Agressions racistes à Torre Pacheco : l’Espagne face à la xénophobie

Source: The Conversation – in French – By Gloria Fernández- Pacheco Alises, Profesora en Criminología y coordinadora del Grupo de investigación sobre Migraciones, Universidad Loyola Andalucía

En Espagne, les actes xénophobes se multiplient, attisés par l’extrême droite qui cible notamment les Latino-Américains, les Subsahariens et les Nord-Africains. À Torre Pacheco, ville de 40 000 habitants dont 30 % sont immigrés, des groupes d’extrême droite armés ont attaqué ces derniers jours des habitants d’origine nord-africaine, après la diffusion mensongère d’une agression relayée sur les réseaux sociaux. Dix arrestations ont eu lieu. Faut-il en conclure que le racisme gagne du terrain en Espagne ? The Conversation a interrogé sept experts pour éclairer le débat.


Gloria Fernández-Pacheco Alises, professeure de criminologie et coordinatrice du Groupe de recherche sur les migrations. Université Loyola d’Andalousie.

Ces derniers mois, les sondages ont vu l’immigration devenir l’une des préoccupations premières des Espagnols.

Ces inquiétudes sociales ont été alimentées par des discours politiques qui avancent des arguments reposant sur « l’infantilisation », la « dépersonnalisation » et la « ridiculisation » de l’immigration.

On parle des mineurs migrants non accompagnés comme de collectifs dangereux auxquels on impute toutes sortes de délits. On prétend, de façon largement exagérée, que les dispositifs de protection des mineurs migrants non accompagnés (en attente d’une réponse à leur demande de titre de séjour) coûteraient des sommes extravagantes, et que cet argent serait pris au détriment des pensions de nos aînés. On banalise les discours sur les expulsions massives de personnes qui travaillent depuis des mois ou des années en Espagne dans l’agriculture ou l’emploi domestique.

Tous ces discours contribuent à forger un imaginaire collectif fondé sur des stéréotypes, ce qui produit du racisme structurel et des débats sociaux très dangereux. À travers des étiquettes négatives qui associent délinquance et immigration, on construit des identités marginalisées et des sociétés violentes.

Ce phénomène a déjà été étudié par lesdites théories de l’étiquetage, qui expliquent le rôle des réactions sociales dans la construction d’une étiquette de déviant. Par la criminalisation, on génère de la marginalité et de la délinquance au sein des groupes ainsi étiquetés. D’un autre côté, on construit des sociétés déshumanisées et insécurisées.


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Raúl Martínez Corcuera. Professeur de communication. Chercheur sur le discours de la haine – racisme, sexisme, LGBTphobie – dans les médias, le sport ou la publicité. Université de Vic-Université centrale de Catalogne

En Espagne, il existe un racisme structurel contre les personnes issues de l’immigration et racisées qui confirmerait cette affirmation. Puis il existe un racisme institutionnel avec une loi sur l’immigration qui les pousse à vivre en situation irrégulière et limite leurs droits de participation politique.

Il existe aussi un contrôle policier « au faciès » basé sur le phénotype, ainsi que des partis politiques qui adoptent des discours et des programmes d’extrême droite légitimant des attitudes xénophobes. Il y a aussi de l’antitsiganisme et de l’islamophobie.

La discrimination et l’exploitation au travail se sont banalisées, aggravées par la non connaissance ou la complexité à faire respecter le droit des travailleurs ou encore par la difficulté d’accès au logement avec des propriétaires qui refusent de louer aux personnes migrantes ou racisées.

Les plaintes pour discrimination dans les services publics de santé et d’éducation sont nombreuses, limitant l’accès à une prise en charge juste et respectueuse.

La présence d’immigrés et de personnes racisées reste marginale dans les sphères de pouvoir politique ou social, mais les insultes et violences racistes dans l’espace public sont courantes. Ils font l’objet d’une criminalisation médiatique qui les rend responsables de la délinquance et des troubles sociaux. Une stigmatisation cruelle et une déshumanisation des enfants et adolescents arrivés seuls en Espagne, souvent en situation de grande vulnérabilité, sont devenues monnaie courante.


Ana Alba Catoira, professeure de droit constitutionnel. Université de La Corogne.

Le racisme est un phénomène présent dans toutes les sociétés occidentales et qui, bien souvent, se manifeste de manière subtile ou inconsciente à travers toutes les structures. En réalité, combien de personnes se reconnaissent comme racistes ? Combien identifient des comportements très banalisés comme racistes et discriminatoires ?

L’Espagne est le quatrième pays le moins raciste de l’Union européenne selon un rapport de 2023 réalisé par l’Agence des droits fondamentaux, loin derrière l’Autriche, l’Allemagne, la Finlande, le Danemark, le Luxembourg, la Belgique, l’Irlande, l’Italie ou la France.

Cependant, nous sommes bel et bien un pays raciste, et il ne faut donc pas minimiser ce problème. Le racisme est, en soi, une forme d’ignorance ; c’est pourquoi nous avons besoin de sensibiliser et d’éduquer toute la société à l’égalité et à la diversité, grâce à des politiques publiques engagées et à la collaboration responsable de tous les secteurs. Nous devons construire ensemble une société plus juste et égalitaire, où la dignité de tous les êtres humains est respectée.


Antonio Miguel Nogués Pedregal, professeur titulaire d’anthropologie sociale. Université Miguel Hernández.

Il est impossible de répondre par oui ou par non à cette question. Depuis des décennies, l’Espagne est marquée par des réalités sociales, culturelles et économiques très hétérogènes. On ne peut pas parler d’une Espagne unique ou, si l’on préfère, d’une seule manière d’habiter ce territoire que nous appelons Espagne.

Chaque personne et chaque groupe socioculturel qui cohabite ici se construit une image des autres qui met surtout en avant les caractéristiques avec lesquelles il veut et croit se distinguer de ces autres personnes ou groupes.

Dans ce sens, je considère que la dimension économique, en raison de l’aporophobie (phobie des pauvres) et du classisme, est celle qui conditionne le plus les relations et les pratiques sociales entre individus, indépendamment de leur origine ethnique. La dimension esthétique, pleine de stéréotypes et de phénotypes, influence la perception de l’autre en tant que groupe anonyme. Il suffit de rappeler les différences dans l’accueil des Ukrainiens ou des Subsahariens et leur représentation inégale dans les médias.


Juan Carlos Jiménez Redondo, professeur titulaire d’histoire de la pensée et des mouvements sociaux. Université CEU San Pablo.

Affirmer que l’Espagne est un pays raciste est aussi absurde que de prétendre le contraire. Il y a des Espagnols racistes, tout comme il y en a en France, en Italie, au Portugal ou au Royaume-Uni. Les démocraties ont mis en place des règles radicalement opposées au racisme, mais elles n’ont pas réussi à éradiquer des groupes aux fortes inclinations racistes. Nombre d’entre eux sévissent dans des secteurs à forte visibilité publique, notamment dans le sport, et tout particulièrement dans le football, un milieu où se manifestent fréquemment les comportements les plus bas de l’individu-masse.

Il en va de même sur les réseaux sociaux, où l’anonymat permet ces comportements inciviques grotesques et où des individus laissent libre cours à leurs délires racistes et haineux contre tout et tous, protégés par une impunité supposée.

L’Espagne est un pays aussi raciste – ou aussi peu raciste – que d’autres. Ce qui est certain, c’est qu’elle rassemble un grand nombre d’individus extrémistes, violents et animés par la haine.


Lucas Andrés Pérez Martín, professeur de droit international privé. Université de Las Palmas de Gran Canaria.

Il est impossible de répondre à cette question par un « oui » ou un « non ». De mon point de vue de juriste spécialisé dans les migrations et les droits humains, et sans disposer de base scientifique statistique, on peut identifier en Espagne deux profils essentiels. Le premier regroupe une grande partie de la population qui n’est absolument pas raciste. Elle ne fait pas de distinction entre les personnes en fonction de leur race, de la couleur de leur peau ou de leur religion, et accueille même activement les migrants. Cependant, une autre partie de la population l’est, nourrissant des préjugés clairs envers les personnes venues d’ailleurs à cause de leur religion, couleur de peau ou origine, et ne rechignant pas à diffuser des informations totalement fausses à leur sujet.

Malheureusement, cette partie de l’opinion publique domine et remporte le débat politique avec des discours de haine, semant la confusion parmi la population qui, au départ, ne nourrirait aucun préjugé raciste.


Berta Álvarez-Miranda Navarro, professeure titulaire de sociologie, spécialisée en sociologie des migrations. Université Complutense de Madrid.

L’Espagne suit la tendance générale en Europe à concentrer le débat public sur la catégorie religieuse des « musulmans » comme principal critère d’altérité, davantage que sur des catégories raciales. Ces deux formes de distinction, raciale et religieuse, se superposent pour désigner comme « autre » ou « étranger » surtout ceux venant d’Afrique du Nord, particulièrement du Maroc.

Ainsi se renouvelle une méfiance profondément ancrée dans l’histoire, qui s’est reflétée au fil des années dans les sondages d’opinion et divers travaux sociologiques convergeant pour montrer que ce groupe est perçu comme le plus étranger. Un groupe désigné de plus en plus fréquemment par sa religion, bien que la catégorie « musulmans » n’a pas, dans le débat public espagnol, atteint le degré de cristallisation observé dans d’autres pays comme la France ou la Grande-Bretagne, et ne fait pas l’objet d’une polarisation politique aussi marquée.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

ref. Agressions racistes à Torre Pacheco : l’Espagne face à la xénophobie – https://theconversation.com/agressions-racistes-a-torre-pacheco-lespagne-face-a-la-xenophobie-261207

Les droits d’auteur en danger ? Ce que l’affaire « Bartz contre Anthropic » risque de changer aux États-Unis… et ailleurs

Source: The Conversation – in French – By Maximiliano Marzetti, Associate Professor of Law, IESEG School of Management, Univ. Lille, CNRS, UMR 9221 – LEM – Lille Économie Management, IÉSEG School of Management

Aux États-Unis, un premier jugement autorise l’usage d’œuvres légalement acquises pour l’apprentissage des modèles d’intelligence artificielle, mais le recours à des contenus piratés est, lui, explicitement condamné. Un coup d’arrêt pour les auteurs, et un bouleversement juridique aux enjeux internationaux ?


En 2024, les auteurs Andrea Bartz, Charles Graeber et Kirk Wallace Johnson ont porté plainte contre Anthropic, l’un des géants de l’intelligence artificielle (IA), l’accusant d’avoir utilisé leurs ouvrages pour entraîner son modèle de langage Claude.

Cette affaire s’inscrit dans une série de litiges similaires : au moins 47 procès ont déjà été engagés aux États-Unis, visant différentes entreprises consacrées à l’IA. La question principale ? Les modèles d’IA auraient été entraînés à partir d’œuvres protégées par le droit d’auteur, sans autorisation préalable des auteurs, en violation ainsi de leurs droits exclusifs.

Une problématique universelle

Mais ce type de conflit ne se limite pas aux États-Unis : des contentieux similaires émergent dans le monde entier.

Partout, ce sont donc les juges qui, faute de précédents juridiques clairs, doivent trancher des affaires complexes (les hard cases, comme les appellent les auteurs états-uniens). Le droit d’auteur varie d’un pays à l’autre, certes, mais le cœur du conflit reste universel : des créateurs humains confrontés à une technologie non humaine qui bouscule leur place, leur légitimité et leur avenir.

Du côté des entreprises d’IA, l’argument est tout autre : selon elles, l’utilisation de contenus protégés dans le cadre de l’entraînement de modèles relève du fair use (usage équitable), c’est-à-dire une exception aux droits exclusifs des auteurs existant dans le droit américain. En d’autres termes, elles estiment ne pas avoir à demander la permission ni à verser de droits aux auteurs.

Cette position alimente une crainte croissante chez les auteurs humains : celle d’être dépossédés de leurs œuvres ou, pire encore, d’être remplacés par des IA capables de produire des contenus en quelques secondes, parfois de qualité comparable à celle d’un humain.

Guerre de récits

Ce débat est désormais au cœur d’une guerre de récits, relayée à la fois dans les médias et sur les réseaux sociaux. D’un côté, les défenseurs du droit d’auteur traditionnel et des créateurs humains ; de l’autre, les partisans des technologies disruptives et des avancées rapides de l’IA. Derrière ces récits, on assiste à une véritable confrontation entre modèles économiques, celui des auteurs humains et des industries fondées sur le droit d’auteur « traditionnel » (éditeurs, producteurs cinématographiques et musicaux, entre autres), et celui des entreprises et investisseurs développant des technologies de l’IA « révolutionnaires ».


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Bien que le copyright ait été conçu au début du XVIIIᵉ siècle en Angleterre, dans un paradigme technologique qu’on peut appeler « analogique », jusqu’à présent il a su s’adapter et aussi profiter des technologies à l’époque considérées comme « disruptives », telles que la photographie, le phonographe, le cinéma et, plus tard, le paradigme numérique et Internet. Cependant, aujourd’hui il se retrouve mis à l’épreuve à nouveau, peut-être plus sérieusement que jamais, par l’IA générative. Le droit d’auteur pourra-t-il aussi s’adapter à l’IA ou est-il, cette fois, en menace de disparition, de changements radicaux ou encore condamné à l’insignifiance ?

Des intérêts publics, géopolitiques et géoéconomiques pèsent aussi sur ces cas juridiques. Dans l’actuel ordre mondial multipolaire et conflictuel, des pays ne cachent pas leurs ambitions de faire de l’intelligence artificielle un atout stratégique.

C’est le cas des États-Unis de Donald Trump, lequel n’hésite pas à recourir aux politiques publiques pour soutenir le leadership des entreprises états-uniennes en matière d’IA, vraie « raison d’État ». Cela engendre une politique de dérégulation pour éliminer des règles existantes considérées comme des obstacles à l’innovation nationale. Pour des raisons similaires, l’Union européenne a décidé d’aller dans la direction contraire, en assignant à l’innovation en IA un cadre juridique plus contraignant.

Les décisions des tribunaux états-uniens servent de boussole

Le 23 juin 2025, le juge Alsup du Tribunal du district nord de Californie a rendu la première décision, dans le cadre d’un procès en procédure sommaire introduit par les auteurs mentionnés précédemment contre l’entreprise Anthropic, par laquelle il a établi que l’utilisation d’œuvres protégées par des droits d’auteur, acquises de manière légale, pour entraîner des modèles de langage à grande échelle (LLM), constitue un usage légitime (« fair use ») et ne viole donc pas les droits d’auteur de leurs titulaires.

De même, cette décision a également établi que le téléchargement d’œuvres protégées par le droit d’auteur depuis des sites pirates ne pourra jamais être considéré comme un usage légitime, constituant ainsi une violation du droit d’auteur (même si ces œuvres ne sont pas utilisées pour entraîner des LLM et sont simplement stockées dans une bibliothèque à usage général).

Les décisions rendues par les tribunaux états-uniens en matière de droits d’auteur, bien qu’elles ne produisent d’effets juridiques que sur le territoire des États-Unis, servent généralement de boussole quant à l’évolution de la régulation des nouvelles technologies disruptives. Cela est dû non pas tant au prestige de la culture juridique nord-américaine, mais au fait que les plus grandes entreprises technologiques ainsi que les industries culturelles du cinéma, de la télévision et de la musique sont implantées aux États-Unis.

C’est la jurisprudence nord-américaine qui a établi en son temps que les enregistreurs à cassette (affaire Betamax (Sony)) ne violaient pas les droits d’auteur. Ce sont également les tribunaux américains qui ont statué que les réseaux de partage de fichiers peer-to-peer contrevenaient au droit d’auteur (affaires Napster et Grokster), entraînant la fermeture massive de ces sites.

Actuellement, la technologie accusée de porter atteinte au droit d’auteur est donc l’intelligence artificielle générative.

Les affaires pour violation présumée des droits d’auteur contre les géants états-uniens de l’IA générative (comme OpenAI, Anthropic, Microsoft, etc.) peuvent être regroupées en deux catégories :

  • l’utilisation d’œuvres protégées pour entraîner les algorithmes (problème des « inputs »),

  • et la reproduction totale ou partielle d’œuvres protégées dans les résultats générés par l’IA générative (problème des « outputs »).

Une victoire à la Pyrrhus pour les entreprises d’IA ?

Le litige opposant Bartz à Anthropic relève de la première catégorie. Bartz et d’autres auteurs accusent Anthropic d’avoir utilisé leurs œuvres pour entraîner ses algorithmes sans paiement ni autorisation. Il convient de rappeler que, tant aux États-Unis qu’ailleurs dans le monde, l’ensemble des droits d’exploitation d’une œuvre revient à son auteur. De son côté, Anthropic a fait valoir que cette utilisation devait être considérée comme un usage légitime ne nécessitant ni rémunération ni autorisation préalable.

La doctrine du fair use, codifiée à la section 107 du 17 US Code (recueil des lois fédérales), prévoit que, pour déterminer si l’utilisation d’une œuvre est conforme à la loi, le juge doit apprécier au cas par cas si les quatre critères posés par la loi favorisent le titulaire du droit d’auteur (le demandeur) ou la personne qui a utilisé l’œuvre (le défendeur).

Ces quatre critères sont :

  1. le but et la nature de l’utilisation, notamment si elle est de nature commerciale ou à des fins éducatives sans but lucratif ;

  2. la nature de l’œuvre protégée ;

  3. la quantité et la substance de la partie utilisée par rapport à l’ensemble de l’œuvre ;

  4. l’effet de l’utilisation sur le marché potentiel ou la valeur de l’œuvre protégée.

Dans l’affaire en question, le juge Alsup a opéré une distinction entre les usages légitimes d’œuvres légalement acquises et ceux qui ne le sont pas.

Dans le premier cas, Anthropic affirmait avoir acheté des œuvres protégées en format papier, les avoir scannées, converties au format numérique, puis avoir détruit les copies physiques (ce point étant juridiquement important car il s’agit alors d’un simple changement de format, sans reproduction de l’œuvre originale), afin de les utiliser pour entraîner son modèle LLM. Le juge Alsup a estimé que cet usage était légitime, compte tenu de l’acquisition licite des œuvres et en donnant la priorité au premier critère, avec le soutien de la jurisprudence relative au « transformative use » (plus l’usage d’une œuvre est novateur, plus il est probable qu’il soit considéré comme du fair use).

Concernant les œuvres acquises illégalement, soit environ 7 millions d’œuvres téléchargées depuis des bibliothèques pirates telles que Library Genesis et Pirate Library Mirror, le fair use n’a pas été retenu. D’une part, Anthropic ne pouvait ignorer la provenance illicite de ces œuvres, ce qui empêche tout usage légitime ultérieur. D’autre part, le simple fait de les conserver dans un dépôt numérique, même sans les avoir utilisées pour entraîner ses algorithmes, ne constitue pas une défense recevable, car Anthropic n’a aucun droit à leur copie ou à leur stockage.

En conséquence, s’agissant des œuvres téléchargées depuis des sites pirates, la procédure se poursuit, et Anthropic devra faire face à un procès sur le fond, qui pourrait lui coûter très cher, la législation américaine en matière de droit d’auteur autorisant l’octroi de dommages-intérêts forfaitaires (« statutory damages ») pouvant aller jusqu’à 150 000 dollars américains par œuvre en cas d’infraction commise de mauvaise foi.

Des réactions divergentes

Certains commentateurs ont salué cette décision comme une victoire éclatante pour les entreprises de l’IA. Une lecture plus nuancée s’impose. S’il s’agit bien de la première décision reconnaissant comme légitime l’utilisation d’œuvres protégées, acquises légalement, pour l’entraînement d’un système d’IA, elle établit également que l’usage d’œuvres issues de sites pirates, même transformé, ne pourra jamais être considéré comme légitime. En d’autres termes, l’utilisation d’œuvres piratées restera toujours illégale. Cette décision pourrait accélérer la négociation de licences permettant l’acquisition légale d’œuvres à des fins d’entraînement de LLM, une tendance déjà amorcée.

Les critiques à l’encontre de cette décision n’ont pas tardé. Certains reprochent au juge Alsup une mauvaise interprétation du droit fédéral et de la jurisprudence, en particulier de l’arrêt Warhol v. Goldsmith rendu en 2023 par la Cour suprême, qui a établi que le premier critère pouvait être écarté s’il compromettait fortement le quatrième : à savoir, si une œuvre dérivée concurrence ou diminue la valeur de l’œuvre originale.

En outre, il convient de souligner que cette décision est celle d’un tribunal de première instance. Il faudra attendre l’avis de la cour d’appel, voire, en dernier ressort, de la Cour suprême des États-Unis, en tant qu’interprète ultime de la loi. En tout cas, cette décision semble avoir une valeur symbolique importante.

La situation en Europe

Des litiges similaires ont également été engagés en Europe et dans d’autres pays. Bien que les législations sur le droit d’auteur soient proches de celle des États-Unis, elles présentent des différences notables.

En Europe continentale, il n’existe pas d’équivalent à la doctrine du fair use : le droit y repose sur un système d’exceptions et de limitations strictement énumérées par la loi, dont l’interprétation est restrictive pour les juges, à la différence de la souplesse dont jouissent leurs homologues états-uniens.

Par ailleurs, bien que la directive européenne de 2019 ait instauré une exception spécifique pour la fouille de textes et de données, sa portée semble plus limitée que celle du fair use nord-américain. En outre, dans le cadre d’usages commerciaux, les titulaires de droits d’auteur peuvent y faire opposition (« opt-out »).

Enfin, l’Union européenne dispose d’autres instruments susceptibles d’encadrer les IA, tels que le règlement sur l’IA, qui établit diverses garanties pour le respect des droits d’auteur, sans équivalent dans la législation états-unienne.

Répercussions internationales ?

Pour conclure, il convient de noter que le conflit entre droit d’auteur et IA dépasse les seules considérations juridiques.

La course au leadership en matière d’IA revêt aussi une forte dimension nationale. À cette fin, les pays rivalisent entre eux pour favoriser leurs entreprises par tous les moyens à leur disposition, y compris juridiques.

Compte tenu de la politique de régulation minimaliste et des directives émises par le gouvernement Trump, il ne serait donc pas surprenant que des juges idéologiquement proches du président adoptent des interprétations allant dans ce sens, privilégiant les intérêts des entreprises d’IA au détriment des titulaires de droits d’auteur. Une perspective qui relève du pragmatisme juridique états-unien.

Richard Posner, ancien juge fédéral, a d’ailleurs suggéré que, face à des « affaires difficiles », les juges ne suivent pas aveuglément les règles logiques et procédurales, mais qu’ils les résolvent de manière pragmatique, en tenant compte des conséquences possibles de leurs décisions et du contexte politique et économique.

Sous l’angle du « lawfare », le droit d’auteur pourrait bien devenir un nouveau champ de bataille dans la course mondiale à la domination technologique entre les États-Unis, l’Union européenne et la Chine.

The Conversation

Maximiliano Marzetti ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Les droits d’auteur en danger ? Ce que l’affaire « Bartz contre Anthropic » risque de changer aux États-Unis… et ailleurs – https://theconversation.com/les-droits-dauteur-en-danger-ce-que-laffaire-bartz-contre-anthropic-risque-de-changer-aux-etats-unis-et-ailleurs-261182

Starmer’s suspension of ‘rebel’ MPs risks alienating his party in a way he can’t afford

Source: The Conversation – UK – By Tony McNulty, Lecturer/Teaching Fellow, British Politics and Public Policy, Queen Mary University of London

Starmer has removed the whip from four ‘persistent rebel’ MPs. Flickr/UK Parliament , CC BY-NC-ND

Political parties with commanding parliamentary majorities are often tempted by the promise of assertive leadership and decisive action. Yet, as the events of the last few weeks reveal, a large majority is no substitute for the subtler arts of political management, party cohesion and narrative discipline.

Missteps like suspending four MPs and sacking three trade envoys are not isolated misjudgements but symptomatic of deeper issues within Labour’s approach to internal governance. These are issues that need to be addressed if this government is to make the difference needed.

At the centre of the week’s controversies sits the leader’s decision to discipline members of his own parliamentary party. On the surface, such acts might be interpreted as “factional authoritarianism” – a heavy-handed display to quell rebellion. But it is more probably rooted in clumsy party management and weakness.


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This is especially true given Labour’s comfortable majority, which is currently around 160. It is reasonable to expect a majority party to exude a certain confidence and to practise tolerance for internal debate. It knows, after all, that a handful of dissenters pose no existential threat to the government’s legislative agenda. Instead, the government appears brittle, hyper-sensitive to criticism, and more interested in enforcing unity than fostering meaningful dialogue.

The consequences are not trivial. Rather than projecting an image of strength and competence, the government gives the impression of insecurity and control for its own sake. The sacking of trade envoys – posts which previously were barely known or understood by the public – appears to many as petty and vindictive. The broader public takeaway is not about Labour’s policy on trade or any other issue, but about its willingness to punish internal dissent.

Lost narrative and missed opportunities

A parallel failure lies in the government’s continuing inability to control or shape the public narrative. Just days before the prime minister decided to suspend his rebels, the government announced £500m for a “better futures fund” to support vulnerable children and families. This could have been a bold declaration of intent for the new government. It could have been a huge win. Yet, it was disconnected from any overarching narrative and proved yet another missed opportunity to champion a new direction for the party and the country.

Instead, media and public attention shifted immediately to the suspensions and sackings, drowning out any potential positive coverage of the government’s messaging. The chancellor’s Mansion House speech – an annual opportunity to set the agenda – fell similarly flat. Rachel Reeves received only insipid headlines before being entirely overshadowed.

Neil Duncan-Jordan speaking in parliament.
Neil Duncan-Jordan, one of the suspended MPs.
Flickr/UK Parliament, CC BY-NC-ND

The government’s inability to sequence and frame its positive announcements, and to anticipate how punitive actions would dominate the news cycle, requires urgent attention. It is not enough to make policy announcements; there must be a coherent story that MPs and the public alike can follow.

Rebellion, dissent and party discipline

The rebellion that sparked this drama was not led by perennial troublemakers, but a group of select committee chairs who are experienced, respected parliamentarians and not easily dismissed as the “usual subjects.” When the government gutted its own benefits bill to quell the backlash, a majority of rebels indeed relented. Only Rachel Maskell (one of the four MPs now suspended) and 46 others persisted in voting against the bill at third reading.

Rachael Maskell in parliament.
Rachael Maskell, now suspended, speaking in parliament in March.
Flickr/UK Parliament, CC BY-NC-ND

Was this really worthy of suspension, especially so early in a new parliamentary session? The government’s justification rests on the need for discipline – that rebels should “play ball” after exacting concessions. But this only works when both government and rebels understand and respect the same rules.

The claim is that the four rebels and three MPs who lost envoy status are persistent rebels, but this is an overreaction. In either case, it is clear the backbenchers felt ignored and undervalued, and that the government failed to take their concerns seriously in the first place.

There is a sense that Labour’s leadership is more interested in enforcing conformity than in building consensus. A true show of strength would be to sit down and discuss with colleagues how differing views can be accommodated, and to have some confidence in your argument and build a narrative around it.

Several warnings about internal unrest were ignored. The Whips Office flagged issues around poverty, pensions, and benefit reform, but these concerns were sidelined by Number 10. Ministers called for a broader anti-poverty strategy but again found themselves ignored. Select committee chairs, who tried for months to initiate constructive dialogue, were only heard in the final days before the bill’s debate.

External threats

Labour’s majority, while impressive, is based on fragile foundations. It won with only a 34% share of the vote. Many of the newly elected MPs are inexperienced and hold wafer thin majorities. A 5% swing against Labour would see more than 100 MPs lose their seats. External threats – an ascendant Reform UK, a possible Corbynista party, and the consolidation of the Liberal Democrats and Greens – compound the sense of fragility.

In this context, disciplining a handful of MPs as some sort of a show of strength to keep putative rebels in line, is not going to work. The government cannot afford to alienate its own MPs.

Labour’s early weeks in government provide a cautionary tale in the risks of prioritising discipline over dialogue, and of losing sight of the narrative that should bind the party and its supporters together. Most Labour MPs want the government to succeed, but early heavy-handedness breeds resentment and undermines unity just when it is most needed.

True political strength lies not in the ability to punish dissent, but in the confidence to accommodate it – building a compelling story that inspires loyalty rather than demands it.

If the government wants its MPs to sing from the same song sheet, it must first establish the melody. The significant achievements of this government – £40 billion more on public services, international trade deals, infrastructure investment, renters’ and workers’ rights, energy initiatives, advances in the living wage, and free school meals – can only resonate if they are woven into a story that MPs and the public can share.

The lesson is clear: discipline without narrative and command without consensus are recipes for internal discord and political decline.

The Conversation

Tony McNulty is a member of the Labour Party.

ref. Starmer’s suspension of ‘rebel’ MPs risks alienating his party in a way he can’t afford – https://theconversation.com/starmers-suspension-of-rebel-mps-risks-alienating-his-party-in-a-way-he-cant-afford-261339

La Terre retient bien plus de chaleur que ne le prévoient les modèles climatiques, et ce n’est pas une bonne nouvelle

Source: The Conversation – France (in French) – By Steven Sherwood, Professor of Atmospheric Sciences, Climate Change Research Centre, UNSW Sydney

Surface de la Terre vue depuis l’espace, on peut observer la fine couche de l’atmosphère qui la recouvre et le Soleil qui brille au-dessus. Nasa, CC BY-NC-ND

L’énergie du rayonnement solaire qui arrive sur Terre est en partie absorbée par son atmosphère, où elle est piégée sous forme de chaleur : c’est l’effet de serre. Mais les modèles climatiques semblent s’être trompés. La chaleur s’accumule désormais deux fois plus vite qu’il y a vingt ans, le double de ce que la théorie prévoyait.


Comment mesurer le changement climatique ? L’une des méthodes consiste à enregistrer la température à différents endroits sur une longue période. Même si cette méthode fonctionne bien, les variations naturelles peuvent rendre plus difficile l’observation de tendances à long terme.

Mais une autre approche peut nous donner une idée très claire de ce qui se passe : il s’agit de suivre la quantité de chaleur qui entre dans l’atmosphère terrestre et la quantité de chaleur qui en sort. Cela revient à dresser le budget énergétique de la Terre, et il est aujourd’hui bel et bien déséquilibré.

Notre étude récente a montré que ce déséquilibre a plus que doublé au cours des vingt dernières années. D’autres chercheurs sont arrivés aux mêmes conclusions. Ce déséquilibre est aujourd’hui beaucoup plus important que ce que les modèles climatiques estimaient.

Au milieu des années 2000, le déséquilibre énergétique était d’environ 0,6 watts par mètre carré (W/m2) en moyenne. Ces dernières années, la moyenne était plus proche de 1,3 W/m2. Cela signifie que la vitesse à laquelle l’énergie s’accumule à la surface de la planète a doublé.

Ces résultats suggèrent que le changement climatique pourrait bien s’accélérer dans les années à venir. Pis, ce déséquilibre inquiétant apparaît alors même que l’incertitude concernant les financements états-uniens d’études du climat menace notre capacité à suivre les flux de chaleur.

Équilibre de ce qui entre et de ce qui sort

Le budget énergétique de la Terre fonctionne un peu comme un compte en banque, où l’énergie sert de monnaie, et peut entrer et sortir. En réduisant les dépenses, on accumule de l’argent sur le compte. La vie sur Terre dépend de l’équilibre entre la chaleur provenant du Soleil et celle qui sort vers l’espace. Cet équilibre est en train de basculer d’un côté.

L’énergie solaire frappe la Terre et la réchauffe. Les gaz à effet de serre qui piègent la chaleur dans l’atmosphère retiennent une partie de cette énergie. Mais la combustion de charbon, de pétrole et de gaz a ajouté plus de deux billions (soit deux mille milliards) de tonnes de CO2 et d’autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Ces gaz emprisonnent de plus en plus de chaleur, l’empêchant de s’échapper.

Une partie de cette chaleur supplémentaire réchauffe la Terre ou fait fondre les banquises, les glaciers et les nappes glaciaires. Mais cela ne représente qu’une infime partie de l’énergie que reçoit la Terre : 90 % de cette chaleur est absorbée par les océans en raison de leur énorme capacité calorifique.


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La Terre perd naturellement de la chaleur de plusieurs manières. L’une d’entre elles consiste à réfléchir la chaleur entrante sur les nuages, la neige et la glace et à la renvoyer dans l’espace. Notre planète perd aussi une partie de son énergie sous forme de rayonnement infrarouge qui est également émis vers l’espace.

Depuis le début de la civilisation humaine jusqu’à il y a tout juste un siècle, la température moyenne à la surface était d’environ 14 °C. Le déséquilibre énergétique qui s’accumule a maintenant fait grimper les températures moyennes de 1,3 à 1,5 °C.

Mesurer le bilan énergétique depuis l’espace et sur Terre

Les scientifiques suivent le bilan énergétique de deux manières. Tout d’abord, nous pouvons mesurer directement la chaleur provenant du Soleil et retournant dans l’espace, en utilisant des radiomètres, des instruments embarqués sur des satellites de surveillance. Cet ensemble de données et ses prédécesseurs existent depuis la fin des années 1980.

Ensuite, nous pouvons suivre avec précision l’accumulation de chaleur dans les océans et l’atmosphère en effectuant des relevés de température. Des milliers de flotteurs robotisés ont surveillé les températures dans les océans du monde entier depuis les années 1990.

Les deux méthodes montrent que le déséquilibre énergétique a rapidement augmenté. Ce doublement a été un choc, car les modèles climatiques les plus élaborés que nous utilisons ne prévoyaient pas un changement aussi important et aussi rapide. En général, ils prévoient moins de la moitié du changement que nous observons en réalité.

Pourquoi ce changement si rapide ?

Nous n’expliquons pas encore complètement cette situation. Mais de nouvelles recherches suggèrent qu’un facteur important est à trouver dans les nuages.

Les nuages ont en général un effet de refroidissement. Mais la zone couverte par les nuages blancs très réfléchissants a diminué, tandis que la zone couverte par les nuages épars et moins réfléchissants a augmenté.

On ne sait pas exactement pourquoi les nuages changent. Une explication possible pourrait être les conséquences des efforts fructueux déployés pour réduire la teneur en soufre des carburants utilisés pour le transport maritime depuis 2020, car la combustion de carburants plus sales pourrait avoir eu un effet d’éclaircissement des nuages. Toutefois, l’accélération du déséquilibre du budget énergétique terrestre a commencé avant cette évolution.

Les fluctuations naturelles du système climatique, telles que l’oscillation décennale du Pacifique, pourraient également jouer un rôle. Enfin, et c’est le plus inquiétant, le changement de la nature des nuages pourrait faire partie d’une tendance causée par le réchauffement climatique lui-même : il s’agirait d’une rétroaction positive, qui amplifie le réchauffement.

Des nuages blancs
Les nuages blancs et denses sont ceux qui réfléchissent le plus de chaleur. Mais la zone couverte par ces nuages rétrécit.
Adhivaswut/Shutterstock

Le réchauffement climatique serait-il plus intense que prévu ?

Ces résultats suggèrent que les températures extrêmement élevées de ces dernières années ne sont pas des cas isolés, mais qu’elles pourraient refléter un renforcement du réchauffement au cours de la prochaine décennie, voire pendant plus longtemps encore. Cela signifie qu’il y aura davantage de risques que les événements climatiques soient plus intenses, qu’il s’agisse de vagues de chaleur caniculaire, de sécheresses ou de pluies extrêmes, ou de vagues de chaleur marine plus intenses et plus durables.

Ce déséquilibre pourrait avoir des conséquences plus graves à long terme. De nouvelles recherches montrent que les seuls modèles climatiques qui s’approchent d’une simulation qui reflète les mesures réelles sont ceux dont la « sensibilité climatique » est plus élevée. Ces modèles prévoient un réchauffement plus important au-delà des prochaines décennies, dans les scénarios où les émissions ne sont pas réduites rapidement. Toutefois, nous ne savons pas encore si d’autres facteurs entrent en jeu. Il est encore trop tôt pour affirmer que nous sommes sur une trajectoire de sensibilité élevée.

Continuer à surveiller

Nous connaissons la solution depuis longtemps : arrêter la combustion d’énergies fossiles et supprimer progressivement les activités humaines qui provoquent des émissions, comme la déforestation.

Conserver des données précises sur de longues périodes est essentiel si nous voulons détecter les changements inattendus.

Les satellites, en particulier, constituent notre système d’alerte précoce, car ils nous informent des changements dans les processus de stockage de la chaleur environ une décennie avant les autres méthodes.

Mais les coupes budgétaires et les changements radicaux de priorités aux États-Unis pourraient menacer la surveillance essentielle du climat par satellite.

The Conversation

Steven Sherwood a reçu des financements du Conseil australien de la recherche et de la Mindaroo Foundation.

Benoit Meyssignac a reçu des financements de la Commission européenne, de l’Agence spatiale européenne (ESA) et du CNES.

Thorsten Mauritsen a reçu des financements du Conseil européen de la recherche (ERC), de l’Agence spatiale européenne (ESA), du Conseil suédois de la recherche, de l’Agence spatiale nationale suédoise et du Centre Bolin pour la recherche sur le climat.

ref. La Terre retient bien plus de chaleur que ne le prévoient les modèles climatiques, et ce n’est pas une bonne nouvelle – https://theconversation.com/la-terre-retient-bien-plus-de-chaleur-que-ne-le-prevoient-les-modeles-climatiques-et-ce-nest-pas-une-bonne-nouvelle-260357

Filtres UV, métaux, pesticides… Les récifs coralliens au défi de la pollution chimique

Source: The Conversation – France (in French) – By Karen Burga, Cheffe de projet, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)

De plus en plus de crèmes solaires se présentent comme « respectueuses » de l’environnement. Est-ce vraiment le cas ? En 2023, une expertise de l’Anses a mis en évidence les risques posés par plusieurs substances chimiques pour le milieu marin, et en particulier pour les récifs coralliens. En cause, des pesticides, des métaux, mais également des filtres UV utilisés dans les crèmes solaires, comme le salicylate de 2-éthylhexyle, l’enzacamène, l’octocrylène, la benzophénone-3 et l’octinoxate.


Toutes sortes de substances chimiques terminent leur vie dans les océans : métaux, pesticides, mais également les molécules servant de filtres UV dans les crèmes solaires. Tous ces polluants peuvent affecter la biodiversité marine et notamment les récifs coralliens, déjà mis à mal par le changement climatique.

Face à ces préoccupations, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié, en 2023, une évaluation, avec l’appui de l’Office français de la biodiversité (OFB). L’enjeu : comprendre les risques posés par la pollution chimique sur la santé des coraux.

L’Agence a ainsi évalué les risques pour une cinquantaine de substances parmi la centaine identifiée comme potentiellement toxique pour les coraux. Les résultats sont préoccupants : la moitié des substances évaluées présentent bien des risques pour les récifs coralliens. Parmi celles-ci, on trouve les filtres UV présents dans les crèmes solaires, des métaux et des pesticides.

Avec une mauvaise nouvelle à la clé : le bilan des substances à risque est très probablement sous-estimé.

Les récifs coralliens victimes des pollutions

Les récifs coralliens constituent des écosystèmes cruciaux pour la planète. Même s’ils couvrent moins de 1 % de la surface des océans, ils abritent plus de 25 % de la biodiversité mondiale, comptant parmi les écosystèmes les plus diversifiés de la planète. Malgré leur importance écologique (et les enjeux économiques qui en découlent), les récifs coralliens déclinent.

D’après les Nations unies, il est estimé que 20 % des récifs coralliens mondiaux ont déjà été détruits. Ces écosystèmes font face à des pressions multiples à toutes les échelles spatiales : du niveau local (du fait par exemple des pollutions, de la surpêche, des aménagements côtiers, etc.) au niveau mondial (notamment à cause du changement climatique).

En termes de pollution marine, les coraux sont exposés à diverses substances chimiques provenant de différences sources, ponctuelles ou diffuses. Ces effets éveillent l’intérêt des chercheurs depuis des décennies. Pour mener leur expertise quant aux risques posés par les substances chimiques sur la santé des coraux, l’Anses et l’OFB se sont ainsi appuyés sur une revue de littérature scientifique réalisée par Patrinat.

Ceci a permis d’identifier une centaine de substances pouvant avoir des effets toxiques sur les espèces coralliennes.


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Quelles sont les substances à risque identifiées ?

Commençons par les pesticides. Grâce aux données de surveillance des substances chimiques dans l’eau disponibles pour la Guadeloupe, pour la Martinique, pour La Réunion et pour Mayotte, l’Anses a pu évaluer les risques sur ces territoires. Parmi les 21 substances étudiées :

  • deux pesticides dangereux pour l’environnement marin ont été identifiés, le chlordécone et le chlorpyrifos, surtout en Guadeloupe et Martinique ;

  • le risque ne peut pas être écarté pour huit autres pesticides : TBT, profénofos, perméthrine, naled, monuron, dichlorvos, cyanures et carbaryl.

S’agissant des métaux, des risques ont été identifiés pour six métaux (zinc, vanadium, manganèse, fer, cobalt et aluminium) sur les 12 étudiés.

  • En Martinique, les niveaux d’aluminium, de manganèse et de zinc dépassent les niveaux de référence,

  • pour les autres territoires, il n’est pas possible de déterminer si les concentrations mesurées dans l’eau de ces métaux sont d’origine anthropique ou naturelle.

Ces dernières années, un nouveau type de pollution chimique des récifs coralliens a retenu l’attention du public et des scientifiques : les produits de protection solaire, en particulier les filtres UV.

Crèmes solaires : attention aux allégations commerciales !

Il est difficile d’évaluer les risques pour ces substances, faute de données disponibles quant aux concentrations de ces substances dans les eaux des territoires français ultramarins.

Cependant, sur la base des concentrations rapportées dans la littérature scientifique dans d’autres zones marines, l’expertise a pu identifier cinq filtres UV à risque sur les 11 identifiés par la revue systématique. Il s’agit du salicylate de 2-éthylhexyle, de l’enzacamène, de l’octocrylène, de la benzophénone-3 et de l’octinoxate.

Résultats de l’évaluation des risques et du niveau de confiance associé, conduite pour chaque substance étudiée dans le groupe filtres UV. Niveau de confiance dans le résultat de l’évaluation : très faible : faible, + : moyen, ++ élevé ; case vide : le niveau de confiance n’a pas pu être déterminé.
Fourni par l’auteur

Dans ce groupe, l’enzacamene est reconnu comme un perturbateur endocrinien. Et cela non seulement pour la santé humaine, mais aussi pour l’écosystème marin. Les autres substances sont, elles aussi, suspectées d’être des perturbateurs endocriniens. Elles font actuellement l’objet d’évaluations par les États membres de l’Union européenne dans le cadre du règlement Registration, Evaluation, Authorization of Chemicals (REACH).

Les produits solaires contenant, par exemple, de l’octocrylène ne doivent pas être présentés comme étant sans danger pour les milieux aquatiques auprès des consommateurs.
Dimitrisvetsikas1969/Pixabay

Concernant l’octocrylène en particulier, la France constitue actuellement un dossier de restriction pour les usages cosmétiques auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA). Ceci tient aux risques identifiés, en particulier pour le milieu aquatique.

Ceci a des implications très claires : les produits solaires contenant des substances identifiées dans cette expertise comme à risque pour les récifs coralliens ne doivent pas prétendre qu’ils sont sans danger pour le milieu marin et qu’ils le respectent.

Une surveillance accrue pour produire plus de données

Une autre leçon de l’expertise tient au nombre de substances chimiques qu’il a été possible d’étudier. Celui-ci est très restreint au regard du nombre de contaminants que l’on peut retrouver dans l’environnement marin.

Cela plaide pour une surveillance accrue des substances chimiques dans le milieu marin des territoires d’outre-mer, en particulier à proximité des récifs coralliens. Il est important de mettre en place ou de renforcer les dispositifs de suivi existants, en particulier dans certains territoires ultramarins.

D’autres groupes de substances présents dans les océans, parmi lesquels les hydrocarbures, les produits pharmaceutiques ou les microplastiques, n’ont pas pu être évalués, par manque de données robustes sur les concentrations retrouvées et leur toxicité pour les coraux. Ainsi, le nombre de substances présentant des risques pour les coraux est très sous-estimé.

Si on veut donner une chance aux récifs coralliens de faire face aux effets du changement climatique, qui seront de plus en plus intenses dans les années à venir, il est essentiel de préserver la qualité de l’eau et d’intensifier la lutte contre les pollutions à toutes les échelles.

Cela passe, par exemple, par une application plus stricte des réglementations liées aux substances chimiques ou encore par le contrôle des rejets vers les océans et par l’amélioration des réseaux d’assainissement des eaux usées.


Cet article s’appuie sur un rapport d’expertise de l’Anses publié en 2023 auquel ont contribué des agents de l’Anses et les experts suivants : C. Calvayrac (Université de Perpignan Via Domitia), J.-L. Gonzalez (Ifremer), C. Minier (Université Le Havre Normandie), A. Togola (BRGM) et P. Vasseur (Université de Lorraine).

The Conversation

Karen Burga ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Filtres UV, métaux, pesticides… Les récifs coralliens au défi de la pollution chimique – https://theconversation.com/filtres-uv-metaux-pesticides-les-recifs-coralliens-au-defi-de-la-pollution-chimique-261214

Les Kurdes face à la déflagration Iran-Israël

Source: The Conversation – France in French (3) – By Iris Lambert, PhD candidate in political sciences and international relations, Sciences Po

Les Kurdes, essentiellement répartis entre l’Iran, l’Irak, la Syrie et la Turquie, disposent dans ces pays de diverses structures politiques, administratives et militaires, et entretiennent des relations complexes entre eux et avec les pouvoirs en place dans leurs pays respectifs. La récente escalade entre Israël et l’Iran a-t-elle pu ranimer le rêve, jamais réalisé, d’un grand Kurdistan indépendant, ou bien cette perspective est-elle désormais largement caduque ?
Entretien avec Iris Lambert, spécialiste du mouvement de libération kurde à Sciences Po.


Après les frappes israéliennes et états-uniennes sur l’Iran, certains analystes ont affirmé que les Kurdes iraniens anticipaient déjà une possible chute du régime de Téhéran. Est-ce aussi votre analyse ?

Iris Lambert : Les Kurdes d’Iran représentent plus ou moins 10 % de la population iranienne, soit quelque 9 millions de personnes. Il s’agit d’environ 25 % des Kurdes du Moyen-Orient. L’Iran est, avec la Turquie, le pays où ils sont le plus nombreux.

Il y a un événement particulièrement important dans l’histoire – et dans l’imaginaire collectif – kurde : c’est la fondation en 1946, dans le Kurdistan iranien, de l’éphémère République de Mahabad. Elle a été présidée par Qazi Muhammad, à l’époque leader du Parti démocratique du Kurdistan d’Iran (PDKI), parti toujours présent aujourd’hui. Cette République de Mahabad a rassemblé des Kurdes venus de différentes régions : Mustafa Barzani, leader kurde irakien, en était le ministre de la défense. Ceci étant, la République a rapidement été renversée par l’armée iranienne. Qazi Muhammad a été pendu et Barzani s’est réfugié en URSS.

Cet épisode a toujours un poids notable aujourd’hui. La République de Mahabad illustre le fait que les Kurdes d’Iran sont organisés politiquement, depuis très longtemps. Les quatre principaux partis actuels sont le PDKI, le Komala (Parti des travailleurs du Kurdistan d’Iran), le Parti pour une vie libre au Kurdistan (PJAK) et le Parti de la liberté du Kurdistan (PAK).

Le PDKI est le principal des quatre. Son ancien chef et figure emblématique, Abdul Rahman Ghassemlou, s’est exilé dans les années 1970 et a été assassiné à Vienne en 1989 par des agents de la République islamique d’Iran. Il repose au Père-Lachaise à Paris, et sa tombe est devenue un lieu de recueillement pour de nombreux Kurdes.

Aujourd’hui, beaucoup de membres du PDKI vivent en exil en Europe, notamment en France et aux Pays-Bas. Et beaucoup d’autres vivent dans des camps en Irak. Téhéran, qui accuse le PDKI de fomenter une révolution à partir du territoire irakien, a signé en 2023 avec Bagdad un accord portant sur le désarmement de ces militants kurdes et sur le transfert de leurs camps, qui se trouvaient à la frontière de l’Iran, vers des sites plus éloignés pour éviter toute activité transfrontalière. Cet accord a été partiellement mis en œuvre : les camps ont effectivement été transférés vers l’intérieur de l’Irak, mais tous les militants n’ont pas été désarmés.

Les bases transfrontalières des partis kurdes – celles du PDKI et du Komala en premier lieu – ont été bombardées par Téhéran à partir de 2016 et tout particulièrement à partir de 2022 et du soulèvement consécutif à la mort de Jîna (Mahsa) Amini, qui était kurde, et dont le meurtre a révolté toute la population iranienne – ce fut le fameux mouvement « Femme, Vie, Liberté ».

Les autres partis pèsent moins lourd que le PDKI : le Komala, d’obédience à l’origine marxiste-léniniste, a adopté une ligne politique moins stricte avec les années. Il a beaucoup souffert des bombardements iraniens en 2023. Le PAK, reconnu pour son rôle dans la lutte contre l’État islamique aux côtés des peshmergas irakiens, est aujourd’hui le seul à appeler à un État kurde indépendant, bien que le parti pèse peu, politiquement comme militairement.

Le PJAK, enfin, se revendique d’Abdullah Öcalan, fondateur du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), et du confédéralisme démocratique. C’est l’organisation sœur du PKK en Iran, elle existe depuis 2004. Pour autant, elle ne se considère pas concernée par la récente dissolution du PKK. Le PJAK, très hostile à Téhéran, a estimé que l’action d’Israël en ce mois de juin pourrait offrir une occasion propice à une nouvelle phase de mobilisation en Iran dans le cadre du mouvement Femme, Vie, Liberté. Ce n’était pas une façon de s’aligner sur Tel-Aviv, mais la reconnaissance du fait que l’affaiblissement de la République islamique pourrait servir les intérêts kurdes.

Tous ces partis partagent certaines revendications : une reconnaissance culturelle et juridique, et des droits politiques. Néanmoins, il y a certaines disparités dans le projet politique qu’ils souhaitent mettre en place. Et leur coordination est franchement bancale. Ils ne sont pas tous sur la même ligne, et ils n’arrivent pas à bien s’organiser entre eux.

Après la fin de la « guerre de douze jours », a-t-on observé une répression renouvelée en Iran à l’encontre des Kurdes, dont certains, comme le PAK, s’étaient félicités des frappes israéliennes ?

I. L. : Oui, tout à fait. Il y a eu une attaque en règle du régime de manière générale sur tout ce qui ressemblait de près ou de loin à de l’opposition. Mais les militants kurdes, et les Kurdes en général, ont été particulièrement touchés. Plus de 300 personnes ont été arrêtées dans les régions kurdes.

Il y a eu de nombreuses pendaisons depuis le début des attaques israéliennes, et une partie substantielle des personnes qui ont été pendues étaient des Kurdes. Au moins trois prisonniers politiques ont été exécutés après avoir été accusés d’espionnage au profit d’Israël. De manière générale, les Kurdes d’Iran sont moins bien lotis aujourd’hui qu’avant le 12 juin.

Comment les Kurdes des trois autres pays de la région, où ils sont présents en nombre, ont-ils réagi à l’attaque israélienne puis états-unienne sur l’Iran ?

I. L. : Il y a eu, partout, la conscience du fait que les pays dans lesquels s’inscrivent les régions kurdes ont beaucoup à perdre dans cette séquence. En Irak, par exemple, il y avait une peur que la guerre s’étende au territoire irakien. Le gouvernement régional kurde d’Irak ne veut surtout pas être happé par une guerre régionale.

Il faut rappeler que ce gouvernement est divisé, même territorialement, en deux zones qui sont contrôlées par deux partis politiques : le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Netchirvan Barzani, d’un côté, et l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) de Bafel Talabani, de l’autre. Le PDK s’aligne davantage sur la Turquie, alors que l’UPK se situe plutôt dans une zone d’influence iranienne. Tout cela rend les choses très compliquées en termes de positionnement officiel. Et c’est dans les zones du PDK en Irak que sont installées les bases américaines que l’Iran aurait pu frapper en représailles des attaques des États-Unis.

Enfin, l’Irak, de manière générale, s’est retrouvé très tiraillé entre, d’une part, ses alliés iraniens et, d’autre part, son partenariat sécuritaire avec Washington. Dans ce contexte, les Irakiens dans leur ensemble, et les Kurdes irakiens en particulier, ont plutôt évité de se positionner fermement, tout en condamnant les attaques d’Israël.

La situation est similaire en ce qui concerne l’administration autonome des Kurdes de Syrie : ce sont des alliés des Américains, et il y a des bases américaines sur leur sol. D’où, là aussi, une position de neutralité prudente, ce d’autant plus qu’ils négocient un accord avec Damas, et ce n’est donc pas le moment pour eux de nier la notion de souveraineté de l’État.

Quant aux Kurdes de Turquie, ils ont réagi avec précaution, conscients, d’une part, du discours d’Erdogan – inquiet d’être le prochain sur la liste d’Israël – et, d’autre part, occupés par les enjeux domestiques liés à la mise en place d’un processus de paix entre la Turquie et le PKK.

Le PKK a annoncé sa dissolution il y a un peu plus d’un mois. Quelles ont été, à ce stade, les conséquences concrètes de cette déclaration ? Le mouvement a-t-il réellement déposé les armes et cessé toute opération, ou bien est-il en train de muer vers quelque chose de différent ?

I. L. : L’annonce de la dissolution du PKK a eu lieu après celle d’un cessez-le-feu avec la Turquie. Cette dissolution a été prononcée de manière unilatérale par le PKK, sans contrepartie officielle de la part d’Ankara à ce jour. Des opérations turques de moindre intensité contre les positions du PKK au Kurdistan irakien se poursuivent. Pour plusieurs raisons.

Premièrement, le PKK demande à la Turquie de mettre en place un cadre légal clair – donc un vote au Parlement – avant de complètement se désarmer. Les membres du PKK ont en tête les précédentes tentatives de paix, notamment entre 2013 et 2015, qui ont échoué et abouti à une reprise féroce et sanglante de la lutte armée. Ils savent que ce processus de paix peut s’arrêter. Dès lors, ils craignent que toutes les personnes qui pourraient être amenées à prendre part à ce processus de paix soient ensuite poursuivies si les négociations venaient à échouer. Mais Erdogan exige que le PKK dépose les armes avant toute chose. Le 12 juillet, une trentaine de combattants du PKK ont brûlé leurs armes lors d’une cérémonie symbolique devant attester de leur engagement pour un processus de paix, mais l’événement n’a pas été suivi d’annonces concrètes. Il y a donc une différence de lecture de la situation de part et d’autre, Erdogan considérant que le PKK capitule, tandis que le PKK voit cette phase comme l’aboutissement de la lutte armée.

En Syrie, le nouveau pouvoir a signé le 10 mars dernier un accord avec les structures kurdes. Trois mois et demi plus tard, où en est-on ? Les Kurdes de Syrie peuvent-ils avoir confiance en Ahmed Al-Charaa, le nouvel homme fort de Damas et ancien chef djihadiste ?

I. L. : Évidemment, avec le changement de régime en Syrie, la question d’un accord entre les deux gouvernements du pays – c’est-à-dire entre Damas et l’administration autonome kurde – est revenue sur la table. Mais on a tendance à oublier que l’administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie (AANES, nom officiel du gouvernement dit du Rojava) a toujours cherché une forme d’accord avec Damas. Bachar Al-Assad a systématiquement refusé d’en entendre parler. Ce n’est pas la position des nouvelles autorités de Damas. Rien d’étonnant, dès lors, à ce que les Kurdes de Syrie prennent langue avec ces dernières.

L’accord du 10 mars prévoit l’intégration des institutions civiles et militaires de l’AANES dans l’État syrien. Cet accord doit être appliqué d’ici à la fin de l’année ; il y a encore le temps. Mais les choses avancent déjà.

Il y a un espace qui est une sorte de laboratoire de cette transition : ce sont les quartiers de Cheikh-Maqsoud et d’Achrafieh à Alep. Il y existe un partenariat entre les Assayech (les forces de police kurdes) et les forces de police du nouveau gouvernement, avec notamment des patrouilles communes. Il a aussi des évolutions du côté d’Afrin (nord-ouest de la Syrie), avec un retour des populations kurdes déplacées depuis l’opération turque dite « Rameau d’olivier » en 2018. Il y a des échanges, notamment de pétrole et de gaz, qui ont lieu entre les deux administrations. Des délégations du nouveau gouvernement de Damas ont visité les institutions du nord-est de la Syrie, notamment à Al-Hol…

Cet apaisement peut sembler étonnant car les responsables du nouveau pouvoir syrien ont quand même affronté les Kurdes des années durant…

I. L. : La méfiance ne s’est pas évaporée, bien sûr. Certaines choses ont beaucoup heurté du côté kurde, à commencer par la promotion de certains leaders de factions de l’armée nationale syrienne (ANS) qui ont été intégrés à l’armée régulière. Ces commandants de faction, comme la division al-Hamza ou bien la division Sultan Murad sont responsables de graves crimes commis contre la population kurde, mais ont également été récemment sanctionnés par l’UE pour leur participation aux massacres des alaouites sur la côte syrienne au mois de mars dernier.

Ces gens-là ont très mauvaise réputation, ils ont énormément de sang sur les mains. Mais, malgré cette méfiance que ce type de nomination alimente, le dialogue se poursuit.

Revenons pour finir sur les Kurdes d’Irak…

I. L. : Les Kurdes d’Irak sont ceux qui ont la représentation institutionnelle la plus aboutie. Depuis 2005, il y a une nouvelle Constitution irakienne, adoptée à la suite de l’invasion américaine et de la chute de Saddam Hussein. Ils bénéficient d’un statut politique qui est particulier. Ils ont une région autonome, le Kurdistan irakien, qui est reconnue constitutionnellement, qui dispose de son propre Parlement et de ses propres forces de sécurité, les fameux peshmergas.

Les Kurdes d’Irak sont également représentés au Parlement fédéral à Bagdad. Et traditionnellement, la présidence de la République en Irak revient à un Kurde (aujourd’hui, Abdel Latif Rashid). Cela étant, il existe des conflits. Je l’ai dit, le territoire du Kurdistan irakien est divisé entre deux partis qui sont très hostiles l’un à l’autre, l’UPK et le PDK. Pour passer du territoire de l’un au territoire de l’autre, il faut traverser des checkpoints. Et cette hostilité pèse beaucoup sur le fonctionnement des institutions. Le Parlement kurde ne fonctionne pas : il n’y a pas de lois qui sont passées. Cela pèse beaucoup en retour sur les populations, en affaiblissant la cohésion kurde, et la jeunesse est complètement désenchantée vis-à-vis de ses élites, perçues comme corrompues.

Y a-t-il une émigration importante des Kurdes d’Irak ?

I. L. : Oui, ils sont nombreux à partir pour l’Europe. Les personnes qui traversent la Manche dans les canots qui se renversent, ce sont souvent Kurdes d’Irak.

Globalement, si je vous suis bien, les Kurdes, qu’ils soient de Turquie, d’Iran, d’Irak ou de Syrie, préfèrent avoir une grande autonomie à l’intérieur de ces États, plus qu’un Kurdistan indépendant ?

I. L. : Tout à fait. Cet idéal d’un Kurdistan indépendant n’a pas complètement disparu de l’imaginaire, mais, aujourd’hui, ce n’est plus un projet politique de court ou même de moyen terme. Les priorités des Kurdes sont la reconnaissance de leurs droits politiques et culturels, à commencer par les droits linguistiques, et une amélioration de leurs conditions de vie. La plupart des Kurdes, notamment en Syrie ou en Turquie, n’ont pas pu donner à leurs enfants des prénoms kurdes parce qu’il leur était interdit de parler leur langue, et ils devaient donc « se rabattre » sur des prénoms arabes. Aujourd’hui, ils veulent la reconnaissance culturelle et politique : le grand Kurdistan attendra…


Propos recueillis par Grégory Rayko.

The Conversation

Iris Lambert a reçu des financements du CERI (Sciences Po/CNRS).

ref. Les Kurdes face à la déflagration Iran-Israël – https://theconversation.com/les-kurdes-face-a-la-deflagration-iran-israel-260468

Les influenceurs fitness : nouveaux relais d’opinion pour interpeller les pouvoirs publics sur la santé des jeunes ?

Source: The Conversation – France in French (3) – By Caroline Rouen-Mallet, Enseignant-chercheur en marketing, Université de Rouen Normandie

Posts Instagram de Tibo Inshape, Juju Fitcats et Marine Leleu, trois influenceurs fitness.

Les influenceurs, dont toute l’activité se construit sur la mise en scène de soi, s’autorisent désormais à donner leur avis sur certaines politiques publiques, par exemple sur la santé des jeunes. Comment expliquer que leur parole porte autant ?


Les influenceurs ont construit leur visibilité sur la mise en scène de soi, l’exposition du quotidien et la promotion de produits ou de marques. Leurs vidéos et autres contenus sont devenus incontournables dans la stratégie des entreprises souhaitant toucher un public jeune, mobile et connecté. Les influenceurs fitness, notamment, excellent dans cet univers : leurs corps, leurs routines sportives, leur alimentation deviennent des arguments commerciaux.

Cependant, ces mêmes figures s’autorisent désormais à commenter certaines politiques publiques, voire à émettre des critiques à leur encontre. Lorsque Tibo InShape questionne le président de la République sur la sédentarité ou que JuJufitcat évoque les troubles du comportement alimentaire, c’est toute la mission de l’influenceur qui se redéfinit. Son statut glisse de promoteur à prescripteur, de prescripteur à citoyen engagé. Il n’est plus seulement là pour divertir ou recommander, mais pour alerter, sensibiliser, interpeller.

Pourtant, ce brouillage des rôles génère une tension : certains influenceurs fitness dénoncent les effets d’activités délétères pour la santé des jeunes, qu’ils contribuent pourtant à nourrir. Par exemple, ils utilisent les réseaux sociaux pour encourager le sport… tout en les incitant à rester connectés et sédentaires, devant des écrans. Ils prônent une alimentation équilibrée tout en recommandant des modèles alimentaires restrictifs. On perçoit ici les paradoxes majeurs véhiculés par cette nouvelle pratique de l’influence.

Une autorité sans expertise ? Le pouvoir de la crédibilité perçue

Comment expliquer alors que leur parole porte autant ? Pourquoi ces figures sans formation scientifique ni mandat institutionnel parviennent-elles à capter l’attention et souvent l’adhésion du public jeune ?

La réponse tient en partie dans leur crédibilité perçue. Le projet de recherche Alimentation et numérique (Alimnum), mené auprès de jeunes de 18 à 25 ans, afin d’étudier l’impact de leur consommation numérique sur leur santé, montre que les influenceurs tirent leur légitimité d’une proximité relationnelle forte. Ils s’expriment avec les codes de leur génération, dans un langage accessible, incarné, émotionnel. Leurs récits reposent sur le vécu, le corps, la transformation personnelle.

Là où les campagnes institutionnelles échouent parfois à mobiliser, les influenceurs captent l’attention en racontant leur propre cheminement. Leur autorité n’est donc pas « savante », mais expérientielle : ils ne savent pas « mieux », mais ils ont « vécu ».

C’est ce que valorise notamment la rhétorique du « avant/après », omniprésente dans les contenus fitness, qui met en scène une capacité à se dépasser, à changer, à améliorer son bien-être.

Cette mise en récit autobiographique est d’autant plus efficace qu’elle s’appuie sur une illusion de proximité. Les abonnés ont l’impression de connaître leur influenceur, de suivre sa vie, de partager son intimité.

Les modèles de communication du leadership d’opinion revisités

En apparence, cette proximité semble relever de liens forts entre l’influenceur et son audience. En réalité, elle relève davantage de liens faibles. Les followers (les abonnés) ne connaissent pas personnellement l’influenceur, n’échangent pas en profondeur avec lui, mais interagissent régulièrement : ils likent, commentent, partagent. Or, ce sont précisément ces liens faibles qui permettent la diffusion exponentielle des idées et des comportements.

Cette co-construction de la légitimité des influenceurs par la communauté est centrale. L’influenceur n’est pas imposé d’en haut : il est validé, porté et renforcé par sa communauté, qui l’élit symboliquement comme figure d’autorité et de confiance. Il accède donc au statut de relais d’opinion par un cumul d’interactions virales.

Cette dynamique rappelle le modèle de la communication à deux niveaux, appelé « two-step flow », très utilisé par les professionnels du marketing, dans lequel les médias influencent d’abord un groupe restreint de leaders d’opinion, qui relaient ensuite les messages au grand public. Ce modèle, issu des années 1950, trouve aujourd’hui une résonance nouvelle dans les pratiques numériques contemporaines, en jouant sur une viralité façonnée par les algorithmes.

« Tibo InShape : le business du muscle », (« Le dessous des images », Arte, 2024).

Encouragés par leur communauté, les influenceurs se font dès lors les porte-paroles du mal-être et des difficultés des jeunes auprès des pouvoirs publics. Ce faisant, ils participent à la vulgarisation et à l’appropriation des grands enjeux sanitaires par le grand public, même si cela passe parfois par des simplifications excessives ou des approximations.

En traduisant des messages complexes (santé, nutrition, prévention) en contenus courts, personnalisés, engageants, et en les adaptant aux formats des plateformes (reels, vlogs, stories) et à la sensibilité de leur audience, ils jouent le rôle de véritables relais.

Vers une nouvelle prise en charge de la parole publique

Faut-il se réjouir de cette mobilisation des influenceurs fitness autour de causes collectives ? Leur capacité à toucher des publics éloignés des médias classiques, à provoquer de l’émotion, à générer de l’adhésion, est réelle. Elle permet de réactiver une attention citoyenne dans des espaces où les discours officiels peinent souvent à percer.

Mais cette puissance d’amplification s’accompagne aussi de risques liés à la diffusion de messages flous, biaisés, ou erronés. Leur parole, fondée sur l’expérience plus que sur la démonstration scientifique, peut alors renforcer certaines normes sociales problématiques comme le culte de la performance, l’obsession du corps ou la stigmatisation des corps « non conformes ».

Quoi qu’il en soit, l’intervention de Tibo InShape face au président de la République en mai 2025 marque une étape symbolique dans l’évolution de la parole publique : celle où des personnalités issues de la culture numérique s’arrogent un droit d’expression sur des enjeux d’intérêt général.

Cette dynamique redessine les circuits de légitimation : l’autorité ne vient plus seulement des institutions, mais émerge du réseau, de l’audience, de la viralité. Cela oblige à repenser les relations entre sphère publique et sphère numérique, entre experts, citoyens et nouveaux médiateurs. Cela suppose aussi d’accepter que ces relais d’opinion ne soient ni neutres ni désintéressés, et que leur engagement puisse fluctuer selon les opportunités de visibilité ou de monétisation.

En outre, la légitimité éthique du recours à des figures médiatiques dans les campagnes de santé publique interroge. Quelles responsabilités ces influenceurs doivent-ils assumer, et comment garantir la fiabilité des messages qu’ils véhiculent ? Ces enjeux appellent une réflexion approfondie de la part des professionnels de santé, des chercheurs et des éducateurs impliqués dans la régulation de l’information en santé.


Le projet Alimentation et numérique – ALIMNUM est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. L’ANR a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’ANR.

The Conversation

Caroline Rouen-Mallet est membre de l’Association Française du Marketing (AFM) et de l’Institut du Marketing Social. Elle a reçu des financements de l’Agence Nationale de la Recherche dans le cadre du projet Alimnum.

Pascale Ezan a reçu des financements de Agence Nationale de la Recherche – programme Alimentation et Numérique – ALIMNUM

Stéphane Mallet est membre de l’Association Française du Marketing (AFM). Il a reçu des financements de l’Agence Nationale de la Recherche dans le cadre du projet Alimnum.

ref. Les influenceurs fitness : nouveaux relais d’opinion pour interpeller les pouvoirs publics sur la santé des jeunes ? – https://theconversation.com/les-influenceurs-fitness-nouveaux-relais-dopinion-pour-interpeller-les-pouvoirs-publics-sur-la-sante-des-jeunes-260378

Quand les réseaux sociaux utilisent la législation états-unienne pour contester la réglementation mondiale

Source: The Conversation – France in French (3) – By Yasmin Curzi de Mendonça, Research associate, University of Virginia

Les PDG de Meta, Amazon, Google et X –  de gauche à droite : Mark Zuckerberg, Jeff Bezos, Sundar Pichai et Elon Musk – au premier rang de l’investiture de Donald Trump, le 20 janvier 2025. Ricky Carioti/Pool/Getty Images

Les géants américains de la tech multiplient les recours juridiques pour échapper aux réglementations étrangères, au nom de la liberté d’expression. De plus en plus alignées sur les intérêts politiques de l’administration Trump, ces plateformes contestent la souveraineté numérique des États, comme le montre l’exemple du Brésil.


Les plateformes de réseaux sociaux ne se préoccupent guère des frontières nationales.

Prenons l’exemple de X. Les utilisateurs de ce qui s’appelait autrefois Twitter sont répartis dans le monde entier, avec plus de 600 millions de comptes actifs dans presque tous les pays. Et chaque pays a ses propres lois.

Or, les intérêts des autorités réglementaires nationales et ceux des entreprises technologiques, principalement basées aux États-Unis, sont souvent divergents. Si de nombreux gouvernements ont cherché à imposer des mécanismes de surveillance pour lutter contre des problèmes tels que la désinformation, l’extrémisme en ligne et la manipulation, ces initiatives se sont heurtées à la résistance des entreprises, à des ingérences politiques et à des contestations juridiques invoquant la liberté d’expression comme rempart à la réglementation.

Ce qui se dessine, c’est un affrontement mondial autour de la gouvernance des plateformes numériques. Et dans cette bataille, les plateformes nord-américaines s’appuient de plus en plus sur les lois de leur pays d’origine pour contester les réglementations d’autres pays. En tant qu’experts en droit numérique, dont l’un est directeur exécutif d’un forum qui surveille la manière dont les pays mettent en œuvre les principes démocratiques, nous pensons qu’il s’agit d’une forme d’impérialisme numérique.

Une agitation dans la jungle technologique

La dernière manifestation de ce phénomène s’est produite en février 2025, lorsque de nouvelles tensions ont émergé entre le pouvoir judiciaire brésilien et les plateformes de réseaux sociaux basées aux États-Unis.

Trump Media & Technology Group et Rumble ont intenté un procès aux États-Unis contre le juge brésilien Alexandre de Moraes, contestant ses ordonnances de suspension des comptes sur les deux plateformes liées à des campagnes de désinformation au Brésil.

Cette affaire fait suite à des tentatives infructueuses d’Elon Musk pour s’opposer à des décisions similaires prises par la justice brésilienne.

Ces cas illustrent une tendance croissante selon laquelle des acteurs politiques et économiques états-uniens cherchent à saper l’autorité de régulateurs étrangers en avançant que le droit américain et la protection des entreprises devraient primer sur les politiques de nations souveraines.

Du lobbying des entreprises à la guerre juridique

Au cœur du litige se trouve Allan dos Santos, un influenceur brésilien de droite qui s’est réfugié aux États-Unis en 2021 après que le juge de Moraes a ordonné son arrestation préventive pour avoir, selon les accusations, coordonné des réseaux de désinformation et incité à la violence.

Dos Santos a poursuivi ses activités en ligne depuis l’étranger. Les demandes d’extradition du Brésil sont restées sans réponse, les autorités américaines, estimant que cette affaire relevait de la liberté d’expression et non d’infractions pénales.

La plainte de Trump Media et Rumble vise deux objectifs. D’une part, elle cherche à présenter les actions de la justice brésilienne comme de la censure plutôt que comme de la régulation. D’autre part, elle cherche à présenter l’action du tribunal brésilien comme une ingérence territoriale.

Les plaignants assurent que la personne visée se trouve aux États-Unis, et par conséquent, qu’elle est protégée par le premier amendement de la Constitution des États-Unis. Le fait que la personne soit brésilienne et accusée de propager de la haine et de la désinformation au Brésil ne doit, selon eux, pas être pris en considération.

Pour l’instant, les tribunaux états-uniens leur donnent raison. Fin février, un juge de Floride a estimé que Rumble et Trump Media n’étaient pas tenus de se conformer à la décision brésilienne.

Les géants de la tech contre la régulation

Cette affaire marque un tournant dans la bataille autour de la responsabilité des plateformes : on passe du lobbying traditionnel et de la pression politique à une intervention juridique via les tribunaux américains qui sont utilisés pour contester des décisions prises à l’étranger.

L’issue de ce procès et la stratégie juridique qui le sous-tend pourraient avoir des implications profondes non seulement pour le Brésil, mais aussi pour tout pays ou région, comme l’Union européenne, cherchant à réglementer les espaces numériques.

La résistance à la réglementation numérique ne date pas de l’administration Trump. Au Brésil, les efforts visant à réglementer les plateformes ont longtemps rencontré une forte opposition. Les géants de la tech, notamment Google, Meta et X, ont utilisé leur influence économique et politique pour faire pression contre les nouvelles réglementations, présentant souvent ces mesures comme des menaces contre la liberté d’expression.

En 2020, le projet de loi brésilien sur les fake news, qui visait à responsabiliser les plateformes concernant la diffusion de fausses informations, a suscité une forte opposition de ces entreprises.

Google et Meta ont lancé des campagnes de grande ampleur pour s’opposer au projet de loi, affirmant qu’il « menaçait la liberté d’expression » et « nuisait aux petites entreprises ». Google a placé des bannières sur sa page d’accueil brésilienne invitant les utilisateurs à rejeter la loi, tandis que Meta a diffusé des publicités alertant sur des risques pour l’économie numérique.

Ces efforts, conjugués à du lobbying et à une résistance politique, ont permis de retarder et d’affaiblir le cadre réglementaire.

Collusion entre pouvoir politique et intérêts privés

La nouveauté désormais, c’est que la frontière entre intérêts politiques et intérêts privés est devenue floue.

Trump Media était détenue à 53 % par le président états-unien avant qu’il ne transfère sa participation dans un trust en décembre 2024. Elon Musk, fervent « défenseur de la liberté d’expression » et propriétaire de X, est devenu un membre de facto de l’administration Trump.

Leur ascension politique a coïncidé avec l’utilisation du premier amendement comme bouclier destiné à bloquer les réglementations étrangères des plateformes.

Aux États-Unis, la protection de la liberté d’expression a été appliquée de manière inéquitable, permettant aux autorités de réprimer la dissidence dans certains cas tout en protégeant les discours haineux dans d’autres.

Ce déséquilibre s’étend au pouvoir des entreprises, avec des décennies de jurisprudence favorisant la protection des intérêts privés. La législation a ainsi renforcé la protection de la liberté d’expression des entreprises, une logique qui a ensuite été étendue aux plateformes numériques.

Les défenseurs états-uniens de la liberté d’expression – Big Tech et gouvernement – semblent aujourd’hui pousser cette logique à l’extrême en utilisant les principes juridiques nord-américains contre ceux d’autres nations.

Par exemple, Brendan Carr, président de la Commission fédérale des communications des États-Unis nommé par Donald Trump, s’est inquiété des menaces que le Digital Services Act de l’Union européenne ferait peser sur la liberté d’expression.

Une telle position aurait pu être légitime s’il existait une interprétation universelle de la liberté d’expression. Or, ce n’est pas le cas.

Le concept de liberté d’expression varie selon les pays et les régions. Des pays comme le Brésil, l’Allemagne, la France ou d’autres appliquent un principe de proportionnalité pour juger de la liberté d’expression, mettant en balance ce principe avec d’autres droits fondamentaux tels que la dignité humaine, l’intégrité démocratique et l’ordre public. Ces pays reconnaissent la liberté d’expression comme un droit fondamental et préférentiel, mais ils admettent que certaines restrictions sont nécessaires pour protéger les institutions, les communautés marginalisées, la santé publique ou l’écosystème informationnel.

Si les États-Unis imposent certaines limites à la liberté d’expression, avec les lois sur la diffamation ou l’interdiction d’incitater à des actions illégales imminentes, le premier amendement permet une interprétation plus extensive de la liberté d’expression.

L’avenir de la gouvernance numérique

La bataille juridique autour de la réglementation des plateformes ne se limite pas au conflit entre les entreprises états-uniennes de la tech et le Brésil.

Le Digital Services Act de l’UE et l’Online Safety Act au Royaume-Uni signalent que d’autres gouvernements veulent reprendre le contrôle des plateformes opérant sur leur territoire.

La plainte déposée par Trump Media et Rumble contre la Cour suprême brésilienne représente un moment clé dans la géopolitique mondiale.

Les géants nord-américains de la tech, tels que Meta, tentent de surfer sur la dynamique pro liberté d’expression portée l’administration Trump. Musk, le propriétaire de X, apporte son soutien à des groupes d’extrême droite à l’étranger.

Cette convergence entre les objectifs des plateformes et les intérêts politiques de l’administration Trump marque une nouveau moment dans le débat sur la dérégulation alors que les absolutistes de la liberté d’expression cherchent à établir des précédents juridiques susceptibles de bloquer les futures régulations d’autres pays.

À mesure que les nations élaborent des cadres juridiques pour la gouvernance numérique – comme les régulations sur l’intelligence artificielle au Brésil et dans l’UE – les plateformes, par leurs stratégies juridiques, économiques et politiques, tentent de contrebalancer le poids de l’État de droit.

The Conversation

Camille Grenier est directeur général du Forum sur l’information et la démocratie.

Yasmin Curzi de Mendonça ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Quand les réseaux sociaux utilisent la législation états-unienne pour contester la réglementation mondiale – https://theconversation.com/quand-les-reseaux-sociaux-utilisent-la-legislation-etats-unienne-pour-contester-la-reglementation-mondiale-260432

Research replication can determine how well science is working – but how do scientists replicate studies?

Source: The Conversation – USA – By Amanda Kay Montoya, Associate Professor of Psychology, University of California, Los Angeles

Some research teams work on replicating prior studies to assess the value of a body of work. AzmanL/E+ via Getty Images

Back in high school chemistry, I remember waiting with my bench partner for crystals to form on our stick in the cup of blue solution. Other groups around us jumped with joy when their crystals formed, but my group just waited. When the bell rang, everyone left but me. My teacher came over, picked up an unopened bag on the counter and told me, “Crystals can’t grow if the salt is not in the solution.”

To me, this was how science worked: What you expect to happen is clear and concrete. And if it doesn’t happen, you’ve done something wrong.

If only it were that simple.

It took me many years to realize that science is not just some series of activities where you know what will happen at the end. Instead, science is about discovering and generating new knowledge.

Now, I’m a psychologist studying how scientists do science. How do new methods and tools get adopted? How do changes happen in scientific fields, and what hinders changes in the way we do science?

One practice that has fascinated me for many years is replication research, where a research group tries to redo a previous study. Like with the crystals, getting the same result from different teams doesn’t always happen, and when you’re on the team whose crystals don’t grow, you don’t know if the study didn’t work because the theory is wrong, or whether you forgot to put the salt in the solution.

The replication crisis

A May 2025 executive order by President Donald Trump emphasized the “reproducibility crisis” in science. While replicability and reproducibility may sound similar, they’re distinct.

Reproducibility is the ability to use the same data and methods from a study and reproduce the result. In my editorial role at the journal Psychological Science, I conduct computational reproducibility checks where we take the reported data and check that all the results in the paper can be reproduced independently.

But we’re not running the study over again, or collecting new data. While reproducibility is important, research that is incorrect, fallible and sometimes harmful can still be reproducible.

By contrast, replication is when an independent team repeats the same process, including collecting new data, to see if they get the same results. When research replicates, the team can be more confident that the results are not a fluke or an error.

A diagram with the two definitions of replicability and reproducibility
Reproducibility and replicability are both important, but have key differences.
Open Economics Guide, CC BY

The “replication crisis,” a term coined in psychology in the early 2010s, has spread to many fields, including biology, economics, medicine and computer science. Failures to replicate high-profile studies concern many scientists in these fields.

Why replicate?

Replicability is a core scientific value: Researchers want to be able to find the same result again and again. Many important findings are not published until they are independently replicated.

In research, chance findings can occur. Imagine if one person flipped a coin 10 times and got two heads, then told the world that “coins have a 20% chance of coming up heads.” Even though this is an unlikely outcome – about 4% – it’s possible.

Replications can correct these chance outcomes, as well as scientific errors, to ensure science is self-correcting.

For example, in the search for the Higgs boson, two research centers at CERN, the European Council for Nuclear Research, ATLAS and CMS, independently replicated the detection of a particle with a large unique mass, leading to the 2013 Nobel Prize in physics.

A large array of machinery arranged in a tunnel, as part of a particle detector experiment.
The ATLAS experiment at the Large Hadron Collider at CERN is one of two that led to the discovery of the Higgs boson.
CERN, CC BY

The initial measurements from the two centers actually estimated the mass of the particle as slightly different. So while the two centers didn’t find identical results, the teams evaluated them and determined they were close enough. This variability is a natural part of the scientific process. Just because results are not identical does not mean they are not reliable.

Research centers like CERN have replication built into their process, but this is not feasible for all research. For projects that are relatively low cost, the original team will often replicate their work prior to publication – but doing so does not guarantee that an independent team could get the same results.

A graph showing time on the x axis and COVID-19 cases on the y axis. A line labeled 'placebo group' goes up from zero at a 45-degree angle, while the line labeled 'vaccine group' goes up slightly and then plateaus.
Because the results on vaccine efficacy were so clear, replication wasn’t necessary and would have slowed the process of getting the vaccine to people.
XKCD, CC BY-NC

When projects are costly, urgent or time-specific, independently replicating them prior to disseminating results is often not feasible. Remember when people across the country were waiting for a COVID-19 vaccine?

The initial Pfizer-BioNTech COVID-19 vaccine took 13 months from the start of the trial to authorization from the Food and Drug Administration. The results of the initial study were so clear and convincing that a replication would have unnecessarily delayed getting the vaccine out to the public and slowing the spread of disease.

Since not every study can be replicated prior to publication, it’s important to conduct replications after studies are published. Replications help scientists understand how well research processes are working, identify errors and self-correct. So what’s the process of conducting a replication?

The replication process

Researchers could independently replicate the work of other teams, like at CERN. And that does happen. But when there are only two studies – the original and the replication – it’s hard to know what to do when they disagree. For that reason, large multigroup teams often conduct replications where they are all replicating the same study.

Alternatively, if the purpose is to estimate the replicability of a body of research – for example, cancer biology – each team might replicate a different study, and the focus is on the percentage of studies that replicate across many studies.

These large-scale replication projects have arisen around the world and include ManyLabs, ManyBabies, Psychological Accelerator and others.

Replicators start by learning as much as possible about how the original study was conducted. They can collect details about the study from reading the published paper, discussing the work with its original authors and consulting online materials.

The replicators want to know how the participants were recruited, how the data was collected and using what tools, and how the data was analyzed.

But sometimes, studies may leave out important details, like the questions participants were asked or the brand of equipment used. Replicators have to make these difficult decisions themselves, which can affect the outcome.

Replicators also often explicitly change details of the study. For example, many replication studies are conducted with larger samples – more participants – than the original study, to ensure the results are reliable.

Registration and publication

Sadly, replication research is hard to publish: Only 3% of papers in psychology, less than 1% in education and 1.2% in marketing are replications.

If the original study replicates, journals may reject the paper because there is no “new insight.” If it doesn’t replicate, journals may reject the paper because they assume the replicators made a mistake – remember the salt crystals.

Because of these issues, replicators often use registration to strengthen their claims. A preregistration is a public document describing the plan for the study. It is time-stamped to before the study is conducted.

This type of document improves transparency by making changes in the plan detectable to reviewers. Registered reports take this a step further, where the research plan is subject to peer review before conducting the study.

If the journal approves the registration, they commit to publishing the results of the study regardless of the results. Registered reports are ideal for replication research because the reviewers don’t know the results when the journal commits to publishing the paper, and whether the study replicates or not won’t affect whether it gets published.

About 58% of registered reports in psychology are replication studies.

Replication research often uses the highest standards of research practice: large samples and registration. While not all replication research is required to use these practices, those that do contribute greatly to our confidence in scientific results.

Replication research is a useful thermometer to understand if scientific processes are working as intended. Active discussion of the replicability crisis, in both scientific and political spaces, suggests to many researchers that there is room for growth. While no field would expect a replication rate of 100%, new processes among scientists aim to improve the rates from those in the past.

The Conversation

Amanda Kay Montoya is an Associate Professor at the University of California, Los Angeles. She serves on the Board of Directors for the Center for Open Science. She receives funding from the US-National Science Foundation.

ref. Research replication can determine how well science is working – but how do scientists replicate studies? – https://theconversation.com/research-replication-can-determine-how-well-science-is-working-but-how-do-scientists-replicate-studies-260771

Philly’s City Council turned down a new rental inspection program − studies show that might harm tenants’ health

Source: The Conversation – USA – By Gabriel L. Schwartz, Assistant Professor of Health Management and Policy, Drexel University

Tenants who complain to landlords about housing conditions can risk eviction. Photo Jeff Fusco/The Conversation U.S., CC BY-NC-ND

As Philadelphia Mayor Cherelle Parker’s US$2 billion housing plan moves forward, heated debates continue about another set of municipal housing proposals that could transform Philadelphia tenants’ rights.

In June 2025, Philadelphia’s City Council considered three housing bills, collectively known as the Safe Healthy Homes Act. The package was introduced by Nicolas O’Rourke, an at-large council member who belongs to the Working Families Party.

One of the bills authorized the city to create a fund for tenants to relocate if their buildings are condemned by city inspectors. It was signed into law, though it remains unclear how the fund will be financed.

The other two bills stalled. One was an ordinance that would broadly strengthen tenants’ rights, and the other – known as the Right to Repairs – would shift how Philadelphia ensures housing is safe for tenants, empowering the city to proactively inspect rentals for housing code violations.

These bills deal with housing policy, but they’re also matters of public health.

I know this because I am a researcher in Philadelphia who studies how housing affects our health outcomes. And in particular, recent research by myself and others suggests the fate of the Rights to Repairs legislation could have major implications for Philadelphians’ well-being.

Housing protections today

To understand this new evidence, it’s important to first understand the system of housing regulations Philadelphia has now, in the absence of the proposed Right to Repairs legislation.

When a landlord rents an apartment, Pennsylvania law mandates that apartment must be habitable and free of hazards such as mold, cockroaches and dangerous dilapidation.

This legal principle is known as the “implied warranty of habitability.”

All 50 states except Arkansas have some kind of policy like this, though they vary in how much they hold landlords responsible for tenants’ safety.

Under Pennsylvania’s warranty and related municipal law, if conditions deteriorate in a rental property, Philadelphia tenants are first supposed to alert their landlord, who has 30 days to fix the given violation – such as rodents or lead exposure.

If landlords refuse, however, tenants are in a bind. They could file a complaint with the Department of Licenses and Inspections, which might come and issue a citation. Tenants could also file a lawsuit against their landlord, and they are entitled to withhold rent. But all of these options risk provoking your landlord – at potentially high cost.

Invoking your warranty rights as a tenant can therefore be tricky. You have to know your rights, document repair requests in writing, and be willing to take your landlord to task legally.

That’s challenging in a city like Philadelphia, where most renters – outside of a pilot program in some ZIP codes – aren’t guaranteed lawyers in housing court.

Indeed, nationally, 9 in 10 landlords have lawyers in housing cases, while 9 in 10 tenants do not.

The stakes are high for tenants. If they complain, they risk eviction – and that’s amid a shortage of affordable housing in Philadelphia and across the country.

In 2018 alone, according to a local news investigation, Philadelphia landlords filed over 2,000 eviction cases soon after tenants raised habitability issues, despite such retaliatory evictions being illegal. More up-to-date estimates are hard to come by, as these illegal evictions are not systematically tracked.

Tenants have little choice. Philadelphia does not require that an apartment pass an inspection before the city issues rental licenses or certificates of rental suitability. If housing violations arise, it’s on tenants to assert and defend their rights.

A man dressed in dark suit and light blue tie gestures while speaking outdoors at a podium
Philadelphia City Council member Nicolas O’Rourke introduced a housing legislation package guided by three rights – the right to safety, the right to repairs and the right to relocation. Only the right to relocation bill was passed.
Lisa Lake for MoveOn via Getty Images

Do habitability laws work?

Housing quality protections for tenants, in other words, largely boil down to implied warranties of habitability, plus associated fines the city can issue. But this works only if tenants are able to properly document violations, submit complaints and defend themselves from the blowback.

Despite warranties forming the backbone of Philadelphia’s housing quality governance system – and concerns that these laws saddle tenants with unreasonable enforcement responsibilities – little is known about whether warranties are even effective. Do they keep tenants from getting sick due to poor housing conditions?

To find out, fellow researchers and I examined what happened when nine states enacted implied warranty of habitability laws like the one in place in Pennsylvania today. We wanted to know whether renters’ health improved after warranty policies were enacted, compared with other states where such laws didn’t go into effect over the same period.

We also used homeowners as a control group, comparing whether renters’ health uniquely improved when these laws were enacted. Homeowners are useful here because we wouldn’t expect homeowners’ health to be affected by these laws.

Our findings were stark: We found no improvements for renters at all, across a slew of housing-related health outcomes, even 10 years after enactment.

There were no effects on renters’ asthma, respiratory allergies, bronchitis, mental health, hospitalizations, or even less clinical outcomes such as self-rated health.

To be clear, implied warranties of habitability are important laws and are surely helpful for individual tenants. Broadly speaking, however, our findings suggest that these policies simply don’t work.

That is likely especially true in Pennsylvania, a state whose implied warranty of habitability was given an F- by researchers who evaluated the comprehensiveness of states’ policies for protecting tenants’ well-being.

A 2014 study in neighboring New Jersey helps shed light on why these policies fall short.

Researchers there examined 40,000 eviction cases, looking for whether tenants successfully raised implied warranty of habitability violations as a defense. Given how often landlords retaliate after violation complaints are made, one might expect thousands of tenants party to these lawsuits to have invoked their warranty rights.

The result? Only 80 tenants did so – 80 out of 40,000.

In practice, then, existing data paints a bleak picture: The vast majority of tenants lack the financial resources, legal knowledge, alternative housing options or freedom from fear necessary to protect themselves from unsafe conditions at home.

Proactive rental inspections show more success

What policies might work instead? Cities such as Rochester, New York, may provide an answer.

In 2005, Rochester implemented a more proactive rental inspection program to combat their child lead-poisoning crisis – a problem Philadelphia shares.

This meant that Rochester’s municipal inspectors began proactively inspecting rental units on a regular basis and issuing fines for any violations they found. Tenants did not have to file a complaint and therefore weren’t forced into adversarial disputes with their landlords.

The results were dramatic. By 2012, childhood lead poisoning in Rochester had dropped by 85%. This decline was nearly 2.5 times faster than the rest of New York state.

Further, scientists found that units that were inspected every three years had one-third of the rate of housing code violations as units inspected every six years.

Whether the Right to Repair is good policy for Philadelphia is a question for city legislators. But research is increasingly clear: The city’s current housing policies do not protect tenants from unsafe housing, while proactive rental inspections show real promise for fighting persistent housing-related health problems.

Read more of our stories about Philadelphia.

The Conversation

Gabriel L. Schwartz’s research described in this article was funded through a pilot grant from the UCSF Benioff Homelessness and Housing Initiative. UCSF had no role in the design, completion, or reporting of that study. The views expressed in this article solely represent the scientific opinion of the author, and do not necessarily represent the opinion of either UCSF or his employer.

ref. Philly’s City Council turned down a new rental inspection program − studies show that might harm tenants’ health – https://theconversation.com/phillys-city-council-turned-down-a-new-rental-inspection-program-studies-show-that-might-harm-tenants-health-260266