Les enjeux actuels sont mondiaux. Pour y faire face, il faut créer de véritables partenariats en recherche

Source: The Conversation – in French – By Rémi Quirion, Scientifique en chef du Québec et professeur au Département de psychiatrie de l’Université McGill, McGill University

Des inondations dans l’État du Rio Grande do Sul, au Brésil. Les changements climatiques provoquent de nombreuses catastrophes naturelles. Seul un réel partenariat entre scientifiques du monde entier nous permettra de les affronter. (Unsplash)

En science, la collaboration est devenue un mot d’ordre. On la cite volontiers dans les appels à projets, dans les publications, dans les communiqués de presse. Elle incarne un idéal de travail collectif, d’ouverture, de mise en commun des expertises.

Depuis 2011, la collaboration est au cœur de mon mandat à titre de premier scientifique en chef du Québec. En plus de mes fonctions de conseil auprès du gouvernement et de PDG du Fonds de recherche du Québec (FRQ), j’ai tissé au fil des ans de nombreuses ententes avec des partenaires à travers le globe pour soutenir et développer des collaborations scientifiques sur des préoccupations communes, et positionner nos équipes sur l’échiquier mondial de la recherche.

Alors que je quitterai mes fonctions à l’automne prochain, je souhaite aujourd’hui faire un vœu pour l’avenir : celui d’oser aller plus loin. Face aux défis de plus en plus complexes, transnationaux et systémiques auxquels nous sommes confrontés, je fais le vœu de véritables partenariats en recherche.


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Favoriser le partenariat

En français, le mot partenariat a une profondeur particulière. Il dépasse la simple collaboration ponctuelle ou utilitaire. Il évoque une relation fondée sur la confiance, la durabilité et une intention commune d’avancer ensemble, en toutes circonstances. Certains vont jusqu’à le comparer à un mariage : une union qui suppose engagement, patience, résilience et loyauté, y compris dans les périodes de turbulence.

Les collaborations, bien qu’essentielles, restent souvent éphémères. Elles naissent autour d’un projet, durent le temps d’un financement, puis s’effacent lorsque les conditions changent ou que les agendas se séparent. Ce modèle, qui a longtemps suffi pour répondre à des problématiques scientifiques bien définies, montre aujourd’hui ses limites.




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Car les enjeux auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui – crise climatique, pandémies, sécurité alimentaire, intelligence artificielle, migrations, perte de biodiversité – ne respectent ni les frontières disciplinaires ni les frontières géographiques. Ils exigent des réponses coordonnées, durables, enracinées dans des liens solides et stables.

Par exemple, le partenariat entre le FRQ et le Centre National pour la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST) du Maroc permet depuis 2021 de rassembler nos équipes respectives autour de projets de recherche portant sur de grands défis de société, tels que la santé humaine ou encore les adaptations aux changements climatiques et la gestion de l’eau.

Un homme et une femme prennent une photographie
Jamila El Alami, directrice du CNRST (à gauche), et Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec (à droite), lors de la signature de l’entente de collaboration scientifique, en septembre 2021.
(Courtoisie de l’auteur)

Les partenariats scientifiques ont cette capacité unique de résister aux aléas. Là où une collaboration peut s’interrompre à la première difficulté administrative, financière ou politique, un partenariat repose sur une intention de long terme, sur une infrastructure de confiance et de partage qui dépasse les projets individuels. Ces relations profondes entre institutions, entre équipes, entre individus, permettent de continuer à travailler même lorsque le contexte se durcit.

La science au-delà des contingences politiques

Un exemple emblématique de cette résilience des partenariats scientifiques peut être observé dans les relations entre chercheurs canadiens et américains.

Malgré des divergences politiques ponctuelles entre gouvernements, des liens profonds entre institutions de recherche ont permis de préserver, voire de renforcer, des coopérations critiques. Dans le contexte actuel trouble, nous avons pu observer que des quantités considérables de données en santé publique, en climatologie, en biodiversité ont été sauvées, partagées, et mises à disposition des communautés scientifiques, alors qu’elles auraient pu être perdues.

Il ne s’agissait pas d’un simple échange ponctuel, mais bien d’une action conjointe rendue possible par des années de travail en commun, de confiance mutuelle, et d’objectifs partagés. Ce sont ces partenariats durables qui permettront à la science de faire face aux crises actuelles et futures.

Le programme de scientifique en résidence dans les représentations du Québec à l’étranger, que j’ai initié en collaboration avec le ministère des Relations internationales et de la Francophonie du Québec, constitue un moyen pour bâtir et renforcer ce type de partenariat. En plus d’ouvrir les horizons de carrière de la relève en recherche, ces résidences les initient à la diplomatie scientifique en contribuant à la coopération et la mobilité internationales en recherche. Depuis 2017, treize délégations en Amérique du Nord, en Afrique, en Asie et en Europe ont accueilli des scientifiques en résidence.




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Dans un monde de plus en plus polarisé, où la diplomatie scientifique devient parfois la dernière ligne de dialogue entre nations, les partenariats entre chercheurs jouent un rôle critique. Ils incarnent des ponts de compréhension, des espaces de continuité, même en temps d’incertitude.

Lorsque les liens politiques vacillent, les liens scientifiques, eux, peuvent perdurer – à condition qu’ils aient été construits avec soin, dans la durée, avec un véritable engagement de part et d’autre.

Une diplomatie quotidienne

Créer de tels partenariats exige plus que des accords institutionnels ou des lettres d’intention. Cela demande du temps, des efforts constants, des échanges réguliers, une reconnaissance réciproque des contraintes et des savoirs. Cela demande aussi une volonté politique et institutionnelle de soutenir ces liens sur le long terme, au-delà des échéances électorales ou des cycles de financement.

Il ne s’agit pas d’idéaliser : les partenariats ne sont pas toujours faciles. Ils nécessitent une diplomatie quotidienne, une capacité à gérer les désaccords, à s’adapter à l’évolution des contextes. Mais c’est précisément dans cette complexité qu’ils trouvent leur force.

Un groupe d’hommes et de femmes prend une photographie
Rencontre franco-québécoise à l’occasion du renouvellement du Laboratoire de recherche international Takuvik et du lancement de la Chaire GEOMARIS, lors de la Conférence des Nations unies sur l’Océan, à Nice, en juin 2025.
(Courtoisie de l’auteur)

Car lorsqu’une crise éclate, ce ne sont pas les collaborations de circonstance qui tiennent. Ce sont les partenariats éprouvés, forgés au fil du temps, qui permettent d’agir rapidement, efficacement, avec cohérence.

Penser ensemble

Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin de ces partenariats.

Si nous voulons que la recherche scientifique joue pleinement son rôle dans la résolution des grands défis de notre temps, nous devons bâtir des liens durables, profonds, transdisciplinaires et transnationaux.

Il ne s’agit plus seulement de partager des données ou de publier à plusieurs mains, mais de penser ensemble, d’agir ensemble, de construire ensemble un avenir commun.

La science ne peut plus être une mosaïque de projets isolés. Elle doit être un tissu vivant, tissé de relations fortes, de valeurs partagées, d’engagements communs. Le partenariat n’est pas une option : c’est une condition essentielle pour que la science continue à éclairer notre monde, même dans ses zones les plus obscures.

La Conversation Canada

Rémi Quirion ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Les enjeux actuels sont mondiaux. Pour y faire face, il faut créer de véritables partenariats en recherche – https://theconversation.com/les-enjeux-actuels-sont-mondiaux-pour-y-faire-face-il-faut-creer-de-veritables-partenariats-en-recherche-257186

Du point de vue de l’évolution, votre téléphone intelligent est un parasite

Source: The Conversation – in French – By Rachael L. Brown, Director of the Centre for Philosophy of the Sciences and Associate Professor of Philosophy, Australian National University

À l’instar des poux, des puces ou des vers solitaires, les téléphones intelligents sont des parasites pour l’humain. (Shutterstock)

Les poux, les puces et les vers solitaires accompagnent l’humanité depuis le début de son histoire. Toutefois, le parasite le plus important de l’ère moderne n’est pas un invertébré suceur de sang. Il a des lignes épurées, un écran vitré et est conçu pour créer une dépendance. Son hôte ? Tous les êtres humains de la planète disposant d’un signal wifi.

Loin d’être inoffensifs, les téléphones intelligents parasitent notre temps, notre attention et nos informations personnelles, tout cela dans l’intérêt des entreprises technologiques et de leurs annonceurs.

Dans un article paru récemment dans l’Australasian Journal of Philosophy, nous soutenons que les téléphones intelligents présentent pour la société des risques uniques, qui apparaissent clairement lorsqu’ils sont considérés à travers le prisme du parasitisme.

Qu’est-ce qu’un parasite ?

Selon les biologistes de l’évolution, un parasite est une espèce qui vit aux dépens d’un autre organisme, l’hôte, et qui tire profit de cette association, tandis que l’hôte en paie le prix.

Le pou de tête, par exemple, dépend entièrement de notre espèce pour subsister. Il ne se nourrit que de sang humain et ne survit pas longtemps s’il se détache de son hôte, à moins qu’il n’ait la chance de tomber sur le cuir chevelu d’un autre humain. En échange de notre sang, les poux nous donnent une affreuse démangeaison — c’est le prix à payer.

Les téléphones intelligents ont radicalement changé notre existence. Qu’il s’agisse de s’orienter dans une ville ou de gérer une maladie chronique telle que le diabète, ces petits objets technologiques de poche nous facilitent la vie. À tel point que nous n’arrivons plus à nous en passer.

Pourtant, malgré ces avantages, beaucoup d’entre nous deviennent otages de leur téléphone et esclaves du défilement sans fin, incapables de se déconnecter complètement. Le prix à payer est le manque de sommeil, de moins bonnes relations en personne et des troubles de l’humeur.

Du mutualisme au parasitisme

Toutes les relations étroites entre espèces ne sont pas parasitaires. De nombreux organismes qui vivent sur nous ou à l’intérieur de nous sont bénéfiques.

Prenons l’exemple des bactéries présentes dans l’intestin des animaux. Elles ne peuvent survivre et se reproduire hors de l’intestin de leur hôte, et elles absorbent les nutriments qui y transitent. Elles procurent toutefois des avantages à leur hôte, notamment en améliorant son immunité et sa digestion. Ces associations bénéfiques pour les deux parties sont appelées mutualistes.

L’association entre l’humain et le téléphone intelligent a commencé par être mutualiste. La technologie s’est avérée utile aux humains pour rester en contact, se déplacer à l’aide de cartes et trouver des informations.


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Les philosophes n’ont pas parlé de mutualisme, mais ont plutôt présenté le téléphone comme un prolongement de l’esprit humain, à l’instar des carnets, cartes et autres outils pratiques.

Cependant, nous considérons que cette relation, inoffensive au départ, est devenue parasitaire. Un tel changement n’est pas rare dans la nature. Un mutualisme peut se transformer en parasitisme, et inversement.

Les téléphones, ces parasites

Pendant que les téléphones intelligents devenaient quasiment indispensables, certaines des applications qu’ils proposent en sont venues à servir plus fidèlement les intérêts des fabricants d’applications et de leurs annonceurs que ceux des utilisateurs humains.

Conçues pour influencer notre comportement, ces applications nous incitent à continuer de faire défiler les pages, à cliquer sur des publicités et à nous indigner perpétuellement.

Les données relatives à notre façon d’utiliser le défilement sont exploitées à des fins commerciales. Notre téléphone ne s’intéresse à nos objectifs personnels de remise en forme ou à notre désir de passer plus de temps avec nos enfants que dans la mesure où il utilise ces informations pour mieux capter notre attention.

Il peut donc être pertinent d’envisager les utilisateurs comme des hôtes et les téléphones comme leurs parasites, du moins dans certaines situations.

Si cette prise de conscience est intéressante en soi, le fait de considérer les téléphones intelligents sous l’angle évolutif du parasitisme prend tout son sens lorsqu’on s’interroge sur la transformation possible de cette relation, mais aussi sur la manière dont nous pourrions déjouer ces parasites technologiques.

Gros plan sur un poisson rose avec un poisson rayé plus petit qui passe sa tête dans la bouche du poisson plus gros
Un labre nettoyeur nettoie la bouche d’un rouget.
(Wayne and Pam Osborn/iNaturalist), CC BY-NC

La régulation

Dans la Grande Barrière de corail, les labres nettoyeurs établissent des « postes de nettoyage » où les plus gros poissons permettent aux labres de se nourrir de peaux mortes, d’écailles qui se détachent et de parasites invertébrés qui vivent dans leurs branchies. Il s’agit d’une relation classique de mutualisme : les gros poissons se débarrassent de leurs parasites nuisibles et les labres nettoyeurs s’alimentent.

Parfois, les labres nettoyeurs « trichent » et mordent leurs hôtes, faisant passer la relation du mutualisme au parasitisme. Les poissons nettoyés peuvent punir les coupables en les chassant ou en les empêchant de les approcher. Les poissons de récif font ainsi preuve d’un comportement que les biologistes de l’évolution considèrent comme important pour maintenir l’équilibre des mutualismes : la régulation.

Est-il possible de réguler la façon dont les téléphones intelligents nous exploitent et de rétablir une relation bénéfique pour tous ?

L’histoire de l’évolution montre que deux éléments sont essentiels : la capacité de détecter l’exploitation lorsqu’elle se produit et la capacité de réagir (en cessant par exemple de fournir des services au parasite).

Une rude bataille

Dans le cas du téléphone intelligent, il est difficile de détecter l’exploitation. Les entreprises technologiques qui conçoivent les fonctionnalités et les algorithmes qui nous incitent à utiliser notre téléphone ne publicisent pas ce comportement.

Même quand on est conscient que les applications pour téléphones intelligents nous exploitent, il est plus facile de simplement déposer son téléphone que de modifier la situation.

Beaucoup d’entre nous sont devenus dépendants de leur téléphone intelligent pour accomplir des tâches quotidiennes. Plutôt que de se rappeler certains faits, nous nous en remettons à des appareils numériques, ce qui peut altérer la cognition et la mémoire.

Nous avons besoin d’un appareil photo pour immortaliser les moments importants de notre vie, ou même simplement enregistrer l’endroit où nous avons garé notre voiture. Notre mémoire des événements s’en trouve à la fois améliorée et limitée.

Les gouvernements et les entreprises n’ont fait que renforcer notre dépendance aux téléphones en transférant leurs services en ligne via des applications mobiles. Lorsque nous prenons notre téléphone pour accéder à nos comptes bancaires ou aux services gouvernementaux, la bataille est perdue d’avance.

Comment les utilisateurs peuvent-ils corriger le rapport déséquilibré avec leur téléphone, et transformer une relation parasitaire en une relation mutualiste ?

Notre analyse suggère que le choix individuel ne suffit pas. Nous sommes dépassés par l’énorme avantage en matière d’information que les entreprises technologiques détiennent dans la course aux armements entre l’hôte et le parasite.

L’interdiction par le gouvernement australien de l’usage des médias sociaux pour les mineurs est un exemple d’action collective qui permet de limiter ce que les parasites peuvent faire de manière légale. Pour remporter la bataille, nous devrons également imposer des restrictions sur les fonctionnalités des applications connues pour créer une dépendance, ainsi que sur la collecte et la vente de nos données personnelles.

La Conversation Canada

Rob Brooks bénéficie d’un financement du Conseil australien de la recherche.

Rachael L. Brown ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Du point de vue de l’évolution, votre téléphone intelligent est un parasite – https://theconversation.com/du-point-de-vue-de-levolution-votre-telephone-intelligent-est-un-parasite-258444

Comment le XIXᵉ siècle a réinventé les fêtes populaires, des cafés-concerts aux bals masqués

Source: The Conversation – France in French (3) – By Corinne Legoy, Professeure en histoire contemporaine, Université d’Orléans

Si aucun siècle ni aucune culture n’ignore les fêtes, c’est à partir du XIXe siècle que s’impose une nouvelle offre de divertissements, entre parcs d’attractions, théâtres, cafés-concerts, restaurants… multipliant les occasions de célébrations dans l’espace public. Explications alors qu’on s’interroge sur le sens contemporain de la fête.


Les fêtes populaires, dans les rues ou aux terrasses, en des lieux dédiés ou non, semblent, aujourd’hui, toujours un peu nous surprendre. Ainsi de la dernière fête de la musique, promue festival le plus cool du monde sur les réseaux sociaux, drainant une foule inédite de touristes fêtards attirés par l’événement.

Ainsi, un an auparavant, durant l’été des Jeux Olympiques, de ce Paris redevenu une fête aux yeux de bien des observateurs étonnés. Quelque chose s’était alors joué d’une vaste fête publique, irréductible aux grandes cérémonies orchestrées d’ouverture et de clôture et ce fut, pour beaucoup, une surprise. Comme si ressurgissait un usage perdu de la fête populaire, ce simple plaisir de s’amuser et de partager dans l’espace public et ses lieux.




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L’actualité, au reste, a brouillé le sens de la fête : la fermeture ou la fragilité de nombre de ses lieux (des discothèques aux bars et restaurants) ainsi que les confinements liés à la pandémie du Covid-19 ont conduit à s’interroger sur la place et les conditions de possibilité de la fête dans nos sociétés. Tragiques, les attentats de 2015, prenant pour cible une salle de spectacle, le Bataclan, et des terrasses de cafés, puis celui de 2016, lors du 14 juillet à Nice, ont tout à la fois associé nos cultures à des pratiques festives et teinté dramatiquement ces grands rassemblements publics.

La peur, aussi, rôde sur la fête. Elle est, de surcroît, régulièrement nourrie par la crainte des débordements, constamment rappelés, voire instrumentalisés, à l’image de ceux qui ont suivi la victoire du PSG en finale de la ligue des Champions le 1er juin dernier. Journalistes, chercheurs ou acteurs du monde de la nuit se sont ainsi, depuis quelques années, emparés de la question, s’interrogeant sur ce sens perdu de la fête ou sur sa présence-absence dans nos sociétés.

Le clown géant qui va prendre la tête de la Cavalcade du Bœuf Gras au Carnaval de Paris, en 1897.
Le Petit Journal, via Wikimedia

Cette idée que l’on ne saurait plus, ou que l’on ne pourrait plus, faire la fête n’est cependant pas un constat neuf. Dès 1961, Willy Ronnis commente ainsi le 14 juillet dans l’île Saint-Louis : « ce jour-là, j’étais monté sur un petit tabouret pour avoir une vue plongeante du petit bal. Il y avait une telle gaieté dans les rues de Paris, au 14 Juillet. Ça s’est raréfié, peu à peu ». Mais ce discours de la nostalgie entoure toujours, en réalité, le discours sur la fête. Dès le XIXe siècle, bien des contemporains déplorent ces fêtes qui ne seraient plus ce qu’elles étaient. La mélancolie qui s’empare des fêtards au petit matin semble souvent s’emparer de nombre de ses observateurs, masquant la résistance et la réinvention des pratiques festives.

Au fond, les confinements n’ont-ils pas surtout montré leur puissance de renouvellement, ici sous contrainte, avec leurs apéros-zooms, l’organisation de fêtes et de dîners privés en dépit de la distanciation sociale imposée partout, l’improvisation de concerts ou de performances sur les balcons ?

Alors plutôt que de nous demander, sans doute en vain, si l’on sait encore ou si l’on ne sait plus faire la fête, essayons plutôt d’éclairer un peu ce qu’elle fut juste avant nous, en ce XIXe siècle où s’inventèrent bien des formes festives.

Les « nuits parisiennes », naissance d’un mythe

Si aucun siècle ni aucune culture n’ignorent les fêtes, c’est à partir du XIXe siècle que s’impose progressivement une nouvelle offre de divertissements marquée par la démultiplication et la diversification des lieux festifs. Elle est particulièrement visible à Paris où la présence et la pratique de la fête s’intensifient alors, contribuant à forger le mythe puissant des « nuits parisiennes ».

L’obsession des contemporains pour l’inventaire de tous ces lieux « consacrés à la joie » dit, à elle seule, le caractère inédit de cette offre et de ces pratiques : physiologies, tableaux de Paris, guides touristiques ou articles de presse dressent inlassablement la liste de ces lieux où sortir et s’amuser, cherchant à rendre lisible ce nouveau Paris festif et nocturne en train de naître.

Cette forte présence de la fête dans le Paris du XIXe siècle tient au moment charnière qu’il représente : moment où persistent des usages festifs hérités encore très vivaces et où s’inventent de nouveaux divertissements, liés à une culture urbaine en pleine mutation.

Le principal héritage festif est celui de Carnaval, dont la tradition, très ancienne, est encore étonnamment puissante au XIXe siècle. Foules costumées, cortèges, voitures de masques, bals et festins scandent cette parenthèse admise de subversion des normes et des codes, ce monde à l’envers railleur.

La Descente de la Courtille, entre 1835 et 1845, Musée Carnavalet
La Descente de la Courtille, entre 1835 et 1845.
Jean Pezous, via Wikimedia — (musée Carnavalet)

La rue, alors, est au peuple. Elle est parcourue de masques et de costumes, et traversée de grands cortèges rituels dont la population parisienne est longtemps coutumière : descente de la courtille, qui voit, dans la première moitié du siècle, les fêtards enterrer carnaval en un cortège déguisé, divagant et bruyant, rejoignant le cœur de Paris depuis la barrière de Belleville ; promenade du bœuf gras, ce défilé de bœufs, choisis pour leur fort poids en viande, mené en musique par des garçons bouchers déguisés et accompagné de chars ; cortège des blanchisseuses, enfin, avec sa reine des reines élue chaque année.

Fête rituelle, le carnaval parisien, en ce siècle des révolutions, se fait également politique. Les journées révolutionnaires de février 1848 qui chassent Louis-Philippe du pouvoir mêlent ainsi soulèvement politique et gestes carnavalesques quand, souvent, le mannequin traditionnellement brûlé à la fin des réjouissances prend le visage de tel ou tel homme politique. L’instrumentalisation de la fête en une arme d’affranchissement et d’affirmation est consacrée, et pour longtemps.

Progressivement, cependant, les fêtes de Carnaval deviennent plus commerciales, plus encadrées, leur présence reflue, en tout cas sous leurs formes anciennes, populaires et provocatrices. Les chars publicitaires se multiplient, les notables et les grands patrons s’imposent dans leur organisation. Carnaval alors se meurt – peut-être – mais les pratiques festives se renouvellent, affirmant leur présence dans la ville et leur vivacité populaire.

Danser pour faire la fête

Ces pratiques festives doivent alors beaucoup à l’essor, sans précédent, d’une offre de loisirs inédite, liée aux mutations de la ville et du rapport à elle : la nuit est conquise peu à peu par l’éclairage public qui se répand ; les divertissements proposés ferment plus tard ; un temps pour soi libéré peu à peu – même en d’étroites limites – permet de sortir plus aisément, et la diversification de l’offre permet presque à chacun – ouvrier, grisette, étudiant ou bourgeois – de trouver un lieu où divertir sa soirée et sa nuit.

Faire la fête, c’est alors avant tout danser. Ce goût si profondément ancré et si socialement partagé – qui fait parler de « dansomanie » – n’est certes pas tout à fait neuf, mais il bénéficie alors de l’expansion considérable du nombre de salles de bal jusque dans la seconde moitié du XIXe siècle.


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Selon les mots de Victor Rozier, « de même qu’à Paris, chaque quartier a ses habitants, chaque boulevard ses promeneurs, chaque bal a son public » : étudiants aux bals du Prado et à Bullier (fondé sous le nom de Closerie des Lilas et qui est resté quand le bal s’est transformé en brasserie) ; classes populaires au Château-Rouge, à la Reine-Blanche ou à la Boule-Noire, les grands bals de Montmartre ; monde mêlé de toutes les catégories sociales à Valentino ou Frascati.

En réalité, cependant, on ne danse pas que dans des salles dédiées. Bien d’autres lieux permettent de danser. C’est le cas des guinguettes, qui naissent alors, ces modestes restaurants ou débits de boisson, ajoutant un bal à leurs attractions. Elles existent à Paris, mais surtout à ses barrières, sur un axe Belleville-Montrouge. La Grande-Chaumière est l’une des plus fameuses, située à la barrière de Montparnasse, alors sur la commune de Montrouge. Quand le nombre de salles de bal commence à refluer, notamment à partir des années 1880, elles poursuivent leur histoire, renouvelée par les bals musettes qui se multiplient sur les bords de Marne.

Les salles de bal font en effet face, dans la seconde moitié, à la rude compétition des innombrables divertissements crées alors : cafés-concerts, cabarets, music-halls, cirques, fêtes foraines, skating-rinks, puis, plus tardivement, parcs d’attraction (Luna-Park ou Magic-City).

Affiche de Toulouse-Lautrec pour les bals du Moulin Rouge (1891, Musée Carnavalet)
Affiche de Toulouse-Lautrec pour les bals du Moulin Rouge (1891, Musée Carnavalet).

Mais cette nouvelle offre culturelle n’est cependant pas qu’une offre de spectacles, elle est, indissociablement et profondément, participative : presque tous les lieux de divertissement sont alors, et c’est une particularité du temps, des lieux hybrides, où se combinent spectacles et possibilités festives. D’abord parce que l’on peut y boire, fumer et se déplacer librement, ensuite parce que l’on peut aussi, et souvent, y danser, enfin parce qu’ils abritent, tous, une foule de fêtes.

L’Élysée-Montmartre, fondé en 1807, combine ainsi salle de spectacle et salle de bal ; les Folies-Bergère (fondées en 1869) et le Moulin Rouge (fondé en 1889), de la même façon, sont à la fois établissements de spectacle et salles de bal. Plus étonnant, peut-être, pour nous, ces skating-rinks, salles de patinage (à glace ou à roulettes) où le public se presse autant pour patiner que pour les fêtes qui y sont régulièrement données.

La vogue des bals masqués

Parcs d’attraction, théâtres, cafés-concerts, restaurants… Tous ces lieux voient alors triompher, jusqu’à la Première Guerre mondiale, une forme totalement disparue – du moins dans sa dimension publique et populaire – de fête nocturne, aux échos considérables dans la ville, les imaginaires et la culture du temps : les bals masqués et costumés. Dérivés du bal de l’Opéra, crée en 1715, ils sont d’abord organisés durant la période de Carnaval puis s’en émancipent au fur et à mesure du siècle.

Tous les lieux de divertissement évoqués, à commencer par les théâtres, organisent leurs bals masqués, ouverts moyennant un billet d’entrée dont les tarifs varient selon le prestige des salles. Ils drainent dans les salles des foules considérables de fêtards, mais aussi bien des curieux, et attirent, dans les rues, des badauds guettant les déambulations des noctambules déguisés. Ces fêtes sont, aussi, dans la ville. Fascinantes ou scandaleuses, selon les points de vue des contemporains, elles sont affolantes pour les pouvoirs qui les surveillent scrupuleusement, mais les tolèrent pourtant et les laissent même se multiplier.

1912, photographie de la montée au bal des Quat’z’Arts au Skating de la rue d’Amsterdam.
Association des Quat’Z’Arts

La présence publique de ces fêtes masquées est redoublée par celles qu’organisent de nombreuses associations, étudiantes, professionnelles ou syndicales. Fêtes privées officiellement, puisque sur invitation, certaines d’entre elles brouillent cependant la frontière du privé, s’invitant dans la ville et s’ouvrant, bon gré mal gré, à des fêtards échappant à leur cercle. Le cas emblématique est celui du bal des Quat’z’Arts (le bal des étudiants des Beaux-Arts), dont les cortèges (le soir, avant le bal, et au petit matin, après lui) sillonnent Paris en un rituel provocateur perdurant de 1892 à 1966.

La familiarité avec la fête était-elle alors plus grande ? Son inscription dans l’espace de la ville plus forte ? Son appropriation partagée plus intense ? Nous laisserons à chacun le soin de trancher… Et d’y penser, peut-être, le 14 juillet, le jour de cette fête, voulue républicaine et populaire, par les pères de la IIIe République qui en firent, en 1881, la fête nationale.

The Conversation

Corinne Legoy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Comment le XIXᵉ siècle a réinventé les fêtes populaires, des cafés-concerts aux bals masqués – https://theconversation.com/comment-le-xix-siecle-a-reinvente-les-fetes-populaires-des-cafes-concerts-aux-bals-masques-256652

« Migrants », « réfugiés », « illégaux », « candidats à l’asile »… comment les politiques et les médias désignent les personnes en déplacement

Source: The Conversation – France in French (3) – By Valériane Mistiaen, Postdoctoral fellow, Vrije Universiteit Brussel

L’analyse de plus de 13 000 articles de presse et 3 400 journaux télévisés montre la grande diversité des termes utilisés pour désigner les personnes en déplacement – une terminologie qui influence profondément le regard porté sur elles.


Les termes utilisés dans les médias pour désigner les personnes en déplacement (une formule encore peu répandue en France mais qui tend à s’imposer comme une expression neutre et inclusive dans les sphères internationales, notamment au sein d’organisations comme l’Organisation internationale pour les migrations (OIM)) ne sont jamais neutres : ils révèlent, souvent malgré eux, des rapports de force politiques et idéologiques.

La catégorisation – et donc le mot utilisé pour désigner une catégorie – manifeste un rapport de pouvoir. Dans le contexte de la « crise migratoire » européenne, l’usage des catégories est devenu fortement politisé, et varie largement selon le contexte discursif. De plus, la catégorisation et la nomination dans le discours médiatique influencent grandement l’opinion publique.

Dans le cadre de ma thèse de doctorat, j’ai examiné plus de 13 300 articles de presse et 3 490 journaux télévisés diffusés en Belgique entre mars 2015 et juillet 2017. À travers une analyse lexicale du discours médiatique, ce travail documente le répertoire de dénominations utilisées pour nommer les personnes en déplacement et l’évolution du sens de ces termes dans les médias belges. La recherche dévoile plus de 300 dénominations et désignations différentes, allant des plus établies (réfugié, migrant, demandeur d’asile) à des formes plus fugitives ou créatives : personnes qui cherchent une vie meilleure, clients, amis, etc.

La porosité du langage médiatique aux discours politiques

Cette productivité lexicale s’explique par le besoin des journalistes et des responsables politiques de nommer de nouvelles situations ou des cas spécifiques. Elle révèle aussi la porosité du discours médiatique aux discours politiques, à tel point que de nombreuses dénominations, bien qu’émanant du monde politique et non des journalistes eux-mêmes, se retrouvent dans les médias via le discours rapporté – comme c’est le cas pour des formules comme « chercheur de fortune » ou le terme « illégal ».

Ces dénominations servent souvent à classer les personnes selon leur « mérite », divisant celles qui mériteraient d’être accueillies (les réfugiés politiques « idéaux ») de celles qui devraient être expulsées (les migrants dits « économiques »).

Les journalistes ne créent pas les mots qu’ils emploient. Ils piochent dans le langage juridique et administratif, ou dans les débats politiques. Ce qui les amène à reproduire, parfois sans le vouloir, les représentations dominantes. Cette dynamique est particulièrement visible dans le lexique des migrations.

Prenons l’exemple du mot transmigrant. Inexistant dans le droit international, ce terme s’est imposé dans les discours politiques belges dès 2015 pour désigner les personnes qui tentaient de rejoindre le Royaume-Uni depuis la France ou la Belgique, sans vouloir y rester. Ce néologisme a très vite été repris par les médias, en particulier néerlandophones. Les personnes ainsi désignées sont perçues comme provisoires et illégales. On parle de leur présence comme d’un « problème », jamais d’une trajectoire. La force de ce mot réside dans son caractère flou : ni réfugié, ni migrant, ni demandeur d’asile, le transmigrant devient une catégorie politique commode pour justifier l’application à son encontre des politiques de contrôle, voire d’expulsion, tout en évitant les obligations internationales liées à l’asile.

Autre exemple frappant : la forte fréquence du terme illégal, « l’exclu des exclus ». Cette désignation stigmatisante s’est banalisée dans le discours médiatique. Entre 2015 et 2017, plus de 700 occurrences du terme ont été relevées dans le corpus néerlandophone, contre 94 seulement dans le corpus francophone. Ce décalage linguistique reflète des choix éditoriaux différents mais aussi une proximité plus ou moins assumée avec les éléments de langage politiques.

La Belgique, pays multilingue sans espace public unifié, constitue un laboratoire d’observation privilégié. Les différences lexicales entre les médias francophones et néerlandophones sont notables : usage plus fréquent de sans-papiers au sud, de illegalen (« illégaux ») au nord ; plus de voix associatives dans les JT francophones, plus de voix politiques dans les JT néerlandophones. Mais ces différences ne doivent pas masquer une tendance commune : dans les deux espaces, le langage médiatique reste fortement influencé par les discours politiques, souvent opposés à l’accueil de réfugiés (durant la période étudiée, le secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, Théo Francken, était issu du parti nationaliste flamand N-VA, qui a fait de l’immigration son cheval de bataille.).

En Belgique, la résistance face à la politique migratoire s’organise, France24, janvier 2018.

Des journalistes critiques : pistes de bonnes pratiques

Certains journalistes développent des pratiques plus réflexives, plus éthiques. Les termes utilisés pour nommer sont souvent précis : mineur non accompagné, candidat à l’asile, personne en situation irrégulière, réfugié de guerre… Ou, une fois que le statut de la personne est décrit, des termes relationnels ou des termes comme sœur, fils, voisin ou ami, sont également utilisés. Cette précision permet d’éviter les amalgames et d’humaniser ces personnes.

Si les termes stigmatisants apparaissent surtout dans la bouche des politiciens et circulent via les discours rapportés, ils sont généralement contextualisés, voire remis en question par les journalistes qui s’en distancent en les mettant entre guillemets :

« Trois policiers l’emmènent. D. est ici en tant que “migrant illégal”, comme ils l’appellent. » (Het Laatste Nieuws, 24 août 2016).

Les journalistes font également preuve d’une grande créativité lexicale. Ils ont, par exemple, créé la désignation candidat demandeur d’asile pour référer aux personnes qui font la file devant l’Office des étrangers sans pouvoir déposer leur demande d’asile :

« Hier, l’Office des étrangers a dû refuser une cinquantaine de réfugiés qui voulaient demander l’asile parce que la salle d’attente était surpeuplée. Les candidats demandeurs d’asile doivent trouver refuge chez des parents ou des connaissances ou dans un hôtel. Certains n’y sont pas parvenus et ont passé la nuit dans un parc bruxellois. » (VRT, 4 août 2015).

Et ils n’hésitent pas à se montrer critiques :

« En outre, la confusion entre la cupidité et la recherche d’une vie meilleure est le plus souvent délibérée. Ainsi, nos esprits sont façonnés pour cocher mentalement la case “réfugié de guerre” et mettre une croix à côté de “réfugié économique”. Le “chercheur de fortune” a progressivement acquis une connotation négative. Sémantique ? Oui, mais pas de manière innocente. Des gens se noient en Méditerranée parce que l’Europe a tergiversé dans les opérations de sauvetage. » (De Standaard, 27 février 2016)




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Les termes liés à la migration mettent l’accent sur des aspects très variés : origine, nationalité, genre, statut relationnel, destination ou mouvement. De nombreuses dénominations dans le discours médiatique sont accompagnées de qualificatifs (vulnérable, économique, adjectifs de nationalité), qui modifient le sens du mot, même lorsqu’il s’agit de catégories juridiques supposées stables et précises sur le plan sémantique.

Vers un journalisme plus conscient

Pour aller vers une couverture médiatique plus humaine et plus rigoureuse des migrations, plusieurs pistes peuvent être envisagées :

  • Contextualiser les mots, leur usage, en expliquer la genèse, la portée.

  • Donner la parole aux personnes concernées, pour qu’elles puissent se nommer elles-mêmes.

  • Former les journalistes pour qu’ils prennent conscience des effets de leurs choix lexicaux.

  • Favoriser la diversité des sources : ONG, chercheurs, personnes en migration, avocats, et pas seulement des responsables politiques.


Pour aller plus loin, se reporter à notre livre (en anglais) « Did you say “migrant” ? Media Representations of People on the Move ».

The Conversation

Valériane Mistiaen a reçu des financements du Fonds de la Recherche Scientifique (FNRS) pour mener sa thèse de doctorat.

ref. « Migrants », « réfugiés », « illégaux », « candidats à l’asile »… comment les politiques et les médias désignent les personnes en déplacement – https://theconversation.com/migrants-refugies-illegaux-candidats-a-lasile-comment-les-politiques-et-les-medias-designent-les-personnes-en-deplacement-259166

L’Indonésie à l’honneur le 14 juillet, reflet de la stratégie française en Indo-Pacifique

Source: The Conversation – France in French (3) – By Paco Milhiet, Visiting fellow au sein de la Rajaratnam School of International Studies ( NTU-Singapour), chercheur associé à l’Institut catholique de Paris, Institut catholique de Paris (ICP)

Portées par une volonté commune de proposer à la région indo-pacifique une option alternative à la rivalité sino-américaine, la France et l’Indonésie approfondissent le partenariat stratégique scellé en 2011. Après la visite d’État d’Emmanuel Macron à Jakarta en mai dernier, son homologue indonésien, Prabowo Subianto, est cette fois l’invité d’honneur du défilé du 14 juillet à Paris. Au-delà du symbole, c’est une dynamique de rapprochement à la fois militaire, économique et diplomatique qui se confirme entre les deux pays.


Quelques semaines après une visite d’État en Indonésie, Emmanuel Macron a rendu la politesse à son homologue indonésien, Prabowo Subianto, en le conviant aux cérémonies du 14 juillet 2025 en tant qu’invité d’honneur.

Cette double séquence diplomatique entre Jakarta et Paris, concomitante au 75e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays, s’inscrit dans la continuité d’un partenariat en plein essor.

Élevée au rang de partenariat stratégique en 2011, la relation franco-indonésienne constitue désormais l’un des piliers de la politique proactive de la France en Asie du Sud-Est. Pour l’Indonésie, la France, en plus d’être un partenaire européen d’autant plus important qu’elle est un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, représente un levier de diversification stratégique cohérent avec sa posture traditionnelle de non-alignement.

Porté par une coopération de défense en pleine croissance, ce partenariat se veut ambitieux et durable. Si la relation globale demeure encore modeste, notamment en matière d’échanges économiques, les convergences géopolitiques croissantes et des ambitions compatibles dans la région indo-pacifique ouvrent la voie à un approfondissement stratégique de long terme.


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Une coopération de défense florissante

La coopération de défense et de sécurité constitue la pierre angulaire du partenariat franco-indonésien. Elle a connu un développement important au cours des cinq dernières années, notamment grâce à d’importants accords dans le domaine de l’armement.

Depuis 2022, l’Indonésie a acquis 42 avions de chasse Rafale, 2 sous-marins de classe Scorpène (impliquant des transferts de technologie importants, puisque ceux-ci sont construits par le chantier PT PAL en Indonésie), 13 radars longue portée Ground Master 400 auprès de Thales et 2 avions de transport militaire Airbus A400M. La France profite donc largement de l’effort capacitaire indonésien entamé depuis près d’une décennie et de la stratégie de diversification des fournisseurs, articulée autour d’une exigence croissante de transferts de technologies.

Jakarta est désormais le deuxième client de la France en Indo-Pacifique (derrière l’Inde), et la base industrielle et technologique de défense (BITD) française espère des ventes supplémentaires prochainement : Rafale et Scorpène supplémentaires, frégate de défense et d’intervention, avions Airbus multirôle de ravitaillement en vol et de transport (MRTT), satellites, missiles sol-air Mistral et système de défense aérienne VL MICA.

Cette communauté de moyens inédite entre les deux pays s’accompagne d’une coopération opérationnelle en progression constante. Ainsi, l’Indonésie est une escale régulière des missions de projections aériennes françaises Pégase. Les deux pays organisent un exercice terrestre nommé Garuda Guerrier depuis 2023. Une frégate française a participé en 2025 à l’exercice indonésien Komodo.

Sur les théâtres extérieurs, leur participation commune aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, notamment la FINUL au Liban dont les deux pays sont des contributeurs majeurs, donne également lieu à des interactions opérationnelles renforcées.

Point d’orgue de cette dynamique de coopération, le porte-avions Charles de Gaulle a, pour la première fois de son histoire, fait escale en Indonésie, à Lombok, en février 2025. Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, s’est spécialement déplacé sur place et a accueilli à bord du bâtiment son homologue indonésien, Sjafrie Sjamsoeddin.




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Un partenariat global et ambitieux, mais encore modeste

Le partenariat franco-indonésien ne se limite pas à la seule sphère de la défense. Avec plus de 280 millions d’habitants, l’Indonésie est la première économie d’Asie du Sud-Est et représente, à ce titre, d’importantes perspectives de croissance.

La déclaration conjointe publiée à l’issue du voyage du président français en mai 2025, intitulée Horizon 2050, en témoigne : ses 68 points couvrent un spectre très large, allant de la gouvernance internationale à la sécurité alimentaire, en passant par la transition énergétique, la coopération maritime, la biodiversité, l’enseignement supérieur, la culture, le sport ou encore le droit.

Pourtant, malgré une feuille de route bilatérale ambitieuse et la présence de quelque 200 filiales françaises implantées dans le pays – notamment de grands groupes comme Eramet, Total ou Danone –, les échanges économiques entre la France et l’Indonésie demeurent modestes.

Avec environ 3,5 milliards d’euros d’échanges commerciaux annuels, la France reste un partenaire économique de second rang pour l’Indonésie, loin derrière la Chine (127 milliards), les États-Unis (35 milliards) ou encore d’autres puissances asiatiques, et ne figure qu’au quatrième rang des partenaires européens. De son côté, l’Indonésie n’est que le cinquième partenaire économique de la France au sein de l’Asean derrière Singapour, le Vietnam, la Thaïlande et la Malaisie.

Si la France demeure active sur le plan culturel et éducatif, notamment grâce à un Institut français dynamique et présent dans 4 villes, la communauté française en Indonésie reste toutefois relativement modeste, avec environ 3 000 expatriés recensés, bien moins qu’à Singapour ou en Thaïlande.

« Indonésie : l’émergence d’un géant », Le Dessous des Cartes, Arte, février 2024.

Convergences géopolitiques

Pourtant, au-delà des chiffres, c’est avant tout une vision commune des relations internationales qui semble porter le partenariat. Une vision que le président français a résumée en ces termes à Jakarta : « Nous ne voulons la guerre avec personne, mais nous ne voulons dépendre de personne. »

Pour l’Indonésie, le principe fondamental de sa politique étrangère depuis son indépendance en 1945 est la doctrine bebas aktif – une diplomatie libre et active – qui repose sur une politique de non-alignement, engagée, multilatérale et constructive. C’est cette vision qui a guidé l’engagement de l’Indonésie dans le mouvement des non-alignés et son rôle clé dans l’organisation sur son territoire de la Conférence de Bandung en 1955.




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Soixante-dix ans plus tard, Jakarta reste un acteur diplomatique très actif : présidence du G20 en 2022, de l’Asean en 2023, adhésion aux BRICS en 2024, candidature en cours à l’OCDE, participation accrue aux opérations de maintien de la paix.

Dans un contexte régional marqué par l’intensification de la rivalité sino-américaine, Jakarta réaffirme sa volonté d’autonomie stratégique. L’élection du président Prabowo Subianto – – ancien gendre de Suharto et militaire de carrière à réputation pour le moins contrastée du fait des multiples accusations l’ayant visé par le passé – – s’inscrit dans la continuité de cette posture d’équilibriste. Passé par les États-Unis dans le cadre de sa formation, le nouveau chef de l’État a pourtant réservé son premier déplacement officiel à la Chine, en novembre 2024.

Ce geste fort s’est accompagné d’une déclaration conjointe sur l’exploitation partagée des ressources en mer de Chine méridionale, et ce, en dépit des tensions persistantes dans la zone des îles Natuna – une région sous souveraineté indonésienne, mais régulièrement sujette à des incursions de navires de pêche et de garde-côtes chinois.

Ces constantes de la politique étrangère indonésienne, marquée par une proximité simultanée et parfois tendue avec Washington et Pékin, sont compatibles avec « l’autonomie stratégique » défendue par le président Macron comme facteur de rapprochement entre l’Asie et l’Europe pour former une « coalition d’indépendants », concept qu’il a défendu lors du dernier dialogue de Shangri-La à Singapour.

Depuis 2023, les deux pays ont instauré un dialogue stratégique au format 2 +2 (réunissant les ministres des Affaires étrangères et de la Défense), une première pour l’Indonésie avec un pays européen – et cherchent désormais à approfondir leur coopération sur les grands enjeux internationaux. Ainsi, la déclaration conjointe franco-indonésienne du 28 mai 2025 sur le Proche-Orient appelle à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, condamne fermement l’occupation illégale des territoires palestiniens et réaffirme l’engagement des deux pays en faveur de la solution à deux États.

C’est cependant dans l’espace indo-pacifique que les convergences stratégiques entre la France et l’Indonésie sont les plus nettes, les deux pays partageant, on l’a dit, une volonté commune de stabilité, de multilatéralisme et aussi de préservation des biens communs maritimes (lutte contre la pêche illégale, la pollution et les trafics illicites, sauvetage en mer, sécurisation des infrastructures critiques, surveillance des domaines maritimes, réponse aux catastrophes naturelles, aide humanitaire).

Horizons indo-pacifiques

À l’heure où l’Indo-Pacifique s’impose comme le théâtre central des recompositions géopolitiques, la convergence entre Paris et Jakarta se reflète dans leurs documents de doctrine respectifs : la Stratégie française en Indo-Pacifique (2018) et la Vision de l’Asean pour l’Indo-Pacifique (2019), dont l’Indonésie a été l’un des principaux artisans.

Les deux pays coopèrent déjà étroitement au sein de plusieurs forums multilatéraux dans l’océan Indien et en Asie du Sud-Est, tels que l’Indian Ocean Rim Association (IORA), l’Indian Ocean Naval Symposium (IONS) ou l’Asean Defence Ministers Meeting Plus (groupe auquel la France participe comme observateur).

Cette dynamique pourrait s’étendre au Pacifique insulaire, où la France – puissance riveraine – et l’Indonésie – État archipélagique majeur – ont tout intérêt à conjuguer leurs efforts pour répondre aux vulnérabilités spécifiques des États océaniens, en lien avec les priorités portées par le Forum des Îles du Pacifique, institution dont les deux pays sont partenaires de dialogue.

À cet égard, l’Indonésie cherche à renforcer sa présence diplomatique dans le Pacifique océanien. Elle est membre associé du Groupe de Fer de lance mélanésien (MSG) depuis 2015 et souhaite désormais participer au Sommet des ministres de la défense des pays du Pacifique (SPDMM). Dans cette stratégie, Jakarta s’appuie directement sur la France, perçue comme un acteur moins polarisant que la Chine ou les États-Unis dans la région.

Autant de dynamiques convergentes qui augurent d’un renforcement du partenariat franco-indonésien ans les années à venir.

The Conversation

Paco Milhiet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. L’Indonésie à l’honneur le 14 juillet, reflet de la stratégie française en Indo-Pacifique – https://theconversation.com/lindonesie-a-lhonneur-le-14-juillet-reflet-de-la-strategie-francaise-en-indo-pacifique-260713

L’écologie, un problème de riche ? L’histoire environnementale nous dit plutôt le contraire

Source: The Conversation – France (in French) – By Renaud Bécot, Maitre de conférences en histoire contemporaine, Sciences Po Grenoble

À Warren County, en Caroline du Nord, la mobilisation des habitants contre de la pollution aux polychlorobiphényles en 1982 marque un événement fondateur du mouvement pour la justice environnementale. Ricky Stilley/Henderson Dispatch

L’environnement n’intéresse-t-il que les classes supérieures ? Les travailleurs ont en réalité très vite identifié l’impact de l’industrialisation sur les écosystèmes dont ils dépendent. Mais cette conscience environnementale s’exprime de façon différente en fonction des classes sociales, comme l’explique Renaud Bécot, chercheur en histoire contemporaine et environnementale, dans un chapitre intitulé « Fin du monde, fin du mois, et au-delà ? L’environnementalisme des classes populaires » publié au sein de l’ouvrage collectif La Terre perdue. Une histoire de l’Occident et de la nature XVIIIᵉ-XXIᵉ siècle.


Au milieu des années 1950, Agnès Varda filme une scène ordinaire dans un quartier populaire du littoral méditerranéen. Quelques chats observent le réveil des familles dont les revenus d’existence reposent sur l’extraction des ressources de la mer. Les pêcheurs s’apprêtent à reprendre leur labeur, alors même que les fumées d’une industrie lourde souillent le rivage proche. Ils préparent leurs barques avec discrétion, car les autorités publiques surveillent la capture des poissons potentiellement pollués. Pourtant, « on ne veut pas travailler comme des empoisonneurs ! », s’exclament ces pêcheurs sétois.

Si cette représentation s’inscrit dans une œuvre de fiction (La Pointe courte, 1955), la scène illustre la position singulièrement inconfortable dans laquelle se trouvent les classes populaires contemporaines dans leurs rapports aux environnements. En effet, ces pêcheurs sont bien conscients que leurs revenus, et plus largement leurs conditions de subsistance, dépendent de l’extraction de ressources naturelles (ici halieutiques) – et, par extension, de la nécessité d’assurer la soutenabilité de celles-ci. Leur conscience est d’autant plus nette que l’industrialisation conforte une menace sur ces ressources et sur leur qualité.

Pourtant, malgré cette préoccupation, ces pêcheurs (tout comme les paysans au cours de cette période) sont pris dans l’état de la transition urbaine-industrielle que connaissent les sociétés européennes et américaines depuis le XIXe siècle.

[…]

L’acte d’accusation à l’encontre des classes populaires, supposément indifférentes aux enjeux écologiques, procède du déni des contraintes dans lesquelles se structurent les vies ordinaires au sein des groupes subalternes dans les sociétés occidentales. Face à l’ampleur des transformations urbaines et industrielles depuis le XIXe siècle, les préoccupations populaires pour l’environnement ont pourtant été récurrentes, et bien souvent ancrées dans des enjeux liés à l’organisation de la subsistance et à la protection de la santé.

De l’environnementalisme des pauvres à l’environnementalisme ouvrier

L’économiste catalan Joan Martinez-Alier distinguait trois principaux courants au sein des mouvements écologistes au début du XXIe siècle. Le premier, parfois qualifié de protectionniste, se caractérise par un culte de la nature sauvage. Son histoire se confond souvent avec les actions menées par des membres de classes aisées en faveur de la mise en réserve d’espaces présentés comme emblématiques, à l’instar d’intellectuels tels que John Muir (1838-1914), fondateur du Sierra Club, qui fut longtemps la principale association environnementale étasunienne.

Le deuxième courant renvoie aux promoteurs de l’écoefficacité ou de la modernisation écologique ; les membres de ce courant témoignent d’une conception technicienne et instrumentale du rapport des sociétés à l’environnement. Il vise à organiser les flux d’énergie et de matière de manière plus efficace et il est souvent associé à des figures scientifiques, à commencer par l’ingénieur forestier Gifford Pinchot (1865-1946).


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Enfin, le troisième courant correspond à l’environnementalisme des pauvres, dont Joan Martinez-Alier analyse que « le ressort principal n’est pas le respect sacré de la nature, mais l’intérêt matériel que représente l’environnement, source et condition de la subsistance ».

Cette catégorie d’environnementalisme des pauvres était d’abord pensée pour étudier les conflits dans les pays non occidentaux. Alier constatait que les motifs de protestation soulevaient des enjeux d’accès aux espaces naturels, de partage des ressources, ou de protection des milieux dont l’équilibre était essentiel pour la survie humaine. Plus qu’un culte de la nature ou une volonté de maximiser le rendement des écosystèmes, Alier observait ce qu’il désigne comme des conflits écologico-distributifs. Dans cette approche, il s’agit de penser une « nature ordinaire » correspondant à la protection d’une biodiversité sans valeur économique ou patrimoniale particulière, mais dont le maintien rend possible la protection de la santé humaine et du vivant. Cette nature ordinaire s’oppose aux initiatives de protection exclusive de sites naturels admirables, ou d’espèces animales emblématiques.

[…]

Luttes environnementales, conditions de travail et santé des ouvriers

Au crépuscule du XIXe siècle, dans les manufactures insalubres ou les mines de charbon, des voix s’élèvent pour dénoncer les maux de l’industrialisation. En 1893 puis 1895, ce sont les ouvrières d’usines d’allumettes de Trélazé (Maine-et-Loire), de Pantin et d’Aubervilliers (Seine) qui dénoncent notamment les dégâts sanitaires de leur exposition au phosphore blanc qui provoquent des nécroses maxillaires. Tout comme à Hull (Québec) en 1919, ces grèves d’allumettes rendent visibles les dégâts sanitaires d’une industrialisation à marche forcée. Autour de 1900 encore, l’historienne Judith Rainhorn souligne une convergence entre de rares syndicalistes et des médecins réformateurs, afin de défendre l’interdiction de l’usage de la céruse (ou blanc de plomb) dans la peinture utilisée sur les bâtiments – en France, cette revendication aboutira à l’adoption d’une loi d’interdiction en 1915.

La dénonciation des dommages ouvriers sanitaires et environnementaux de l’industrie se trouve partiellement désamorcée par l’adoption de réglementations encadrant les activités productives dans la plupart des pays industrialisés au début du XXe siècle. En matière de maladies professionnelles, ces lois consacrent le principe de la « réparation forfaitaire des risques du travail ». Ces maux sont présentés comme le revers empoisonné mais inéluctable du progrès. Si les syndicalistes contestèrent initialement cette monétarisation de la santé, la majorité d’entre eux se rallia par défaut à ce qui devint l’un des rares leviers de reconnaissance des maux endurés par les travailleurs.

Pourtant, au cours des années 1960, dans les territoires italiens de la pétrochimie tout comme dans les zones industrielles japonaises, certains groupes ouvriers alimentent une critique de pratiques qu’ils dénoncent comme une manière de « perdre leur vie à la gagner ». Dans une période marquée par une centralité ouvrière (symbolique, politique et sociologique) dans les sociétés occidentales, ces mobilisations réactivent un environnementalisme ouvrier, lequel conjugue un refus de la monétarisation des risques de santé, une volonté de protéger le cadre de vie des classes populaires, tout en énonçant des prescriptions pour une politique du travail plus respectueuse des corps et des environnements.

La justice environnementale, lutte dans un monde abîmé

Dans la typologie proposée par Joan Martinez-Alier, l’environnementalisme des pauvres recouvre également le mouvement se réclamant de la justice environnementale. Celui-ci s’enracine dans l’histoire spécifique des luttes socioécologistes étasuniennes, avant de connaître les résonances dans d’autres aires industrialisées.

Aux États-Unis, deux filiations militantes doivent être soulignées. D’une part, d’anciens militants des droits civiques alimentent une critique des grandes associations environnementales (à commencer par le Sierra Club), accusées de défendre prioritairement une nature « sauvage ». Cette préservation de la wilderness est dénoncée comme un mythe généré par des militants issus de la classe moyenne ou supérieure blanche. D’autre part, une seconde filiation s’inscrit dans la lignée des mobilisations ancrées dans les mondes du travail. Dans les années 1960, de grandes fédérations syndicales étasuniennes exigeaient une réglementation de certaines pollutions industrielles, et parfois une transformation des activités productives, à l’instar du syndicat des travailleurs de l’automobile (l’United Auto Workers). Ce double héritage militant fut à l’origine de grèves intenses, dont celle des éboueurs de Memphis, à laquelle Martin Luther King apporta son soutien lorsqu’il fut assassiné en 1968.

Néanmoins, le mouvement pour la justice environnementale ne s’est désigné comme tel qu’à l’orée des années 1980. Son récit fondateur voudrait qu’il débute lors de la mobilisation des habitants du quartier de Warren County (Caroline du Nord), confrontés au projet d’ouverture d’une décharge de produits toxiques. Ils dénoncent l’inégalité d’exposition aux toxiques dont sont victimes les populations racistes et paupérisées. Leur action se prolonge par l’invention d’un répertoire dans lequel la production de savoirs de santé occupe une fonction toujours plus considérable, comme en témoigne l’enquête d’épidémiologie populaire menée par les habitants de Woburn (en périphérie de Boston), avec le souhait d’éclairer le lien de causalité entre un cluster de leucémies infantiles et leur exposition à des forts taux de plomb, d’arsenic et de chrome. La multiplication des initiatives locales se prolonge dans des coordinations nationales et dans la publication d’études.

En 1987, le chimiste et militant Benjamin Chavis publie un rapport invitant à réfléchir aux processus sociaux de relégation de certaines populations dans des milieux pathogènes comme une forme de « racisme environnemental ». La justice environnementale est peu à peu devenue une grille d’analyse universitaire, consacrée notamment par les travaux du sociologue Robert Bullard au début des années 1990.

Mouvement social, autant que grille d’analyse du social, l’approche par la justice environnementale demeure largement ancrée dans son berceau nord-américain. Des historiens comme Geneviève Massard-Guilbaud et Richard Rodger ont montré la difficulté à transposer en Europe des catégories si liées à l’histoire étasunienne. Pourtant, la plus forte exposition des classes populaires aux toxiques est à l’origine d’une expérience commune de « violence lente » de part et d’autre de l’Atlantique. Proposée par le chercheur Rob Nixon, cette notion vise à désigner le phénomène d’atteintes différées à la santé qui marque les populations vivantes dans les territoires abîmés, ainsi que la difficulté à se mobiliser face aux pollutions dont les effets deviennent perceptibles après plusieurs décennies.

C’est pourtant face à ces violences pernicieuses qui se sont élevées habitants et salariés de nombre d’aires pétrochimiques dans l’Europe, au cours des années 1970. Ces initiatives se prolongent parfois jusqu’à nos jours, comme en témoignent les collectifs militants de Pierre-Bénite, dans le couloir de la chimie (Rhône). Après des conflits particulièrement vifs contre la fabrique d’acroléine entre 1976 et 1978, ce sont aujourd’hui les pollutions rémanentes des perfluorés (ou PFAS) qui sont au cœur des protestations adressées aux industriels de la chimie.

En France, au début du XXIe siècle, un ménage appartenant au décile le plus aisé de la population émet chaque année l’équivalent de 30 à 40 tonnes de dioxyde de carbone, soit au moins deux fois plus qu’un ménage appartenant au décile le plus pauvre (environ 15 tonnes). Pourtant, ce constat n’empêche pas l’éternelle réitération de la stigmatisation des classes populaires.

Couverture de La Terre perdue. Une histoire de l’Occident et de la nature XVIIIᵉ-XXIᵉ siècle, ouvrage dirigé par Steve Hagimont et Charles-François Mathis.
Éditions Tallandier

Contrairement aux parangons de la modernisation écologique, l’ethos des actrices et acteurs d’un environnementalisme populaire se caractérise souvent par une relative modestie dans le récit de leur rapport à une nature ordinaire. Cette attitude est aux antipodes de la mise en spectacle du syndrome du sauveur de la planète. De plus, l’étau de contraintes qui verrouillait le champ des possibles pour les pêcheurs sétois de l’après-guerre dans leur rapport à l’environnement ne s’est pas desserré pour les classes populaires du XXIe siècle. Il n’en reste pas moins que certaines fractions de celles-ci restent porteuses d’un rapport singulier à l’environnement.

The Conversation

Renaud Bécot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. L’écologie, un problème de riche ? L’histoire environnementale nous dit plutôt le contraire – https://theconversation.com/lecologie-un-probleme-de-riche-lhistoire-environnementale-nous-dit-plutot-le-contraire-258764

Tour de France 2025 : le peloton à la découverte des bizarreries archéologiques bretonnes

Source: The Conversation – France (in French) – By Patrick de Wever, Professeur, géologie, micropaléontologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)

Les murs du Camp de Péran, 2013.
Fourni par l’auteur

Au-delà du sport, le Tour de France donne aussi l’occasion de (re)découvrir nos paysages et parfois leurs bizarreries géologiques. L’itinéraire de la septième étape du Tour de France 2025 débute à Saint-Malo pour rejoindre Murs-de-Bretagne. Juste après Yffiniac, les cyclistes passeront par Pledran, une commune connue pour son camp de Péran, dont les murs sont… vitrifiés. Explications.


Sur les murs en pierre, les roches sont la plupart du temps maintenues entre elles par un mortier : fait pour consolider la construction, ce dernier est un mélange pâteux constitué de boue, de chaux ou de ciment hydraulique avec de l’eau. L’ensemble, qui durcit en séchant, fait alors office de colle. Les types de mortiers et leurs usages ont varié au cours du temps : on retrouve des traces de leur usage depuis le Néolithique (10 000 ans), mais leur composition se diversifie et se spécialise dès -4000 av. E.C. dans l’Égypte ancienne.

Des constructions ont aussi été établies sans l’usage de mortier : c’est le cas chez les Grecs, qui utilisaient la seule force de gravitation verticale, ou chez les Incas, qui avaient recours à des pierres polygonales mais parfaitement ajustées avec les voisines afin de stabiliser la construction.

Plus rares en revanche sont les constructions dans lesquelles les pierres sont bien collées entre elles, mais sans apport d’un matériau externe : elles sont alors directement transformées et soudées sur place. C’est ce que l’on appelle des murs vitrifiés, que l’on retrouve au fort de Péran, en Bretagne, près duquel s’apprêtent à passer les cyclistes.

Le fort le mieux conservé de France

Le camp de Péran, dans la commune de Plédran, est identifiable à son enceinte fortifiée, juchée sur les premières hauteurs (160 mètres) qui dominent la baie d’Yffiniac, à 9 km au sud-ouest de Saint-Brieuc, dans les Côtes-d’Armor. Autrefois connu dans la région sous le nom de Pierres Brûlées, ce site a fourni des pièces archéologiques (cuillers, pièces…) depuis 1820-1825. Mais les premières publications les relatant sont celles de Jules Geslin de Bourgogne, en 1846.

Il était supposé que l’endroit avait été un oppidum gaulois, avant d’être transformé en camp romain. Les campagnes de fouilles ont permis de confirmer et de préciser son intuition : on estime que le camp, désormais classé au titre des monuments historiques, date de la culture de la Tène (env. 450 à 25 av. E.C.), apogée de la culture celtique qui prend fin avec la conquête romaine.


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Après l’époque gauloise, le lieu a été occupé par les Vikings, dont on a identifié des incursions vers les 9e et Xe siècles, ainsi qu’au XIIIe siècle comme en attestent des carreaux de terre cuite.

De forme elliptique, il couvre environ un hectare (160 mètres sur 140) et comporte cinq structures défensives concentriques.

L’énigme des murs vitrifiés

Ce fort, qui est le mieux conservé de France, a pour spécificité le rempart de pierre vitrifié de l’une de ses cinq structures défensives : les pierres du mur sont soudées parce qu’une partie a fondu à la périphérie des blocs, formant un verre qui a cimenté les roches entre elles. De tels murs, souvent associés à des forts, existent dans tout le Vieux Continent, mais particulièrement en Europe du Nord. En France, on en connaît une vingtaine, de la Bretagne à l’Alsace, avec une concentration notable dans le Limousin, la Creuse et la Loire, tous des pays granitiques.

Mur vitrifié. Ce qui fait office de mortier (noir à points blancs), est un verre, résultant d’une fusion partielle des roches Sainte-Suzanne, Mayenne.
JP Morteveille, Fourni par l’auteur
Un verre sombre, bulleux, est inséré entre des fragments de granites.
Gilbert Crevola, Fourni par l’auteur

Ces vitrifications intriguent depuis l’Antiquité. Dès le milieu du XVIIIe siècle un tel mur est signalé dans la cave d’une maison de Sainte-Suzanne, en Mayenne. On s’interroge alors : quel feu fut assez violent pour faire fondre la pierre et ainsi la vitrifier ? Et, ce feu était-il intentionnel ou le fruit d’un accident ? Les seules vitrifications naturelles connues étaient celles liées au volcanisme et, dans une moindre mesure, celles causées par la foudre (les fulgurites) ou les impactites (explosion d’un impacteur dans l’atmosphère, qui n’a pas atteint le sol mais dont l’énergie a fait fondre le sable, tel le célèbre verre libyque utilisé pour confectionner le scarabée du pectoral de Toutankhamon).

Les premiers à proposer une vitrification par combustion sont Auguste Daubrée (1881) puis Alfred Lacroix (1898). En effet, les observations portant sur des granites (riches en silice, donc) révèlent une fusion partielle, plus ou moins avancée à relativement basse température. Si un granite ou un gneiss fondent vers 950 °C en conditions de surface, la présence d’eau permet la fusion à une température moindre (dès 840 °C).

Feu de poutres

Les murs du Camp de Péran, 2013.
Gilbert Crevola, Fourni par l’auteur

On sait aujourd’hui comment cette vitrification a été obtenue : par la combustion de poutres de bois qui armaient les murs gaulois. En effet, les remparts gaulois qui équipaient les oppidums mais aussi certaines villas (les fermes d’aristocrates), étaient des constructions qui associaient des couches entrecroisées de poutres horizontales comblées de terre avec un parement de « pierres sèches » (sans mortier).

L’incendie des poutres dégageant de l’eau a abaissé le point de fusion du granite qui a formé un verre en refroidissant. En conditions de surface de la Terre, un « granite sec » fond vers 950 °C et un « granite hydraté » dès 840 °C. C’est donc la présence d’eau qui aurait permis cette fusion du granité.

Le camp subcirculaire de Péran, à l’ouest de Plédran. À la carte IGN est superposée la photo aérienne.
Fourni par l’auteur

Pour leur très grande majorité, les forts vitrifiés se situent dans des régions granitiques. Il ne s’agit sans doute pas d’un hasard, car la température de fusion des granites est relativement faible en comparaison avec celle des basaltes, qui survient plutôt vers 1450 °C. Le caractère intentionnel, ou accidentel par incendie, reste néanmoins un point débattu.

The Conversation

Patrick de Wever ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Tour de France 2025 : le peloton à la découverte des bizarreries archéologiques bretonnes – https://theconversation.com/tour-de-france-2025-le-peloton-a-la-decouverte-des-bizarreries-archeologiques-bretonnes-258129

Économistes et historiens : je t’aime moi non plus

Source: The Conversation – France (in French) – By Alain Trannoy, Enseignant chercheur Ecole d’économie d’Aix Marseille EHESS, Aix-Marseille Université (AMU)

Un chassé-croisé s’observe entre la science économique et historique. Les deux approches, loin d’être opposées, peuvent être complémentaires, comme le montrent les travaux sur la révolution industrielle. Histoire et économie ont tout à gagner à approfondir le dialogue.

Cet article est publié dans le cadre du partenariat les Rencontres économiques d’Aix–The Conversation. L’édition 2025 de cet événement a pour thème « Affronter le choc des réalités ».


Le pivotement des économistes vers l’histoire, en particulier économique, depuis 30 ans, est spectaculaire. En attestent les prix Nobel attribués en 2023 à Claudia Goldin pour son apport à la compréhension de l’évolution du travail des femmes et en 2024 à Daron Acemoglu, Simon Johnson et James Robinson pour leur travail sur le rôle des institutions et leur impact sur la croissance économique.

Au même moment, du moins en France, les historiens pivotaient dans le sens inverse avec un certain désintérêt pour l’histoire économique de la part des générations nées après 1950, alors que la génération précédente avait témoigné d’un intérêt considérable pour le domaine économique comme en témoignent les travaux de Marc Bloch, Fernand Braudel, Christian Labrousse, Emmanuel Le Roy Ladurie et Jean-Claude Perrot pour ne citer que quelques noms liés à l’École des Annales. Ces deux disciplines semblent avoir joué à « je t’aime moi non plus » depuis cent ans. Cette recension est évidemment trop schématique car il faudrait citer l’école de la régulation apparue dans les années 70 (Michel Aglietta, André Orléan, Robert Boyer) qui a toujours donné une place centrale à l’histoire.




À lire aussi :
Ce que Michel Aglietta a apporté à l’économie : une discipline enrichie par les sciences sociales


Quels rapports ces deux disciplines entretiennent-elles aujourd’hui ? Un livre que j’ai coordonné avec l’historienne spécialiste de l’Inde moderne et contemporaine, Arundhati Virmani, offre des aperçus en donnant la parole à parité à des historiens et des économistes en tentant d’établir un dialogue sur les méthodes utilisées par les deux disciplines pour établir des faits scientifiques et les restituer.

Les reines de leurs domaines

L’histoire et l’économie sont les deux disciplines reines des sciences humaines et sociales en France et dans le monde. Il ne s’agit pas d’émettre un jugement de valeur quant au domaine étudié et la qualité des recherches qui y sont menées. Cette affirmation peut être étayée sur deux faits quantitatifs. Le premier provient d’une étude de l’observatoire des sciences et techniques (OST), le second sur l’outil de recherche des articles parus dans le journal Le Monde.

L’OST a procédé dans son étude publiée en décembre 2024 à [la position scientifique de la France dans le monde et en Europe

Analyse de différents corpus de publications et de projets européens

Décembre](https://www.hceres.fr/sites/default/files/media/downloads/ost-position-scientifique-france-2024.pdf). Seuls les articles dans les revues scientifiques sont répertoriés. L’histoire est classée dans les sciences humaines, l’économie dans les sciences sociales. Chacune apparaît en tête de son domaine, quant au nombre de publications aussi bien en France que dans le monde. La France apparaît comme très spécialisée en histoire et un peu plus spécialisée que les autres pays en économie.

Le champ historique semble constituer, par ailleurs, un socle de résistance à la langue anglaise car seul un quart des publications sont en anglais, alors que les publications des économistes français se font d’une manière écrasante dans cette langue (plus de 90 %). Le facteur d’impact des publications des chercheurs français, que cela soit en histoire et en économie, apparaît en retrait de l’ordre de 10 % par rapport à la moyenne mondiale.

Pour les historiens, ce résultat décevant pourrait s’expliquer par la non-prise en compte de la publication d’ouvrages (l’étude se limitant aux articles publiés dans des revues scientifiques) qui sont pourtant un vecteur essentiel de la dissémination des recherches. À noter que pour les économistes français, ne sont pas pris en compte les travaux de nombre d’entre eux en fonction dans des universités étrangères.


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Qui écrit des tribunes ?

En tout cas, les historiens devraient être rassurés en apprenant que lorsqu’on s’amuse à compter le nombre de tribunes, d’interviews ou de notices nécrologiques d’historiens parues dans les pages du journal le Monde pendant les cinq premiers mois de 2025, il dépasse allégrement celui des économistes (167 contre 139). Ils distancent sans aucune discussion possible le nombre d’occurrences des autres sciences sociales. Et les historiens sont loin de s’exprimer uniquement sur des faits passés. Ils sont fréquemment sollicités pour commenter l’actualité.

Comme l’écrit le professeur au Collège de France Patrick Boucheron justement dans un article du même journal.

« Le temps impose parfois à l’historien de rentrer dans la mêlée » !

Mais si l’impartialité de l’historien le met en surplomb s’agissant du passé, peut-il encore l’invoquer lorsque son expertise est convoquée pour commenter par exemple la seconde présidence de Donald Trump ? La solidité du travail sur les sources, la prise en compte de tous les effets de contexte, leur connaissance bibliographique de nature encyclopédique et le fait de raconter un tout sous la forme d’un récit écrit dans une belle langue font l’admiration de tous les autres spécialistes des sciences humaines et sociales. Les historiens sont de vrais littéraires, à l’encontre des économistes qui sont plus tournés vers les chiffres et le langage mathématique et statistique.

En tout cas, depuis une dizaine d’années, les économistes se mettent à copier les historiens sur un point de méthode. Pour rendre compte des résultats d’une analyse économétrique appliquée sur un sujet, il est devenu d’usage de tenter de la raconter d’abord sous la forme d’une histoire.

INA Culture.

De l’impossibilité d’isoler une cause unique

Sur un autre point, les historiens et économistes butent sur la même difficulté, lorsqu’il s’agit d’essayer d’expliquer un phénomène inédit dans l’histoire de l’humanité comme la première révolution industrielle. L’événement s’étend sur plus d’un siècle, met en jeu des forces et des mécanismes économiques, des innovations technologiques et scientifiques, le financement d’activités risquées, des rapports sociaux. Par conséquent, il est par nature presque impossible d’arriver à isoler une ou plusieurs causes d’une façon irréfutable car les boucles de rétroactions entre toutes ces forces sont multiples.

Sur ce sujet, la mêlée est générale car les économistes et historiens sont en quelque sorte à fronts renversés. Alors que les premiers en général défendent des thèses mettant en avant les institutions et la culture, les historiens insistent sur les ressources naturelles et la géographie.

Pour ne donner qu’un exemple, alors que l’économiste Joel Mokyr met en avant la culture du progrès scientifique et technique propre à l’Europe de l’Ouest depuis la Renaissance, l’historien Kenneth Pommeranz choisit de mettre l’accent sur la présence d’abondantes mines de charbon et l’accès aux ressources et au marché du nouveau monde. Ces deux facteurs de chance géographiques battent en brèche la supposition que l’économie s’intéresse à des causes plus matérialistes car plus quantitatives que l’histoire qui serait plus englobante car en capacité d’intégrer des facteurs culturels, sociaux et institutionnels qui sont plus qualitatifs. C’est dire à quel point histoire et économie ont tout intérêt à dialoguer et confronter leurs méthodes de travail.


Cet article est publié dans le cadre d’un partenariat de The Conversation avec les Rencontres économiques organisées par le Cercle des économistes, qui se tiennent du 3 au 5 juillet, à Aix-en-Provence.

The Conversation

Alain Trannoy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Économistes et historiens : je t’aime moi non plus – https://theconversation.com/economistes-et-historiens-je-taime-moi-non-plus-259805

Maroc : une étude montre comment la durabilité s’affirme comme choix stratégique pour les entreprises

Source: The Conversation – in French – By Slimane Ed-Dafali, Maître de conférences habilité HDR en sciences de gestion, ENCG El Jadida, Maroc, Université Chouaib Doukkali

Face aux pressions réglementaires, aux attentes des investisseurs et à la montée des enjeux climatiques et sociaux, les entreprises marocaines prennent progressivement conscience de l’importance des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

Un tournant majeur a été initié en 2017 avec la publication, par l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC), d’un guide pratique sur le reporting ESG, visant à sensibiliser les sociétés cotées aux enjeux ESG.

En 2023, cette mesure concernait 94 émetteurs, dont seulement trois n’avaient pas encore publié de rapport ESG, soit un taux de conformité de 97 %__.

Mais comment ce mouvement s’ancre-t-il dans le contexte local, encore en pleine structuration ? Et quels défis spécifiques rencontrent les entreprises marocaines, notamment les PME, dans cette transition vers une économie plus responsable ? Slimane Ed-Dafali, enseignant-chercheur en finance et expert en ESG, et Zahra Adardour, doctorante en divulgation ESG et formatrice en finance, auteurs d’une récente étude consacrée à l’évolution des pratiques ESG dans les économies émergentes, notamment au Maroc, donnent des élémments de réponse à The Conversation Africa.


Comment les entreprises marocaines intègrent-elles la durabilité dans leur stratégie ?

Dans les économies émergentes comme le Maroc, les entreprises prennent progressivement conscience que l’ESG dépasse les simples obligations réglementaires. Il devient un levier de résilience et de croissance.

Nos résultats mettent en lumière trois facteurs essentiels qui motivent les entreprises à publier les informations en matière d’ESG : préserver la réputation de l’entreprise, satisfaire les attentes croissantes des investisseurs et respecter les exigences réglementaires.

Au-delà de la conformité, de nombreuses entreprises marocaines, en particulier celles opérant à l’international, perçoivent dans l’ESG un avantage stratégique. Le Groupe OCP (Office chérifien des phospahtes), exportateur de phosphates, en est une illustration. Il couvre déjà 86 % de ses besoins énergétiques grâce aux énergies vertes et ambitionne d’atteindre 100 % d’ici 2028.

Par ailleurs, il investit dans la désalinisation, le recyclage de l’eau, et publie des rapports de durabilité conformes aux standards internationaux.

Le respect de ces critères, qui implique des investissements, ne génère-t-il pas des surcoûts pour les entreprises, au risque de les pénaliser en terme de concurrence ?

À première vue, le respect des critères ESG peut engendrer des surcoûts initiaux, liés notamment aux investissements dans les technologies propres et les énergies renouvelables. Toutefois, cette vision est souvent limitée au court terme. À long terme, les investissements ESG permettent d’atténuer les risques climatiques, réglementaires, de réputation ou ceux liés à la biodiversité, ainsi que de réduire le coût du capital.

Le principe de la double matérialité (dimension financière et impact), désormais central dans les réglementations européennes telles que la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD).

Cette double approche fait de l’ESG un outil stratégique puissant. Sur le plan des risques, elle permet d’anticiper les effets du changement climatique et les atteintes à la réputation d’entreprises. L’ESG encourage également l’innovation à travers le développement de nouveaux modèles d’affaires.

Ainsi, bien que des surcoûts puissent apparaître au départ, les études empiriques récentes montrent que les investissements ESG favorisent généralement une meilleure résilience financière, une réduction des risques réputationnels et financiers, ainsi qu’un avantage compétitif durable.

En quoi le contexte local change-t-il la façon dont les entreprises abordent cette question ?

Le contexte local joue un rôle déterminant dans la manière dont les entreprises marocaines, et plus largement celles des marchés émergents, abordent l’ESG. Des cadres internationaux comme la CSRD, le Global Reporting Initiative (GRI) ou le Sustainability Accounting Standards Board (SASB) offrent une base solide. Mais leur adaptation au contexte économique, réglementaire et institutionnel local les rend plus pertinents.

Le Maroc développe une approche ESG adaptée à son contexte, portée par un cadre réglementaire en évolution, avec l’impulsion des exigences des marchés internationaux, notamment pour les exportateurs.

Notons que le tissu entrepreneurial marocain, majoritairement constitué de PME, représente à la fois un défi et une opportunité. Bien que ces entreprises disposent de ressources limitées et d’une expertise technique souvent insuffisante, elles manifestent une volonté croissante d’apprendre, de s’adapter et de progresser.

En quoi consiste concrètement l’approche marocaine sur ce point ?

L’approche du Maroc en matière d’ESG s’inscrit dans une vision de long terme reposée sur une mobilisation des institutions publiques et privées, visant à structurer un écosystème favorable à la durabilité.
Elle s’est traduite par la ratification de l’Accord de Paris en 2016, l’organisation de la COP22 à Marrakech, et des stratégies structurantes, telles que la Stratégie nationale de développement durable (SNDD), et la Stratégie bas carbone à l’horizon 2050.

Le Maroc adopte une approche coordonnée et progressive de l’ESG. Bank Al-Maghrib (BAM) joue un rôle central en intégrant les risques climatiques et environnementaux dans la supervision prudentielle des établissements bancaires. Membre actif du Network for Greening the Financial System (NGFS), la banque centrale promeut également la finance verte.

Parallèlement, l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) joue un rôle clé dans l’incitation et l’accompagnement des sociétés cotées en matière de reporting extra-financier. Depuis la publication de son guide ESG en 2017, l’AMMC incite les sociétés cotées à communiquer leurs pratiques ESG. Elle favorise également le développement des obligations vertes..

L’indice MASI ESG de la Bourse de Casablanca, lancé en 2018, est également une initiative majeure qui encourage les entreprises marocaines cotées à améliorer leur reporting ESG.

L’Association marocaine des investisseurs en capital (AMIC) promeut activement l’intégration des pratiques ESG auprès des entreprises investies.

De son côté, depuis 2006, la CGEM promeut la résponsabilité sociétale d’entreprise (RSE) via une charte, un label et un accompagnement ciblé aux PME.

Sur le terrain, les multinationales implantées au Maroc adoptent généralement des standards ESG en conformité avec les exigences de leurs maisons mères.

Notons bien que l’efficacité des stratégies durables au Maroc est aussi une affaire de partenariats public-privé, en visant une industrie durable et une souveraineté “Made in Morocco”.

Quelles surprises ont révélé les méthodes combinées de recherche ?

L’approche mixte adoptée a fait émerger deux résultats inattendus. D’une part, certains obstacles perçus, tels que le manque d’expertise ou les coûts élevés de reporting, peuvent paradoxalement inciter à l’action plutôt qu’à l’inaction. Les entreprises, conscientes de leurs lacunes, ont davantage tendance à rechercher une assistance externe, à se former, ou à s’aligner sur des pratiques durables.

D’autre part, la diversité de genre est apparue comme un facteur déterminant. Les entretiens ont confirmé que le leadership participatif et la gouvernance inclusive, constituent deux composantes essentielles d’un bon pilotage ESG. À titre d’illustration, BMCE Bank of Africa a renforcé la diversité de genre au sein de ses équipes dirigeantes.

Comment améliorer la transparence des entreprises sur ces enjeux ?

Bien que le Maroc ait déjà accompli des progrès notables, des pistes d’améliorations restent envisageables :

● Introduire des mécanismes d’incitation efficaces pour encourager les entreprises démontrant des pratiques ESG performantes;

● Promouvoir une gouvernance partenariale inclusive, en offrant un accompagnement adapté sur les bonnes pratiques ESG, avec des exigences simplifiées pour les PME;

● Améliorer l’efficacité des processus de reporting ESG en utilisant l’innovation technologique avancée.

Concrètement, cela s’est-il traduit par une augmentation des volumes d’investissements au Maroc ? Est-ce mesurable ?

Concrètement, oui, cette dynamique s’est traduite par une augmentation mesurable des volumes d’investissements au Maroc, en particulier dans les secteurs liés à la durabilité. Un exemple concret est la signature, en 2024, d’une convention d’investissement de 1,3 milliard de dollars avec le groupe sino-européen Gotion High-Tech. Elle vise la construction d’une gigafactory pour produire des batteries destinées aux véhicules électriques.

Ainsi, comparé à d’autres pays africains, le Maroc bénéficie d’un alignement institutionnel relativement fort et d’une ambition stratégique claire. Ce qui en fait un modèle régional dans l’intégration progressive de l’ESG.

The Conversation

The authors do not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and have disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

ref. Maroc : une étude montre comment la durabilité s’affirme comme choix stratégique pour les entreprises – https://theconversation.com/maroc-une-etude-montre-comment-la-durabilite-saffirme-comme-choix-strategique-pour-les-entreprises-260214

Terrorisme au Sahel : pourquoi les attaques contre les bases militaires se multiplient et comment y répondre

Source: The Conversation – in French – By Olayinka Ajala, Associate professor in Politics and International Relations, Leeds Beckett University

Plus de 30 soldats maliens ont été tués et l’une des bases militaires du pays a été prise d’assaut début juin 2025 lors d’une attaque contre la ville de Boulikessi menée par Jama’a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin (JNIM), un groupe lié à Al-Qaïda.

Le même groupe a lancé une attaque contre la ville historique de Tombouctou. L’armée malienne a affirmé avoir repoussé l’attaque de Tombouctou et tué 14 terroristes.

Boulikessi a déjà été la cible de plusieurs attaques terroristes. En octobre 2019, 25 soldats y avaient été tués. La cible était un camp militaire de la force G5 Sahel.

Tombouctou est dans le collimateur des groupes terroristes depuis 2012. Le JNIM avait assiégé la ville pendant plusieurs mois en 2023. Tombouctou dispose d’un aéroport important et d’une base militaire clé.

Au Burkina Faso voisin, des combats ont opposé ces derniers mois l’armée et des groupes terroristes. Environ 40 % du pays est sous le contrôle de groupes liés à Al-Qaïda et à l’État islamique. Les bases militaires du pays ont également été prises pour cible.

Le Mali et le Burkina Faso sont sous régime militaire. L’insécurité, en particulier la recrudescence des attentats terroristes, a été l’une des principales raisons invoquées par les juntes militaires pour prendre le pouvoir dans ces deux pays.

Je mène des recherches sur le terrorisme et la formation de groupes insurgés en Afrique de l’Ouest et au Sahel depuis plus de dix ans. Ce que j’observe, c’est que les groupes terroristes deviennent plus audacieux et changent constamment de tactique, avec une augmentation des attaques contre les camps militaires dans toute la région.

Les camps militaires sont attaqués pour démoraliser les soldats et voler des munitions. Cela envoie également un message à la population locale, lui indiquant que les forces militaires sont incapables de protéger les civils.

Je pense qu’il y a quatre raisons principales à l’augmentation des attaques à grande échelle contre les bases militaires dans la région :

  • la perte de la base de drones américaine au Niger, qui a rendu la surveillance difficile

  • l’augmentation des violations des droits humains commises au nom de la lutte contre le terrorisme

  • l’absence d’une approche coordonnée de la lutte contre le terrorisme

  • les changements constants de tactiques des terroristes.

Il est important d’identifier et de traiter ces problèmes pour contrer cette tendance.

Pourquoi les attaques se multiplient-elles ?

Tout d’abord, il y a la perte de la base de drones américaine à Agadez, en République du Niger, en 2024, après la prise du pouvoir par l’armée dans le pays.

J’étais initialement sceptique lorsque la base de drones a été mise en service en 2019. Mais elle a en fait eu un effet dissuasif sur les groupes terroristes.

Les organisations terroristes opérant au Sahel savaient qu’elles étaient surveillées par des drones opérant depuis la base. Elles savaient que les informations de surveillance étaient partagées avec les États membres. La perte de la base a réduit les activités de reconnaissance et de surveillance dans la région.

Deuxièmement, l’augmentation des violations des droits de l’homme dans la lutte contre le terrorisme dans la région divise les communautés et augmente le recrutement dans les groupes terroristes. Un rapport de Human Rights Watch publié en mai 2025 a accusé l’armée burkinabè et les milices alliées d’avoir tué plus de 130 civils lors d’opérations antiterroristes.

Le rapport affirmait que les membres de l’ethnie peule étaient visés par ces opérations parce qu’ils étaient perçus comme ayant des liens avec des groupes terroristes. Les groupes terroristes sont connus pour utiliser de tels incidents afin de gagner le cœur et l’esprit des populations locales.

Troisièmement, l’absence d’approche coordonnée de la lutte contre le terrorisme dans la région est en train de réduire à néant les progrès réalisés au cours de la dernière décennie. Parmi les développements majeurs, on peut citer la dissolution du G5 Sahel. Ce groupe a été créé en 2014 afin de renforcer la coordination en matière de sécurité entre ses membres, à savoir la Mauritanie, le Burkina Faso, le Mali, le Tchad et le Niger. L’organisation a lancé des missions conjointes de lutte contre le terrorisme dans les États membres, mais elle a été dissoute en décembre 2023 après le retrait du Niger et du Burkina Faso.

L’affaiblissement de la Force multinationale mixte en raison du coup d’État militaire au Niger et du repositionnement stratégique compromet les initiatives de lutte contre le terrorisme. Les membres de la force étaient le Cameroun, le Tchad, le Niger, le Nigeria et le Bénin.

La force a pour mandat de lutter contre Boko Haram et d’autres groupes terroristes opérant dans le bassin du lac Tchad. Après sa création en 2015, la force opérationnelle a réalisé des progrès significatifs. En janvier 2025, le Niger a suspendu son adhésion, mettant en péril la lutte contre le terrorisme dans la région.

Quatrièmement, les groupes terroristes de la région affinent leurs méthodes. En avril 2025, des terroristes du JNIM ont été soupçonnés d’avoir lancé une attaque suicide à l’aide d’un drone contre des positions militaires togolaises.

De leur côté, les armées des pays du Sahel peinent à s’adapter aux nouvelles tactiques des terroristes. Ces dernières années, on a assisté à une prolifération des drones en Afrique par des États et des acteurs non étatiques.

Comment freiner cette tendance

Pour lutter contre la recrudescence des attaques perpétrées par des groupes terroristes, en particulier les attaques à grande échelle contre des positions militaires, quatre mesures immédiates s’imposent.

Premièrement, les États-nations doivent investir dans leurs capacités de surveillance. La perte de la base de drones oblige les États du Sahel à trouver de toute urgence de nouveaux moyens de collecter et de partager des renseignements. La topographie de la région, principalement plate et avec peu de végétation, constitue un avantage, car les drones de reconnaissance peuvent facilement détecter les mouvements suspects, les camps terroristes et les itinéraires empruntés.

Il est également nécessaire de réglementer l’utilisation des drones dans la région afin d’empêcher leur utilisation par des acteurs non étatiques.

En outre, les pays qui luttent contre le terrorisme doivent trouver un moyen d’améliorer les relations entre l’armée (et les milices alliées) et les populations touchées par le terrorisme. Ma dernière publication sur la question montre que les groupes d’autodéfense engagés par les forces militaires sont parfois complices de violations des droits de l’homme.

Une formation aux droits de l’homme est essentielle pour les forces militaires et les milices alliées.

Les sources de financement du terrorisme doivent être identifiées et bloquées. Les attentats terroristes à grande échelle nécessitent une planification, une formation et des ressources. Le financement provenant de l’exploitation minière illégale, du trafic et des enlèvements doit être identifié et éradiqué. Cela inclut également le partage de renseignements entre les États-nations.

Enfin, les pays du Sahel doivent trouver un mécanisme pour collaborer avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest.

Compte tenu de l’augmentation du nombre et de l’intensité des activités terroristes dans le Sahel, des mesures immédiates sont nécessaires pour inverser cette tendance.

The Conversation

Olayinka Ajala does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

ref. Terrorisme au Sahel : pourquoi les attaques contre les bases militaires se multiplient et comment y répondre – https://theconversation.com/terrorisme-au-sahel-pourquoi-les-attaques-contre-les-bases-militaires-se-multiplient-et-comment-y-repondre-260777