La misogynie, leitmotiv des manifestes extrémistes

Source: The Conversation – in French – By Karmvir K. Padda, Researcher and PhD Candidate, Sociology, University of Waterloo

Fin juin, un adolescent a été arrêté en France, soupçonné d’avoir projeté d’attaquer des femmes au couteau. Au Canada, où l’on observe une augmentation des actes violents motivés par la haine de genre, une chercheuse de l’Université de Waterloo – où, il y a deux ans, un homme a poignardé des participants à un cours d’études sur le genre – a analysé plus de 100 manifestes extrémistes au Canada et aux États-Unis notamment. Conclusion : la misogynie est une référence récurrente des assaillants isolés. Décryptage.


Il y a deux ans, un ancien étudiant de 24 ans est entré dans une salle où se tenait un cours d’études sur le genre à l’Université de Waterloo (province d’Ontorio, au Canada), et a poignardé une professeure ainsi que deux étudiants.

L’attaque a profondément secoué le campus et provoqué une vague d’indignation à travers le Canada. Si beaucoup l’ont perçue comme un acte de violence aussi choquant qu’isolé, une lecture attentive du manifeste de 223 mots rédigé par l’assaillant laisse entrevoir une rhétorique que l’on retrouve dans nombre d’autres passages à l’acte de ce type.

Ce qui en ressort, de manière glaçante, est la manière dont une misogynie profondément ancrée, dissimulée sous le masque du ressentiment et de l’indignation morale, peut mener à une violence idéologique. Bien que court, le manifeste est saturé de rhétorique antiféministe et conspirationniste.

En tant que chercheuse travaillant sur l’extrémisme numérique et la violence fondée sur le genre, j’ai analysé plus de 100 manifestes rédigés par des personnes ayant commis des fusillades de masse, des attaques au couteau, des attaques à la voiture-bélier et d’autres actes d’extrémisme violent motivés par l’idéologie, la politique ou la religion au Canada, aux États-Unis et ailleurs.

Ces assaillants n’appartiennent peut-être pas à des organisations terroristes formelles, mais leurs écrits révèlent des schémas idéologiques récurrents. L’un d’eux ressort nettement : la misogynie.

La misogynie comme « drogue d’initiation »

L’attaque de Waterloo n’est pas un cas isolé. Elle est le reflet d’une augmentation des actes violents motivés principalement par la haine de genre. Des rapports de l’Institute for Strategic Dialogue (un think tank) et de Sécurité publique Canada (le ministère chargé de la sécurité du Canada) montrent que l’extrémisme misogyne est en hausse au Canada. Il est souvent mâtiné de nationalisme blanc, de haine anti-LGBTQIA+ et d’hostilité envers l’État.

Selon la sociologue Yasmin Wong, la misogynie agit désormais comme une « drogue d’initiation » [une expression désignant l’usage de certaines drogues comme porte d’entrée vers des drogues plus dures, ndlr] vers des idéologies extrémistes plus larges. C’est particulièrement vrai en ligne, où la haine et les ressentiments sont cultivés de manière algorithmique.

Dans mon analyse des manifestes recueillis entre 1966 et 2025, la violence fondée sur l’identité de genre apparait dans près de 40 % des textes, soit comme la motivation principale, soit comme une motivation secondaire importante. On retrouve dans ces écrits des expressions directes de haine envers les femmes, les personnes transgenres et queer, ainsi que des références aux mouvements féministes ou LGBTQIA+.

L’extrémisme « à la carte »

L’assaillant de Waterloo ne s’est pas explicitement identifié comme « incel » (contraction en anglais de « involuntary celibate » – célibataire involontaire – désignant une sous-culture en ligne caractérisée par une haine des féministes, accusées d’entraver leur accès sexuel aux femmes), mais les termes utilisés dans son manifeste font étroitement écho à ceux que l’on trouve dans le discours incel et plus largement dans la « manosphère ».

Le féminisme y est présenté comme dangereux, les études de genre comme un endoctrinement idéologique, et les universités comme des champs de bataille dans une prétendue guerre culturelle.




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L’assaillant de Waterloo a détruit un drapeau LGBTQIA+ durant l’attaque, a qualifié la professeure ciblée de « marxiste » et a déclaré à la police qu’il espérait que son geste servirait de « signal d’alarme ».

Il a également fait l’éloge de dirigeants comme le premier ministre hongrois Viktor Orban et l’homme politique canadien d’extrême droite Maxime Bernier en les qualifiant de « based Chads » – un terme d’argot utilisé dans les milieux extrémistes en ligne pour qualifier les hommes dominants et affirmés.




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Au-delà de la rhétorique antiféministe, les écrits de l’assaillant reprennent des narratifs d’extrême droite classiques : peur du « marxisme culturel », mépris pour les élites libérales, et conviction que la violence est nécessaire pour réveiller le public. Il a mentionné des attaques de masse antérieures, dont le massacre d’Utoya et d’Oslo en Norvège en 2011 et l’attaque contre deux mosquées à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, en 2019. Ces deux événements sont fréquemment célébrés dans les espaces d’extrême droite.

Ces références l’inscrivent dans une sous-culture numérique transnationale où la misogynie, la suprématie blanche et la violence idéologique sont valorisées.

Cela reflète un « extrémisme à la carte » : une vision du monde où l’on mélange misogynie, nationalisme blanc, haine du gouvernement et pensée conspirationniste pour justifier la violence.

Déshumanisation des féministes, des universitaires et des personnes LGBTQ+

Les auteurs de manifestes sont souvent considérés comme des « fous » – des personnes dérangées ou socialement instables.

Mais ces manifestes sont des documents précieux pour comprendre comment ces individus justifient la violence et d’où viennent leurs idées. Ils révèlent aussi le rôle des communautés numériques dans la formation de ces croyances.

Les chercheurs peuvent les utiliser pour cartographier des écosystèmes idéologiques. Ces analyses peuvent servir à élaborer des stratégies de prévention.

Le manifeste de Waterloo ne fait pas exception. Il puise dans une trame idéologique bien connue – celle qui déshumanise les féministes, les universitaires et les personnes LGBTQIA+, tout en présentant la violence comme à la fois juste et nécessaire.




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Ce ne sont pas des idées isolées ; ce sont les symptômes d’un écosystème numérique plus vaste, fondé sur la haine en ligne et le conditionnement idéologique.

Attaques délibérées et motivées par l’idéologie

Bien qu’une évaluation psychologique de l’agresseur ait soulevé des questions sur une possible rupture psychotique, aucun diagnostic clinique de psychose n’a été posé. Ses actions – planifier l’attaque, rédiger et publier un manifeste, choisir une cible précise – étaient délibérées et motivées par une idéologie.

Pourtant, l’accusation de terrorisme portée contre lui par les procureurs fédéraux a finalement été abandonnée. Le juge a estimé que ses convictions étaient « trop éparpillées et disparates » pour constituer une idéologie cohérente.

Mais son manifeste reprenait le langage et les cadres idéologiques reconnaissables dans les communautés incel, antiféministes et d’extrême droite. L’idée selon laquelle cela ne constituerait pas une « idéologie » illustre à quel point les cadres juridiques et politiques peuvent être dépassés.

Faire face à un danger persistant

La misogynie ne constitue pas seulement un point de vue, un problème culturel ou émotionnel. Elle fonctionne de plus en plus comme une porte d’entrée idéologique, reliant des frustrations personnelles à des appels plus larges à la violence.

À une époque de hausse des attentats commis par des individus isolés, elle constitue un puissant et redoutable moteur de l’extrémisme.

Si nous continuons à traiter la haine sexiste comme un phénomène périphérique ou personnel, nous continuerons à mal comprendre la nature de la radicalisation violente au Canada. Il faut nommer cette menace et la prendre au sérieux, car c’est la seule façon de nous préparer à ce qui nous attend.

The Conversation

Karmvir K. Padda ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. La misogynie, leitmotiv des manifestes extrémistes – https://theconversation.com/la-misogynie-leitmotiv-des-manifestes-extremistes-260276

Le manioc : de la plante potentiellement toxique d’Amazonie à l’aliment hautement nutritif mondialisé

Source: The Conversation – in French – By Stephen Wooding, Associate professor, University of California, Merced

Un cultivateur montre fièrement son jardin luxuriant de manioc. Stephen Wooding, CC BY-ND

Les anciens peuples autochtones d’Amazonie ont domestiqué le manioc. Ils ont développé des stratégies complexes pour rendre comestible cette plante résistante aux ravageurs et à fort potentiel nutritif mais qui, naturellement, libère du cyanure d’hydrogène et d’autres molécules toxiques.


Les trois cultures de base qui dominent les régimes alimentaires modernes – le maïs, le riz et le blé – sont bien connues des Européens. Cependant, la quatrième place est occupée par un outsider : le manioc.

Peu consommé dans les climats tempérés, le manioc est un aliment clé en nutrition dans les zones tropicales. Il a été domestiqué il y a 10 000 ans dans la partie sud du bassin de l’Amazonie, au Brésil, puis il s’est répandu dans toute cette région. Avec une tige chétive de quelques mètres de haut, une poignée de branches fines et des feuilles modestes en forme de main, il ne paie pas de mine. Pourtant, l’apparence modeste du manioc cache une combinaison impressionnante de productivité, de résistance et de diversité.

Au fil des millénaires, les peuples autochtones l’ont cultivé, à partir d’une plante sauvage envahissante, pour obtenir un végétal qui emmagasine d’immenses quantités d’amidon dans des tubercules semblables à des pommes de terre, pousse dans les sols pauvres de l’Amazonie et se révèle presque invulnérable aux ravageurs.




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Les nombreux atouts du manioc pourraient en faire la culture idéale. Mais il y a un problème : le manioc est hautement toxique.

Comment le manioc peut-il être si toxique et pourtant si présent dans les régimes alimentaires en Amazonie ? L’explication est à chercher dans l’ingéniosité des peuples autochtones. Depuis dix ans, mon collaborateur César Peña et moi-même étudions les jardins de manioc au Pérou, le long du fleuve Amazone et de ses innombrables affluents. Nous avons découvert des dizaines de variétés. Les agriculteurs emploient des stratégies sophistiquées quand ils les cultivent pour gérer leur toxicité et ils ont recours à des méthodes élaborées pour transformer ces produits dangereux en aliments aux propriétés nutritives.

Une longue histoire de domestication

L’un des plus grands défis à relever pour les premiers humains était de trouver de la nourriture en quantité suffisante. Nos ancêtres vivaient de chasse et de cueillette, en poursuivant leurs proies et en récoltant les plantes comestibles dès que l’occasion se présentait. Ils étaient étonnamment doués pour accomplir cette tâche. Si doués que leur population a explosé et s’est répandue au-delà du berceau de l’humanité en Afrique il y a 60 000 ans.

Cependant, des progrès restaient possibles. Chercher de la nourriture coûte des calories. Or, c’est précisément ce que l’on recherche. Ce paradoxe imposait un dilemme : brûler des calories pour trouver de quoi manger ou économiser des calories en restant sur place. Le dilemme semblait quasi insurmontable, jusqu’à ce que les humains trouvent une solution.

Il y a un peu plus de 10 000 ans, ils ont franchi cet obstacle grâce à l’une des innovations les plus transformatrices de l’histoire : la domestication des plantes et des animaux. Les populations ont découvert qu’en apprivoisant les animaux sauvages, il n’était plus nécessaire de les pourchasser. Concernant les espèces végétales, il devenait possible de les cultiver. On était ainsi en mesure d’obtenir des fruits et graines plus gros ou des animaux plus charnus.

Le manioc fut la plante championne de la domestication dans les néotropiques. Après sa domestication initiale, il s’est diffusé dans toute la région, atteignant des sites jusqu’au Panama en quelques milliers d’années. Pour les populations, le cultiver ne supprimait pas totalement le besoin de parcourir la forêt pour se nourrir. Mais cela allégeait considérablement la tâche, en leur garantissant une ressource alimentaire fiable à proximité de leur lieu de vie.

Aujourd’hui, presque toutes les familles rurales à travers l’Amazonie disposent d’un jardin. Si vous vous rendez dans n’importe quel foyer, vous trouverez du manioc qui grille sur le feu, qui est transformé en galette appelée casabe (le terme cassave ou kassav est aussi employé, ndlr), qui fermente pour donner une bière connue sous le nom de masato, ou qui mijote dans des soupes et ragoûts. Mais avant d’intégrer le manioc dans tous ces usages, encore fallait-il apprendre à gérer sa toxicité.

Transformer une plante toxique

L’un des atouts majeurs du manioc – en l’occurrence sa résistance aux ravageurs – repose sur un puissant système de défense. Ce système dépend de deux substances produites par la plante : la linamarine et la linamarase.

Ces molécules du système de défense du manioc sont localisées dans les cellules des feuilles, de la tige et des tubercules, au sein desquelles elles restent généralement inactives. Mais lorsque les cellules du manioc sont endommagées – par la mastication ou l’écrasement – les deux composés réagissent et libèrent une bouffée de produits chimiques toxiques.

Parmi eux, se trouvent le tristement célèbre cyanure d’hydrogène. Ce mélange contient également d’autres molécules nocives, comme des nitriles et des cyanohydrines. Ces composés sont mortels à fortes doses et une exposition chronique peut endommager de façon permanente le système nerveux. Ensemble, ces poisons sont si efficaces qu’ils rendent le manioc quasiment invulnérable aux ravageurs.

Nul ne sait comment les anciens Amazoniens ont résolu ce casse-tête. Mais ces populations ont développé un processus complexe, en plusieurs étapes, pour rendre le manioc comestible.

Cela commence par le râpage des racines remplies d’amidon sur des planches garnies de dents de poisson, d’éclats de roche ou, plus souvent aujourd’hui, de tôle rugueuse. Le râpage simule la mastication par des ravageurs, ce qui déclenche la libération du cyanure et des cyanohydrines, qui s’évaporent dans l’air au lieu d’entrer dans le corps.

Ensuite, le manioc râpé est placé dans des paniers de lavage dans lesquels il est rincé, pressé à la main et égoutté à plusieurs reprises. L’action de l’eau libère davantage de cyanide, nitriles et cyanohydrines, qui sont éliminés par pressage.

Enfin, la pulpe qui en résulte peut être séchée, ce qui la détoxifie encore davantage, ou alors elle est cuite, ce qui achève le processus grâce à la chaleur. Ces étapes sont si efficaces qu’elles sont toujours utilisées dans toute l’Amazonie, des milliers d’années après leur invention.

Une culture prometteuse et en pleine expansion

Les méthodes traditionnelles de râpage, de rinçage et de cuisson utilisées par les Amazoniens sont des moyens sophistiqués et efficaces de transformation d’une plante toxique en un aliment. Mais ces derniers ont poussé leurs efforts encore plus loin, en faisant du manioc une vraie plante domestiquée. Non seulement ils ont inventé des techniques de transformation, mais ils ont également commencé à repérer et sélectionner les variétés les plus intéressantes, en créant ainsi une multitude de types de manioc destinés à des usages variés.

Durant nos voyages, nous avons recensé plus de 70 variétés distinctes de manioc, hautement diversifiées sur le plan physique et nutritionnel. Cela comprend des types de maniocs très toxiques qui nécessitent un hachage et un rinçage laborieux et d’autres qui ont simplement besoin d’être cuits. Aucune variété, cependant, ne peut être consommée crue. Elles diffèrent aussi par la taille de leurs tubercules, leur vitesse de croissance, leur production d’amidon ou encore leur tolérance à la sécheresse.

Cette diversité est précieuse, et les variétés portent souvent des noms fantaisistes. Tout comme les supermarchés proposent des pommes appelées Fuji, Golden Delicious ou Granny Smith, les jardins d’Amazonie regorgent des maniocs nommés bufeo (dauphin), arpón (harpon), motelo (tortue), etc. Ce travail de sélection a ancré le manioc dans la culture et l’alimentation de la région amazonienne, en garantissant sa facilité de gestion et d’utilisation, tout comme la domestication du maïs, du riz ou du blé ont consolidé leur place dans d’autres parties du monde.

Bien que le manioc soit solidement implanté en Amérique du Sud et en Amérique centrale depuis des millénaires, son histoire est loin d’être terminée. À l’ère du changement climatique et des efforts croissants en faveur du développement durable, le manioc émerge comme une culture mondiale prometteuse. Sa durabilité et sa résilience permettent de le cultiver dans des environnements variés, même lorsque les sols sont pauvres, et sa résistance naturelle aux ravageurs limite le besoin de recourir à des pesticides industriels. De plus, si les méthodes traditionnelles de détoxication développées en Amazonie sont parfois lentes, celles-ci peuvent facilement être reproduites et accélérées par les technologies modernes.

De plus, la préférence des cultivateurs amazoniens pour la conservation de divers types de manioc fait de l’Amazonie un réservoir naturel de diversité génétique. Dans le monde moderne, ils peuvent être cultivés pour produire de nouvelles variétés, adaptées à des usages bien au-delà de l’Amazonie. Cet avantage a favorisé les premières exportations de manioc hors d’Amérique du Sud dans les années 1500, et sa culture s’est rapidement étendue à l’Afrique tropicale et à l’Asie.

Aujourd’hui, la production de manioc de pays comme le Nigeria et la Thaïlande dépasse largement celle du Brésil, le plus grand producteur d’Amérique du Sud. Ces succès suscitent l’optimisme quant à la possibilité que le manioc devienne une source de nutrition respectueuse de l’environnement pour les populations du monde entier.

Si le manioc reste peu connu aux États-Unis et en Europe, il gagne du terrain. Il est longtemps resté discret sous la forme du tapioca, une fécule de manioc utilisée en pâtisserie et dans le bubble tea. Il a également fait son apparition dans les rayons des snacks via les chips de manioc et en boulangerie comme farine naturellement sans gluten. Le manioc cru fait également son apparition (parfois sous le nom de yuca) dans les magasins destinés aux populations latino-américaines, africaines et asiatiques.

Trouvez du manioc et goûtez-le. Le manioc vendu en supermarché est parfaitement sûr et les recettes ne manquent pas. En beignets, frites ou gâteaux… les possibilités du manioc sont presque infinies.


Cet article a été coécrit avec César Rubén Peña.

The Conversation

Stephen Wooding a reçu des financements du Projet Amazonas, une organisation à but non lucratif qui soutient des projets humanitaires et de recherche en Amazonie péruvienne.

ref. Le manioc : de la plante potentiellement toxique d’Amazonie à l’aliment hautement nutritif mondialisé – https://theconversation.com/le-manioc-de-la-plante-potentiellement-toxique-damazonie-a-laliment-hautement-nutritif-mondialise-258318

Carboneutre, vraiment ? Le mirage vert des projets de GNL

Source: The Conversation – in French – By Sarah M. Munoz, Chercheuse postdoctorale – Postdoctoral fellow, Université du Québec à Montréal (UQAM)

Une usine de gaz naturel liquéfié (GNL) pourrait voir le jour à Baie-Comeau. Porté par l’entreprise Marinvest Energy, le projet se dit « carboneutre » grâce à un parc éolien. Mais peut-on vraiment verdir l’exportation d’énergies fossiles sans détourner le sens de la transition climatique ?

Selon une enquête du Devoir, la compagnie Marinvest Energy envisage de construire sur la Côte-Nord, en milieu marin, une usine de liquéfaction pour transformer le gaz naturel transporté d’Alberta et destiné à l’exportation. Son argument central ? Le projet serait « carboneutre » grâce à l’ajout d’un parc éolien privé qui alimenterait l’usine en énergie.

Si les détails du projet ne sont pas encore précisés par l’entreprise, Marinvest Energy annonce tout de même la volonté de produire du GNL « sans émission de carbone », afin de réduire l’empreinte du projet industriel. Mais cette rhétorique cache un problème de fond : peut-on réellement parler de carboneutralité dans le cadre de projets d’exportation d’énergies fossiles ?

Chercheuse postdoctorale à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM, j’étudie l’influence discursive et politique de l’industrie fossile et ce type de stratégie rhétorique. Elle consiste à déplacer la conversation vers des solutions technologiques partielles, à favoriser l’acceptabilité sociale d’infrastructures dangereuses, et à donner l’impression d’agir tout en verrouillant nos choix énergétiques.

Une neutralité carbone illusoire

Le projet de Marinvest Energy rappelle celui d’Énergie Saguenay, aussi de GNL Québec, rejeté en 2021 par le gouvernement Legault en raison de ses impacts environnementaux. Ce projet promettait aussi une neutralité carbone, cette fois par l’électrification partielle de ses équipements. La neutralité carbone consiste à réduire à un minimum, à compenser, ou à capturer les émissions de gaz à effet de serre (GES) de manière à en équilibrer la quantité émise avec la quantité retirée de l’atmosphère.

Depuis quelques années, les promoteurs de projets gaziers tentent de faire passer leurs projets pour compatibles avec la lutte climatique. Le discours s’ajuste : on insiste sur les « réductions d’émissions » locales, tout en gardant intact le modèle d’extraction et d’exportation.

Mais ce vocabulaire n’est pas anodin : il sert à verdir l’image d’un combustible fossile et à en accroître l’acceptabilité sociale. Cela s’apparente à de l’écoblanchiment (greenwashing) qui consiste à donner un caractère écoresponsable à des activités industrielles polluantes. Largement employée par les acteurs pétroliers et gaziers, cette rhétorique vise à créer, dans l’imaginaire collectif social et politique, l’illusion d’une compatibilité entre la production continue des énergies fossiles et la lutte contre les changements climatiques.

Or, le GNL reste une source majeure d’émissions de CO2. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), 70 % des émissions associées au GNL proviennent de sa combustion finale, c’est-à-dire à l’étranger, là où il sera utilisé. Autrement dit, même si la production locale est « verte », l’impact climatique principal se produit ailleurs. C’est là tout le paradoxe du discours de carboneutralité : il fragmente les émissions pour mieux en dissimuler l’ampleur.


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Un enjeu d’acceptabilité sociale

Ce type de discours vise aussi à accroître l’acceptabilité sociale du projet. Des études sur les publics canadiens, comme celle de Todd Brunner et John Axsen de l’Université Simon Fraser, ont montré que l’acceptabilité des infrastructures et des diverses énergies fossiles dépend des valeurs environnementales et de la confiance du public envers les compagnies pétrolières et gazières.

En associant le projet à l’énergie éolienne, Marinvest cherche ainsi à l’aligner symboliquement avec les politiques climatiques québécoises et à séduire une population déjà sceptique, comme celle qui s’était opposée à GNL Québec.

Le risque de verrouillage énergétique

Au-delà des enjeux des émissions, les mégaprojets de GNL posent un risque systémique : ils renforcent la dépendance canadienne et québécoise aux énergies fossiles. Le « verrouillage carbone » (carbon lock-in) est un phénomène bien documenté. Il désigne les choix économiques, technologiques ou politiques qui rendent difficile (et coûteux) l’abandon du pétrole et du gaz. Une fois le mégaprojet lancé, les investissements doivent être rentabilisés, et les infrastructures s’imposent pour des décennies.




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L’Institut climatique du Canada rappelle l’importance d’adopter des politiques publiques pour prévenir cette dépendance, mais en souligne la complexité. Certains chercheurs parlent ainsi de « complexe techno-institutionnel » : un enchevêtrement d’intérêts publics et privés qui freine toute transition réelle. Ce complexe entraîne une dépendance durable aux technologies et aux structures institutionnelles liées aux énergies fossiles.

Au Québec, les projets comme GNL Québec, et maintenant celui de Marinvest Energy, ont d’ailleurs été critiqués non seulement pour leur impact local, mais aussi pour leur capacité à vérrouiller la trajectoire énergétique des pays importateurs – et ainsi à prolonger les émissions mondiales.

Pourtant, comme l’explique l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) dans un récent rapport, la neutralité carbone ne fonctionne qu’à l’échelle planétaire. Aucune entreprise ou territoire ne peut donc se dire « carboneutre » en elle-même. La neutralité implique une transformation en profondeur de nos modes de vie, et non l’ajout d’un parc éolien à un projet fossile.

Une transition détournée

« Décarboner » la production d’énergies fossiles sert donc à maintenir un modèle extractiviste en présentant la carboneutralité comme une forme d’engagement climatique. Mais ces récits ne sont pas neutres : ils sont politiques et participent à la continuité des intérêts fossiles. Ils évitent les débats sur les causes réelles du problème, comme notre dépendance structurelle aux hydrocarbures ou l’insuffisance des politiques climatiques actuelles.

Continuer à développer des infrastructures GNL, même en prétendant qu’elles sont carboneutres, contribue ainsi à entretenir ce verrouillage industriel et freine la sortie nécessaire des énergies fossiles.

Or, comme l’a récemment rappelé le secrétaire général des Nations unies António Guterres, l’ère des énergies fossiles responsables du « chaos climatique » doit toucher à sa fin. Face à l’urgence climatique, ce dont nous avons besoin n’est pas de verdir le gaz, mais de le laisser sous terre.

La Conversation Canada

Sarah M. Munoz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Carboneutre, vraiment ? Le mirage vert des projets de GNL – https://theconversation.com/carboneutre-vraiment-le-mirage-vert-des-projets-de-gnl-261446

Justice climatique : la Cour internationale de justice pose un jalon historique

Source: The Conversation – in French – By Sandrine Maljean-Dubois, Directrice de recherche CNRS, Aix-Marseille Université (AMU)

Dans un avis inédit et unanime, la Cour internationale de justice reconnaît que le changement climatique constitue une menace existentielle pour l’humanité. Les États qui cherchent à se soustraire à leurs obligations climatiques peuvent voir leur responsabilité engagée, ce qui ouvre la voie à de futurs contentieux climatiques nationaux.


La Cour internationale de justice (CIJ) a rendu hier 23 juillet 2025 un avis consultatif très attendu sur les obligations des États à l’égard des changements climatiques. Dans cet avis qui constitue un jalon historique, la Cour clarifie les obligations des États : considérant que les changements climatiques constituent un risque existentiel pour l’humanité, elle adopte une interprétation du droit international particulièrement stricte et « pro-climat ».

La CIJ avait été saisie par une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU, adoptée par consensus il y a plus de deux ans, le 29 mars 2023. Inspirée par un collectif d’étudiants ( « Islands Students Fighting Climate Change ») de l’université du Pacifique Sud, cette demande avait été portée à l’ONU par un petit État insulaire du Pacifique, Vanuatu.

Elle fait suite à un premier projet qui avait été porté en 2011 par Palaos et les Îles Marshall, mais n’avait pas abouti pour des raisons politiques. Cette fois, grâce à une intense activité diplomatique, Vanuatu est parvenu à rallier une vaste coalition internationale et à convaincre l’Assemblée générale de l’ONU de saisir la Cour.

De nombreux États ont participé à la procédure, qui a donné lieu aux plus grandes audiences jamais connues par la Cour, avec une centaine d’interventions au total.

Un contexte d’explosion des procès climatiques

Créée en 1945, la Cour est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations unies (ONU). Composée de 15 juges élus pour un mandat de 9 ans, représentant les principaux systèmes juridiques du monde, elle siège à La Haye, aux Pays-Bas. La CIJ peut connaître de procédures contentieuses – elle tranche alors des conflits entre États – ou de procédures consultatives, lorsque des demandes d’avis concernant des questions juridiques lui sont présentées par des organes ou institutions spécialisées des Nations unies, comme c’est le cas ici.

Cette demande s’inscrit dans un contexte d’explosion du nombre de procès dits « climatiques » dirigés contre des États ou des entreprises à l’échelle mondiale.

Plus de 2 300 procès climatiques, en cours ou terminés, ont déjà été recensés aux États-Unis. On en compte également près de 1 300 ailleurs dans le monde, selon la base de données du Sabin Center de l’Université de Columbia.

Le droit international – tout particulièrement l’accord de Paris de 2015 – est souvent invoqué durant ces contentieux, qui se déroulent devant les juges nationaux. L’accord de Paris devient alors l’objet de batailles juridiques pour déterminer comment on doit l’interpréter, à quoi il oblige exactement les États et comment il s’articule avec d’autres obligations internationales (commerce international, investissements internationaux, droit de la mer, droits de l’homme…).




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Récemment, non pas une mais quatre juridictions internationales ont été saisies de demandes d’avis consultatif visant à clarifier le contenu des obligations des États. Par ordre chronologique, il s’agit du Tribunal international du droit de la mer, de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, de la Cour internationale de justice dont il est question dans cet article et de la Cour africaine des droits de l’homme.

Les avis du Tribunal international du droit de la mer et de la Cour interaméricaine des droits de l’homme ont apporté d’utiles précisions. Mais ils n’ont pas tranché toutes les questions posées, car ces tribunaux avaient une compétence limitée.

Ainsi, la Cour interaméricaine n’est compétente que s’agissant des droits de l’homme et pour la vingtaine de pays membres de l’OEA. Le Tribunal international du droit de la mer, pour sa part, a une compétence limitée parce que spécialisée. La Cour internationale de justice a, au contraire, une compétence très large et est universelle.

Que retenir de cet avis de 130 pages ?

La double question qui a été posée à la Cour internationale de justice était extrêmement vaste :

  • Quelles sont les obligations des États, en vertu du droit international, face à la crise climatique ?

  • Quelles sont les conséquences juridiques pour les États en cas de manquement à ces obligations ?

Pour y répondre, la Cour était invitée à appliquer l’ensemble des règles qu’elle considérait comme pertinentes, du droit international du climat au droit de la mer, en passant par les droits humains. Enfin, elle était appelée à clarifier les obligations climatiques des États, non seulement vis-à-vis des autres États, mais aussi des peuples et des individus.

La Cour internationale de justice rappelle les obligations des États face à la crise climatique.

De ce long avis de 130 pages, nous pouvons retenir plusieurs points clés.

Sur les aspects scientifiques, la Cour confirme l’importance des rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Elle note que les États se sont accordés à dire devant elle qu’ils constituaient les meilleures données scientifiques disponibles sur les causes, la nature et les conséquences des changements climatiques. En novembre 2024, la Cour avait d’ailleurs demandé à rencontrer plusieurs membres du Giec pour renforcer sa compréhension des éléments scientifiques.

La Cour mobilise une large palette de normes internationales, tant coutumières (c’est-à-dire non écrites, comme le principe de prévention des dommages) que conventionnelles qui vont bien au-delà de l’accord de Paris. Elle estime ainsi qu’un État non membre d’un traité sur le climat (une allusion aux États-Unis qui ont de nouveau quitté l’accord de Paris sous l’impulsion de Donald Trump), a malgré tout des devoirs en la matière.

Sur les obligations des États, la Cour livre une interprétation très stricte du droit international. Au vu de la « menace urgente et existentielle » que représentent les changements climatiques, la CIJ considère à plusieurs reprises que la marge de discrétion des États doit être réduite. Ils ont des obligations étendues, aussi bien en termes d’atténuation des changements climatiques, que d’adaptation et de coopération :

  • L’objectif de l’accord de Paris, qu’il « convient de suivre » est bien de 1,5°C et non plus « nettement en dessous de 2°C », les États l’ayant notamment acté au cours des dernières COP sur le climat. Dans les mesures qu’ils adoptent, les États doivent prendre dûment compte des intérêts des générations futures et des « conséquences à long terme de certains comportements ».

  • Le niveau d’ambition de leurs contributions nationales n’est donc pas discrétionnaire : les contributions doivent être réellement les plus ambitieuses possibles, progresser de cycle en cycle, et permettre d’atteindre l’objectif de l’accord au bout du compte.

  • Les États doivent prendre les mesures voulues pour atteindre les objectifs de leurs contributions, mais les obligations peuvent toutefois être modulées selon les émissions historiques des États ou leurs niveaux de développement.

  • Les États ont « l’obligation, en vertu du droit international des droits de l’homme, de respecter et de garantir la jouissance effective des droits de l’homme en prenant les mesures nécessaires pour protéger le système climatique et d’autres composantes de l’environnement ».

  • Enfin, les États doivent coopérer, car « les efforts que déploieraient les États sans se coordonner entre eux pourraient ne pas leur permettre d’obtenir des résultats effectifs ».

Vers de futurs contentieux climatiques ?

Sur les conséquences juridiques, la Cour ouvre clairement la voie à de futurs contentieux en confirmant que les États peuvent voir leur responsabilité engagée s’ils ne se conforment pas à leurs obligations.

Pour elle, « le fait pour un État de ne pas prendre les mesures appropriées pour protéger le système climatique contre les émissions de gaz à effet de serre (GES) – notamment en produisant ou en utilisant des combustibles fossiles, ou en octroyant des permis d’exploration ou des subventions pour les combustibles fossiles – peut constituer un fait internationalement illicite attribuable à cet État ».

Elle estime que le droit international exige des États qu’ils mettent fin aux violations et notamment mettent « en œuvre tous les moyens à leur disposition pour réduire leurs émissions de GES » et prennent « toutes autres mesures propres à assurer la conformité à leurs obligations ».

Ils doivent aussi réparer intégralement les dommages causés aux autres États ou aux individus, par une remise en état lorsqu’elle sera possible, et/ou par une indemnisation et/ou par une satisfaction. Cette dernière pourrait ici prendre la forme d’une « expression de regrets, des excuses formelles, une reconnaissance ou une déclaration publique, ou encore en mesure de sensibilisation de la société aux changements climatiques ».

Pour la réparation des dommages, un lien de causalité devra être établi entre les actions ou omissions illicites d’un État et les dommages résultant des changements climatiques. Dans une partie quelque peu élusive, la CIJ reconnaît que c’est plus difficile que pour d’autres pollutions plus locales. Mais elle ajoute que ce n’est pas non plus « impossible » et que cela devra être apprécié in concreto (c’est-à-dire, sur la base d’éléments concrets) dans d’éventuels contentieux climatiques à venir.

Un avis historique

L’avis peut être qualifié d’historique : la Cour ne s’était jamais prononcée sur le sujet, d’autant que ce dernier est sensible. Les COP sur le climat s’essoufflent depuis plusieurs années et que beaucoup d’États reculent dans leurs politiques climatiques voire environnementales, alors même que les conséquences du changement climatique se font sentir de plus en plus vivement.

Les États les plus pauvres et vulnérables, mais aussi les ONG et militants environnementaux avaient des attentes très élevées envers cet avis. Bien que la Cour reste très générale et abstraite dans ses formulations, elle y répond assez largement.

Certes, un avis consultatif n’est pas contraignant en lui-même et les États ne s’y conforment pas toujours, mais il revêt une grande autorité. Adopté à l’unanimité, cet avis pourrait avoir des conséquences politiques et même juridiques.

Il pourrait être mobilisé dans les négociations internationales, et notamment lors des prochaines COP sur le climat. Beaucoup espèrent qu’il poussera au relèvement de l’ambition des politiques climatiques et soutienne leurs positions.

On imagine aussi qu’il va venir alimenter les contentieux climatiques nationaux, et peut-être même motiver certains États à saisir des tribunaux internationaux contre d’autres États.

Néanmoins, la Cour termine son avis en soulignant le rôle certes non négligeable, mais somme toute « limité » du droit international. Elle espère que « ses conclusions permettront au droit d’éclairer et de guider les actions sociales et politiques visant à résoudre la crise climatique actuelle », mais affirme que :

« [La] solution complète à ce problème qui nous accable, mais que nous avons créé nous-mêmes […] requiert la volonté et la sagesse humaines – au niveau des individus, de la société et des politiques – pour modifier nos habitudes, notre confort et notre mode de vie actuels et garantir ainsi un avenir à nous-mêmes et à ceux qui nous suivront. »

Elle engage ici une réflexion sur le rôle du juge, du droit, mais aussi sur leurs limites face à cet enjeu de civilisation.

The Conversation

Sandrine Maljean-Dubois a reçu des financements de l’Agence nationale de la recherche pour le projet PROCLIMEX.

Elle a été avocat-conseil de la République démocratique du Congo dans cette affaire.

ref. Justice climatique : la Cour internationale de justice pose un jalon historique – https://theconversation.com/justice-climatique-la-cour-internationale-de-justice-pose-un-jalon-historique-261870

Guerre d’Algérie : ce que les difficultés d’accès aux archives disent de notre démocratie

Source: The Conversation – in French – By Christophe Lafaye, Chercheur associé au laboratoire LIR3S de l’université de Bourgogne-Europe, Université de Rouen Normandie

Préparation du gazage d’une grotte, en décembre&nbsp;1959, dans le secteur de Tolga, par la section armes spéciales de la 71<sup>e</sup>&nbsp;compagnie de génie de zone, chargée de mettre en œuvre des gaz toxiques. Fourni par l’auteur

Les chercheurs et les citoyens rencontrent de sérieux problèmes pour accéder aux archives contemporaines du Service historique de la défense (SHD). En effet, l’ouverture des archives les plus délicates sur la guerre d’Algérie (1954-1962) pose des problèmes. Les réticences se cristallisent autour de questions sensibles, comme celles du renseignement, des crimes de guerre, de l’emploi des armes spéciales (nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques) ou des sites d’essais nucléaires et chimiques.


L’obstruction de l’accès aux archives s’inscrit dans un mouvement général de réduction des libertés publiques au sein des démocraties occidentales et d’un affaiblissement de la représentation nationale dans le contrôle de la communicabilité des archives publiques au profit des ministères autonomes dans la gestion de leurs fonds.

Cette crise intervient dans un temps d’affaiblissement des libertés académiques et plus globalement des universités publiques, par le biais de leur sous-financement chronique ou de leur vassalisation progressive aux ministères pourvoyeurs de subsides. Les difficultés rencontrées dans nos travaux sur la guerre chimique en Algérie illustrent ces dangers qui guettent notre démocratie.

Apparition des archives incommunicables

Le régime de l’accès aux archives est régi par la loi du 3 janvier 1979. Ces dispositions sont modifiées par la loi du 15 juillet 2008, qui pose en principe la libre communication des archives publiques (article L. 213-1 du Code du patrimoine). Des exceptions sont prévues pour allonger le seuil de libre communicabilité des documents (art. L. 213-2), en fonction de leur nature (de 25 à 100 ans). Fait surprenant, le Code du patrimoine crée une nouvelle catégorie d’archives incommunicables et sans possibilité de dérogation :

« Ne peuvent être consultées les archives publiques dont la communication est susceptible d’entraîner la diffusion d’informations permettant de concevoir, fabriquer, utiliser ou localiser des armes nucléaires, biologiques, chimiques ou toutes autres armes ayant des effets directs ou indirects de destruction d’un niveau analogue. » (article L. 213-2, II)

Photo d’un carton contenant des archives retirées au nom de l’article 213-2 du Code du patrimoine.
Fourni par l’auteur

Que nous apprend l’étude des archives des débats parlementaires ? Dès l’origine, le législateur cible quatre catégories de documents potentiellement problématiques. Il s’agit de ceux permettant de : « concevoir » (se représenter par la pensée, comprendre) ; « fabriquer » (faire, confectionner, élaborer quelque chose à partir d’une matière première) ; « utiliser » (recourir pour un usage précis) et « localiser » (déterminer la place). Ce projet de loi fait la navette entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Les dialogues lors des travaux en commission puis des échanges publics sont archivés. Il est possible ainsi de mieux comprendre la volonté du législateur.

Le député et président du groupe GDR André Chassaigne s’inquiète des effets d’opportunité offerts par l’article sur les archives incommunicables, pour empêcher les historiens d’examiner les parties les plus sensibles de notre histoire :

« Cet article ne concerne pas uniquement les armes nucléaires, il prévoit aussi d’interdire l’accès à tout document relatif au contenu d’armes chimiques et biologiques comme, par exemple, le gaz moutarde de la Grande Guerre ou l’agent orange – et vous savez tous par qui il est fabriqué… (respectivement par l’Allemagne et les États-Unis). La recherche historique permet parfois de mettre les États face à leur passé, notamment concernant les pages douloureuses de leur histoire. Qu’en sera-t-il si nous freinons par la loi ce nécessaire inventaire ? ».

Dans sa réponse, Jean-Marie-Bockel, alors secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants, précise :

« L’interdiction de communiquer les archives relatives aux armes de destruction massive se comprend aisément. En effet, la recette d’une arme chimique ou bactériologique […] n’est jamais périmée. »

L’intention du législateur est de rendre incommunicables perpétuellement : les documents qui permettent de conceptualiser le fonctionnement d’une arme nucléaire, biologique ou chimique ; ceux qui expliquent comment techniquement les assembler ; ceux qui expliquent comment utiliser ces armes et ceux qui indiqueraient où les trouver. Ce sont essentiellement des archives techniques et non des documents historiques. Malheureusement, plus d’une décennie plus tard, cet article est détourné de son sens.

Fouille d’une grotte par des militaires français de la batterie armes spéciales du 411ᵉ régiment d’artillerie antiaérienne, chargée de mettre en œuvre des gaz toxiques.
Fourni par l’auteur

Le mécanisme de dissimulation et ses conséquences

L’incommunicabilité récente des archives concernant l’usage des armes chimiques en Algérie démontre que les craintes du député Chassaigne étaient fondées. Elle intervient après l’épisode de la « bataille » des archives (2019-2021), conséquence de la fermeture des archives contemporaines du SHD pour répondre à l’injonction du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) de déclassification à la pièce des documents portant une trace de classification depuis 1940.

Ces dispositions visent à empêcher l’ouverture immédiate des archives « secret défense » après 50 ans, prévue dans la loi de 2008. Elle est remportée par les archivistes et les historiens après une saisine du Conseil d’État.

En réponse, de nouvelles dispositions restreignant encore l’accès aux archives du ministère des armées sont adoptées dans la loi du 30 juillet 2021 sur la prévention des actes terroristes (PATR). À cette occasion, un réexamen général de la communicabilité des fonds du SHD est réalisé, et la loi de 2021 autorise même à classifier des archives qui ne portent pas de marque de secret.

Des archives sur la guerre chimique en Algérie, librement communiquées entre 2012 et 2019, sont refermées au titre des archives incommunicables. Les documents inaccessibles perpétuellement sont des comptes rendus d’opérations, de réunions, des journaux de marche d’unités « armes spéciales », des PV de créations d’unités, des listes d’équipements, etc. Nous sommes très loin des archives techniques. Cette dissimulation concerne de nombreuses séries, dont quelques exemples de cartons sont indiqués de manière non exhaustive dans les tableaux suivants.

Exemple des cartons ou de dossiers de la série 1H (Algérie) refermés au titre des archives incommunicables.
Fourni par l’auteur
Exemple de cartons ou de dossiers de la série T (État-major de l’armée de Terre et organismes rattachés) refermés au titre des archives incommunicables.
Fourni par l’auteur
Exemple de cartons ou de dossiers de la série U (journaux de marche et opérations) refermés au titre des archives incommunicables.
Fourni par l’auteur
Exemple de cartons ou de dossiers de la série 2J1 refermés au titre des archives incommunicables. Au bout de deux ans, la communicabilité n’a toujours pas été réexaminée.
Fourni par l’auteur
Exemple de cartons ou de dossiers de la série Q (Secrétariat général de la défense nationale et organismes rattachés) refermés au titre des archives incommunicables.
Fourni par l’auteur

Le principal effet de cette utilisation abusive de l’article sur les archives incommunicables est d’accréditer la thèse d’une volonté du ministère des armées de dissimuler ses archives historiques pour des raisons de réputation ou de prudence excessive. Les recours devant la commission d’accès aux documents administratifs (Cada), même s’ils permettent de clarifier certains principes, ne sont pas suffisants. Lorsque les avis de cette commission indépendante demandent l’ouverture des fonds, ils ne sont pas suivis par le SHD, qui met en avant que ces avis ne sont que consultatifs.




À lire aussi :
Les armes chimiques utilisées par la France pendant la guerre d’Algérie : une histoire occultée


Vers la judiciarisation de l’accès aux archives ?

Les conditions d’accès aux archives du ministère des armées s’opacifient au fil des années. La fermeture des archives de la guerre chimique menée par la France en Algérie illustre cette volonté de soustraire perpétuellement des documents aux regards des chercheurs et des citoyens.

Deux voies semblent s’ouvrir pour sortir de cette impasse :

  • Une première passerait par le recours au tribunal administratif pour obtenir la saisie de la Commission du secret de la défense nationale en vue d’émettre un avis sur la déclassification des fonds. Cette solution demande des moyens et du temps. Pour le ministère des armées, c’est une stratégie dilatoire pariant sur l’essoufflement des demandeurs.

  • Une seconde serait une nouvelle intervention politique pour ouvrir les archives de la guerre chimique en Algérie, à l’image de ce qui a déjà été fait au sujet de Maurice Audin, des portés disparus ou des archives judiciaires.

Mais que reste-t-il du principe d’ouverture de plein droit des archives « secret défense » au bout de cinquante ans, issus de la loi de 2008 ? Plus grand-chose, assurément. Une vraie démocratie ne dissimule pas ses archives historiques. Elle les assume et les regarde en face pour se projeter dans l’avenir.

The Conversation

Christophe Lafaye a reçu des financements du Centre National du Livre (CNL) en 2025.
Docteur de l’université d’Aix-Marseille et chercheur associé à l’université de Bourgogne-Europe.

ref. Guerre d’Algérie : ce que les difficultés d’accès aux archives disent de notre démocratie – https://theconversation.com/guerre-dalgerie-ce-que-les-difficultes-dacces-aux-archives-disent-de-notre-democratie-261053

Japon : Takashi Tachibana, le populiste qui veut « faire exploser l’audiovisuel public »

Source: The Conversation – in French – By César Castellvi, Sociologue, maîtres de conférences en études japonaises, Université Paris Cité

Takashi&nbsp;Tachibana en campagne, en 2021.
Noukei314/Wikipédia, CC BY-NC

Au Japon, les élections à la Chambre des conseillers se sont achevées le 20 juillet, se soldant pour le premier ministre Shigeru Ishiba par une perte de sa majorité à la Chambre haute, une première depuis quinze ans. Dans un contexte d’inflation du prix du riz, de taxes douanières américaines et de nombreux scandales politiques, les partis d’extrême droite, populistes et anti-immigration, ont réalisé une percée. S’il n’a pas réussi à obtenir de siège lors de cette élection, le candidat Takashi Tachibana et son mouvement, le « Parti qui protège la population de la NHK », incarnent certaines des nouvelles tendances qui marquent le monde politique japonais.


Fondé en 2013, le Parti NHK (NHK-Tō) a fait son cheval de bataille de la dénonciation de la principale chaîne de télévision du pays, la Nippon Hōsō Kyōkai ou NHK, l’unique groupe audiovisuel public du pays. Devenu une figure incontournable de la scène médiatique nippone, le mouvement de Takashi Tachibana incarne deux dynamiques révélatrices des mutations politiques depuis les années 2010 : (1) l’émergence de nouveaux acteurs misant très largement sur les réseaux sociaux pour obtenir des voix ; (2) l’apparition de représentants outsiders, porteurs d’un discours anti-establishment mêlant opportunisme politique et conservatisme.

Né en 1967 à Osaka, Takashi Tachibana rejoint le groupe NHK en 1986 et intègre son service comptabilité au milieu des années 2000. C’est à cette époque qu’il apparaît pour la première fois dans les médias, d’abord comme source anonyme dans la presse à scandale, puis en tant que lanceur d’alerte dénonçant publiquement les méthodes de recouvrement qu’il juge abusives au sein de la chaîne publique.

La première tentative de Takashi Tachibana pour entrer en politique remonte au début des années 2010, lorsqu’il se porte candidat à des élections locales dans le département d’Osaka. Se présentant d’abord comme journaliste indépendant, puis plus sobrement comme « ancien salarié de la NHK », il occupe ensuite divers mandats locaux dans la région de Tokyo, avant de se faire remarquer lors de sa candidature à la mairie métropolitaine de Tokyo en 2016. C’est à partir de cette campagne qu’il commence à structurer son programme autour d’un slogan percutant, devenu sa signature : « Exploser la NHK ! » Cette formule rappelle le slogan de l’ancien premier ministre Junichirō Koizumi, qui dans les années 2000, voulait faire « exploser le Parti libéral ».

Couverture d’un manuel de technique pour éviter de payer la redevance, publié après la campagne électorale de 2016 pour la mairie de Tokyo.

En juillet 2019, Tachibana réalise son principal succès en entrant à la Chambre haute via le scrutin proportionnel, avec 3,02 % des voix au niveau national. Il perd toutefois son siège peu après, en se présentant sans succès à une élection dans la circonscription de Saitama. Pourtant, malgré une série d’échecs aux élections locales, il parvient à rester très présent dans l’espace public.

Comment un outsider a-t-il pu s’imposer dans un univers politique aussi fermé, avec pour seul mot d’ordre la destruction de l’audiovisuel public japonais ?

D’une chaîne YouTube aux bancs de la Chambre haute

Au début des années 2010, Takashi Tachibana ne dispose d’aucun capital politique. Il mise alors sur la construction d’un capital médiatique pour gagner en visibilité. Après son départ de la NHK, son statut de « journaliste indépendant » lui permet d’être ponctuellement invité par certains médias nationaux comme « spécialiste » de la chaîne, notamment lorsque celle-ci est accusée de collusion avec le pouvoir après la nomination d’un nouveau directeur.

C’est avant tout par une présence continue en ligne que Tachibana construit son capital médiatique. Bien qu’actif sur YouTube dès 2012, soit un an avant la légalisation de l’usage d’Internet en campagne électorale, il ne fonde sa chaîne actuelle qu’en 2018. Forte de plus de 760 000 abonnés et comptant près de 5 000 vidéos, elle est le pilier de son mouvement. Les vidéos, parfois publiées plusieurs fois par jour, se distinguent par leur amateurisme revendiqué : image floue, captation sommaire, décor minimaliste, montrant Tachibana seul ou accompagné, face à un simple tableau blanc couvert de schémas manuscrits.

Poster de campagne affiché dans le département de Hyôgo, « Takashi Tachibana, le Trump japonais. Contre l’immigration ».

Lors de son élection à la Chambre haute en juillet 2019, certaines vidéos de Tachibana dépassent les six millions de vues, devançant parfois celles du premier ministre Shinzo Abe.

Une enquête du quotidien Asahi publiée le 25 juillet 2019 révélait que le recrutement des candidats se faisait sur la base de la capacité à produire des vidéos YouTube, au prix de dérapages tels que ceux déclenchés par la candidate Chizuko Nakaso, également membre du groupe xénophobe « Association des citoyens contre les privilèges des résidents étrangers (Zaitokukai) ». Une stratégie assumée par le candidat : peu importent les propos, pourvu qu’ils fassent parler. Ses vidéos, qui abordent aussi bien la politique locale que les affaires internationales, reviennent toujours à la critique de la NHK. Son ascension repose sur une logique d’allers-retours entre réseaux sociaux et médias traditionnels.

De la critique de la NHK à la critique de l’ensemble des médias

À l’origine, les critiques de Tachibana à l’encontre de la NHK portaient principalement sur la question du paiement de la redevance. Mais dès 2016, il élargit son discours en dénonçant l’ensemble des scandales dans lesquels la chaîne publique a pu être impliquée. Si ce sujet peut sembler secondaire au premier abord, il se révèle plus subtil qu’il n’y paraît.

Depuis les années 2000, la grande chaîne publique japonaise suscite en effet de nombreux mécontentements. Du côté progressiste, elle est jugée trop proche du pouvoir politique, en raison de son mode de fonctionnement, et incapable de remplir un rôle de contre-pouvoir comparable à celui de la BBC britannique. Du côté conservateur, elle incarne l’héritage de la culture d’après-guerre, perçue comme une imposition d’une posture de perpétuelle repentance vis-à-vis des autres pays asiatiques.

À cela s’ajoute la dénonciation, de plus en plus audible, du caractère jugé injuste de la redevance que tout Japonais est tenu de payer dès lors qu’il possède un téléviseur, qu’il regarde ou non la NHK. Cet argument trouve un écho croissant auprès d’une partie de la population confrontée à des difficultés économiques, et notamment chez les jeunes, où la défiance à l’encontre des institutions s’installe. En concentrant son discours sur la chaîne publique, Tachibana parvient ainsi à capitaliser sur un mécontentement certes minoritaire, mais suffisamment répandu pour produire des résultats électoraux, comme ce fut le cas lors des élections à la Chambre des conseillers de 2019.

Si cette stratégie a rencontré un certain succès à la fin des années 2010, la focalisation exclusive sur la NHK montre aujourd’hui ses limites. Cet axe d’attaque ne fait pas consensus, d’autant que la NHK continue d’inspirer une forte confiance chez une large partie de la population. Cette critique récurrente constitue ainsi à la fois la force et la faiblesse du discours de Tachibana et de son mouvement.

Parmi ses stratégies récentes, Tachibana élargit sa critique, qui ne vise plus seulement la NHK mais l’ensemble des médias traditionnels, presse quotidienne et chaînes privées incluses. Cette évolution se reflète dans le slogan de sa campagne de juillet 2025 : « Poursuivre le combat contre les vieux médias, à commencer par la NHK ».

Vidéo de campagne avec le message « le Parti NHK, en lutte contre les médias », chaîne YouTube de Takashi Tachibana, 27 juin 2025 (sous-titres automatiques en français disponibles).

Une partie des vidéos publiées sur sa chaîne YouTube est consacrée à des propos critiques visant des médias plus ou moins précisément ciblés. Sans surprise, ses attaques s’adressent le plus souvent aux journaux ou aux chaînes de télévision qui ne lui ont pas accordé une couverture favorable, que ceux-ci soient d’obédience progressiste comme la chaîne TBS ou conservatrice comme le quotidien Yomiuri.

Tachibana n’est pas seul à cibler les « vieux médias ». Il a ouvert la voie à d’autres figures, comme Shinji Ishimaru, arrivé en deuxième position aux municipales de Tokyo en 2024. Plus récemment, le gouverneur de Hyōgo, Motohiko Saitô, a repris cette stratégie pour sa réélection, avec le soutien de Tachibana dans sa critique de l’establishment.

Mobiliser l’électorat en contestant grâce à Internet l’ordre politique et médiatique établi depuis les années 1950, incarné par la proximité entre le Parti libéral-démocrate et les principaux organes de presse, devient progressivement une stratégie à la mode auprès des candidats appartenant à des mouvements contestataires. Si cette stratégie ne permet pas d’accéder à des postes d’envergure nationale, elle offre néanmoins la possibilité de remporter des sièges lors d’élections locales. On y retrouve les mêmes ressorts que dans la critique de la NHK : capter le soutien de personnes mécontentes, quelles que soient leurs orientations politiques initiales.

Un opportunisme politique sans limite

Lors des élections à la Chambre haute de 2019, Tachibana et son parti avaient délaissé les grands enjeux nationaux, comme la TVA ou la sécurité sociale, pour se focaliser sur leur combat contre la NHK.

Face aux difficultés à réitérer ce succès, son discours s’est progressivement élargi. Lors des élections de juillet 2025, candidat à Hyōgo, Tachibana s’est présenté comme « le Trump japonais », arborant dans ses vidéos la casquette rouge du mouvement MAGA, dans une tentative assumée de capitaliser sur la popularité de l’ex-président américain.

Cette identification à Donald Trump s’accompagnait également d’évolutions notables dans le contenu du message politique, avec l’adoption de propos ouvertement xénophobes à l’encontre de la présence étrangère au Japon. Cette thématique s’est progressivement imposée dans le débat public, notamment sous l’influence du Sanseitō, un parti d’extrême droite aux propos complotistes et xénophobes, actuellement très médiatisé en raison de son bon score lors du scrutin du 20 juillet. À ce propos, il est intéressant de noter que les attaques contre les médias font également partie de la panoplie de ce nouveau parti en vue.

Malgré la perte de vitesse de son mouvement, illustrée par sa récente défaite aux dernières élections, le cas de Tachibana est intéressant en ce qu’il représente l’un des premiers exemples de politicien « youtubeur » ayant réussi un véritable coup politique. Comble de l’ironie, la Loi sur les élections publiques (Kōshoku senkyo hō) oblige la NHK (mais aussi les autres chaînes) à accorder un temps de parole aux candidats du mouvement, alors même que ceux-ci en font leur cible principale. Aussi fantasque qu’il puisse paraître, ce mouvement s’efforce de capter le vote des abstentionnistes en s’attaquant au monde politico-médiatique traditionnel.

La stratégie qui consiste à viser les principales institutions du pays, parmi lesquelles les médias, mais aussi les universités ou la justice, est une tendance globale. Si les mouvements populistes sont longtemps restés marginaux au Japon, les élections à la Chambre des conseillers de 2025 semblent bien être une nouvelle étape de leur montée en puissance.

The Conversation

César Castellvi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Japon : Takashi Tachibana, le populiste qui veut « faire exploser l’audiovisuel public » – https://theconversation.com/japon-takashi-tachibana-le-populiste-qui-veut-faire-exploser-laudiovisuel-public-260217

Une courte histoire du T-shirt à slogan, bannière de nombreuses luttes depuis l’après-guerre

Source: The Conversation – France (in French) – By Liv Auckland, Lecturer in Fashion Communication and Creative Direction for Fashion, Nottingham Trent University

Depuis des décennies, le T-shirt à slogan s’impose comme un puissant vecteur d’expression politique et personnelle. De la guerre du Vietnam aux luttes LGBTQ+, il continue de porter haut les combats de son époque.


Vous avez probablement un tiroir rempli de T-shirts. Ils sont confortables, faciles à assortir, bon marché et omniprésents. Mais le T-shirt est loin d’être basique. Depuis 70 ans, il est utilisé comme outil d’expression de soi, de rébellion et de protestation. Et en 2025, le T-shirt à slogan est aussi puissant qu’il ne l’a jamais été.

Autrefois porté comme sous-vêtement, le T-shirt devient un vêtement à part entière après la Seconde Guerre mondiale. Moulant le corps de jeunes hommes en bonne forme physique, il en vient à symboliser l’héroïsme, la jeunesse et la virilité.

Le T-shirt est adopté par des groupes issus de sous-cultures comme les bikers ou les passionnés de voitures customisées. Il est popularisé par des stars hollywoodiennes comme Marlon Brando et James Dean. Au milieu des années 1950, il devient un symbole de rébellion et de coolitude.

Les punks s’en emparent

À partir des années 1960, les T-shirts à slogans gagnent en popularité aux États-Unis et au Royaume-Uni, et les femmes commencent à les porter à mesure que la mode se fait plus décontractée. À l’ère postmoderne, le langage devient moins fonctionnel et davantage orienté vers l’expression individuelle et l’exploration personnelle. Cette approche ludique du mot, alliée à un accent mis sur le design et le commentaire social, fait du T-shirt une toile idéale pour la défense de la pensée individuelle.

Les slogans pacifistes dominent les T-shirts aux États-Unis pendant la guerre du Vietnam et face à la menace croissante d’un conflit nucléaire. L’un des slogans les plus connus reprend l’affiche de la célèbre campagne de 1969 « War is Over » de John Lennon et Yoko Ono, un T-shirt encore reproduit aujourd’hui. Les messages de paix, qu’ils utilisent des mots ou des symboles, sont restés présents dans notre garde-robe collective, de la haute couture à la mode grand public.

Dans les années 1970, le New York Times qualifie le T-shirt de « support du message », et ce message devient de plus en plus subversif. Les T-shirts à slogans cherchent à provoquer, par l’humour ou la controverse.

Les punks excellent dans cet exercice. Ils construisent ce que le théoricien des sous-cultures Dick Hebdige appelle une « rhétorique de vaurien » (« guttersnipe rhetoric ») dans son étude de 1979 Subculture : The Meaning of Style. Les créateurs Vivienne Westwood et Malcolm McLaren ouvrent la voie à une esthétique DIY où les slogans sont souvent griffonnés, expressifs et remettent en cause les normes sociales.

Le T-shirt à slogan dans la lutte pour les droits LGBTQ+

Les progrès de la fabrication et de l’impression à l’ère postmoderne permettent aussi une impression de masse des slogans, une évolution dont la communauté LGBTQ+ et ses alliés s’emparent.

Parmi les T-shirts à slogans les plus marquants de l’histoire, beaucoup sont créés en réaction à l’épidémie de sida dans les années 1980. Le plus poignant porte simplement la mention « Silence = Death ». D’abord une affiche, le design est ensuite imprimé sur des T-shirts par la Coalition pour libérer le pouvoir contre le sida (connue sous le nom de « Act Up »), pour être porté lors de manifestations.

Les personnes touchées par le sida sont diabolisées et largement ignorées, si bien que la communauté queer doit se tourner vers l’activisme pour obtenir des réponses du gouvernement et de leurs concitoyens. Dans After Silence : A History of Aids through Its Images (2018), l’auteur Avram Finkelstein décrit l’activisme de l’époque comme un « appel et une réponse, une demande de participation » pour les vies en jeu. Dans un monde d’avant Internet, le T-shirt devient une plate-forme pour rendre visible ce combat.

Les années 1980 voient aussi le T-shirt à slogan entrer dans la culture populaire autant que dans l’arène politique, notamment avec les créations de Katharine Hamnett. Connus pour leur coupe ample, ses messages politiques ornent le torse de célébrités comme George Michael et Debbie Harry. En 1984, Hamnett marque l’histoire de la mode en rencontrant la Première ministre Margaret Thatcher avec un T-shirt où l’on peut lire « 58 % Don’t Want Pershing » (« 58 % ne veulent pas de Pershing », dénonçant l’installation de missiles américains Pershing en Europe pendant la guerre froide), une référence à son opposition aux armes nucléaires.

La même année, son design « Choose Life » devient iconique lorsqu’il est porté dans un clip de Wham ! À l’origine, cette phrase renvoie aux enseignements fondamentaux du bouddhisme, mais elle prend un sens plus large dans le contexte de l’épidémie de sida, du thatchérisme et de l’instabilité économique.

Le T-shirt « Choose Life » dans le clip de Wham ! Wake Me Up Before You Go-Go.

Le slogan est ensuite utilisé dans le monologue d’ouverture du film culte Trainspotting (1996), qui se déroule dans un Édimbourg pauvre et marqué par la drogue. Ce design est repris d’innombrables fois, y compris par Hamnett elle-même pour l’association de soutien aux réfugiés Choose Love.

Dans son ouvrage de 2013 Slogan T-shirts : Cult and Culture, l’autrice Stephanie Talbot explique que les T-shirts à slogans peuvent traverser le temps et devenir iconiques. Si le T-shirt « Choose Life » a transcendé les générations, il montre aussi comment le message convoyé par un slogan peut changer selon la personne qui le porte, celle qui le lit, et le contexte dans lequel il est vu. Aujourd’hui, au grand désarroi de Hamnett, « Choose Life » a été récupéré par des militants antiavortement, adoptant un sens différent et basculant de l’autre côté du spectre politique.

Qui peut porter un T-shirt à slogan ?

Quand on porte un T-shirt à slogan, on projette son moi intérieur dans l’espace public, créant une extension de soi qui invite les autres à nous percevoir. Cela crée des opportunités de conflit autant que de lien et de communauté, exposant nos corps – en particulier les corps marginalisés – à un certain risque.

En 2023, par exemple, de nombreux manifestants pacifiques sont arrêtés pour avoir porté des T-shirts Just Stop Oil, montrant à quel point porter un T-shirt à slogan peut être dangereux – voire potentiellement illégal.

L’acteur Pedro Pascal porte le T-shirt « Protect the Dolls » avec un manteau brun
L’acteur Pedro Pascal porte le T-shirt « Protect the Dolls » de Connor Ives.
Fred Duval/Shutterstock

La communauté LGBTQ+ continue néanmoins d’utiliser la puissance de ce support – non pas malgré les changements législatifs, mais à cause d’eux. Le créateur Connor Ives clôture son défilé à la Fashion Week de Londres 2025 avec un T-shirt portant le slogan « Protect the Dolls », à une époque où les vies trans et l’accès aux soins liés au genre sont de plus en plus politisés. Le mot « dolls » est un terme affectueux utilisé dans les milieux queers pour désigner celles qui s’identifient au féminin, y compris les femmes trans.

Après avoir reçu un large soutien, le T-shirt entre en production pour lever des fonds au profit de l’association américaine Trans Lifeline. De nombreuses célébrités l’ont depuis porté, notamment l’acteur Pedro Pascal et le musicien Troye Sivan, pour exprimer leur soutien face aux nombreuses lois restrictives. Dans un monde qui semble de plus en plus chaotique, pour beaucoup, le simple T-shirt reste un espace où exprimer ce que l’on ressent vraiment.

The Conversation

Liv Auckland ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Une courte histoire du T-shirt à slogan, bannière de nombreuses luttes depuis l’après-guerre – https://theconversation.com/une-courte-histoire-du-t-shirt-a-slogan-banniere-de-nombreuses-luttes-depuis-lapres-guerre-261814

Le Sénégal cherche un nouveau souffle économique et diplomatique auprès de la Chine

Source: The Conversation – in French – By Ibrahima Niang, Assistant lecturer, University of Cape Town

La Chine est aujourd’hui le premier partenaire commercial du Sénégal. En se rendant à Pékin pour sa première visite hors d’Afrique du 22 au 27 juin, le Premier ministre Ousmane Sonko a affiché l’ambition d’un Sénégal plus autonome dans ses choix de partenaires. Ibrahima Niang, chercheur en sociologie économique et spécialiste des relations sino-sénégalaises décrypte les objectifs politiques de ce déplacement et les retombées possibles pour le Sénégal, Il évoque également les risques de dépendance et les conditions requises pour un partenariat équilibré avec Pékin.


Que révèle la visite du Premier ministre sénégalais en Chine sur sa nouvelle diplomatie ?

Cette visite du Premier ministre en Chine, sa première hors du continent africain, témoigne de la forte ambition diplomatique du pays. Elle s’est inscrite dans une stratégie de diversification des partenaires économiques. Ce choix intervient dans un contexte marqué par un accent souverainiste croissant au Sahel, perceptible dans les discours et les actes d’États autrefois proches de l’ancienne Métropole.

Par conséquent, il faut y lire un désir de “désoccidentaliser” la diplomatie en la recentrant vers les pays du Sud global dont la tête de pont est la Chine, seconde puissance économique et premier partenaire commercial du Sénégal. C’est aussi une rencontre qui marque vingt années de relations diplomatiques après une période de dix (1995-2005) ans durant laquelle le Sénégal n’entretenait des relations diplomatiques qu’avec Taïwan.

Quels étaient les objectifs clés de la visite du Premier ministre Sonko en Chine ?

Le prétexte de cette visite est une invitation, en tant que dirigeant africain, à venir porter la voix de l’Afrique au Forum d’été de Davos, qui s’est tenu à Tianjin, en Chine. L’objectif était de permettre au leader politique sénégalais d’y présenter les opportunités d’investissement du continent africain, et particulièrement le projet économique du Sénégal: l’Agenda de Transformation 2050.

Le Premier ministre a aussi cherché à nouer des partenariats avec les dirigeants d’entreprises et sociétés chinoises comme Brain Co, Ali Baba afin de les inciter à venir s’installer au Sénégal.

Il a rencontré les dirigeants des grandes banques chinoises comme Export Import Bank, China Developement Bank qui financent des projets actuellement à l’arrêt depuis la publication de la dette colossale de l’État du Sénégal. La Cour des comptes a révélé une dette cachée d’environ 7 milliards de dollars, longtemps sous-estimée, qui alourdit considérablement ses finances publiques.

Il s’agit des projets comme celui de « l’Autoroute de l’eau » du Lac de Guiers vers Dakar, Mbour, Thiès et Touba, sous la responsabilité de Sinohydro et le projet de l’autoroute Mbour-Kaolack, toujours sous la responsabilité de China Road and Bridge Corporation (CRBC).

Enfin, cette visite a permis de renforcer le partenariat stratégique global avec la Chine à la faveur de la rencontre organisée avec le Premier ministre chinois et l’audience avec le président Xi Jinping .

Concrètement, quelles sont les retombées attendues pour le Sénégal ?

Elles sont nombreuses, si l’on en croit le Premier ministre, même si aucun document officiel n’a été publié pour permettre de connaître le montant exact des dons chinois annoncés par le Premier ministre sénégalais. Parmi ces annonces majeures, figurent un accord entre l’État et un constructeur automobile Yutong Yutong et le groupe Zhenhuai Construction, impliquant le Fonds de développement des transports terrestres (FDTT) du Sénégal, l’Association de financement des transports urbains (AFTU) et China Africa Investment and Development (CAID). L’objectif est de moderniser les gares routières et la mise en place d’infrastructures de recharge « vertes » et installer une usine de montage de bus électriques avec une ambition de production de 40.000 bus.

L’autre accord concernant la Sicap, société immobilière appartenant à l’Etat, a pour but la construction d’une usine de matériaux préfabriqués et la réalisation de logements sociaux à Dakar. L’usine, d’une capacité de 10 000 logements par an, sera basée à Huai’an, dans la province de Jiangsu, en Chine. Elle représente un investissement de 100 millions de dollars de la China Africa Investment and Development (CAID) et la formation de techniciens et ingénieurs sénégalais en Chine. La relance des projets à l’arrêt du fait du niveau de la dette est également concernée.

L’engagement du groupe chinois Huawei à accompagner l’État du Sénégal dans son nouveau projet de digitalisation, le New Deal Technologique, s’inscrit dans le cadre de la stratégie numérique nationale, alignée sur l’agenda de transformation du pays. Cet engagement fait suite à la visite du Premier ministre au siège de Huawei à Beijing.

Renforcer la coopération avec la Chine, est-ce aussi prendre le risque d’une dépendance accrue ?

Depuis un demi-siècle, l’économie sénégalaise est demeurée fortement tournée vers l’extérieur. Elle a largement dépendu des importations des importations venant principalement de la France et de la présence de grands groupes industriels français depuis la colonisation jusqu’à aujourd’hui. Ainsi, l’essentiel des produits de la croissance faite au Sénégal est transféré vers l’étranger.

Avec le renforcement de la coopération chinoise, le risque est de remplacer une dépendance par une autre. Les chiffres de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) confirment cette tendance. En 2023, le déficit commercial avec la Chine s’est creusé à 647 milliards de francs CFA. La Chine est désormais le premier partenaire commercial du Sénégal, avec des échanges largement dominés par des produits manufacturés en provenance de Pékin.

Les entreprises chinoises dominent principalement le secteur du numérique, au cœur de la stratégie nationale de digitalisation. Elles sont impliquées dans plusieurs programmes majeurs — e-gov, le système de surveillance des grands axes et avenues du Sénégal, Smart-Sénégal — tous financés par des emprunts contractés auprès de la Chine.

C’est pourquoi cela suscite une certaine inquiétude des partenaires traditionnels du Sénégal. Ils craignent de voir tout le programme des technologies de l’information et de communication finir entre les mains des experts chinois. Même s’il faut reconnaître que ces partenaires dits traditionnels ont un modèle de coopération désuet face à la Chine.

Car les Chinois ont la technologie et l’argent pour financer les projets.
Dans ces conditions le Sénégal ne peut pas se permettre d’attendre des offres qui tardent à venir avec modalités de décaissements trop lourdes.

Quelles sont les conditions pour que le Sénégal tire durablement profit de cette relation ?

Le Sénégal, par la voix de son Premier ministre, dit vouloir s’inspirer du modèle de développement chinois dans son Agenda 2050, un référentiel de développement. Pour cela, il a souligné des accords de partenariat entre les provinces chinoises et les pôles de développement territorial du Sénégal.

Je pense que pour tirer durablement profit de cette relation, il faut être plus ambitieux du coté sénégalais. Au lieu de l’installation d’une usine de montage de bus pour au moins 4000 bus, il aurait été préférable de négocier la création d’unités de fabrication locales, au moins d’une partie des bus et pour certaines pièces.

Ce type de projet n’est pas un véritable transfert de technologies. Pourtant, le pays a déjà une expérience dans ce domaine avec Senbus Industries, développé en partenariat avec Tata. Ensuite, il y a beaucoup à faire en termes d’engagements, de renégociations sur les projets financés sur emprunt chinois. Il est essentiel de faire en sorte que 40 % reviennent aux entreprises locales pour donner un contenu plus significatif pour le contenu local.

Par ailleurs, il est important de revoir les termes des projets financés par des emprunts chinois. L’État pourrait ainsi exiger qu’au moins 40 % des marchés soient attribués à des entreprises locales, afin de renforcer le contenu local et créer de la valeur au niveau national.

The Conversation

Ibrahima Niang does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

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Le réchauffement climatique menace les glaciers, les lacs et les écosystèmes des Pyrénées

Source: The Conversation – in French – By Hugo Sentenac, Maître de Conférence en écologie de la santé, Université Marie et Louis Pasteur (UMLP)

Le lac d’Arlet (1&nbsp;986&nbsp;m) dans les Pyrénées-Atlantiques subit lui aussi un verdissement de ses eaux. Ce mal touche de nombreux lacs, menaçant la biodiversité qu’ils hébergent. Dirk Schmeller/CNRS, Fourni par l’auteur

De récentes études sur les Pyrénées révèlent l’ampleur des changements environnementaux dans les écosystèmes montagnards. Le changement climatique s’avère plus intense que prévu, notamment pour les lacs, où les conditions de vie deviennent difficiles, et pour les glaciers. Les conséquences pourraient être dramatiques pour la biodiversité locale et pour le pastoralisme, mais aussi pour beaucoup de personnes, y compris en dehors des régions montagneuses, qui en dépendent pour leur approvisionnement en eau.


Les montagnes nous rendent chaque jour de nombreux services essentiels. En plus de leur grande valeur culturelle, spirituelle et récréative, elles assurent, entre autres, une provision durable en eau grâce à la neige et à la glace qui alimentent les rivières, ainsi qu’en bois et plantes médicinales. Les montagnes participent à la régulation du climat et offrent des opportunités économiques pour les touristes, grâce à leurs pentes enneigées en hiver, et pour le bétail avec des pâtures enherbées en été.

D’un point de vue écologique, les écosystèmes de montagnes abritent une biodiversité particulière qui s’est adaptée à de rudes conditions. En temps normal, elle contribue à maintenir une eau de bonne qualité en la purifiant. Pourtant, cette biodiversité et les services qu’elle nous rend sont aujourd’hui menacés, notamment par le réchauffement climatique, par le changement d’utilisation des terres, par la pollution et par l’introduction d’espèces non natives. Dans les Pyrénées, ces changements sont déjà flagrants.

Le changement climatique impacte l’eau sous toutes ses formes

Le réchauffement des températures est plus intense en altitude qu’en plaine, et leurs conséquences sur les écosystèmes montagnards sont bien visibles. D’après une étude dans les Pyrénées, rien qu’entre 2020 et 2023, les glaciers ont perdu en moyenne 9 % de leur surface et 2,5 m d’épaisseur, contre 2,4 % et 0,8 m entre 2011 et 2020. Avec les glaciers qui fondent, c’est nos réserves d’eau qui nous filent entre les doigts et qui manqueront pendant les étés chauds et secs.

En effet, une grande partie de l’eau potable consommée par l’agglomération toulousaine provient directement de la Garonne, et donc des Pyrénées. L’eau de la Garonne sert aussi à refroidir les réacteurs nucléaires de Golfech : il faut qu’il y en ait assez et qu’elle soit inférieure à 28 °C pour effectivement les refroidir. Dans le cas contraire, la centrale est mise à l’arrêt, comme cela a été fait le 29 juin 2025 à cause de la canicule.

D’autres écosystèmes, comme les lacs, les étangs et les mares, sont aussi fortement impactés, mais de manière moins évidente.

Notre étude sur 14 lacs, étangs et mares des Pyrénées a montré une augmentation moyenne de leur température de 1,65 °C de 2007 à 2023. C’est-à-dire qu’en seize ans seulement, l’eau a chauffé au-delà de la limite fixée par les accords de Paris de 2015, lors de la COP 21, qui était de 1,5 °C de réchauffement entre le niveau préindustriel et 2100.

Nous allons plus loin en montrant qu’en moyenne, sur la période d’étude, les « canicules aquatiques » ont été plus longues de 48 jours et les températures maximales supérieures de 6,4 °C, et que la durée de la période de gel a diminué de plus de 58 jours. C’est considérable, et cela va entraîner des changements de communautés en éliminant tous les organismes qui ne tolèrent pas les fortes variations de température ou les températures trop chaudes.

Lorsque la température augmente, la circulation de l’eau entre les couches profondes et de surface ne peut plus non plus se faire quand ces dernières sont trop chaudes. Cela peut provoquer une baisse d’oxygène au fond des lacs et entraîner la mort de nombreux organismes.

Enfin, qui dit périodes de gel plus courtes dit périodes d’activité plus longues pour les organismes, dont le métabolisme augmente avec les températures pour les animaux à sang froid, le plancton et les microorganismes. Des organismes adaptés à des conditions de vie montagnardes se retrouvent ainsi brusquement confrontés à de nouvelles modalités dont il est difficile de prévoir les conséquences plus générales.

Trop de facteurs de stress nuisent à la biodiversité, à la qualité de l’eau et à la santé

Le changement climatique est donc, en soi, un problème épineux pour la biodiversité et les socioécosystèmes des montagnes. Ces derniers pourraient s’adapter, mais le problème est que le réchauffement du climat s’accompagne de facteurs de stress supplémentaires : polluants chimiques portés par les précipitations, composés azotés et phosphorés issus des déjections du bétail, introductions de poissons pour le tourisme de la pêche dans les lacs naturellement apiscicoles, ou encore augmentation du tourisme et du pastoralisme.

Dans une récente autosaisine, le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN) d’Occitanie s’inquiète de ces multiples pressions agissant simultanément sur les lacs de montagne, survenues de manière bien trop rapide pour que les écosystèmes s’adaptent. Le conseil déplore le fait que nombre de lacs deviennent verts, certes pour des raisons multifactorielles, mais indiquant que l’écosystème se dégrade et que la qualité de l’eau devient mauvaise.

Récentes proliférations d’algues, en profondeur (à gauche) et en surface (à droite) dans le lac de Bellonguère (1 911 m d’altitude, Pyrénées ariégeoises).
Dirk Schmeller/CNRS, Fourni par l’auteur

Les écosystèmes montagnards sont donc assaillis de toutes parts, ce qui complique la survie des êtres vivants. Par exemple, les amphibiens tendent à se réfugier dans les petites mares pour échapper aux poissons introduits, mais ces mares peuvent devenir des pièges écologiques pour leurs têtards, car elles chauffent et s’assèchent bien plus rapidement que les grands lacs.

Les pressions combinées peuvent engendrer des cascades de modifications dont les effets sont difficilement prédictibles, comme un changement de l’acidité de l’eau, paramètre très important pour les organismes aquatiques, ou encore l’augmentation d’une maladie mortelle chez les amphibiens quand la fonte des glaces survient tôt, ce qui va arriver de plus en plus souvent.

Une petite mare de faible profondeur, près de l’étang d’Arbu (1 726 m d’altitude, Ariège), où les amphibiens tendent à se réfugier et à pondre, ce qui les rend plus vulnérables aux effets du changement climatique.
Dirk Schmeller/CNRS, Fourni par l’auteur

Sans surprise, la biodiversité des lacs d’altitude tend à décliner et, avec elle, la qualité de l’eau. C’est ce que nous avons démontré dans une étude portant sur les biofilms, communautés de microbes vivant sur les roches du fond des lacs.

Dans ces biofilms, la biodiversité des microorganismes a diminué entre 2016 et 2020, mais les cyanobactéries qui y vivent, elles, ont fortement prospéré, notamment celles qui peuvent produire des toxines. Ces bactéries représentent un risque pour la santé de tous les animaux aquatiques, mais aussi pour ceux qui s’abreuvent dans ces lacs ou les personnes qui s’y baignent, ou pire, boivent l’eau sans la traiter.

Agir devient urgent

Pour toutes ces raisons, certains lacs bleus cristallins sont devenus verts et opaques.

Il faut garder à l’esprit que les écosystèmes montagnards, bien qu’hébergeant des ensembles d’espèces uniques, comprennent globalement moins de biodiversité que d’autres écosystèmes du fait de leurs conditions difficiles (fortes variations de température, UV, rareté des nutriments).

Il en résulte que ces écosystèmes possèdent moins de « roues de secours » en cas de coup dur, c’est-à-dire d’espèces qui peuvent remplir les mêmes rôles écologiques. La probabilité d’un effondrement (l’équivalent d’une extinction de l’écosystème) est ainsi plus forte et c’est pourquoi de nombreux milieux montagnards figurent dans la liste rouge des écosystèmes.

Il est donc urgent d’agir pour les socioécosystèmes pyrénéens, et de montagnes en général, avant qu’il ne soit trop tard. La vie dans les montagnes peut s’adapter, mais encore faut-il lui en laisser le temps et la chance en diminuant les facteurs de stress et leur intensité.

La lutte contre le changement climatique doit être menée à l’échelle globale, mais des mesures doivent aussi être mises en place localement comme la limitation de l’empoissonnement des milieux, de la pollution et de la pression pastorale.

C’est en tout cas une des recommandations du CSRPN d’Occitanie, qui préconise aussi un diagnostic des lacs d’altitude et une priorisation en fonction de leur vulnérabilité. La recherche doit accompagner cet objectif pour mieux comprendre comment les pressions agissent simultanément, afin de savoir sur laquelle ou lesquelles cibler les efforts d’atténuation.

Cela passe par une meilleure observation des systèmes naturels, possible grâce aux nouvelles technologies, aux sciences citoyennes et aux efforts de collaboration.

C’est ainsi que nous pourrons garantir la survie et le bon fonctionnement des écosystèmes montagnards, à la fois majestueux et précieux pour l’environnement et notre futur.


Créé, en 2007, pour aider à accélérer et à partager les recherches scientifiques sur des enjeux sociaux majeurs, le Fonds d’Axa pour la recherche soutient près de 700 projets dans le monde mené par des chercheurs issus de 38 pays (par exemple celui de Dirk Schmeller). Pour en savoir plus, visiter le site ou bien sa page LinkedIn.

The Conversation

Hugo Sentenac est membre de l’association Vétérinaires pour la biodiversité et du groupe d’étude pour l’écopathologie de la faune sauvage de montagnes.

Adeline Loyau a reçu des financements de l’Union européenne (bourse Marie Curie) et de l’Agence nationale pour la recherche (ANR), elle est membre du CSRPN Occitanie et présidente du comité scientifique de la fondation Clamor Terrae.

Dirk S. Schmeller a reçu des financements de AXA Research Fund, Clamor Terrae, ANR.

ref. Le réchauffement climatique menace les glaciers, les lacs et les écosystèmes des Pyrénées – https://theconversation.com/le-rechauffement-climatique-menace-les-glaciers-les-lacs-et-les-ecosystemes-des-pyrenees-260208

Dans les Pyrénées, la forêt ne s’étend pas aussi haut que le climat le lui permet

Source: The Conversation – France (in French) – By Déborah Birre, Docteure en géographie, Fondation pour la recherche sur la biodiversité

Dans les Pyrénées (ici, le massif du Puigmal), la limite supérieure de la forêt semble survenir plus tôt que ce que prédisent les modèles. Comment l’expliquer ? Déborah Birre/Fondation pour la recherche sur la biodiversité, Fourni par l’auteur

La forêt pourrait s’étendre bien plus haut sur les flancs des Pyrénées, alors pourquoi ne s’aventure-t-elle pas plus en altitude ? Ce phénomène se manifestait déjà avant que les effets du réchauffement climatique ne se fassent ressentir, l’explication est donc ailleurs.


Vous l’avez peut-être déjà remarqué lors d’une randonnée dans les Alpes ou dans les Pyrénées : en montagne, le climat façonne la répartition de la végétation. Plus on monte en altitude et plus les températures diminuent, plus les forêts deviennent clairsemées, jusqu’à laisser la place aux pelouses alpines. Ce schéma classique se retrouve des Andes aux Alpes. Pourtant, dans les Pyrénées orientales, la réalité du terrain raconte une tout autre histoire : la forêt s’arrête bien en dessous de la limite que le climat seul devrait imposer.

La limite supérieure de la forêt, sentinelle du climat ?

La limite supérieure de la forêt marque une transition entre la forêt fermée de l’étage subalpin et la pelouse de l’étage alpin. Elle correspond à ce que les scientifiques appellent un « écotone » : une zone de transition entre deux milieux.

Longtemps, cette discontinuité paysagère a été considérée comme le reflet naturel des contraintes climatiques, principalement le froid et la durée de la saison de croissance des arbres avec des vitesses de croissance qui varient selon les espèces.

Le modèle théorique classique de l’étagement de la végétation en montagne : la température correspond à la température moyenne pendant la saison de croissance.
Déborah Birre/Fondation pour la recherche sur la biodiversité, Fourni par l’auteur

Ce sujet n’est pas nouveau. Depuis plus de deux siècles, des scientifiques de toutes disciplines se sont intéressés à cet écotone. Au début du XIXe siècle, Alexander von Humboldt gravit le Chimborazo, un volcan de l’actuel Équateur, et y observe des changements graduels de la flore en altitude : la végétation s’y organise en bandes successives contrôlées par la température décroissante. Ces observations ont jeté les bases du modèle classique de l’étagement de la végétation. Un modèle qui, depuis, s’est longuement imposé avant d’être largement nuancé par les récentes recherches.

Les Pyrénées : un laboratoire grandeur nature

Les Pyrénées défient cependant ce paradigme. Ici, comme ailleurs en Europe, la limite supérieure de la forêt est située à une altitude bien plus basse (environ 1 900 mètres en moyenne dans la partie orientale des Pyrénées) que ce que les températures leur permettraient d’atteindre en théorie (environ 2 500 mètres d’altitude). La hausse actuelle des températures, liée au réchauffement climatique, n’entraîne pas non plus une progression systématique de cette limite.

Pour comprendre pourquoi, des chercheurs du programme SpatialTreeP ont mené une enquête d’envergure. Nous avons cartographié et comparé l’évolution de cet écotone sur 626 sites des Pyrénées ariégeoises et orientales entre 1955 et 2015 à partir de photographies aériennes.

Nous avons analysé plus de 90 variables caractérisant l’environnement de ces sites, allant du climat à la topographie, en passant par la géologie et les traces d’activités humaines. L’objectif était d’identifier les facteurs influençant la dynamique des lisières forestières et de détecter des profils de sites présentant des caractéristiques environnementales similaires.

Trois types de paysages forestiers dans les Pyrénées

Nos résultats révèlent une grande hétérogénéité dans l’évolution des forêts pyrénéennes au cours des soixante dernières années. Trois grands types de paysages et de dynamiques se dégagent.

Dans certains secteurs, la forêt progresse rapidement, gagnant plusieurs centaines de mètres en altitude sur soixante ans. Ailleurs, elle se densifie sans s’étendre, les arbres remplissant progressivement les clairières et espaces ouverts. Sur d’autres sites encore, la limite forestière reste figée voire recule.

Pourquoi de telles différences ? Parce que d’autres facteurs viennent interférer avec les conditions climatiques. Il est donc illusoire de chercher un unique coupable. La dynamique de limite forestière résulte d’une combinaison complexe et imbriquée de facteurs.

L’empreinte humaine : un héritage qui perdure

Les Pyrénées sont des montagnes profondément anthropisées, et ce depuis longtemps.

Pendant des siècles, les pratiques agropastorales (pâturage, défrichement, coupe de bois et reboisements) et l’exploitation du charbon de bois ont profondément façonné les paysages montagnards. Dans les zones les plus exploitées, la limite forestière a été largement abaissée, laissant place à des pâturages et à des landes dès l’étage montagnard.

Dans les zones pastorales actuelles, les milieux d’estives sont volontairement et activement laissés à l’état de prairie, empêchant toute colonisation forestière. À l’inverse, l’abandon progressif de ces pratiques, depuis le milieu du XXe siècle, a permis à la forêt de reconquérir les terrains délaissés, en particulier dans le département des Pyrénées-Orientales. L’abandon y a eu lieu plus tôt qu’en Ariège, ce qui explique que la limite forestière y atteigne des altitudes plus élevées.

Cette pression humaine, par son intensité variable selon les secteurs et les périodes, explique en grande partie pourquoi la position de l’écotone ne suit pas mécaniquement l’évolution du climat. Là où la pression humaine a diminué et où les conditions climatiques restent favorables, la forêt s’étend et rattrape progressivement l’écart avec son altitude maximum théorique.

Le terrain façonne aussi la forêt

D’autres variables liées au milieu conditionnent aussi le niveau de la forêt. L’exposition au vent et l’humidité des sols favorisent, par exemple, la densification des forêts au niveau de l’écotone. À l’inverse, la progression forestière est ralentie dans les zones où le relief est doux et donc plus favorable au maintien de l’activité agropastorale.

La composition des peuplements forestiers joue aussi un rôle. Les conifères comme les pins à crochets, mieux adaptés aux conditions rudes d’altitude, sont associés à des limites plus diffuses où arbres isolés et bosquets clairsemés s’échelonnent jusqu’à la pelouse alpine. Les feuillus comme les hêtres sont davantage associés à des limites plus nettes, avec une rupture paysagère marquée.

La nature du substrat a également une influence : les dépôts sédimentaires récents (dits quaternaires) et les roches cristallines (comme le granite ou le gneiss) favorisent des écotones plus diffus, caractérisés par des arbres épars. Cela pourrait s’expliquer par des sols plus pauvres et moins profonds, qui freinent la fermeture du couvert forestier.

Le réchauffement climatique : accélérateur de dynamiques déjà en cours

À l’échelle régionale, les variations climatiques n’expliquent pas ou peu les différences observées entre les sites. Elles jouent cependant probablement un rôle d’accélérateur des dynamiques, en facilitant l’établissement des arbres là où les conditions locales sont favorables. En ce sens, les dynamiques actuelles traduisent davantage une réponse à des conditions locales qu’un signal direct du réchauffement climatique.

En définitive, la limite supérieure de la forêt dans les Pyrénées ne se comprend qu’au travers de l’analyse des interactions complexes entre conditions environnementales et héritages des pratiques humaines.

Les recherches montrent qu’il n’existe pas un unique facteur et que, dans des milieux très transformés par l’être humain, comme c’est le cas dans ce massif, les effets du climat peuvent être localement dissimulés derrière les impacts humains. Chaque écotone porte ainsi l’héritage de son histoire et de ses particularités locales.

The Conversation

Déborah Birre a reçu des financements de l’Université Sorbonne Paris Nord dans le cadre d’un contrat doctoral.

Ces recherches ont été menées dans le cadre du programme SpatialTreeP, financé par l’agence nationale de la recherche (ANR-21-CE03-0002).

ref. Dans les Pyrénées, la forêt ne s’étend pas aussi haut que le climat le lui permet – https://theconversation.com/dans-les-pyrenees-la-foret-ne-setend-pas-aussi-haut-que-le-climat-le-lui-permet-261432