Source: The Conversation – in French – By Thomas Zeroual, Enseignant-chercheur en Economie, ESCE International Business School
Le tri des biodéchets (c’est-à-dire, les déchets verts et les déchets alimentaires) est obligatoire depuis 2024. Mais, pour que ces biodéchets soient intéressants à valoriser, encore faut-il que la facture environnementale du transport par camion ne déséquilibre pas l’équation ! Une récente étude menée dans un quartier de Romainville, en Seine-Saint-Denis, montre comment choisir l’approche la plus efficace à l’échelle d’un territoire.
Depuis le 1er janvier 2024, le tri des biodéchets, c’est-à-dire les déchets biodégradables de nos ordures ménagères comme les restes alimentaires, est obligatoire pour les professionnels comme pour les citoyens. Cette réglementation semble encourageante d’un point de vue environnemental. En effet, mieux trier peut réduire la quantité de déchets incinérés – et donc les émissions de gaz à effet de serre associées – tout en encourageant la production énergétique de compost ou de biogaz.
Encore faut-il transporter ces déchets vers les lieux de valorisation… Et c’est là que les choses se compliquent : selon le scénario considéré, les impacts environnementaux du transport grimpent considérablement.
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Un potentiel immense… en théorie
Selon le Code de l’environnement, les biodéchets sont définis comme « les déchets non dangereux biodégradables de jardin ou de parc » (qu’on appelle couramment déchets verts) ainsi que « les déchets alimentaires ou de cuisine ».
Chaque année, 18 millions de tonnes de biodéchets sont produites par les ménages en France. Les marges de manœuvre pour les réduire sont importantes : une grande partie des déchets organiques est aujourd’hui incinérée ou mise en décharge, ce qui n’est pas du tout optimal. La hiérarchie définie par la directive cadre de l’Union européenne est très claire : ces modes de traitement ne doivent être utilisés qu’en dernier recours. En théorie, il convient de respecter l’ordre de priorité suivant : dans un premier temps, prévenir la constitution du déchet, ensuite le réemploi, puis le recyclage et enfin l’élimination.
Incinérer ou mettre en décharge les biodéchets ne respecte pas cette hiérarchie. Cela génère de surcroît des émissions de CO2 (en cas d’incinération) et de méthane (en cas de mise en décharge), sans parler du gaspillage d’espace et d’énergie.
En France, la gestion des biodéchets représente le principal gisement d’évitement (c’est-à-dire, la part d’un flux de déchets pouvant être évitée grâce à des actions de prévention en amont), selon l’Agence de la transition écologique (Ademe).

Ademe, Fourni par l’auteur
Des changements dans l’organisation du ramassage de ces déchets, par exemple, pourraient entraîner une baisse significative du volume de ces déchets.
Quatre scénarios pour la collecte des biodéchets
Chaque année en France, 355 millions de tonnes de déchets sont transportés, ce qui représente 30 % des émissions de gaz à effet de serre générées par le secteur de la gestion des déchets, soit 2,4 millions de tonnes équivalent CO2.
Face à ces impacts environnementaux, il est utile d’identifier et d’évaluer une meilleure gestion des transports des biodéchets. Différentes options doivent être envisagées, car il n’existe pas de solution unique.
Nous avons récemment mené une étude dont le terrain était un quartier situé à Romainville, en Seine-Saint-Denis, ville connue pour avoir déjà expérimenté des solutions de collecte de biodéchets.
Ce quartier comprend une population de 3 995 habitants répartis sur une aire de 47 hectares. Les déchets sur cette surface sont collectés et acheminés vers une plate-forme de transit à la déchetterie de Romainville, puis ils sont répartis dans des conteneurs en vue de leur recyclage ou de leur élimination par des filières spécialisées, comme le centre d’incinération à Saint-Ouen-sur-Seine.

John-Grégoire/Wikimedia, CC BY-NC-SA
Le modèle que nous avons utilisé incluait plusieurs variables liées au transport, comme les itinéraires de collecte, la taille du parc de véhicules, leurs poids, la taille et le nombre de tournée… Il intègre aussi des variables environnementales, comme la part de compostage et de méthanisation sur ces déchets et la consommation de carburant des camions utilisés pour leur transport.
Dans nos travaux sur ce quartier, nous avons retenu quatre scénarios.
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Le scénario n°1 correspond à un compostage de proximité avec une gestion in situ, autrement dit une gestion volontaire et locale vers un site de compostage partagé. Nous avons supposé que 30 % des biodéchets finissaient dans une poubelle individuelle et que 70 % restants étaient valorisés dans un compost collectif. Ce scénario n’est toutefois crédible que si le taux de participation est suffisant. Conformément au seuil établi par la littérature scientifique, nous avons fixé ce taux à 45 %.
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Les autres scénarios se rapportent à une collecte centralisée organisée par des professionnels. Le scénario n°2 correspond à un ramassage en porte à porte vers un centre de transit où l’on groupe les déchets avant de les envoyer dans un centre de valorisation.
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Le scénario n°3 s’effectue en porte à porte, mais sans point de transit : c’est le scénario le plus utilisé en France.
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Enfin, le scénario n°4 est une collecte en porte-à-porte, sans point de transit, mais avec des bacs collectifs plus grands que les poubelles individuelles.
Le scénario gagnant : supprimer le transport
Quel scénario est le plus intéressant ? Par ordre du plus au moins intéressant :
Le scénario n°1 de compostage de proximité s’avère être le scénario à privilégier. En effet, il exclut l’étape du transport : les biodéchets sont soit compostés à l’échelle individuelle au sein des habitats privés, soit à l’échelle collective, où chaque habitant d’une résidence collective amène ses biodéchets dans des bioseaux vers des composteurs partagés aux pieds d’immeuble, dans les jardins ou des parcs publics.

Kevin.B/Wikimedia, CC BY-NC-SA
Le deuxième meilleur est le scénario de collecte dans des bacs plus grands (scénario n°4) : il est préférable au scénario en porte-à-porte avec transit (scénario n°2). Et cela, même avec une distance parcourue plus élevée (210 km contre 142 km) et une consommation en carburant supérieure (53 litres contre 37 litres), car les camions de collecte s’arrêtent, en proportion pour une quantité de déchets ramassés équivalente, moins souvent.
Enfin, le scénario de collecte n°3 en porte-à-porte sans point de transit est celui qui génère le plus d’externalités. C’est le scénario le plus émetteur de CO2, du fait du nombre d’arrêts. Ce scénario est pourtant celui qui est actuellement le plus appliqué !
Le collectif prime encore et toujours sur l’individuel
Le compost apparaît ainsi comme la solution préférable et optimale pour les biodéchets d’un point de vue environnemental. Composter en proximité, c’est participer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
En attendant que le compost devienne un réflexe citoyen, l’étude permet de quantifier l’impact des autres scénarios de collecte.
Le recours à des centres de transit permet certes de diminuer de plus de 27 % les émissions de CO2, mais utiliser des bacs collectifs sans transit permet de les réduire de plus de 57 %.
En définitive : plus le citoyen est sollicité et participe au traitement de ses déchets, meilleurs sont les résultats en termes climatiques. Si on le sollicite moins, alors il faut davantage miser sur de la mutualisation du transport.
Ces travaux offrent des perspectives intéressantes pour la. Nous pourrons à l’avenir y intégrer le méthane et/ou les particules fines issues de l’incinération et même comptabiliser les émissions des sites de compostage, ce qui n’a pas été fait pour le moment. Enfin, notre évaluation pourrait intégrer différentes flottes de camions hybride et/ou électrique d’un remplacement de ces véhicules.
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Thomas Zeroual ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
– ref. Valoriser les déchets verts et alimentaires en limitant l’impact négatif du transport : l’exemple de Romainville – https://theconversation.com/valoriser-les-dechets-verts-et-alimentaires-en-limitant-limpact-negatif-du-transport-lexemple-de-romainville-260518









