echanges-contre-la-securite-pourquoi-cest-une-mauvaise-idee-261875

Ahmed Faras restera dans les mémoires comme un héros du football et un symbole national marocain

Source: The Conversation – in French – By Abderrahim Rharib, Teacher-Researcher of Sports Policy, Université Hassan II Casablanca – AUF

Surnommé Moul Lkoura, qui signifie « le propriétaire du ballon », Ahmed Faras est devenu une véritable icône au Maroc. Le footballeur était un héros pour le peuple, une source de fierté et d’unité nationale.

Dans tout le pays, il était tenu en très haute estime, tant pour ses qualités techniques sur le terrain que pour sa personnalité. À l’annonce de son décès à l’âge de 78 ans, nombreux sont ceux qui ont souligné son humilité, son respect, sa gentillesse et sa modestie. Il est resté une figure du patriotisme au Maroc pendant des décennies, longtemps après la fin de sa carrière.

Une carte marquée dans chaque coin des emblèmes nationaux et footballistiques et représentant le portrait d'un jeune homme vêtu d'un maillot de football rouge.
Carte de football d’Ahmed Faras en 1970.
Panini/Wikimedia Commons

Faras avait également un autre surnom : le Lion de l’Atlas. Il était le capitaine très apprécié des Lions de l’Atlas, l’équipe nationale de football. Il a été sacré Footballeur africain de l’année en 1975. En 2006, il a été sélectionné par la Confédération africaine de football (CAF) comme l’un des 200 meilleurs joueurs africains des 50 dernières années meilleurs footballeurs africains des 50 dernières années, sur la base d’un sondage.

En tant que chercheur spécialisé dans le football et la politique au Maroc, le décès de Faras, tout comme celui de Dolmy (Hassan) d’Amcharrat et d’autres grands noms du football, marque une frontière entre un sport amateur peu rentable au service de la patrie et un sport aujourd’hui façonné par l’économie de marché.

Qui était Ahmed Faras ?

Hadj Ahmed Faras, né le 7 décembre 1946, accordait plus d’importance aux valeurs qu’à l’argent. La preuve en est son refus, en 1973, d’une offre pour rejoindre les rangs du Real Madrid, l’une des plus grandes équipes européennes.

Né et élevé dans une famille modeste à Laâlya, un quartier de la ville de Mohammedia, sur la côte ouest du Maroc, la communauté de Fdala (ancien nom de la ville) n’oubliera jamais que Faras a préféré mettre son talent au service du Sporting Club Chabab Mohammedia.

C’était le club de sa ville natale, où il a débuté sa carrière en 1965 et où il l’a terminée en 1982. Faras était un athlète complet. Si le football l’a rendu célèbre, il était également passionné de basket-ball, de handball, de volley-ball et de saut en longueur.

Mais c’est le football qui lui a valu son surnom d’enfance, « le gaucher », en raison de l’élégance avec laquelle il maniait le ballon du pied gauche.

Jouant dans des équipes de quartier à l’école, il suivait de près le football marocain. C’était l’époque de joueurs comme Hassan Akesbi, Abderrahmane Ben Mahjoub. Insatisfait de son niveau, il rejoint un centre de formation financé par le ministère de la Jeunesse et des Sports afin de concrétiser sa passion pour le football. Au fil des matchs, il se fait de plus en plus remarquer.




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En 1963, alors qu’il réfléchit encore à une offre de l’Ittihad Mohammedia, il est également approché par le club rival, le Chabab Mohammedia. Ce dernier est prêt à le faire passer directement en équipe première sans passer par les équipes juniors. Jamais satisfait des entraînements collectifs, il s’entraînait également il s’entraîne également seul de manière régulière.

Les moments forts de sa carrière

Ses grandes qualités techniques, son pied gauche magique, son intelligence tactique, sa sagesse et son calme lui ont valu une carrière exemplaire. Joueur polyvalent, capable d’évoluer à presque tous les postes, il s’est surtout illustré au poste d’avant-centre.

En 1970, il fait partie de la première équipe nationale marocaine à se qualifier pour la Coupe du monde de football masculin de la FIFA, au Mexique. Il marque deux buts, assurant ainsi la qualification du Maroc pour les Jeux olympiques de 1972 à Munich. Il continue à marquer des buts lors des Jeux olympiques, inscrivant six réalisations en Coupe d’Afrique des nations (CAN) et six autres lors des matchs de qualification pour la Coupe du monde.

Élu meilleur joueur africain de l’année 1975, il a été capitaine de l’équipe qui a remporté la CAN pour le Maroc en 1976 en Éthiopie. Il a été nommé meilleur joueur du tournoi.

Faras a été le meilleur buteur du championnat national en 1969 et 1973. Il a disputé 94 matchs avec l’équipe nationale entre 1966 et 1979, inscrivant 36 buts au total. Ce qui fait de lui le meilleur buteur de tous les temps. Il a remporté le seul titre de champion du Maroc dU Sporting Club Chabab Mohammédia en 1980, deux Coupes du Trône en 1972 et 1975, la Super Coupe en 1975 et la Coupe des clubs du Maghreb en 1975.

Ses valeurs

Malgré tous ces chiffres impressionnants, Faras n’a jamais été du genre à se vanter de ses exploits. Il tenait à rester respecteux et n’a jamais décliné une invitation destinée à rendre service au monde du football marocain. Comme ses parents, c’était un homme attaché à sa famille qui menait une vie modeste. Faras ne supportait pas d’être loin de Mohammedia et ressentait une immense joie lorsqu’il rentrait chez lui après une tournée.

Son patriotisme était souvent mis en évidence, notamment lors de la CAN 1976 en Éthiopie, Il a joué le tournoi malgré la fièvre typhoïde. Il rappelait souvent à ses coéquipiers que porter le maillot national était une lourde responsabilité. Selon lui, il fallait toujours être à la hauteur des attentes du roi et du peuple marocain.

En tant que capitaine, il ne ménageait aucun effort pour motiver les jeunes joueurs, les aider à s’intégrer dans l’équipe nationale et à jouer avec honneur.

Grâce à ces qualités, Ahmed Faras est devenu un trésor national, l’incarnation des nobles valeurs du sport. Le respect que lui témoignaient les arbitres en était la preuve incontestable.

Moul Lkoura est décédé le 16 juillet, alors que les Marocains espéraient qu’il assisterait à la Coupe d’Afrique des nations féminine organisée par le Maroc. Ils nourrissaient l’espoir qu’il assiste à un nouveau sacre du Maroc, le premier depuis celui de 1976 auquel il avait contribué.

The Conversation

Abderrahim Rharib does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

ref. Ahmed Faras restera dans les mémoires comme un héros du football et un symbole national marocain – https://theconversation.com/ahmed-faras-restera-dans-les-memoires-comme-un-heros-du-football-et-un-symbole-national-marocain-262287