Qui gardera les gardiens ? Quand les plateformes d’IA redéfinissent les règles de la « servitisation »

Source: The Conversation – France (in French) – By Wafa Khlif, Professeure de contrôle de gestion, TBS Education

L’adoption de l’intelligence artificielle dans les entreprises ne se limite pas à l’intégration d’un outil supplémentaire aux process existants. Elle modifie profondément la manière dont l’entreprise et les écosystèmes fonctionnent. Pour ces raisons, elle pose de nouveaux dangers qu’il convient d’intégrer à la réflexion, plutôt que de foncer tête baissée uniquement sur des questions d’éthique.


L’intelligence artificielle (IA) est souvent présentée comme une révolution technologique dont l’impact dépasse largement le cadre des entreprises et du marché. Dans le domaine du management, la majorité des chercheurs s’accordent à souligner l’importance d’une utilisation éthique de l’IA : il s’agit d’éviter les biais algorithmiques, de protéger les données personnelles, ou encore de garantir une prise de décision transparente. Toutefois, cette approche occulte une question plus structurelle : la concentration du pouvoir au sein des plateformes d’IA et de leurs possesseurs, ainsi que leur influence croissante sur la dynamique des marchés et des sociétés.

L’essor des plateformes d’IA s’accompagne d’une centralisation progressive du pouvoir informationnel entre les mains de leurs propriétaires. Cette concentration ne se limite pas à une domination technologique, mais soulève des enjeux concurrentiels et oligopolistiques. Ces plateformes ne se contentent pas d’assurer l’accès aux données : elles structurent les flux d’informations, définissent les standards et redéfinissent progressivement les règles du marché. À travers des mécanismes algorithmiques de recommandation, de classification et d’évaluation, elles exercent une domination qui dépasse la simple gestion technique des bases de données et qui influence directement les décisions économiques dans les écosystèmes qui les adoptent.




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La confiance comme moteur de domination

L’IA est perçue comme un levier d’optimisation des processus décisionnels et d’amélioration de la performance organisationnelle. Son adoption repose sur la conviction que ses capacités de prédiction et d’analyse renforcent la rationalisation des décisions et l’efficience des systèmes économiques. Cette confiance dans l’IA justifie son intégration dans un nombre croissant d’écosystèmes, où elle redéfinit la relation entre fournisseurs et clients, y compris la « servitisation ».

Ce terme désigne la manière dont les entreprises déplacent leur orientation stratégique vers l’offre de services comme principaux moteurs de croissance, et ce, dans de nombreux secteurs.

Toutefois, cette dynamique d’adoption généralisée comporte plusieurs effets structurants. L’intégration des plateformes d’IA dans la servitisation introduit une standardisation accrue des processus et une homogénéisation des offres de services, réduisant ainsi la flexibilité et la capacité d’adaptation des entreprises. Les manufacturiers, historiquement au centre des écosystèmes de servitisation, se trouvent déplacés vers la périphérie face à la domination croissante des fournisseurs de ces plateformes.

En parallèle, cette dépendance aux infrastructures d’IA renforce la position de contrôle des plateformes. Ce phénomène ne se limite pas à une dépendance technique, mais englobe également des dimensions stratégiques et psychologiques.

L’exemple de la décision unilatérale d’OpenAI en 2023 est assez édifiant. Elle a retiré les anciennes interfaces de programmation d’applications (API), obligeant ainsi les premiers utilisateurs de la plateforme en tant que service (PAAS) à migrer vers des modèles plus récents. Une fois la dépendance établie, la marge de manœuvre pour adopter des alternatives se réduit, et les normes imposées par les plateformes deviennent des standards « naturels ».

Une nouvelle gouvernance invisible ?

L’essor des plateformes d’IA ne se traduit pas uniquement par une domination économique, mais s’accompagne également d’une transformation des modes de gouvernance. Rouvroy et Berns (2013) le conceptualisent avec la « gouvernementalité » algorithmique. Contrairement aux formes traditionnelles de pouvoir qui reposent sur des décisions explicites, le pouvoir algorithmique fonctionne de manière diffuse et normative, en orientant les comportements et en redéfinissant les cadres de référence à l’insu des acteurs.

Les plateformes ne contraignent pas directement les choix des acteurs économiques et sociaux, mais modèlent l’environnement décisionnel à travers l’organisation des informations, la hiérarchisation des priorités et l’imposition de métriques de performance spécifiques. Dans ce cadre, les décisions humaines se trouvent encadrées et influencées par des systèmes algorithmiques qui orientent implicitement les choix perçus comme pertinents ou efficaces. Un peu comme le fait l’application Waze pour orienter vers les chemins les plus courts.

Un problème de transparence et de contestabilité

Dans le domaine hospitalier, un algorithme conçu pour optimiser l’attribution des lits ne se limite pas à répartir efficacement les patients : il redéfinit les critères de priorité, influençant ainsi les décisions médicales sous couvert de rationalisation des ressources.

De la même manière, les écosystèmes de servitisation vont être dirigés par ces algorithmes de recommandation qui ne se contentent pas d’organiser l’information ; ils conditionnent la visibilité de certains contenus et l’occultation d’autres, structurant ainsi les priorités et les stratégies des acteurs.

Ce mode de gouvernance algorithmique pose un problème fondamental de transparence et de contestabilité. Contrairement aux décisions humaines, les décisions algorithmiques s’inscrivent dans des processus opaques et automatisés, rendant leur remise en question plus complexe. L’absence de responsabilité clairement identifiable et la difficulté d’accès aux logiques sous-jacentes des algorithmes limitent la possibilité d’une contre-offre ou d’une régulation efficaces.

Un risque de verrouillage

Comme le décrivent Canboy et Khlif (2025), l’intégration croissante des plateformes d’IA dans les écosystèmes de servitisation soulève des problématiques de dépendance et de verrouillage. Deux types de risques interdépendants émergent : la perturbation des modèles d’affaires traditionnels (effet de verrouillage algorithmique et dépendance aux fournisseurs) et la dépendance opérationnelle accrue (coûts de changement élevés et impossibilité d’adopter d’autres solutions).

Face à ces enjeux, une régulation à l’échelle internationale apparaît nécessaire pour limiter les effets oligopolistiques des plateformes dominantes. Plusieurs pistes d’intervention sont envisageables : démocratisation des données, application des lois antitrust, promotion des standards ouverts (open source) ou encore soutien aux plateformes alternatives. Dans cette perspective, la reconnaissance des données comme un bien partagé, et non comme un actif exclusivement privatisé, s’inscrit dans une logique de développement économique équitable et de démocratisation des savoirs.

France 24, 2025.

Enfin, si ces technologies permettent des gains d’efficience, elles impliquent également une consommation énergétique et matérielle considérable. L’idée selon laquelle l’IA contribuerait automatiquement à une trajectoire de développement durable nécessite une interrogation critique. L’adoption généralisée des plateformes d’IA, sans une réflexion sur leur impact social et environnemental, risque de renforcer des formes de dépendance structurelle et d’accroître les déséquilibres au sein des écosystèmes économiques.

Un effet Frankenstein

Dans le célèbre roman de Mary Shelley (1797-1851), le docteur Frankenstein crée une créature rationnelle qui se veut supérieure à l’humain, mais dont l’existence propre devient rapidement insoutenable. L’IA, comme la créature de Frankenstein, incarne cette quasi-perfection rationnelle qui finit par révéler les failles de son créateur. Conçue pour optimiser, prédire et rationaliser, elle finit par refléter les inégalités, les jeux de pouvoir et les choix de société qui la façonnent. Comme le monstre du roman, elle pose une question centrale à ses créateurs : « Pourquoi m’avez-vous donné vie si c’est pour me laisser semer la destruction ? »

Le problème n’est donc pas tant l’IA elle-même, mais les dynamiques de pouvoir et de contrôle qu’elle maintient et renforce. Plutôt que de nous focaliser uniquement sur ses biais ou ses portées éthiques, nous devrions interroger les intérêts qui la contrôlent, à quelles fins et avec quelles conséquences pour le vivant.

The Conversation

Wafa Khlif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Qui gardera les gardiens ? Quand les plateformes d’IA redéfinissent les règles de la « servitisation » – https://theconversation.com/qui-gardera-les-gardiens-quand-les-plateformes-dia-redefinissent-les-regles-de-la-servitisation-254491

Climatisation : quelles alternatives au quotidien, quelles recherches pour le futur ?

Source: The Conversation – in French – By Brice Trémeac, Professeur et directeur du Laboratoire du froid et des systèmes énergétiques et thermiques, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)

Dans un contexte de réchauffement climatique accéléré, la climatisation apparaît comme une réponse évidente à la multiplication des épisodes de chaleur extrême. Pourtant, généraliser la climatisation dite « de confort » – c’est-à-dire en dehors des cas de besoin médical ou professionnel strict – n’est ni pertinente d’un point de vue environnemental ni tenable sur les plans économique et social. Car rafraîchir nos intérieurs à coups de kilowatt-heures, c’est souvent aggraver la chaleur à l’extérieur du local ou bâtiment climatisé, et creuser encore davantage les inégalités entre ceux qui peuvent se payer la fraîcheur et les autres.


L’été 2024 a battu de nouveaux records, et notamment de températures. Selon Santé publique France, 3 700 décès ont été liés à la chaleur, et plus de 17 000 passages aux urgences enregistrés. Alors que les canicules deviennent plus fréquentes, la question de la climatisation revient avec insistance dans le débat public. Faut-il équiper systématiquement nos logements, écoles, bureaux ? Pour beaucoup, la climatisation semble une solution simple et immédiate. Mais elle soulève de sérieux enjeux.

De fait, la climatisation est parfois indispensable. Pour les publics vulnérables (personnes âgées, jeunes enfants, personnes malades) ou pour certains métiers exposés (travailleurs du bâtiment, métiers en environnement confiné ou bruyant, opérateurs manipulant des machines dégageant de la chaleur), elle peut littéralement sauver des vies. On peut également citer la climatisation nécessaire pour les data centers ou dans les musées afin de préserver les œuvres. Mais pour le reste de la population, on parle de « climatisation de confort », dont la pertinence mérite d’être interrogée.

Si la recherche avance sur des innovations technologiques vers des systèmes moins énergivores et plus efficaces, ils ne pourront remplacer une réflexion globale sur notre rapport au confort thermique. La climatisation peut être un outil utile, parfois vital. Mais elle ne doit pas devenir une fuite en avant.

À l’heure du changement climatique, la question n’est pas de bannir la climatisation, mais de repenser nos façons de vivre et nos actions afin qu’elles restent soutenables, équitables et vraiment efficaces.

Pourquoi la climatisation peut poser problème

D’abord sur le plan énergétique. D’après l’Agence de la transition écologique (Ademe), un logement équipé d’une climatisation consomme en moyenne 304 kilowatts-heures par an pour la climatisation, une valeur qui grimpe à 482 kilowatts-heures dans le sud-est de la France. L’impact carbone reste limité grâce au mix électrique français majoritairement bas carbone, mais la facture, elle, est bien réelle : selon EDF, une climatisation peut augmenter de 15 % la consommation d’électricité d’un foyer en été, soit de 76 à 120 euros par an au tarif réglementé.

Ensuite, la généralisation de la climatisation creuse des inégalités sociales. La précarité énergétique d’été est de plus en plus présente en France. Dans de nombreux quartiers populaires, où les logements sont mal isolés, la climatisation est soit absente, soit assurée par des équipements peu performants, souvent bon marché et énergivores (les climatisations mobiles achetées dans un supermarché, par exemple).

Autrement dit, climatiser une « bouilloire thermique » mal conçue revient parfois à climatiser… l’extérieur. Le service rendu est faible, mais la facture salée.

Et pendant ce temps, les rejets de chaleur de ces appareils contribuent à accentuer la température extérieure, aggravant l’îlot de chaleur dans le cas des villes, notamment.

C’est l’un des paradoxes de la climatisation : comme un réfrigérateur, elle rafraîchit d’un côté mais rejette de la chaleur de l’autre. Plus on climatise, plus on chauffe ailleurs : la chaleur rejetée égale à l’énergie pour refroidir additionnée à l’énergie électrique consommée. À Paris, une étude menée par Météo France et le Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) dans le cadre du projet Clim2 a montré que les rejets de chaleur des climatiseurs pouvaient faire grimper la température de plusieurs degrés à deux mètres du sol.

Quelles alternatives à la climatisation au quotidien ?

Alors, faut-il renoncer à la fraîcheur ? Pas nécessairement. Des alternatives existent et peuvent répondre efficacement aux besoins de confort thermique, tout en étant bien moins énergivores.

Le programme Climeco, porté par l’Association française du froid (AFF), a ainsi publié un guide d’« écogestes » pour limiter le recours à la climatisation, initialement destiné aux territoires ultramarins, mais parfaitement transposable à d’autres territoires.

Parmi ces gestes simples : limiter les apports de chaleur (en fermant les volets, en réduisant l’usage d’appareils électriques), ne pas régler la température de la climatisation trop bas, choisir un équipement adapté à ses besoins, ou encore entretenir régulièrement son appareil. Mais l’un des conseils les plus efficaces reste : rafraîchir sans climatiser.

Cela passe par des solutions dites passives, comme la ventilation naturelle. Ouvrir les fenêtres la nuit ou tôt le matin, lorsque l’air extérieur est plus frais, permet d’abaisser significativement la température intérieure. Certes, cette stratégie se heurte parfois à un sentiment d’insécurité ou à des contraintes d’environnement sonore, en particulier dans les logements en rez-de-chaussée ou en zone dense.

Côté solutions actives, les ventilateurs ont largement fait leurs preuves. Contrairement à la climatisation, ils ne refroidissent pas l’air, mais créent un courant d’air qui favorise l’évaporation de la sueur, renforçant la sensation de fraîcheur. Certains modèles sont équipés de brumisateurs ou d’humidificateurs, efficaces surtout dans les climats secs.

Les ventilateurs de plafond, ou brasseurs d’air en plafonnier se révèlent particulièrement performants : silencieux, peu gourmands en énergie, ils assurent un brassage homogène de l’air, même à basse vitesse, et sont bien adaptés à un usage nocturne.

Ces équipements, bien choisis et bien utilisés, constituent une alternative crédible et accessible à la climatisation de confort dans une réflexion plus large, qui inclue végétalisation, isolation, protections solaires et optimisation de l’aération : une approche plus systémique que la seule réponse technologique, quand cela est possible.




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Trop souvent, les appareils de climatisation sont surdimensionnés, mal installés ou mal entretenus. Le rôle du professionnel est de dimensionner correctement le système en fonction des besoins réels (on ne choisit pas une voiture de course pour aller chercher son pain !), d’optimiser l’installation, et de garantir un fonctionnement efficace dans le temps.

Les recherches sur la clim du futur

La recherche, de son côté, avance sur plusieurs fronts.

Les industriels et laboratoires travaillent sur des fluides frigorigènes alternatifs ayant un faible pouvoir de réchauffement global (abrégé PRG, c’est un indicateur qui permet de comparer l’impact du réchauffement climatique d’un gaz à effet de serre à une référence, le CO2, sur cent ans), pour remplacer les fluides actuels aujourd’hui très encadrés par la réglementation européenne F-Gas.

On développe aussi des systèmes hybrides, combinant climatisation et récupération de chaleur au niveau du condenseur (l’équivalent de la façade arrière d’un réfrigérateur ménager) pour des applications de réseaux thermiques, par exemple, ou des dispositifs de rafraîchissement par évaporation, moins énergivores.

D’autres axes visent à augmenter l’efficacité énergétique des machines de climatisation – en améliorant les échangeurs thermiques, les compresseurs ou la régulation intelligente – afin de produire plus de froid pour une même quantité d’électricité.


Les projets Analyse de méthodes asymptotiques robustes pour la simulation numérique en mécanique  (ARAMIS) et Évaporateur compact pour systèmes à sorption (Ecoss) sont soutenus par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. L’ANR a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’ANR.

The Conversation

Brice Trémeac est membre et administrateur de l’association française du froid industriel (Aff) et est membre de l’Institut international du froid (IIF). Il a reçu des financements de l’ANR (ANR-12-BS01-0021, ANR-11-SEED-0007), de l’Ademe, France2030 ainsi que différentes entreprises privées dans le cadre de projets de recherche.

ref. Climatisation : quelles alternatives au quotidien, quelles recherches pour le futur ? – https://theconversation.com/climatisation-quelles-alternatives-au-quotidien-quelles-recherches-pour-le-futur-262072

Football financiarisé : l’Olympique lyonnais, symptôme d’un modèle de multipropriété en crise

Source: The Conversation – France (in French) – By Matthieu Llorca, Maitre de conférences en économie, spécialiste des politiques économiques, Université Bourgogne Europe

La crise de l’OL illustre la multipropriété, ou « Multi-Club Ownership ». Son patron John Textor gère également les clubs Botafogo au Brésil et RWD Molenbeek en Belgique. MarcoIacobucciEpp/Shutterstock

La crise traversée par l’Olympique lyonnais (OL) n’est pas un cas isolé dans le football français et européen. Une illustration de la financiarisation du ballon rond ?


Le 9 juillet 2025, la commission d’appel de la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG), le « gendarme financier » du football français, a infirmé la décision de relégation de l’Olympique lyonnais (OL) en Ligue 2, initialement prononcée le 24 juin, pour cause de graves déséquilibres financiers.

Cet épisode, au-delà de son retentissement national, illustre les dérives d’un modèle de gouvernance fondé sur l’endettement et la multipropriété (Multi-Club Ownership [MCO]), aujourd’hui sous le feu des critiques dans le football européen.

Si le cas lyonnais est emblématique, il ne constitue pas une exception. Il illustre des dérives plus larges à l’œuvre dans les structures multiclubs, où se combinent opacité financière, conflits d’intérêts et atteintes potentielles à l’équité sportive.

Tendance dans le football financiarisé

La multipropriété désigne la situation où « un investisseur unique – un individu ou une personne morale – détient des parts du capital de deux (ou plusieurs) clubs », pour l’économiste Wladimir Andreff, parfois répartis sur plusieurs continents.

Longtemps marginal, ce phénomène s’est considérablement accéléré au cours de la dernière décennie : on dénombrait moins de 40 clubs concernés en 2012, contre plus de 180 en 2022 selon l’Union des associations européennes de football (UEFA), et même plus de 280 selon le Centre international d’études du sport (CIES). Le City Football Group, la galaxie Red Bull, 777 Partners, BlueCo, Eagle Football ou encore RedBird Capital figurent parmi les principales entités de cette nouvelle cartographie du football mondial.

Le modèle repose sur une logique pyramidale : détection de talents dans des clubs satellites, valorisation dans des ligues intermédiaires, puis intégration (ou revente) via un club « étendard ». À travers ces structures, les investisseurs cherchent à diversifier leurs risques, optimiser les chaînes de production de joueurs, ou conquérir de nouveaux marchés. Mais ces stratégies supposent des arbitrages qui peuvent entrer en contradiction avec l’autonomie sportive, financière et symbolique des clubs concernés.

Eagle Football Holding : une multipropriété à la gestion opaque

L’exemple de l’OL reflète bien plusieurs tensions propres à la multipropriété. En décembre 2022, l’OL est racheté pour 800 millions d’euros par l’homme d’affaires américain John Textor, via sa holding Eagle Football Holding, déjà propriétaire de Botafogo (Brésil), RWD Molenbeek (Belgique) et actionnaire de Crystal Palace (Angleterre). Le montage financier reposait sur un endettement massif à un taux insoutenable auprès du fonds de pension américain Ares Management : une première tranche de 278,1 millions d’euros à un taux de 2 à 8 % et une deuxième de 151,7 millions d’euros à un taux de 15 % (avec une clause de pénalité pouvant porter le taux à 20 %).

Ce schéma financier a rapidement fragilisé l’OL, ce qui s’est traduit par une instabilité en interne, avec la mise à l’écart du directeur général Laurent Prud’homme en avril 2025 et du directeur administratif et financier Baptiste Viprey. Dans ce système tentaculaire et pyramidal, la stratégie de John Textor a été de mutualiser les ressources sportives entre ses clubs d’Eagle Football Holding. Des transferts croisés (comme ceux de Jeffinho, Almada ou Nuamah) entre Botafogo, RWD Molenbeek et l’OL ont soulevé des soupçons de contournement des règles du marché et de manipulation des bilans.

Un phénomène comparable avait déjà été observé dans les transferts circulaires entre Chelsea et Strasbourg (groupe BlueCo), ou entre Salzbourg et Leipzig (groupe Red Bull), remettant en cause les principes de transparence sur le marché des transferts, et de compétition équitable.

Le modèle multiclub, une atteinte à l’équité sportive

La multiplication de ces montages financiers dans le football soulève une question centrale : celle de l’équité sportive. Que se passe-t-il lorsque deux clubs d’une même structure se qualifient pour une même compétition européenne ?

Conformément à sa règle « d’intégrité des compétitions », l’UEFA interdit à une même entité de contrôler ou d’exercer une influence déterminante sur plusieurs clubs engagés dans une même compétition européenne.

Un seul club par groupe de multipropriété est autorisé à participer ; celui qui dispose du coefficient UEFA le plus élevé. C’est justement ce qui s’est produit dans le cas d’Eagle Football Holding, avec l’UEFA qui autorise l’OL a participer à l’Europa League 2025/2026 au détriment du club anglais de Crystal Palace. Quelques semaines plus tôt, Drogheda United (Irlande) avait été exclu de la Ligue Conférence pour non-conformité aux nouvelles règles, en raison de sa propriété commune avec Silkeborg (Danemark).

Des solutions juridiques ont été trouvées pour contourner cet obstacle (modification des conseils d’administration, dilution des parts), comme ce fut le cas en 2023 lors de l’Europa League, pour Toulouse et l’AC Milan (fonds RedBird), ou pour Brighton et l’Union Saint-Gilloise. Mais ces ajustements soulignent aussi les limites d’un système dont les règles peinent à s’adapter aux nouvelles logiques financières du football mondial.

Le modèle multiclub questionne ainsi les conditions de l’intégrité des compétitions européennes, déjà menacées par les écarts budgétaires croissants et les stratégies de contournement des règles du mécanisme de « fair-play financier (FPF) ».

Identité club affaiblie par la multipropriété

Au-delà des enjeux financiers et réglementaires, la multipropriété influe aussi sur l’identité même des clubs. Une partie des supporters lyonnais considère que leur club a été instrumentalisé et sacrifié par Textor au profit de Botafogo.

Là encore, des parallèles existent : les débats récurrents sur la subordination du RC Strasbourg aux intérêts de Chelsea (groupe BlueCo) ou sur le statut du Girona FC dans la galaxie du City Football Group montrent que les supporters s’interrogent sur la place réelle de leur club dans les stratégies globales de la multipropriété.

Le modèle Red Bull (avec Leipzig et Salzbourg), tout en affichant de bons résultats sportifs et économiques, est souvent critiqué pour sa standardisation des identités visuelles, sa logique purement marketing et son effacement des spécificités locales.

Redresser la barre

Sous la direction de Michele Kang, nouvelle présidente de l’OL depuis juin 2025, le club tente de redresser la barre : réduction de la masse salariale, limitation des transferts, discipline budgétaire, nouvelles garanties bancaires. Mais les conséquences de la multipropriété continuent de peser sur le club, placé sous haute surveillance par l’UEFA en raison de ses dérapages financiers. L’Instance de contrôle financier des clubs (ICFC) de l’UEFA a d’ailleurs sanctionné le club d’une amende de 50 millions d’euros (dont 12,5 millions d’euros ferme payable en deux fois et 37,5 millions d’euros en sursis, conditionnés aux respects des objectifs financiers exigés par l’UEFA).

Le cas de l’OL, loin d’être isolé dans le football européen, révèle ainsi les tensions internes du modèle multiclub : entre diversification financière et perte d’autonomie, entre promesses de synergies et réalités opaques.

The Conversation

Matthieu Llorca ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Football financiarisé : l’Olympique lyonnais, symptôme d’un modèle de multipropriété en crise – https://theconversation.com/football-financiarise-lolympique-lyonnais-symptome-dun-modele-de-multipropriete-en-crise-260365

Pourquoi acceptons-nous de nous déchausser à l’aéroport ?

Source: The Conversation – in French – By Emmanuel Carré, Professeur, directeur de Excelia Communication School, chercheur associé au laboratoire CIMEOS (U. de Bourgogne) et CERIIM (Excelia), Excelia

Des files d’aéroport aux bacs de contrôle, un rituel discret façonne nos comportements et nous fait accepter sans y penser la logique sécuritaire.


7 h 30, terminal 2E de Roissy. Dans la file qui mène au contrôle, un cadre détache sa ceinture d’un geste mécanique, une mère sort les biberons de son sac, un touriste soupire en délaçant ses chaussures. Tous avancent dans un silence ponctué de bips, à peine troublé par le bruit des casiers sur des tapis roulants.

Cette scène se répète inlassablement : selon l’Association internationale du transport aérien, 4,89 milliards de passagers ont pris l’avion en 2024, soit plus de 13 millions de personnes chaque jour qui traversent ces dispositifs de contrôle.

On pourrait n’y voir qu’une procédure technique nécessaire. Pourtant, observé avec un œil anthropologique, ce moment banal révèle une transformation d’identité aussi efficace que discrète. Car il se passe quelque chose d’étrange dans ces files d’attente. Nous entrons citoyens, consommateurs, professionnels – nous en sortons « passagers en transit ». Cette métamorphose, que nous vivons comme une évidence, mérite qu’on s’y arrête.

La mécanique d’une transformation rituelle

Ce qui frappe d’abord, c’est la dépossession progressive et systématique. Objets personnels, vêtements, symboles de statut disparaissent dans des bacs plastiques standardisés. Cette logique semble arbitraire : pourquoi les chaussures et pas les sous-vêtements ? Pourquoi 100 ml et pas 110 ml ? Cette apparente incohérence révèle en réalité une fonction symbolique : créer un dépouillement qui touche aux attributs de l’identité sociale.

L’ethnographe Arnold van Gennep avait identifié dès 1909 cette première phase des rites de passage : la séparation.
L’individu doit abandonner son état antérieur, se délester de ce qui le définissait dans le monde profane. Ici, le cadre cravaté devient un corps anonyme, dépouillé provisoirement de son costume, soumis au même regard technologique que tous les autres. Cette égalisation forcée n’est pas un effet de bord mais le cœur du processus : elle prépare la transformation d’identité en neutralisant temporairement les hiérarchies sociales habituelles.

Puis vient l’examen : scanners, détecteurs, questions sur nos intentions. « Pourquoi voyagez-vous ? Qui allez-vous voir ? Avez-vous fait vos bagages vous-même ? » Chaque voyageur devient temporairement suspect, devant prouver son innocence. Cette inversion de la charge de la preuve – renversement du principe fondamental « innocent jusqu’à preuve du contraire » – passe inaperçue tant elle semble « logique » dans ce contexte.

Cette phase correspond à ce que Van Gennep appelait la marge ou période liminale, que l’anthropologue Victor Turner a ensuite développée : un moment où le sujet, privé de ses attributs sociaux habituels, se trouve dans un état de vulnérabilité qui le rend malléable, prêt à être transformé. Dans cet entre-deux technologique, nous ne sommes plus tout à fait des citoyens, pas encore des voyageurs.

Bande-annonce du film Border line (2023), de Juan Sebastián Vásquez et Alejandro Rojas, qui illustre le tout-sécuritaire lors des contrôles aux frontières.

Enfin, la réintégration, selon l’ethnographe Arnold van Gennep : nous voilà admis dans l’espace post-contrôle. Nous sommes officiellement devenus des « passagers » – un statut qui suppose docilité, patience, acceptation des contraintes « pour notre sécurité ». L’espace post-contrôle, avec ses duty free et ses cafés hors de prix, marque cette transformation : nous ne sommes plus des citoyens exerçant un droit de circuler, mais des consommateurs globaux en transit, doublement dépossédés de notre ancrage politique et territorial.

Un théâtre sécuritaire paradoxalement efficace

Ces dispositifs présentent un paradoxe troublant. D’un côté, ils détectent effectivement des objets interdits (couteaux oubliés, liquides suspects) et exercent un effet dissuasif réel. De l’autre, ils peinent face aux menaces les plus sophistiquées : en 2015, des équipes de test états-uniennes ont réussi à faire passer des armes factices dans 95 % de leurs tentatives.

En six ans (de 2007 à 2013), le programme de détection comportementale états-unien SPOT a coûté 900 millions de dollars et n’a détecté aucun terroriste. Il a raté les seuls vrais terroristes qui sont passés dans les aéroports, mais il n’y a eu aucun détournement aux États-Unis. Le programme semble donc à la fois inutile (pas de menace réelle) et inefficace (échec sur les vraies menaces).

Cette inefficacité opérationnelle se double d’un déséquilibre économique majeur : selon l’ingénieur Mark Stewart et le politologue John Mueller, les dizaines de millions investis annuellement par aéroport génèrent si peu de réduction effective du risque terroriste que les coûts dépassent largement les bénéfices escomptés.

L’expert en sécurité Bruce Schneier parle de « théâtre sécuritaire » pour désigner cette logique : des mesures dont l’efficacité principale est de rassurer le public plutôt que de neutraliser les menaces les plus graves. Ce n’est pas un dysfonctionnement mais une réponse rationnelle aux attentes sociales.

Après un attentat, l’opinion publique attend des mesures visibles qui, bien que d’une efficacité discutable, apaisent les peurs collectives. Le « théâtre sécuritaire » répond à cette demande en produisant un sentiment de protection qui permet de maintenir la confiance dans le système. Les chercheurs Razaq Raj et Steve Wood (Leeds Beckett University) décrivent sa mise en scène aéroportuaire, rassurante mais parfois discriminatoire.

Dans cette logique, on comprend pourquoi ces mesures persistent et se généralisent malgré leurs résultats limités. En outre, elles contribuent à renforcer une adhésion tacite à l’autorité. Ce phénomène s’appuie notamment sur le biais du statu quo, qui nous enferme dans des dispositifs déjà établis et sur une dynamique sociétale de demande toujours croissante de sécurité, sans retour en arrière semblant possible.

L’apprentissage invisible de la docilité

Car ces contrôles nous apprennent quelque chose de plus profond qu’il n’y paraît. Ils nous habituent d’abord à accepter la surveillance comme normale, nécessaire, bienveillante même. Cette habituation ne reste pas cantonnée à l’aéroport : elle se transfère vers d’autres contextes sociaux. Nous apprenons à « montrer nos papiers », à justifier nos déplacements, à accepter que notre corps soit scruté « pour notre bien ».

Le système fonctionne aussi par inversion des résistances. Résister devient suspect : celui qui questionne les procédures, qui refuse une fouille supplémentaire, qui s’agace d’un retard, se transforme automatiquement en « problème ». Cette classification morale binaire – bons passagers dociles versus passagers difficiles – transforme la critique en indice de culpabilité potentielle.

À force de répétition, ces gestes s’inscrivent dans nos habitudes corporelles. Nous anticipons les contraintes : chaussures sans lacets, liquides prédosés, ordinateurs accessibles. Nous développons ce que le philosophe Michel Foucault appelait des « corps dociles » : des corps dressés par la discipline qui intériorisent les contraintes et facilitent leur propre contrôle.

Au-delà de l’aéroport

Cette transformation ne se limite pas aux aéroports. La pandémie a introduit des pratiques comparables : attestations, passes, gestes devenus presque rituels.

Nous avons pris l’habitude de « présenter nos papiers » pour accéder à des espaces publics. À chaque choc collectif, de nouvelles règles s’installent, affectant durablement nos repères.

Dans la même veine, l’obligation de se déchausser à l’aéroport remonte à une seule tentative d’attentat : en décembre 2001, Richard Reid avait dissimulé des explosifs dans ses chaussures. Un homme, un échec… et vingt-trois ans plus tard, des milliards de voyageurs répètent ce geste, désormais inscrit dans la normalité. Ces événements agissent comme des « mythes fondateurs » qui naturalisent certaines contraintes.

Le sociologue Didier Fassin observe ainsi l’émergence d’un « gouvernement moral » où obéir devient une preuve d’éthique. Questionner un contrôle devient un marqueur d’irresponsabilité civique. Ce qui rend cette évolution remarquable, c’est son caractère largement invisible. Nous ne voyons pas le rituel à l’œuvre, nous vivons juste des « mesures nécessaires ». Cette naturalisation explique sans doute pourquoi ces transformations rencontrent si peu de résistance.

L’anthropologie nous apprend que les rituels les plus efficaces sont ceux qu’on ne perçoit plus comme tels. Ils deviennent évidents, nécessaires, indiscutables. Le système utilise ce que le politologue américain Cass Sunstein appelle le « sludge » : contrairement au « nudge » qui incite subtilement aux bons comportements, le sludge fonctionne par friction, rendant la résistance plus coûteuse que la coopération. Les travaux de psychologie sociale sur la soumission librement consentie montrent que nous acceptons d’autant plus facilement les contraintes que nous avons l’impression de les choisir. En croyant décider librement de prendre l’avion, nous acceptons librement toutes les contraintes qui s’y rattachent.

Questionner l’évidence

Identifier ces mécanismes ne signifie pas qu’il faut les dénoncer ou s’y opposer systématiquement. La sécurité collective a ses exigences légitimes. Mais prendre conscience de ces transformations permet de les questionner, de les délibérer, plutôt que de les subir.

Car comme le rappelait la philosophe Hannah Arendt, comprendre le pouvoir, c’est déjà retrouver une capacité d’action. Peut-être est-ce là l’enjeu : non pas refuser toute contrainte, mais garder la possibilité de les penser.

The Conversation

Emmanuel Carré ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Pourquoi acceptons-nous de nous déchausser à l’aéroport ? – https://theconversation.com/pourquoi-acceptons-nous-de-nous-dechausser-a-laeroport-261487

Les « crimes rituels » au Gabon : un phénomène moderne

Source: The Conversation – in French – By Luce Manomba Obame, Doctorante en anthropologie religieuse, École pratique des hautes études (EPHE)

Corps mutilés, parfois vidés de leurs organes ou de leur sang : au Gabon, ces meurtres, communément appelés « crimes rituels », (continuent de se produire avec régularité) -> ## n’ont pas disparu ##. Si la racine de ces pratiques plonge dans la période pré-coloniale, leurs modalités et surtout leurs objectifs ont évolué avec le temps.


Un homme sans vie, près d’une rivière : le 13 février 2023, des pêcheurs sur le Ntem, fleuve du nord du Gabon, retrouvent André Ngoua, disparu trois jours plus tôt. Les yeux, la langue et le sexe manquent, relate une proche de la famille. Cinq personnes seront arrêtées, soupçonnées de « crimes rituels »… Seule l’une d’elle est en détention aujourd’hui, nous explique la famille de la victime.

Au Gabon, pays d’Afrique centrale de 2,8 millions d’habitants, nombreux sont les corps retrouvés ainsi, mutilés, sans compter les disparitions. Bien qu’on ne dispose pas de stastistiques (statistiques, un S en trop) fiables, les « crimes rituels » sont aujourd’hui ancrés dans le paysage sociétal gabonais, créant de vraies psychoses.

De prime abord, on pourrait penser que ces pratiques appartiennent à un passé lointain. Il n’en est rien.

Capter la force de la victime

Le mot « crime », du latin crimen, renvoie au langage judiciaire ; « rituel », du latin ritus, à tout culte, coutume ou habitus.

L’expression « crime rituel » est controversée au Gabon du fait de l’utilisation du terme « rituel » : les adeptes du rite initiatique du Bwiti y voient une stigmatisation infondée de cette spiritualité. Le Bwiti, tel que pratiqué aujourd’hui, n’accepte aucun meurtre et s’appuie principalement sur l’utilisation des plantes. Mais en Afrique, quand on parle de rite, on pense d’abord aux rites traditionnels ; c’est pourquoi la notion de « crime rituel » ##peut être## inconsciemment associée au Bwiti, qui est le rite principal du Gabon — d’où la controverse. (est-ce OK? ok)

Dans le code pénal du pays, on parle, plus factuellement, de « prélèvement d’organes ». Car ce type crime implique avant tout une mort avec extraction d’organes (suggestion de synonyme: #de morceaux du corps#) de la victime, parfois vivante au moment de l’acte.

Les parties ôtées ou « pièces détachées », selon une formule employée au Gabon — « le sang, le crâne, les yeux, les oreilles, les dents, les cheveux, les seins, la langue, le pénis, le vagin, le clitoris », rapporte Jean-Elvis Ebang Ondo, président de l’Association de lutte contre les crimes rituels, dans son Manifeste contre les crimes rituels au Gabon paru en 2010 —,
sont utilisées pour la conquête ou la pérennisation d’un pouvoir, ou encore pour la réussite dans les affaires. D’où une augmentation de ces meurtres au moment des élections ou de changements de gouvernement, constate Ebang Ondo.

Plus largement, le « crime rituel » s’inscrit dans le même paradigme que le trafic d’ossements humains (« or blanc » au Gabon), ou même la sodomie non consentie, qui permettrait de « prendre la chance » de la personne sodomisée ou tuée.**** (enlever “tuée” car elle n’est pas tuée avec la sodomie)****

Commanditaires, exécutants et « sorciers »

Pour les « crimes rituels », un macabre triangle se dessine entre les « exécutants », les « commanditaires » et les « sorciers ». Le/la commanditaire paye un ou plusieurs exécutant(s), parfois à travers un/des intermédiaire(s) pour tuer et dépecer la/les victime(s), sur instruction du sorcier.#ajouter guillemets à “Sorcier”#

Les commanditaires sont forcément aisés financièrement. 98% d’entre eux seraient issus du monde politique, selon Eddy Minang. Cet ancien procureur d’Oyem (nord-ouest), actuel procureur de la République près la Cour d’appel de Libreville, est le premier à avoir écrit un livre examinant les « crimes rituels » commis dans le pays d’un point de vue juridique.

Au Gabon, personne n’a jamais été condamné en tant que « commanditaire ». L’affaire du sénateur Gabriel Eyeghe Ekomie est celle qui a le plus défrayé la chronique. En 2012, ce membre du parti au pouvoir (le Parti démocratique gabonais (PDG), qui a dominé la vie politique du pays de 1968 à 2023), est placé sous mandat de dépôt suite au meurtre présumé, en 2009, d’une fillette de 12 ans, avec prélèvement des organes génitaux, pour 20 millions de francs CFA (environ 30 500 euros). Libéré suite à un non-lieu, il est mort en 2014.

Avec moins de retentissement, Rigobert Ikambouaya Ndeka, un temps ministre de la communication et de l’économie numérique après 2019, a été inculpé en 2013 d’« instigation d’assassinat avec prélèvement d’organes », rapporte le journal L’Union. À l’époque, il était directeur général de l’office des ports et des rades du Gabon (OPRAG) et membre du bureau politique du PDG. Il s’est défendu en dénonçant une machination politique et n’a jamais été condamné.

D’autres noms circulent comme celui d’Alfred Edmond Nziengui Madoungou, alias « V Madoungou ». En 2014, cinq proches de cet ancien conseiller du président Ali Bongo (à la tête du pays de 2009 à son renversement en 2023) ont été inculpés pour « assassinat avec prélèvement d’organes humains ».

Plus documenté est le personnage nodal du « sorcier ». Tel un médecin, il prescrit les organes ou le sang à prélever et indique sur quel type de victime cela doit être fait.

L’Occident colonial a longtemps associé toute spiritualité africaine à de la « sorcellerie ». Les Africains restent très marqués par ce stigmate, alors que l’immense majorité des tradi-praticiens ne prônent pas les crimes rituels dans leurs pratiques, seuls certains faisant le choix du « côté obscur ». Il arrive même que des monothéistes s’adonnent aux sacrifices, comme en janvier 2015 avec le meurtre d’une jeune fille par un pasteur à Oyem (nord-ouest), pour la prospérité d’une église.

Quant aux exécutants, ce sont les petites mains des assassinats. En 2019, nous avons pu en rencontrer certains qui disaient s’être repentis, sous condition d’anonymat.

Point commun: ce sont tous des jeunes, sans souci psychiatrique visible, issus de milieux (très) modestes. Bref: des personnes « lambda », parfois en couple et ayant des enfants.

Nous racontant sa « première fois », l’un d’eux qui se disait “repenti” se souvient :

« Nous sommes montés dans une voiture, toute noire, vitres fumées. On était quatre ce soir. On a pris un enfant de 7-8 ans, on l’a arraché à sa maman. Je me suis dit : “C’est quel genre de travail ?” Mon frère est arrivé, il m’a donné 500 000 francs CFA (environ 720 euros). J’étais content mais naïf, parce que j’ai vu l’argent. Au fur et à mesure, on avait des méthodes, on changeait de véhicule. »

Un autre :

« Mon parcours a commencé dans le braquage avec mes condisciples à Tchibanga. Comme on avait une renommée dans le quartier, un député est venu et a cherché à nous rencontrer. Il nous a fait rentrer dans une ligne de crimes rituels. Il commençait à nous demander des êtres humains. On volait les enfants. Après, il nous a fait monter sur Libreville. Il nous demandait d’amener les organes humains. On se rencontrait au Cap [une zone forestière proche de la capitale], en forêt. C’est là-bas qu’on traitait nos affaires. Il nous payait au travail fait: parfois 800 000 francs CFA [environ 1 200 euros]. Parfois, ça augmentait. Si c’est une grande personne ça augmentait, vers les 1,5 million [environ 2 290 euros], 2 millions [environ 3 000 euros]. Donc chaque crime avait son prix. (…) On ne savait pas ce qu’il [le député] faisait avec ça. On savait seulement que c’était pour les rituels, pour être riche quoi. »

Ces ex-criminels décrivent les mêmes techniques : voiture aux vitres fumées, parfois taxi complice. En l’absence de véhicule, il faut attirer la victime en dehors des regards, la « droguer ou l’inviter à s’éloigner du circuit, ni vu ni connu ».

À l’origine, des sacrifices à buts collectifs ou « sectaires »

Les sacrifices humains sont loin d’être spécifiques au Gabon ou à l’Afrique. Ils étaient par exemple répandus dans des civilisations de Mésoamérique, de Chine, ou encore chez les Celtes.

Au Gabon, ces mises à mort existeraient depuis longtemps, mais n’ont été documentées que par les récits de missionnaires ou d’administrateurs coloniaux. Malheureusement, ils restent parcellaires.

Citant le Frère Antoine Roussel (1853), Raponda-Walker et Sillans notent que « les Eshira auraient immolé, au temps de la traite, un homme et une femme aux deux génies des chutes de Samba et de Nagosi ». Dans le rite du Bieri, la victime consentait à se sacrifier pour que ses reliques soient prises après sa mort afin qu’elle devienne un ancêtre protecteur du clan.

Autre cas de sacrifices humains rapportés par Raponda-Walker et Silans: lors de la mort d’un chef ou d’un notable, des esclaves ou des jeunes femmes pouvaient être tués pour le servir dans l’au-delà.

Mais des archives coloniales et missionnaires du milieu du XXe siècle parlent aussi de meurtres dans des « sectes ». Ainsi, un adepte de la « secte de l’homme-tigre » avait tué une personne et consommé sa chair (jugement du 28 janvier 1931 dans l’Ogooué-Ivindo) et un membre de la « secte de la panthère » avait mangé, avec d’autres adeptes, la cervelle d’une passante, suite à un guet-apens en forêt (archives de la Congrégation du Saint-Esprit, cote 2D60.9a4).

D’après les récits coloniaux, ces « sectes » offraient des privilèges aux adeptes : par exemple être facilement innocentés dans des procès au village, être avantagés dans des partages communautaires, etc. (archives de la Congrégation du Saint-Esprit, cote 2D60.9a4).

De fait, on remarque que la mort avait tantôt un but communautaire (assurer la prospérité d’un clan), tantôt servait les privilèges d’une élite, dans le cadre d’une « secte ».

Toutes ces mises à mort ont été réprimées durant la colonisation française. Mais la répression a aussi engendré une transformation de ces pratiques, qui sont progressivement devenues plus secrètes.

Selon l’historienne Florence Bernault (dans l’article « Économie de la mort et reproduction sociale au Gabon », 2005), « la fabrication rituelle des reliques familiales, par exemple, pouvait s’avérer paradoxalement plus risquée, sous surveillance coloniale, que l’utilisation d’organes et d’ossements prélevés sur des cadavres “discrets”, mais extérieurs au lignage.»

Au cours du XXe siècle, la société change sous l’influence de la modernité. Le capitalisme néolibéral, la mondialisation, la montée de l’individualisme, l’urbanisation et l’argent-roi, mais aussi le syncrétisme religieux, modifient les mœurs.

Les nouvelles élites, occidentalisées, usent alors de la « violence de l’imaginaire » par le « fétichisme des choses possédées » (belles voitures, belles maisons, etc.) – « fétichisme » dans le sens où l’objet aura une valeur au-delà de l’utilitaire – analyse l’anthropologue Joseph Tonda dans Le Souverain moderne.

Le Gabon est particulièrement marqué par des écarts de richesses très élevés, avec une élite ultra riche, capable de financer la « Françafrique », et un peuple pauvre.

Mais dans ce pays d’Afrique centrale, contrairement à l’Occident, le visible et l’invisible ne font qu’un, avec une « matérialité des entités imaginaires » énonce Tonda. Les objets comme les corps peuvent être investis de vertus symboliques, mais aussi spirituelles.

Les crimes rituels dans la modernité: la recherche d’un pouvoir individuel

Au Gabon, le « sacrifice », parfois à but collectif ou pour servir un petit groupe comme les « hommes-tigres », se transforme progressivement en « crime rituel », plus secret, réalisé plutôt à des fins personnelles ou élitistes.

Même s’il a pu être employé avant, nous avons trouvé pour la première fois, pour le Gabon, le terme de « crime rituel » en 1939 (archives de la Congrégation du Saint-Esprit, cote 2D60.9a4).

Dans beaucoup d’autres archives, nous avons plutôt lu des termes comme « anthropophagie ». Les utilisations des organes sont assez floues, car seuls les commanditaires et les sorciers ajouter guillemets à “commanditaires” et “sorciers” peuvent vraiment en parler, mais ils n’ont presque jamais été entendus par la justice, et nous n’avons pas réussi à les approcher lors de nos recherches de terrain.

Dès les années 1970-1980, des récits plus ou moins avérés sur des enlèvements d’enfants par une « voiture noire » se multiplient. Mais la dictature, dans sa forme la plus stricte, règne alors.

En 1990, après le discours de La Baule de François Mitterrand, les pays d’Afrique francophone réintroduisent le multipartisme. La presse se diversifie, tout comme la compétition -> remplacer compétition par **diversité **politique.

Coïncidence ou pas: les Gabonais ont l’impression d’une augmentation des sacrifices humains depuis ces années 1990, souligne Eddy Minang. Faut-il y voir un lien avec la compétition politique accrue, ou avec une presse qui ose désormais parler du sujet ?

Au Gabon — et plus largement en Afrique centrale —, la population associe souvent ces crimes aux « loges » ou « sectes » (selon les termes employés) comme les francs-maçons, les Rose-Croix ou encore, pour le Gabon, à l’ordre de la Panthère noire.

Ces « loges » sont devenues un passage presque obligé pour l’accès à certains postes chez de nombreuses élites d’Afrique francophone. Pour autant, nous n’avons pas pu démontrer que ces rites, tels que pratiqués aujourd’hui au Gabon, seraient demandeurs de « crimes rituels ».

Peu à peu, la société civile se met à dénoncer et à dénombrer les assassinats. En 2005, Jean-Elvis Ebang Ondo, déjà cité, retrouve son fils de 12 ans, mort, organes manquants. Face à cette tragédie, il crée l’Association de lutte contre les crimes rituels, ce qui lui vaut de recevoir des menaces. En un seul mois de 2008, l’ALCR a recensé 13 « crimes rituels » dans tout le pays et 24 entre janvier et mai 2013.

La presse aussi devient de plus en plus prolixe. À L’ Union, Jonas Moulenda se spécialise dans ce genre de faits divers. À tel point qu’en 2015, le journaliste fuit son pays, suite, selon lui, à une traque du présumé commanditaire, « V » Madoungou.

En mai 2013, le ras-le-bol des citoyens prend de l’ampleur: des manifestations éclatent contre les « crimes rituels ». Mais les mouvements sociaux ne parviennent pas à mettre fin à ces pratiques. Assassinats et disparitions continuent. « L’impunité et l’inaction des pouvoirs publics » restent la norme, déplore Eddy Minang.

En janvier 2020, des enlèvements présumés d’enfants embrasent tout Libreville. Des présumés kidnappeurs, parfois innocents, meurent lynchés, la population estimant qu’elle seule peut se faire justice elle-même. Les autorités ont démenti tout enlèvement.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Brice Oligui fin août 2023, la presse relate moins les informations liées aux « crimes rituels ». Pourtant, des commanditaires présumés demeurent dans des structures de pouvoir et certaines affaires restent non élucidées. C’est le cas de l’assassinat d’une famille à Franceville (nord-est) en juillet 2024. Officiellement, pas d’accusation de meurtre avec extractions d’organes ; mais pour Jonas Moulenda et une proche de la famille, il s’agirait bien d’un « crime rituel ». Le journaliste nous dit aussi avoir eu écho de cinq autres meurtres du même type depuis 2025…


Cet article a été co-écrit avec la journaliste Caroline Chauvet Abalo

The Conversation

Luce Manomba Obame ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Les « crimes rituels » au Gabon : un phénomène moderne – https://theconversation.com/les-crimes-rituels-au-gabon-un-phenomene-moderne-259304

Dans les villes, comment les citoyens peuvent participer à la lutte contre la surchauffe

Source: The Conversation – in French – By Elodie Briche, Coordinatrice R&D en Urbanisme Durable et intrapreneure Plus fraîche ma ville, Ademe (Agence de la transition écologique)

Opération végétalisation avec les habitants de Saint-Michel-de-Lanès (Aude). Georges Combes, Fourni par l’auteur

Les canicules, comme celle que la France a vécue entre le 19 juin et le 6 juillet 2025, sont appelées à se multiplier et à s’intensifier avec le changement climatique. Les villes tentent de s’adapter et les citoyens ont dans ce processus de nombreux leviers d’action. L’Agence de la transition écologique (Ademe) a créé un service numérique public gratuit, baptisé « Plus fraîche ma ville », qui peut être une source d’idées. Retour sur quelques expériences pratiques.


La France a été frappée fin juin et début juillet 2025 par une canicule qui a duré près de trois semaines.

Cette période a une nouvelle fois mis en lumière l’inadaptation des villes françaises face aux températures extrêmes, malgré les efforts menés ces dernières années. À l’échelle nationale comme locale, des actions d’adaptation au changement climatique sont en cours. Par exemple : rénovation thermique des écoles, opérations de revégétalisation de l’espace public, de désimperméabilisation des sols urbains…

Mais il n’existe pas de réponse unique à la chaleur. Pour être efficaces, ces mesures doivent être bien pensées en amont : la nature des solutions à engager dépend du contexte, du climat, de l’architecture (ou plus largement de la morphologie urbaine) et de la population de la ville.

C’est pourquoi les villes ont aussi besoin, pour mener leurs politiques d’adaptation, de la participation citoyenne. Les habitants peuvent jouer un rôle, collectivement et individuellement. Et cela, dans le choix des solutions comme dans leur mise en œuvre, afin de lutter le plus efficacement possible contre la surchauffe urbaine.

Nous n’en sommes pas toujours bien conscients, mais nous disposons de leviers pour nous réapproprier les espaces urbains et pour participer à les rendre plus vivables en période de fortes chaleurs. L’Agence de la transition écologique (Ademe) a ainsi créé un service numérique public gratuit, « Plus fraîche ma ville », consacré aux collectivités, qui peut également être une source d’idées inspirantes pour les citoyens.

Projet de végétalisation citoyenne à Saint-Michel-de-Lanès (Aude).
Georges Combes, Fourni par l’auteur

En nous informant mieux pour prendre conscience de la situation particulière de notre ville, en participant à des concertations locales sur les projets d’aménagement, en portant des projets avec d’autres citoyens mais aussi par nos comportements individuels, nous disposons d’une vaste panoplie de moyens pour lutter contre le phénomène de surchauffe locale qu’on appelle îlot de chaleur urbain (ICU).

Mais pour pouvoir s’en saisir, encore faut-il les connaître.

Des balades urbaines pour prendre conscience de son environnement

Depuis quelques années, de plus en plus de communes proposent aux citoyens d’appréhender de façon plus concrète la façon dont leur environnement urbain surchauffe, par exemple à travers des « balades urbaines et climatiques ».

Le principe est le suivant : citoyens, élus et experts techniques se réunissent pour suivre un parcours dans la ville à un moment où il fait chaud. De point en point, ils échangent sur leurs sensations dans les différents espaces – trottoirs goudronnés, bouches d’aération évacuant les rejets de climatisation, parcs arborés, aires de jeux exposées au soleil où aucun enfant ne joue…

  • Le premier but est d’objectiver l’aggravation de la chaleur estivale ressentie par l’effet d’îlot de chaleur urbain, ce phénomène qui se traduit par des températures plus élevées en ville qu’en zone rurale. Faire le constat partagé de cette surchauffe sur le terrain permet déjà aux participants de créer un consensus.

  • Dans un second temps, l’idée est de créer du dialogue entre élus, techniciens et habitants pour favoriser un passage à l’action rapide et durable.

C’est par exemple la démarche qui a été menée à Toulon et à la Seyne-sur-Mer, dans le Var. Elle a permis de mettre en évidence des lieux de rafraîchissement, d’identifier le rôle de la minéralisation (béton, goudron…), de la circulation et du stationnement excessif dans l’intensification de l’effet d’îlot de chaleur urbain.

Synthèse des sessions d’observation et des balades sensibles dans le centre-ville de la Seyne-sur-Mer (Var).
CEREMA, 2023, Fourni par l’auteur

Par la suite, des solutions concrètes ont été identifiées. Un projet d’adaptation est en cours à l’échelle d’un premier quartier.

Participer aux programmes de sa commune

Une fois le constat posé, comment agir ? Difficile de s’y retrouver dans la jungle des interlocuteurs et des programmes communaux. Il existe pourtant plusieurs façons de prendre part aux décisions et aux actions publiques menées pour adapter les villes à la chaleur.

Cela passe par la participation à des concertations locales, par exemple pour concevoir une cour d’école, une place, un parc municipal… Ou, très concrètement, en mettant les mains dans la terre dans le cadre d’un dispositif de la ville.

Ruelle végétalisée par les habitants à Saint-Michel-de-Lanès (Aude).
Mairie de Saint-Michel-de-Lanès, Fourni par l’auteur

Saint-Michel-de-Lanès (Aude), qui a connu un tel projet il y a une dizaine d’années, en donne un bon exemple. Les habitants volontaires ont participé à l’installation de plantes grimpantes sur les façades des maisons. L’enjeu était d’améliorer le confort thermique pour les habitants, l’adaptation aux conditions climatiques locales tout en ayant une gestion plus raisonnée de l’eau. Conseillés par une paysagiste, ils ont sélectionné des plantes peu exigeantes en eau et adéquates pour le climat local (clématites, chèvrefeuilles, jasmins étoilés, etc.), en fonction de différents critères tels que le feuillage, la floraison et les supports.

À Elne, dans les Pyrénées-Orientales, la mairie et les citoyens ont décidé, pour répondre au contexte de sécheresse répétée, de désimperméabiliser et de végétaliser les rues en créant des jardins partagés. L’objectif était de « favoriser l’infiltration de l’eau dans le sol pour limiter le ruissellement pluvial et conserver plus de fraîcheur en cœur de ville ».

Comment lancer un projet avec d’autres citoyens ?

Parfois, attendre que les transformations viennent du haut peut être long et frustrant. De nombreux projets émergent des citoyens eux-mêmes, qui à partir des besoins qu’ils identifient, imaginent des solutions et des espaces adaptés.

Il est tout à fait possible de rejoindre des collectifs citoyens existant, ou même, si vous avez une idée pour lutter contre la chaleur en ville près de chez vous, de fédérer d’autres citoyens pour agir avec vous. Quitte à demander ensuite à la ville de vous accompagner – financièrement, techniquement – pour le mettre en œuvre.

C’est ce qui s’est produit à la cascade des Aygalades, dans les quartiers nord de Marseille (Bouches-du-Rhône), où une association locale, la Cité des arts de la rue, s’est saisie de ce lieu laissé à l’abandon. Elle l’a renaturé pour en faire un lieu de visite, de promenade et de baignade précieux dans cette zone de la Cité phocéenne.

« Permis de végétaliser »

Il existe des façons plus individuelles de s’engager contre la surchauffe urbaine. De plus en plus de villes octroient par exemple des « permis de végétaliser » : il suffit de demander à la ville le droit de planter telles espèces à tel endroit.

Certains citoyens prennent les devants et s’approprient les espaces délaissés, comme en Guadeloupe, dans les dents creuses (parcelles en friches en plein centre-ville), où certains habitants se mobilisent pour créer des jardins.

Plus simplement, nous avons tous un rôle à jouer sur le bien-être thermique collectif par nos comportements du quotidien.

Cela passe par exemple par un usage raisonné de la climatisation : si celle-ci est, en bien des lieux, indispensable, elle ne doit pas être le premier réflexe à adopter, du fait de son impact sur la consommation d’énergie et la facture d’électricité, son risque de déséquilibrer les réseaux, mais aussi sa contribution à l’accentuation de l’effet d’îlot de chaleur urbain – par les rejets d’air chaud qu’elle génère vers l’extérieur.

D’autres pratiques existent pour rafraîchir le logement en évitant, dans bien des cas, le recours à la clim’ : fermer les volets et les stores, humidifier le logement (en faisant sécher une serviette ou un drap mouillé), placer des films anti-chaleur sur les vitres ou encore planter des arbres ou des haies au sud et à l’ouest de l’habitat.


Alice Bour, rédactrice « Plus fraîche ma ville », a contribué à la rédaction de cet article

The Conversation

Elodie Briche est membre de l’Ademe. La start-up Plus fraîche ma ville a reçu des fonds du FINDPE, du FAST et de l’Ademe.

ref. Dans les villes, comment les citoyens peuvent participer à la lutte contre la surchauffe – https://theconversation.com/dans-les-villes-comment-les-citoyens-peuvent-participer-a-la-lutte-contre-la-surchauffe-260743

Malnutrition : utiliser les déchets organiques pour lutter contre la « faim cachée »

Source: The Conversation – in French – By Jean-Michel Médoc, Chercheur agronome de la gestion territoriale des déchets organiques, Cirad

Parcelles de niébé et de patate douce à chair orange agroécologiquement biofortifiées à Nioro du Rip, au Sénégal. Jean-Michel Médoc, Fourni par l’auteur

Dans le monde, 1,6 milliard de personnes souffrent de carences en micronutriments. Cette « faim cachée » touche principalement les enfants, les adolescents et les femmes en âge de procréer. Pour la combattre, les déchets organiques, combinés à des microorganismes locaux, peuvent être mobilisés pour améliorer la qualité nutritionnelle des produits de récolte.


Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la malnutrition désigne les déséquilibres dans l’alimentation. Contrairement à l’idée que l’on s’en fait généralement, la malnutrition concerne donc non seulement les carences, mais aussi les excès en nutriments.

Il existe deux formes de malnutrition, très différentes l’une de l’autre : la dénutrition (qui englobe le retard de croissance, l’émaciation – une perte excessive de poids – et les carences en micronutriments) et le surpoids ou l’obésité (qui résulte d’un excès de graisses corporelles).

En 2022, 881 millions d’adultes souffraient d’obésité, et plus de 148 millions d’enfants de moins de 5 ans souffraient de retard de croissance, tandis que 45 millions étaient atteints d’émaciation.

En outre, on estime que, sur la planète, 1,6 milliard de personnes souffrent de carences en micronutriments. Celles-ci peuvent avoir de lourdes conséquences sur la santé.

Pour lutter contre ces carences, une solution pourrait être de réutiliser les déchets organiques. Explications.

La « faim cachée », des carences aux conséquences graves

Dans de nombreuses zones rurales, en particulier en Afrique subsaharienne, les mères et leurs enfants souffrent fréquemment de carences en micronutriments essentiels, tels que la vitamine A, le fer et le zinc, qui sont vitaux pour une santé optimale. Ces carences sont souvent liées à des régimes alimentaires dominés par les céréales, peu diversifiés, pauvres en fruits, légumes et protéines animales.

Elles peuvent avoir de graves conséquences sur la santé. La vitamine A, par exemple, est indispensable à la vision. Elle est aussi importante pour le système immunitaire et la santé de la peau. Une carence sévère peut entraîner cécité, infections et décès (mais un excès est également toxique).

La carence en fer est une cause fréquente d’anémie (trop faible teneur d’hémoglobine dans le sang), laquelle se traduit par une pâleur, de la fatigue et un essoufflement. L’anémie peut aggraver les troubles cardiaques. Une carence en fer grave peut aussi mener à des dysfonctionnements cognitifs (« brouillard cérébral », diminution de l’attention, changement d’humeur) et au « pica », une envie irrépressible de manger des produits non comestibles (comme la terre, la glace, des farines, etc.). Des déformations des ongles (ongles en cuillère) et le syndrome des jambes sans repos peuvent aussi en résulter.

Les carences en zinc ont aussi de graves conséquences, car ce métal est le deuxième oligoélément le plus abondant dans notre corps, après le fer. Il est essentiel pour ses effets anti-inflammatoires et antioxydants. Il soutient l’immunité. Une carence en zinc entraîne une perte d’appétit, des troubles cutanés et immunitaires, et peut provoquer des retards de croissance et de développement chez les nouveau-nés et les enfants.

Sur le continent africain, ces carences grèvent non seulement la santé des habitants, mais aussi l’éducation et la productivité. Selon les estimations, la sous-nutrition entraînerait pour le continent une perte de 2 % à 16 % de son PIB.

De nombreux pays concernés

En 2022, le Groupe mondial de recherche sur les carences en micronutriments a publié dans la revue The Lancet les résultats d’une analyse sur les carences en micronutriments chez les enfants d’âge préscolaire et les femmes en âge de procréer dans le monde entier.

Ces travaux ont révélé que plus de la moitié des enfants d’âge préscolaire et des femmes en âge de procréer dans le monde souffrent d’une carence en fer, zinc ou vitamine A.

Ces carences touchent particulièrement l’Afrique subsaharienne, l’Asie du Sud, l’Asie de l’Est et du Pacifique, où vivent la majorité des personnes concernées.

Toutefois, cette étude a aussi montré que, même dans les pays à hauts revenus, comme les États-Unis et le Royaume-Uni, ces carences restent fréquentes chez les jeunes femmes et les enfants.

Comment lutter contre la malnutrition ?

Pour lutter contre la malnutrition, quatre stratégies complémentaires sont possibles.

La première consiste à pallier une carence identifiée en apportant des nutriments spécifiques en plus de l’alimentation sous forme de gélules, d’ampoules… On parle alors de « supplémentation fonctionnelle ». Par exemple, en cas de fatigue liée à une carence en magnésium, ce minéral peut être prescrit sous forme de comprimés, de poudre ou de solution à boire.

Une seconde stratégie consiste à améliorer la qualité nutritionnelle des aliments en micronutriments essentiels en les enrichissant pendant leur transformation industrielle. Cette « fortification des aliments » est mise en œuvre pour produire du sel iodé ou du lait « enrichi en vitamine D ».

La troisième stratégie, appelée diversification alimentaire, encourage le recours à une alimentation équilibrée, grâce à la consommation de produits appartenant à différents groupes alimentaires. Elle est essentielle pour un développement sain, en particulier des jeunes enfants.

Enfin, la quatrième stratégie est la biofortification. Elle se propose d’améliorer la qualité nutritionnelle des aliments directement « dans les champs », grâce à des pratiques agricoles traditionnelles ou au recours aux biotechnologies.

Biofortification agronomique

Contrairement à la fortification, la biofortification se fait pendant la croissance de la plante, et non durant la transformation des produits. Cette biofortification peut être mise en œuvre via trois approches : traditionnelle, génétique ou agronomique.

  • La biofortification traditionnelle utilise des méthodes de sélection végétale pour identifier et croiser des variétés de plantes afin d’améliorer le trait génétique de la teneur en un micronutriment (le zinc d’une variété de riz donnée, par exemple).

  • La biofortification par le génie génétique consiste à introduire artificiellement un gène dans le code génétique d’une culture afin d’obtenir un organisme génétiquement modifié qui va exprimer un micronutriment donné. Un exemple emblématique de cette approche est le riz doré, plus riche en provitamine A que les autres riz.

  • Enfin, la troisième approche de la biofortification, que l’on qualifie d’agronomique, s’appuie sur le potentiel d’une plante à mobiliser et à utiliser les micronutriments qui lui sont apportés afin d’augmenter la teneur en micronutriments de ses parties comestibles. Classiquement, il s’agit d’appliquer des engrais synthétiques (contenant en général un micronutriment) sur les feuilles ou sur le sol.

Cependant, une autre source de micronutriments pourrait provenir de nos déchets organiques, avec le renfort des microorganismes.

Utiliser les déchets pour lutter contre les carences

Les déchets organiques issus des activités agricoles, agro-industrielles et urbaines représentent une ressource précieuse en matière organique et en nutriments essentiels pour la fertilité des sols. Leur valorisation agricole permet de recycler les nutriments et de renforcer une économie circulaire à l’échelle locale.

Ils constituent également une précieuse ressource pour lutter contre la malnutrition. En effet, ils contiennent certains éléments comme le zinc et le cuivre qui sont des micronutriments indispensables à la santé humaine.

En appliquant des pratiques agroécologiques de fertilisation à base de déchets organiques, il est en effet possible d’améliorer la teneur en micronutriments des cultures de base telles que mil, maïs, blé, etc.

Qu’est-ce que l’agroécologie ?

  • Pour rappel, l’agroécologie cherche à transformer en profondeur les systèmes agricoles et alimentaires, en mobilisant la biodiversité et les fonctions naturelles des écosystèmes pour produire durablement, en limitant l’usage d’intrants de synthèse et en tenant compte des aspects sociaux, économiques et politiques.

L’originalité de notre approche réside dans l’intégration de microorganismes efficaces dans le processus de valorisation des déchets organiques.

Les microorganismes locaux à la rescousse

Le consortium de microorganismes d’origine naturelle (bactéries, levures et champignons) que nous utilisons est issu de la litière forestière de zones peu modifiées par les activités humaines, donc biologiquement plus riches et diversifiées que celles qui ont été anthropisées.

Issus de la biodiversité locale, ces microorganismes sont adaptés aux conditions de température, d’humidité et d’aération des sols et restaurent leur microflore tout en étant faciles et économiques à reproduire (ils sont multipliés par fermentation à la ferme).

Leur complémentarité permet de biostimuler de nombreuses fonctions biologiques dans le sol et dans les plantes, renforçant ainsi la santé des sols et stimulant la croissance des plantes.

Notre hypothèse est que ces microorganismes favorisent également la solubilisation du fer et du zinc présents dans les déchets organiques, augmentant ainsi leur disponibilité pour une biofortification naturelle des cultures.

Ils jouent en quelque sorte le rôle de courroie de transmission entre les minéraux apportés par les déchets organiques et l’absorption par les racines de la plante, et ce de différentes façons : minéralisation de la matière organique, solubilisation des éléments traces, facilitation de l’absorption racinaire, stimulation de la croissance racinaire…

Un premier test sur le terrain

Cette approche a été expérimentée au sein du projet OR4FOOD, financé par l’Union africaine et l’Union européenne. En collaboration avec les agriculteurs de la région de Kaffrine, dans le centre du Sénégal, les principes de la biofortification ont été appliqués sur plusieurs cultures d’aliments africains de base, notamment le mil, le niébé ou la patate douce à chair orange.

Les résultats obtenus, en cours de publication, sont très encourageants : les rendements et les concentrations en micronutriments (fer et zinc) des variétés de niébé Thieye et Thissine cultivées de la sorte se sont avérés supérieurs à ceux des variétés traditionnelles.

Lorsque ces variétés naturellement riches en micronutriments reçoivent une combinaison de résidus organiques (litière de volailles) et de microorganismes, les gains en fer obtenus sont de +25 % et ceux en zinc de +33 % par rapport à ces mêmes variétés conduites de façon conventionnelle, avec application d’engrais de synthèse.

Des résultats intéressants ont également été obtenus pour la patate douce à chair orange. Les variétés Apomudem et Kandee ont enregistré des gains de +69 % en fer en ayant reçu une combinaison de litière de volailles et de microorganismes et +39 % en zinc, avec une combinaison de boues d’épuration des eaux usées urbaines et de microorganismes, par rapport aux variétés cultivées de manière conventionnelle.

Ces résultats surpassent aussi les pratiques de biofortification chimique dans un contexte sahélien, ce qui renforce la pertinence des pratiques agroécologiques.

Préserver les nutriments jusqu’à l’assiette

Une fois ces gains obtenus, il est crucial de s’assurer qu’ils seront préservés durant la phase de transformation des aliments, pour garantir qu’ils pourront effectivement bénéficier aux consommateurs.

En effet, la cuisson classique des aliments entraîne, notamment par la chaleur, l’altération du fer et des vitamines. Cela peut réduire leur bioaccessibilité, c’est-à-dire la proportion réellement libérée dans le tube digestif et disponible pour l’absorption par le corps.

Afin de s’assurer leur préservation, et en particulier du gain obtenu lors de la production, OR4FOOD a testé l’optimisation des paramètres de transformation (température, humidité, pression) par la technique de cuisson-extrusion.

Le projet a ainsi montré que les produits obtenus par ce procédé que l’utilisation de la litière de volaille en combinaison avec des microorganismes a augmenté la bioaccessibilité du fer dans le niébé cuit (27 %-29 %) par rapport à la contrepartie non biofortifiée (9 %).

Un point de vigilance auquel nous prêtons une attention particulière est la présence potentielle de contaminants dans les déchets utilisés (pesticides, substances industrielles, métaux, résidus pharmaceutiques, PFAS, microplastiques, microorganismes pathogènes, etc.). Des méthodes d’évaluation de ces risques, qui varient selon l’origine des déchets, sont mises en œuvre ou en cours de développement pour les mesurer.

Le projet OR4FOOD démontre qu’il est possible, sans recours aux organismes génétiquement modifiés, d’améliorer significativement la qualité nutritionnelle des cultures, tout en préservant les rendements et la santé des sols.

Son déploiement pourrait permettre de mieux lutter contre la malnutrition, en complétant avantageusement d’autres stratégies, telles que la diversification alimentaire.


Remerciements :

Ce travail a été soutenu par :

– L’Union africaine (UA) et l’Union européenne (UE), à travers le projet « Organic Residual Products for Biofortified Foods for Africa » (OR4FOOD – numéro de subvention AURG-II-2-110-2018). Nous remercions l’UA et l’UE, nos partenaires de l’Institut sénégalais de recherche agricole (ISRA), de l’Université Cheikh-Anta-Diop (UCAD), de l’lnstitut de technologies alimentaires (ITA) du Sénégal ainsi que ceux d’Addis Ababa University en Éthiopie et de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) en France.

– La Banque mondiale à travers le fonds NBS Invest (« Accelerating Nature Based Solutions in Least Developed Countries »), projet ASA « Reflection and knowledge » (contrat 0002010826) pour la valorisation et la diffusion des résultats.

The Conversation

Jean-Michel Médoc a reçu des financements de l’Union Africaine et de l’Union Européenne.

Paula Fernandes a reçu des financements de la Banque Mondiale, fonds NBS Invest (Accelerating Nature Based Solutions in Least Developed Countries), contrat ASA Reflection and Knowledge.

Samuel Legros a reçu des financements de l’Union Africaine et de l’Union Européenne.

Emmanuel Noumsi Foamouhoue ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Malnutrition : utiliser les déchets organiques pour lutter contre la « faim cachée » – https://theconversation.com/malnutrition-utiliser-les-dechets-organiques-pour-lutter-contre-la-faim-cachee-258417

À Gaza, l’illusion humanitaire ne nourrit pas une population affamée

Source: The Conversation – in French – By Pierre Micheletti, Responsable du diplôme «Santé — Solidarité — Précarité» à la Faculté de médecine de Grenoble, Université Grenoble Alpes (UGA)

Alors que la situation humanitaire à Gaza atteint un niveau de gravité sans précédent, les annonces de reprise ou de largage d’aide internationale masquent la réalité d’un dispositif insuffisant et strictement encadré par les autorités israéliennes, pourtant responsables du blocus. Plutôt que de mobiliser les leviers politiques et diplomatiques nécessaires pour lever ce blocus, les interventions se limitent à des actions symboliques, laissant perdurer une crise humanitaire profonde et structurelle.


Sous l’effet des pressions internationales, une timide reprise des approvisionnements humanitaires s’amorce à Gaza.Toutefois, les responsables israéliens, comme c’est le cas depuis 2005, prolongent une fois encore la « stratégie de la perfusion contrôlée ». Les mécanismes qui aboutissent à la crise actuelle sont ainsi connus et dénoncés depuis plus d’un an . Les flux alimentaires vitaux ont été maintenus, à la limite constante de la suffocation ; juste suffisants pour éviter une mortalité massive qui viendrait parachever le drame qui se joue depuis octobre 2023.

Avec une telle mortalité, le risque serait trop grand qu’enfin se dégage un consensus qui pourrait balayer l’incroyable inertie qui prévaut dans la gouvernance des relations internationales. Les autorités israéliennes le savent.

Les livraisons cosmétiques annoncées ne sont pourtant en rien résolutives du drame que connaît la population civile de ce territoire depuis plus de 18 mois maintenant.




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Malnutrition à Gaza : son impact sur les 1 000 premiers jours de vie des bébés


Les largages alimentaires : une aide dérisoire face à une population dévorée par la famine

Elles empruntent des modalités qui, dans le sillage du calamiteux dispositif de la Fondation Humanitaire pour Gaza, continuent de déroger à toute préoccupation d’efficacité et de respect des principes humanitaires à l’égard d’une population civile qui vit dans un territoire occupé par une puissance extérieure.
Car les mesures annoncées contreviennent à la mise en œuvre effective d’une sécurité alimentaire qui repose sur 4 piliers .

D’abord la disponibilité des denrées. C’est sur ce seul axe que portent l’accroissement annoncé des volumes d’aide délivrée. Avec une volumétrie qui soulève cependant des doutes : 100 camions annoncés là où avant le conflit massif plus de 500 étaient mobilisés chaque jour. L’ONU estime à 62 000 tonnes par mois la nécessaire disponibilité de denrées alimentaires.

Le deuxième pilier concerne l’accessibilité effective de la population civile aux denrées ayant franchi la frontière. Une accessibilité qui porte sur la capacité à se déplacer pour accéder à la nourriture, – accessibilité géographique – particulièrement cruciale pour les malades, les blessés et les personnes âgés, des dizaines de milliers de personnes en l’occurrence ; l’exposition à la violence militaire met en jeu l’accessibilité sécuritaire ; et selon les circuits de répartition ensuite empruntés par les aliments, des coûts qui peuvent être prohibitifs si livrés à la dérégulation d’un marché noir favorisé par l’absence d’encadrement sur le terrain – accessibilité financière -.

Le 3ème pilier repose sur la capacité des populations à utiliser effectivement les produits entrés sur le territoire. C’est-à-dire de pouvoir disposer des ustensiles de cuisine, du combustible et des autres ingrédients dont l’eau qui permettent la préparation des aliments qui nécessitent une cuisson.

Les blessés graves ou inconscients nécessitant par ailleurs une nutrition parentérale spécialisée et contrôlée par des professionnels de santé dont la mortalité a également été massive depuis octobre 2023. Et enfin, quatrième composante de la sécurité alimentaire : la stabilité dans le temps des 3 piliers précédents et non, comme cela est le cas depuis 18 mois, des livraisons erratiques dans le temps et dans l’espace.

La sous-nutrition aigue qui peut conduire à la mort, résulte ainsi d’un équilibre entre les apports qui construisent la sécurité alimentaire et les excès de pertes, le plus souvent liées à des diarrhées aigües très fréquentes là où la qualité de l’eau de boisson ne peut être garantie. Tel est le cas pour la population de Gaza, dont la densité était avant le conflit l’une des plus élevées au monde .

Sous le siège israélien, les Gazaouis abandonnés à une famine dévastatrice

La population, dont plus de 80% est poussée à une errance perpétuelle , est aujourd’hui concentrée sur de faibles surfaces territoriales, vivant au milieu des déjections humaines et animales, sans non-plus les moyens d’une hygiène corporelle minimale, et alors-même que la sous-alimentation chronique expose en particulier les enfants à une plus grande mortalité par déficit immunitaire.

Ce sont toutes ces composantes vitales que ne peut résoudre la seule augmentation modeste en volume qui est annoncée par les autorités israéliennes. Cette décision relève du marketing humanitaire si elle reste isolée.

Cette punition collective n’a que trop duré pour les 2 millions de personnes qui errent sur un territoire de 40km de long sur 10 de large. Malgré les récentes annonces, la vigilance reste de mise pour que les approvisionnements dérisoires – largement médiatisés – ne soient pas érigés en solution généreuse et durable…
Une mobilisation inédite de grandes ONG internationales ne cesse d’interpeller sur la situation catastrophique que vivent la population comme les équipes d’acteurs humanitaires .

Un véritable cessez-le-feu doit être instauré, et des décisions politiques prises pour qu’enfin se dégagent les perspectives d’une paix durable. La prochaine Assemblée générale des Nations-Unies en septembre 2025 à New York constitue une opportunité de prendre des décisions pour « le jour d’après » la période de conflit. Des initiatives politiques se multiplient, en particulier autour de la reconnaissance de l’Etat de Palestine par un nombre croissant de pays.

The Conversation

Pierre Micheletti est membre :

Président d’honneur d’Action Contre la Faim
Ancien président de Médecins du Monde
Administrateur de SOS Méditerranée
Membre de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme

ref. À Gaza, l’illusion humanitaire ne nourrit pas une population affamée – https://theconversation.com/a-gaza-lillusion-humanitaire-ne-nourrit-pas-une-population-affamee-262461

Acquittement des hockeyeurs : le système judiciaire est inhospitalier aux victimes d’agression sexuelle. Il faut trouver d’autres façons de les soutenir

Source: The Conversation – in French – By Rachel Chagnon, Doyenne Faculté de science politique et de droit, spécialiste de l’analyse féministe du droit, droit à l’égalité et lutte aux violences sexospécifiques, Université du Québec à Montréal (UQAM)

Le 24 juillet, cinq joueurs de l’équipe junior de Hockey Canada ont été acquittés d’agression sexuelle.

Cette affaire, emblématique d’un scandale plus large sur la culture de silence au sein de l’organisation, a ravivé un profond malaise. Malgré #moiaussi et des réformes judiciaires, plusieurs ont l’impression que la justice échappe encore aux victimes.

Le jugement R. C. McLeod est tombé comme une onde de choc. Il marque la fin d’un procès très suivi, mais il s’inscrit surtout dans conversation sociale plus vaste : celle sur la capacité du système judiciaire à rendre justice aux victimes de violences à caractère sexuel (VACS). Pour plusieurs, la juge Maria Carroccia a échoué à démontrer que la justice peut agir équitablement à leur égard. Or, s’agit-il d’une « mauvaise » décision ou de la démonstration des limites structurelles du droit criminel dans son application actuelle ?

Juriste de formation, je m’intéresse depuis plusieurs années au traitement juridique des victimes de VACS et de violences conjugales par le système judiciaire. À titre de professeure à l’UQAM j’ai, avec d’autres collègues, documenté l’évolution du système de justice au cours des dernières années, particulièrement depuis la déferlante de #moiaussi en 2017.

Des réformes, mais peu de changements concrets

Historiquement, la justice canadienne n’a pas été très portée à défendre adéquatement ces victimes en particulier et les femmes en général. Des ouvrages comme Sexual Assault in Canada, un collectif dirigé par Elizabeth Sheehy, nous rappellent d’ailleurs à quel point les femmes reviennent de loin dans leur face à face avec le système judiciaire.

La défiance des personnes soutenant les victimes de VACS à l’égard du système a donc des racines profondes, bien alimentées par des décennies de sexisme ordinaire.

On tente pourtant depuis quelques années d’améliorer le système à l’égard des victimes. Dorénavant, le droit criminel encadre très strictement l’accès au passé sexuel des victimes, les victimes ont accès à un avocat, etc. Toutefois, plusieurs doutent des effets réels de ces mesures dans les salles d’audience.

On pourrait croire que la juge Carroccia leur donne raison. Sa décision, où elle indique que le témoignage de la plaignante n’était « ni crédible ni fiable », peut sembler très sévère. On peut même penser que les mesures mises en place afin de rendre la justice moins hostile aux victimes n’ont pas vraiment d’impact sur le sort qu’on finit par leur réserver.

On pourrait argumenter ici que la plaignante n’est pas une « vraie » victime, puisque sa version des faits n’a pas convaincu. Et c’est précisément là que se révèlent les limites du système. La juge n’a pas tranché quant à savoir si la plaignante a bel et bien été victime d’agression sexuelle. Elle a essentiellement statué sur la capacité de la plaignante à la convaincre de ce fait au-delà de tout doute raisonnable, c’est-à-dire à un seuil où aucun doute sérieux et rationnel ne subsiste quant à la culpabilité des accusés.

Cela dit, la décision de la juge n’a pas seulement comme impact d’acquitter cinq hommes d’agression sexuelle, elle remet aussi en cause le statut de victime de la plaignante et, de ce fait, peut potentiellement décourager d’autres victimes de porter plainte.

Une justice de gagnants et de perdants

Le système criminel repose sur un modèle contradictoire, où deux parties s’affrontent – la poursuite et la défense – chacune tentant de faire triompher sa version. Cela produit inévitablement des « gagnants » et des « perdants ».

Bien que les médias aient adopté un ton relativement nuancé dans leur couverture du procès, on constate rapidement que la plaignante est décriée pour « son manque de fiabilité », tandis que l’accent est mis sur la souffrance des accusés et les « dommages » qui leur avaient été faits. Ils ont gagné, donc, elle mentait. Les subtilités propres au droit criminel se perdent dans le résultat final qui, lui, tranche dans le vif. Finalement, ce ne sont pas les nuances apportées par la juge dans sa décision de près de 90 pages qui marquent les esprits, mais bien l’acquittement.

Et pourtant, la réalité est plus complexe. Ils étaient cinq et elle était seule. Comment prendre en compte les dynamiques de pouvoir dans ce qui peut paraître, de l’extérieur, un consentement librement donné ? Peut-être la plaignante voulait-elle vraiment passer une nuit avec cinq hommes. Peut-être les regrets sont-ils venus après coup. Mais il est tout aussi possible que ce qui est arrivé dans cette chambre d’hôtel n’ait pas été pas consensuel.

Pensons aussi au contexte particulier du hockey d’élite au Canada, marqué par une culture de hiérarchie, de virilité et de tolérance envers les écarts de conduite de ses joueurs. En 2018, Hockey Canada a versé trois millions de dollars à la plaignante à même un fonds secret, alimenté en partie par les cotisations des parents. Ce geste a d’ailleurs déclenché une profonde crise de confiance envers l’organisation.

Ce contexte, tout en zones d’ombre, tranche avec la clarté de la décision et laisse un malaise.

Repenser la justice pour ne pas perdre les victimes

On ne peut donc pas blâmer les victimes de VACS d’hésiter avant de s’engager dans un système qui risque de les stigmatiser une seconde fois et ce, malgré toutes les précautions prises pour tenter d’alléger leur parcours.

Le système est naturellement inhospitalier aux victimes. Pensons aux règles de preuve très strictes, aux contre-interrogatoires éprouvants, aux longues procédures publiques et à l’exigence du doute raisonnable, qui placent une lourde charge sur leurs épaules. À moins de trouver un autre système, il y a peu de choses à faire.

Changer n’est pas non plus une option si attrayante. Après plus de 500 ans d’existence, la justice criminelle, comme système de régulation des comportements sociaux, a fait ses preuves. Si aujourd’hui les sociétés libérales telles que la nôtre sont aussi sécuritaires, c’est entre autres grâce à elle.

Il nous faut donc sortir des sentiers battus et envisager d’autres façons de soutenir les victimes de VACS et de leur procurer un sentiment de justice. Soyons optimistes, plusieurs trouvent leur compte dans le système actuel et obtiennent ce qu’elles étaient venues y chercher. Mais il ne faut pas laisser les autres de côté. Des solutions existent. Trouvons-les.

La Conversation Canada

Rachel Chagnon a reçu des financements du Ministère de la Justice du Québec et du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada

ref. Acquittement des hockeyeurs : le système judiciaire est inhospitalier aux victimes d’agression sexuelle. Il faut trouver d’autres façons de les soutenir – https://theconversation.com/acquittement-des-hockeyeurs-le-systeme-judiciaire-est-inhospitalier-aux-victimes-dagression-sexuelle-il-faut-trouver-dautres-facons-de-les-soutenir-262152

Le premier traitement contre le paludisme pour les bébés est une étape majeure vers l’éradication de la maladie en Afrique

Source: The Conversation – in French – By Fortunate Mokoena, Senior lecturer, Biochemistry, North-West University

Le premier traitement contre le paludisme destiné aux bébés et aux jeunes enfants âgés de 2 mois à 5 ans a été approuvé début juillet 2025 par Swissmedic, l’agence suisse des produits thérapeutiques. Jusqu’à présent, les bébés et les très jeunes enfants étaient traités avec des médicaments conçus pour les enfants plus âgés.

The Conversation Africa a interrogé Fortunate Mokoena sur l’importance de cette autorisation et son impact sur la lutte contre le paludisme en Afrique. Elle est biochimiste et se consacre à la recherche de nouveaux traitements pour des maladies qui frappent particulièrement les enfants de moins de cinq ans, comme le paludisme et la pneumonie.


Quelle est l’importance de cette autorisation pour le traitement du paludisme en Afrique ?

Cette autorisation est extrêmement importante.

L’OMS s’est fixé un objectif ambitieux et visionnaire : éradiquer le paludisme d’ici 2030. Il s’agit d’un défi qui exige des mesures audacieuses et multidimensionnelles : des insecticides et des moustiquaires aux vaccins, en passant par la lutte contre les vecteurs et les traitements efficaces.

Ce nouveau médicament est une étape importante dans la lutte contre le paludisme. Il apporte de l’espoir et des progrès tangibles en proposant un traitement vital, spécialement conçu pour les plus jeunes et les plus vulnérables, notamment les enfants de moins d’un an et pesant seulement 4,5 kg. Chaque progrès comme celui-ci permet non seulement de sauver des vies, mais aussi de renforcer la détermination collective à créer une Afrique sans paludisme. Il s’agit de donner à chaque enfant la chance de grandir, s’épanouir et rêver libéré du poids de cette maladie.

L’avenir du traitement du paludisme en Afrique est plus prometteur que jamais. Cette autorisation permet non seulement de sauver des vies et d’assurer un avenir meilleur aux enfants africains, mais elle met davantage en évidence également l’énorme potentiel du continent.

L’éradication du paludisme pourrait sauver d’innombrables vies et débloquer environ 126 milliards de dollars du PIB de l’Afrique. ce qui pourrait avoir un impact considérable sur la santé et la prospérité.

Même si la recherche dans le secteur pharmaceutique est encore à ses débuts, elle est déjà très prometteuse. Des pionniers tels que le Professeur Kelly Chibale, dont le médicament antipaludique révolutionnaire a atteint la phase II des essais cliniques, ont démontré ce qu’il était possible de d’accomplir. Grâce à la Fondation H3D, Chibale a réuni quelques-uns des meilleurs talents scientifiques africains afin de se concentrer sur des maladies telles que le paludisme et la tuberculose, stimulant ainsi l’innovation et l’espoir.

Cette autorisation peut servir de catalyseur puissant, en inspirant et en donnant les moyens aux scientifiques africains pour leur permettre de continuer à développer des médicaments qui sauvent des vies. Avec plus d’expertise et de détermination, l’Afrique pourra non seulement traiter le paludisme, mais aussi l’éradiquer. Et peut-être même ouvrir la voie à un avenir plus sain et plus prospère pour tous.

Quelle est l’ampleur du paludisme chez les enfants en Afrique ?

Le paludisme reste l’un des problèmes de santé les plus urgents en Afrique. En 2023, on estimait à 263 millions le nombre de cas de paludisme et à 597 000 le nombre de décès dûs à cette maladie dans 83 pays, la majorité des victimes étant des jeunes enfants et des femmes enceintes.

En 2023, la région africaine de l’OMS comptait 94 % des cas de paludisme (246 millions) et 95 % (569 000) des décès dus au paludisme. Les enfants de moins de 5 ans représentaient environ 76 % de tous les décès dûs au paludisme dans la région.

Le fardeau est particulièrement lourd en Afrique subsaharienne, notamment dans les zones rurales où la pauvreté et l’accès limité aux soins de santé aggravent la situation. Mais c’est aussi un appel puissant à l’action. En luttant contre le paludisme, les Africains ont la possibilité non seulement de sauver des vies, mais aussi de libérer l’immense potentiel des enfants. Ils peuvent également renforcer les communautés et bâtir un avenir plus sain, plus prospère et plus durable pour l’Afrique.

Comment soignait-on les bébés contre le paludisme jusqu’à présent ?

Jusqu’à maintenant, il n’existait pas de traitement antipaludique efficace spécialement conçu pour les nouveau-nés. Cela a créé un grand vide dans la prise en charge des enfants les plus jeunes et les plus vulnérables.

Il est déchirant de constater que ces petits êtres précieux reçoivent souvent des médicaments conçus pour des enfants plus âgés. Cela peut entraîner des effets secondaires désagréables et des réactions toxiques. Il est important de comprendre que le corps des bébés fonctionne différemment de celui des enfants plus grands ou des adultes. Leurs besoins physiologiques sont spécifiques et nécessitent une prise en charge adaptée.

Par exemple, les nouveau-nés sont encore en phase de développement de leur fonction hépatique, ce qui a un impact sur la façon dont ils transforment les médicaments par rapport aux enfants plus âgés. D’où l’urgence de mettre en place des stratégies de traitement personnalisées pour combattre le paludisme néonatal.

Quels sont les obstacles susceptibles d’entraver le déploiement ?

Swiss Medic collabore avec huit pays africains afin d’améliorer le déploiement du médicament dans le cadre d’une initiative mondiale en matière de santé. Novartis a développé ce médicament avec le soutien de Medicines for Malaria Venture. Il a été cofinancé par le Partenariat des pays européens et en développement pour les essais cliniques et l’Agence suédoise de coopération internationale au développement. Novartis va lancer Coartem Baby, un traitement antipaludique à but non lucratif destiné aux nourrissons. Ce traitement répond à un besoin urgent : chaque année, 30 millions d’enfants naissent dans des zones à risque de paludisme en Afrique.

Le Ghana a déjà commencé à le déployer. Huit autres pays devraient l’approuver très prochainement : le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Kenya, le Malawi, le Mozambique, le Nigeria, la Tanzanie et l’Ouganda.

Pour réussir ce déploiement, il est indispensable d’obtenir des financements supplémentaires. Il sera aussi crucial de s’appuyer sur l’expertise locale pour améliorer l’efficacité du projet sur le terrain.

Dans certaines régions, les formulations du médicament peuvent nécessiter une lyophilisation pour faire face à des conditions telles que les coupures d’électricité. La lyophilisation, également connue sous le nom de séchage par congélation, est une forme de conservation des produits qui élimine toute l’humidité et l’eau du produit.

Il est essentiel d’investir dans les infrastructures de fabrication locales afin de réduire les coûts de production. C’est à la fois un appel à l’action et un rappel que la lutte contre le paludisme est loin d’être terminée.

The Conversation

Fortunate Mokoena bénéficie d’un financement de la Science for Africa Foundation (SFA) dans le cadre de la deuxième cohorte de boursiers Grand Challenges Africa de la Fondation Bill et Melinda Gates (GCA/Round10/DD-065 à F.M.). Le financement de l’agence sud-africaine pour l’innovation technologique est également très apprécié. Fortunate Mokoena est membre à part entière du Grand Challenges Drug Discovery Accelerator.

ref. Le premier traitement contre le paludisme pour les bébés est une étape majeure vers l’éradication de la maladie en Afrique – https://theconversation.com/le-premier-traitement-contre-le-paludisme-pour-les-bebes-est-une-etape-majeure-vers-leradication-de-la-maladie-en-afrique-262312