Avec « Une bataille après l’autre », le format VistaVision fait son come-back

Source: The Conversation – France (in French) – By Ben McCann, Associate Professor of French Studies, University of Adelaide

Dans _Une bataille après l’autre_, DiCaprio incarne un ex-insurgé politique spécialisé en explosifs. IMDb

Tout comme la résurgence du vinyle dans le domaine musical et de l’argentique dans la photographie, le retour du procédé de prise de vues VistaVision reflète un désir de revenir à des formats analogiques qui semblent artisanaux dans un monde hypernumérisé.


Le nouveau film de Paul Thomas Anderson, Une bataille après l’autre, est actuellement en salles. Ce thriller d’action politique est le premier film du réalisateur depuis quatre ans, et sa première collaboration avec l’acteur Leonardo DiCaprio.

Anderson a décidé de le tourner en VistaVision, un format haute résolution des années 1950 qui fait son grand retour à Hollywood.

Rivaliser avec la télévision

Dans les années 1950, Hollywood est confronté à une menace existentielle : la télévision. Les dirigeants des studios comprennent que pour ramener les spectateurs dans les salles, il faut leur offrir des images spectaculaires sur des écrans plus grands, dans un format panoramique immersif. Les nouvelles technologies, telles que la 3D et la couleur, offraient quelque chose que les petits téléviseurs en noir et blanc ne pouvaient pas offrir.




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En 1953, la 20th Century Fox dépose le brevet du CinemaScope. Des films, tels que la Tunique (1953) et Vingt mille lieues sous les mers (1954), ont été tournés à l’aide d’objectifs spéciaux qui compressaient une image plus large sur un film 35 millimètres standard. Lorsqu’elle était projetée sur l’écran à l’aide d’un autre type d’objectif, l’image pouvait être étirée : le format grand écran était né.

Puis, en 1955, le producteur Mike Todd développe le Todd-AO, le premier écran large incurvé qui projette des films 70 millimètres sur des écrans géants. Oklahoma (1955) et le Tour du monde en 80 jours (1956) ont été tournés de cette manière.

La réponse de Paramount à cette demande d’écran large a été le VistaVision. Ce procédé utilise du film 35 millimètres, le format le plus couramment utilisé, mais avec un défilement horizontal et non vertical. L’image, plus grande, compte huit perforations au lieu de quatre sur le format 35 millimètres standard.

Un plus grand cadre équivaut à plus de lumière, et donc à une meilleure résolution et à plus de précision dans les couleurs et les détails de texture.

Une nouvelle référence pour le visionnage immersif

Comme le procédé du CinémaScope consiste à comprimer l’image (pendant le tournage) puis à la décomprimer (pendant la projection), il a tendance à déformer les bords de l’image » : sur l’écran, les gros plans, notamment ceux des visages des acteurs, apparaissaient étirés ou excessivement ronds.

Le VistaVision, lui, ne déforme pas les images. Il est donc devenu particulièrement intéressant pour les réalisateurs et les directeurs de la photographie souhaitant réaliser d’immenses plans larges ou panoramiques. Il permet également d’obtenir des images plus nettes, notamment pour les gros plans, les espaces architecturaux et les paysages naturels.

Le public était impatient de découvrir ce nouveau format. La comédie musicale de Bing Crosby, Noël blanc (1954), fut le premier film Paramount tourné en VistaVision. Un critique a alors salué la « qualité picturale exceptionnelle » du film :

« Les couleurs sur grand écran sont riches et lumineuses ; les images sont claires et nettes. »

D’autres succès tournés avec ce procédé lui ont succédé : l’épopée biblique les Dix Commandements (1956), de Cecil B. DeMille, ou le western classique de John Ford, la Prisonnière du désert (1956), dans lequel le VistaVision était idéal pour cadrer les reliefs si particuliers de Monument Valley.

Alfred Hitchcock a utilisé le format VistaVision pour certains de ses meilleurs films, notamment Vertigo (1958) et la Main au collet (1955).

Disparition et renaissance

Malgré son succès initial, le procédé VistaVision était rarement utilisé pour les longs métrages au début des années 1960 et fut progressivement remplacé par d’autres formats. La Vengeance aux deux visages (1961) fut le dernier grand film américain entièrement tourné en VistaVision à cette époque.

En effet, le Vistavision coûtait cher : le défilement horizontal du film impliquait une consommation de pellicule deux fois plus importante. De plus, au fil du temps la pellicule s’est améliorée, permettant de capturer le grain plus fin et les couleurs que seul le VistaVision permettait d’obtenir avant.

Les cinéastes américains ont commencé à s’intéresser de près à leurs homologues français qui utilisaient des caméras plus légères et des pellicules moins chères pour filmer facilement en extérieur – dans la rue, les cafés et les chambres d’hôtel. Le VistaVision fonctionnait mieux dans l’espace contrôlé du studio.

Cela dit, le format n’a jamais complètement disparu, et nous assistons aujourd’hui à son grand retour. The Brutalist (2024), de Brady Corbet, a été le premier film depuis des décennies à être entièrement tourné en VistaVision. Le directeur de la photographie oscarisé Lol Crawley en a parlé avec enthousiasme, vantant ses qualités, tant pour filmer en plan large que pour saisir des détails :

« Nous l’avons utilisé non seulement pour capturer des aspects architecturaux et paysagers, mais aussi pour réaliser les plus beaux portraits. En résumé, ce format offre deux avantages : la faible profondeur de champ d’un objectif plus long, et le champ de vision d’un objectif plus large. »

Un retour à l’artisanat d’antan

Depuis le tournage de The Brutalist, Paul Thomas Anderson et plusieurs autres réalisateurs de renom ont opté pour le procédé VistaVision, notamment Emerald Fennell pour sa version des Hauts de Hurlevent (2026), Alejandro González Iñárritu pour son prochain film avec Tom Cruise, dont le titre n’est pas encore connu, et Yorgos Lanthimos pour Bugonia (2025).

Pour Une bataille après l’autre, Anderson s’est appuyé sur ce procédé non seulement pour obtenir une image plus spectaculaire, mais aussi pour se démarquer sur le marché si concurrentiel du cinéma.

Le Vistavision est l’un des nombreux formats traditionnels qui font leur retour à l’ère de la lassitude numérique et de l’IA. Dune (2021) et Dune : Deuxième partie (2024) ont été tournés en IMAX 70 millimètres, et Christopher Nolan, pour son prochain film, l’Odyssée, fera de même. Sinners (2025), de Ryan Coogler, a été tourné en Ultra Panavision, une autre innovation tombée en désuétude dans les années 1960.

Depuis la pandémie de Covid-19, il s’agit d’inciter le public à retrouver le chemin des salles de cinéma.

À une époque où la plupart des contenus sont diffusés en ligne, l’utilisation d’un format unique et rétro est un signal fort. La mention « tourné en VistaVision » devient un signe distinctif de savoir-faire et de prestige.

Les critiques d’Une bataille après l’autre sont élogieuses pour Anderson et pour le directeur de la photographie, Michael Bauman. Cependant, très peu de salles disposent encore des projecteurs d’origine conçus pour le format VistaVision. Seuls les spectateurs de Los Angeles, de New York, de Boston (aux États-Unis) et de Londres (au Royaume-Uni) pourront donc profiter de l’expérience complète.

Mais ne désespérez pas, le film est toujours disponible en différentes versions 70 millimètres, IMAX et 4K numérique. Installez-vous confortablement et profitez du spectacle !

The Conversation

Ben McCann ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Avec « Une bataille après l’autre », le format VistaVision fait son come-back – https://theconversation.com/avec-une-bataille-apres-lautre-le-format-vistavision-fait-son-come-back-266802

Sexual harassment, hostility… unforeseen consequences of the ‘customer is king’ mentality

Source: The Conversation – France – By Gordon M. Sayre, Assistant Professor of Organizational Behavior, EM Lyon Business School

Service workers may pay a price for the “customer is king” mentality: power imbalance and increased exposure to sexual harassment and hostility. John Michael Wilyat/Unsplash, CC BY

Corporate websites, training manuals, and interviews with business leaders abound with maxims that place the customer above all else. The customer service industry, which includes restaurant workers, call centre employees, hair stylists, and retail employees has a strong tradition of a “customer is king” mentality. The idea is that customers will respond positively to such deference, making them more likely to return in the future. But this mentality has a downside that is less often discussed: it shifts the balance of power away from service workers and toward customers.

This shift has become even more dramatic in recent years, as online reviews determine which businesses thrive and which must close their doors. Even for freelancers in the gig economy, reviews and the algorithms that feed on them decide which job gets offered to whom, and even who is allowed to work on the platform. Today, customers have more power than ever. But is that a good thing?

Sexual harassment in the service industry

To answer this question, we explored some of the potential consequences of customer power. Our first investigation focused on sexual harassment in the customer service industry – a pervasive yet understudied phenomenon.

People who hold more power are increasingly likely to engage in sexual harassment, raising our concerns given the shifting power imbalance in customer service work. We examined two specific risk factors in the service context that might make sexual harassment more likely. First, when the customer is king, employees must adapt their actions and emotions accordingly. They are increasingly expected to regulate or control their emotions as part of the job, a process called “emotional labour”. A restaurant server is expected to remain friendly and cheerful even during the evening rush. A bartender must show interest and offer sympathy to a customer’s tale of woe. These are instances when employees must control the emotions they actually feel and ensure that organisationally sanctioned emotions are displayed to customers at all times.

The second risk factor is that these jobs often involve tips and gratuities that employees depend on for their earnings. The extent of tipping varies across cultures, with countries like Germany, the UK and Croatia having stronger norms, whereas in the Scandinavian countries, tipping is fairly uncommon. In the US, where we conducted our research, many tipped workers like restaurant servers and bartenders are allowed to be paid below minimum wage, meaning that tips make up the entirety of their income. We tested whether the combination of emotional labour expectations and a reliance on tips creates a “perfect storm” that makes sexual harassment more likely.

In our first study, we asked 142 tipped workers from a variety of occupations about the emotional labour expectations of their workplace, and what percent of their overall pay came from tips. We found that when emotional labour expectations were high and employees were more dependent on tips, customers had more power and were then more likely to engage in sexual harassment. In our second study, we recruited 171 men to take on the role of a restaurant diner in an online simulation. Participants were shown a picture of their female server, who was either smiling or had a neutral display. The men were also presented with the bill, which either emphasised the importance of tips or stated that employees were paid a fair wage and tips were not necessary. When participants saw the smiling server and the bill that emphasised the importance of tips, they were much more likely to report feeling powerful and indicated a greater willingness to make inappropriate requests for a date or phone number. Our results suggest that a unique environment exists in customer service jobs, where emotional labour expectations combined with a dependence on tips may make sexual harassment more likely.

Coping with hostility

Another consequence of the “customer is king” mindset is that it gives people a licence to act in hostile or aggressive ways toward employees. In recent years, there has been a noticeable uptick in hostility toward flight attendants and healthcare workers. Given this, we set out to understand how employees can best handle their emotions when confronted with this hostility.

Our paper focused on an alternative school for troubled youth who had been expelled from the public school system. When teachers experienced hostility from students, they were required to file a report to administrators. We attached a short survey to this report, asking teachers how they controlled their emotions during the incident and how they felt afterwards. We found that teachers used unique combinations of emotional labour strategies – like reappraising the situation to “look on the bright side” or distracting themselves and suppressing whatever emotions they felt. We also looked at how these strategies predicted two important outcomes – teachers’ performance during the incident (as rated by administrators) and their well-being afterwards.

Our results suggest that to enhance performance, employees facing hostility should try to disengage from the situation. This might mean ignoring or mentally distancing themselves and suppressing their emotions. Yet this approach was among the worst for maintaining employee well-being. Employees wishing to protect their well-being, the results suggested, should try actively to modify the situation while also seeking social support. But doing so was not associated with better performance ratings. In short, it seems that employees faced with hostility may need to choose between maintaining their performance and their well-being. As such, organisations must put a priority on minimising hostile events in the first place, so that employees are not faced with this impossible choice.

Moving forward

Our research demonstrates that there are serious downsides to the “customer is king” approach. It creates a toxic atmosphere that makes sexual harassment more likely and puts employees in a no-win situation when facing hostility. In contrast, fostering a culture of mutual respect can encourage a more balanced power dynamic while still ensuring high performance standards. Approaching customer and public service from a place of respect can also empower employees to solve problems and work together with the general public, instead of forming a subservient or adversarial relationship. Let’s move beyond the monarchy to instead encourage employees and those they serve to work together as equal partners.


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The Conversation

Gordon M. Sayre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Sexual harassment, hostility… unforeseen consequences of the ‘customer is king’ mentality – https://theconversation.com/sexual-harassment-hostility-unforeseen-consequences-of-the-customer-is-king-mentality-266311

Nicolas Sarkozy condamné à une incarcération sans attendre son appel : pourquoi cette « exécution provisoire » est banale

Source: The Conversation – France in French (3) – By Vincent Sizaire, Maître de conférence associé, membre du centre de droit pénal et de criminologie, Université Paris Nanterre – Alliance Paris Lumières

De nombreuses critiques ont été formulées à l’encontre du jugement condamnant Nicolas Sarkozy à une incarcération « avec mandat de dépôt à effet différé assorti d’une exécution provisoire », c’est-à-dire sans attendre l’issue de sa procédure d’appel. Cette exécution provisoire de la peine d’emprisonnement est pourtant banale. En 2022, 55 % des peines d’emprisonnement ferme prononcées par le tribunal correctionnel ont ainsi été mises à exécution immédiatement. En revanche, on peut considérer que les règles encadrant l’exécution provisoire en matière répressive posent question du point de vue de l’État de droit.


Parmi les polémiques relatives à la condamnation de l’ancien chef de l’État, le 25 septembre dernier, l’exécution provisoire de la peine d’emprisonnement (le fait qu’elle soit appliquée même en cas d’appel) qui lui a été infligée figure en très bonne place. Comme la plupart des commentaires à l’emporte-pièce qui saturent l’espace médiatique depuis le prononcé du jugement, ces critiques viennent généralement nourrir la thèse, sinon du complot, du moins de « l’acharnement judiciaire » plus ou moins idéologique dont serait victime l’ancien locataire de l’Élysée. Elles se distinguent néanmoins des autres en ce qu’elles ne s’appuient pas sur des spéculations plus ou moins délirantes sur le contenu d’un dossier que, par hypothèse, aucune des personnes extérieures à la procédure ne connaît, mais sur une réalité juridique et humaine indéniable : Nicolas Sarkozy va devoir exécuter sa peine sans attendre la décision de la Cour d’appel. Une réalité qui peut fort légitimement choquer toute personne un tant soit peu attachée à la présomption d’innocence et au droit au recours, favorisant ainsi la réception de la théorie d’une vengeance judiciaire, théorie qui permet d’occulter une opposition beaucoup plus profonde à l’idée même d’égalité devant la loi.

Pour en finir avec ce mythe, il est donc nécessaire d’apporter un éclairage particulier sur la question de l’exécution provisoire en montrant que, si son régime et son application sont porteuses de réelles difficultés d’un point de vue démocratique, ces difficultés sont loin de concerner spécifiquement les classes dirigeantes.

Ce que dit la loi de l’exécution provisoire

En premier lieu, rappelons que, contrairement à ce que laissent entendre les contempteurs les plus acharnés du prétendu « gouvernement des juges », la possibilité d’assortir un jugement de l’exécution provisoire est bien prévue par la loi et n’a pas été inventée pour les besoins de la cause par le tribunal correctionnel. Depuis le droit romain, notre ordre juridique a toujours ménagé la faculté, pour les juridictions, de rendre leur décision immédiatement exécutoire dans les hypothèses où le retard pris dans sa mise en application serait de nature à compromettre durablement les droits des justiciables, en particulier dans les situations d’urgence. C’est pourquoi, par exemple, les ordonnances de référé, qui visent à prévenir un dommage imminent (suspension de travaux dangereux, d’un licenciement abusif, injonction à exécuter un contrat affectant la pérennité d’une entreprise) sont, depuis le Code de procédure civile de 1806, exécutoires par provision.

En matière pénale, la question se pose cependant de façon différente en ce sens que l’exécution provisoire porte atteinte non seulement au droit au recours contre une décision de justice, mais également à la présomption d’innocence. Or, ces deux principes sont protégés tant par la Constitution – le Conseil constitutionnel les ayant respectivement consacrés en 1981 et en 1996 – que par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ce qui ne signifie pas que ces garanties soient absolues, mais que le législateur ne peut y porter atteinte que de façon exceptionnelle, en fixant des critères précis et en veillant à ce que l’atteinte demeure nécessaire et proportionnée. C’est ainsi, par exemple, que la détention provisoire – ordonnée avant toute déclaration de culpabilité et avant même la phase d’audience – ne peut être prononcée que s’il est démontré qu’elle constitue l’unique moyen de sécuriser les investigations (éviter la destruction de preuves, des concertations entre auteurs) ou de s’assurer de la mise à disposition de la personne mise en examen (éviter le risque de fuite, de renouvellement des faits).

Or aucune garantie de cette nature n’est prévue par la loi quand l’exécution provisoire est prononcée par une juridiction pénale lorsqu’elle prononce une sanction à l’égard d’une personne. Le Code de procédure pénale ne fixe aucun critère pour déclarer immédiatement exécutoire telle ou telle sanction, qu’il s’agisse d’une peine d’amende, de probation ou d’emprisonnement, se bornant à exiger du tribunal qu’il motive spécifiquement sa décision sur ce point. C’est ce qu’a fait le tribunal dans la condamnation de Nicolas Sarkozy, en considérant que l’exécution provisoire s’imposait en raison de la particulière gravité des faits. La seule exception concerne le mandat de dépôt prononcé à l’audience (c’est-à-dire l’incarcération immédiate du condamné) assortissant une peine de prison inférieure à un an, dont le prononcé est subordonné aux mêmes conditions que la détention provisoire. En outre, alors qu’en matière civile, la personne peut toujours demander au premier président de la Cour d’appel de suspendre l’exécution provisoire du jugement de première instance, la loi pénale ne prévoit aucune possibilité similaire, la personne condamnée devant subir sa peine nonobstant l’exercice du recours. Ainsi, il est vrai de dire que les règles encadrant aujourd’hui le prononcé de l’exécution provisoire en matière répressive, en ce qu’elles ne garantissent pas suffisamment le caractère nécessaire et proportionné de cette mesure, posent question du point de vue des exigences de l’État de droit démocratique. Pour y remédier, il faudrait que la loi fixe de façon précise et limitative les conditions pour prononcer l’exécution provisoire, par exemple en prévoyant qu’elle n’est possible que si l’on peut légitimement craindre que la personne cherche à se soustraire à sa sanction.

Un recours massif lors des comparutions immédiates

En revanche, il est complètement faux d’affirmer que cette pratique ne concernerait que les membres de la classe politicienne. Le cadre juridique particulièrement permissif que nous venons d’évoquer favorise au contraire la généralisation du recours à l’exécution provisoire en matière pénale.

En 2022, 55 % des peines d’emprisonnement ferme prononcées par le tribunal correctionnel ont ainsi été mises à exécution immédiatement – ce taux monte à 87 % pour les personnes poursuivies en comparution immédiate. En d’autres termes, loin de constituer une mesure exceptionnelle qui trahirait une démarche vindicative ou un abus de pouvoir de la part des magistrats, l’exécution provisoire qui assortit la condamnation de l’ancien chef de l’État – comme celle de la présidente du Rassemblement national (RN) – constitue une mesure particulièrement commune, pour ne pas dire tristement banale.

C’est ainsi que, dans un communiqué du 27 septembre dernier, l’association des avocats pénalistes

« se réjouit de constater que politiques et médias prennent enfin conscience des difficultés posées par l’infraction d’association de malfaiteurs et par la contradiction inhérente à l’exécution provisoire d’une décision frappée d’appel »

(en ce qu’elle oblige le condamné à purger sa peine sans attendre l’issue du recours), mais

« rappelle cependant que ces modalités sont appliquées tous les jours à des centaines de justiciables sous l’œil courroucé des éditorialistes et gouvernants qui fustigeaient jusqu’alors une justice laxiste ».

Il s’agit là d’une autre vertu de l’exigence d’égalité juridique lorsqu’elle pleinement et véritablement appliquée. Plus les membres des classes dirigeantes et, en particulier, celles et ceux qui contribuent directement ou indirectement à l’écriture de la loi, auront conscience qu’elle peut potentiellement s’appliquer à leur personne, plus l’on peut espérer qu’ils se montrent sensibles, d’une façon générale, au respect des droits de la défense. Une raison supplémentaire de sanctionner, à sa juste mesure, la délinquance des puissants.

The Conversation

Vincent Sizaire ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Nicolas Sarkozy condamné à une incarcération sans attendre son appel : pourquoi cette « exécution provisoire » est banale – https://theconversation.com/nicolas-sarkozy-condamne-a-une-incarceration-sans-attendre-son-appel-pourquoi-cette-execution-provisoire-est-banale-266677

Accès au logement : la couleur de peau plus discriminante que le nom

Source: The Conversation – France in French (3) – By Élisabeth Tovar, Maîtresse de conférences en sciences économiques, Université Paris Nanterre – Alliance Paris Lumières

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, avoir un nom à consonance étrangère pénalise moins qu’être visiblement noir sur une photo. StudioRomantic/Shutterstock

Locataire noir ou blanc : qui l’agent immobilier préférera-t-il ? Notre expérience révèle les ressorts méconnus de la discrimination dans la location de logements.


Chercher un logement peut vite tourner au parcours du combattant, surtout quand on s’appelle Mohamed ou Aïssata. En France, en 2017, 14 % des personnes ayant cherché un logement au cours des cinq années précédentes disaient avoir subi des discriminations, selon la dernière enquête sur la question, menée par le défenseur des droits.

Mais comment ces discriminations fonctionnent-elles concrètement ? Qu’est-ce qui pèse le plus : la couleur de peau, le nom, le salaire, ou encore les préjugés du propriétaire ?

Pour le découvrir, nous avons mené une expérience inédite avec 723 étudiants d’une école immobilière, confrontés à des dossiers de locataires fictifs. Les résultats bousculent plusieurs idées reçues.

Un appartement, trois candidats

Imaginez : vous êtes agent immobilier et devez évaluer trois candidats pour un appartement de trois pièces. Trois candidats se présentent :

  • Éric Pagant, un informaticien blanc, 3 400 euros nets mensuels ;

  • Mohamed Diop, un ambulancier en intérim noir, 1 800 euros nets mensuels ;

  • Kévin Cassin, un enseignant fonctionnaire blanc, célibataire, 1 845 euros nets mensuels.

Vous devez noter chaque candidat en le notant de 1 à 4, selon, d’une part, le degré de satisfaction de votre client, le propriétaire, en cas de location au candidat et, d’autre part, votre intention d’organiser une visite de l’appartement avec le candidat.

Dans notre expérience, nous avons fait varier les éléments des profils des candidats : parfois, c’est Mohamed Diop, un homme noir, qui est informaticien, parfois, il a un nom français (Philippe Rousseau), parfois, sa photo n’apparaît pas, parfois le propriétaire exprime des préférences discriminatoires… Ce protocole nous a permis de mesurer l’effet réel de chacune de ces caractéristiques sur les notes obtenues par les candidats.

La couleur de peau compte plus que le nom

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, avoir un nom à consonance étrangère pénalise moins qu’être visiblement Noir sur une photo. Quand Mohamed Diop concourt sans photo, avec seulement son nom africain, son handicap face à Éric Pagant, le candidat blanc, est de 0,6 point sur 4. Mais quand sa photo révèle sa couleur de peau, même avec un nom français l’écart grimpe à 1,7 point !

Cette découverte est importante, car la plupart des études scientifiques sur la discrimination se basent sur les noms, pas sur les photos. Elles sous-estiment peut-être la réalité vécue par les personnes racisées qui se présentent physiquement aux visites.

Protection relative du statut social

Certes, avoir un bon salaire protège un peu les candidats noirs contre la discrimination. Nos répondants accordent une importance particulière au revenu des futurs locataires : indépendamment de leur couleur de peau, les informaticiens ont un avantage de 1,55 point (sur 4) par rapport aux ambulanciers. Cela veut dire qu’un candidat noir informaticien sera mieux noté que tous les candidats ambulanciers, Blancs comme Noirs.

C’est troublant : au sein des candidats aisés, la pénalité subie par les Noirs par rapport aux Blancs est plus forte (-0,32 point) qu’entre candidats modestes (-0,22 point), comme si certains répondants avaient du mal à accepter qu’une personne noire puisse être à égalité avec une personne blanche ayant un statut social élevé.

Propriétaires discriminants

L’expérience révèle aussi que les agents immobiliers amplifient les préjugés de leurs clients.

Quand le propriétaire ne manifeste aucune préférence ethnique, la discrimination disparaît complètement entre candidats blancs et noirs (-0,048 point sur 4). C’est une bonne nouvelle : les futurs professionnels de l’immobilier que nous avons testés ne montrent pas de racisme personnel.

Mais dès que le propriétaire exprime sa réticence à louer « à des gens issus de minorités ethniques », l’écart entre les candidats noirs et blancs se creuse (-0,48 point pour les candidats noirs) – même si une telle demande est tout à fait illégale ! C’est une illustration du mécanisme de « client-based discrimination », bien connu en théorie économique.

Effet de minorité

Dernier élément marquant : un candidat noir est moins bien noté (avec une pénalité de -0,34 point) quand il concourt contre deux candidats blancs (comme dans la première ligne de la figure ci-dessous) que quand il fait face à d’autres candidats noirs (comme dans la deuxième ligne de la figure ci-dessous). À l’inverse, être Blanc face à des candidats noirs ne procure aucun avantage particulier.

Ce résultat montre l’existence d’un « effet de minorité » jouant en défaveur des personnes racisées qui chercheraient à se loger hors de quartier ségrégé.

« Premier arrivé, premier servi »

Ces résultats pointent vers des solutions concrètes.

Plutôt que de miser uniquement sur la formation des professionnels, il faudrait s’attaquer aux préjugés des propriétaires et limiter leur influence, en protégeant les professionnels des attentes de leurs clients. Pour cela, certaines villes états-uniennes, comme Seattle et Portland, ont adopté le principe du « premier arrivé, premier servi » pour empêcher la sélection discriminatoire.

Sans aller jusque-là, l’anonymisation des dossiers de location ou l’obligation de motiver les refus, avec signature du propriétaire, pourraient être des pistes à explorer.

Une autre piste pourrait être l’utilisation systématique de mémentos listant les points d’attention pour louer sans discriminer, comme ceux qui sont proposés, en France, par le défenseur des droits à l’attention des propriétaires et des professionnels de l’immobilier.

Quoi qu’il en soit, ces leviers d’action ne sont pas coûteux à mettre en place, mais cela nécessite l’implication de tous les acteurs du secteur.

The Conversation

Élisabeth Tovar a reçu des financements de l’Agence Nationale de la Recherche.

Mathieu Bunel est membre de la Fédération de recherche Tepp Théories et évaluations des politiques publiques.

Laetitia Tuffery et Marie-Noëlle Lefebvre ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.

ref. Accès au logement : la couleur de peau plus discriminante que le nom – https://theconversation.com/acces-au-logement-la-couleur-de-peau-plus-discriminante-que-le-nom-260363

Boko Haram on the rise again in Nigeria: how it’s survived and how to weaken it

Source: The Conversation – Africa (2) – By Saheed Babajide Owonikoko, Researcher, Centre for Peace and Security Studies, Modibbo Adama University of Technology

Abubakar Shekau, the erstwhile leader of the terrorist group Jama’at Ahl al-Sunna li al-Da’wa wa al-Jihad (JAS), died in 2021. The west African group, also known as Boko Haram, then fell into obscurity while its breakaway faction, Islamic State West Africa Province (ISWAP), steadily rose.

Early 2025 saw Boko Haram resurging in the Lake Chad region, however, with attacks in Nigeria and Cameroon. Lake Chad is in west-central Africa, in the Sahelian zone. It is located at the conjunction of Chad, Cameroon, Nigeria and Niger.

As a security studies scholar tracking Boko Haram, I discuss reasons for this resurgence, and its impacts, and recommend possible responses from Lake Chad region countries.

Evidence of Boko Haram resurgence

On 15 May 2025, Boko Haram massacred close to 100 residents of Mallam Karamti and Kwatandashi villages in Nigeria’s Borno State. A report has it that Boko Haram attacked the residents because they were loyal to, and served as informants for, Islamic State West Africa Province.

On 5 September, it attacked Darul Jamal village in Borno State, killing about 60 people. A researcher specialising in Boko Haram at the Institute for Security Studies, Taiwo Adebayo, was said to have spoken with residents of the community who attributed the attack to Boko Haram, possibly because of information about the group being shared with the Nigerian military.

There are also reports that the group has extended its reach beyond Lake Chad to North Central region of Nigeria, where it is operating with bandits and possibly Lakurawa, the new terrorist group in that region.

In Far North region of Cameroon, the group has also been active. Reports shared on LinkedIn showed that in July and August 2025, it was responsible for 101 attacks out of 144.




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What explains the resurgence

Four factors explain why Boko Haram has become more active again in the Lake Chad region.

First, the rise of one of its leaders, Bakura Doro, and his efforts to sustain Boko Haram gains over Islamic State West Africa Province.

Doro was the Lake Chad Amir al-Fiya (zone commander) before Shekau’s death. He was announced as the leader in May 2022 after a violent takeover from Sahalaba, a cleric whom Shekau had reportedly designated as his successor in his will. Doro reinforced Boko Haram by fighting Islamic State West Africa Province, killing members and capturing its territories in Lake Chad.

He also shunned media propaganda, thus taking the public gaze away from Boko Haram while it grew unnoticed. Although reports said Bakura was killed in Niger in August 2025, the group denied it.

The second factor is that it received less attention from the Lake Chad militaries. Instead, attention was on Islamic State for its targeted attacks on military outposts since early 2025.

By July 2025, 15 outposts had been attacked. The Lake Chad region countries’ counterterrorism efforts focused on countering ISWAP, dangerously neglecting Boko Haram.

The third factor is the failure of reintegration programmes across the region. In Nigeria, for one, community rejection, unmet government promises, limited political will and a weak framework have caused many ex-combatants to return to the trenches.

The fourth factor is combat stress or fatigue among soldiers of the Lake Chad region countries. For instance, more than 1,000 soldiers resigned from the army between 2020 and 2024 in Nigeria. Nigeria’s total armed forces personnel was estimated at 230,000 in 2020.

The weakened commitment of the countries to the Multinational Joint Task Force adds to the problem. Nigeria established the force in 1994 to checkmate trans-border armed banditry around the Lake Chad Basin. In 1998, Chadian and Nigerien soldiers joined the task force.

Niger’s withdrawal in protest against Ecowas sanctions; Chad’s declining support; and strained Nigeria-Cameroon relations have limited the effectiveness of the task force.

All this gives insurgent groups impetus to intensify their attacks.

Implications of resurgent Boko Haram

To understand the implications, it is essential to distinguish Boko Haram’s ideology from that of Islamic State. While the latter primarily targets military forces and non-Muslim communities, Boko Haram’s violence is aimed at all, except its members.

The attempt by Shekau’s successor, Sahalaba, to align with Islamic State West Africa Province’s more selective attacks led to his death, leaving Boko Haram rigidly committed to ruthless attacks.

The result might be a worsening of humanitarian conditions and disruption of community resettlement programmes in the region.

According to a June 2025 report of the UN Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, the region hosts 2.9 million internally displaced people and 272,000 refugees. I believe this figure may rise as violence escalates. But donor funding is shrinking.

Boko Haram’s blend of jihad with criminal activities such as robbery and kidnapping not only sustains its operations but may also attract disaffected youth, given the region’s fragile socio-economic conditions, especially the high rate of poverty and unemployment.

The competition between both insurgent groups, and between them and the military, places civilians in danger. Each actor seeks local support and intelligence, and communities risk severe punishment if perceived as loyal to the opposing side.

A constraint currently confronting Boko Haram is the shortage of weaponry. To bridge this gap, I believe it may focus its attacks on military outposts across the region. They may be encouraged by the successes of Islamic State’s attacks on the military outposts and the transfer of combat experience and technical expertise from former Islamic State fighters who have defected to Boko Haram. If it joins the attacks against military outposts in the area, the consequences will be fatal.




Read more:
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What can be done?

The governments and militaries of Lake Chad region countries should pay attention to Boko Haram as much as Islamic State in their counter-terrorism efforts.

There is a need to improve security cooperation among the countries by luring Niger back into the Multinational Joint Task Force and ensuring members’ commitment to the force.

Enhanced welfare services from the countries to their citizens can reduce incentives to join Boko Haram and other insurgent groups.

Strengthening defection programmes is crucial to prevent former terrorists from going back to groups like Boko Haram. I recommend harmonising regional deradicalisation efforts to enhance their effectiveness.

The Conversation

Saheed Babajide Owonikoko does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

ref. Boko Haram on the rise again in Nigeria: how it’s survived and how to weaken it – https://theconversation.com/boko-haram-on-the-rise-again-in-nigeria-how-its-survived-and-how-to-weaken-it-265691

Tanzania’s Samia Hassan has ushered in a new era of authoritarianism: here’s how

Source: The Conversation – Africa (2) – By Dan Paget, Assistant professor, University of Sussex

Tanzania President Samia Suluhu Hassan. Wikimedia Commons, CC BY

As Tanzania’s national elections approach, a familiar humdrum of coverage has emerged. It goes like this. In its crackdowns, censorship and harassment of the opposition, Tanzania is becoming increasingly repressive.

President Samia Suluhu Hassan, who is seeking re-election in the October 2025 poll, increasingly resembles her predecessor, John Pombe Magufuli. Before he died in office in 2021, he banned media, censored journalists, hamstrung the opposition and rigged elections. Hassan is reverting to his tactics to lengthen her advantage in the elections.

Yet, I would go further. Hassan has become, in key ways, more autocratic than Magufuli. She has crossed autocratic thresholds that have not been breached since Tanzania’s transition to multipartyism in 1992. Most crucially, she has put her chief opponent Tundu Lissu on trial for treason. She has kept another out of the presidential race.

I have been writing about autocracy in Tanzania and chronicling the struggles of Tanzania’s opposition for over a decade. From this vantage point, I describe what makes this election different.

Many authoritarian regimes today take the form of what political scientists call electoral authoritarianism. It is a mixture of the outward form of multiparty democracy and autocratic practices that tilt the playing field in the incumbent’s favour.

Yet, the steps taken by Hassan’s regime amount to something more draconian than this.

Barring your opponents from contesting the presidency is not tilting the playing field in your favour. As I argue in a recent paper, it is closing the playing field altogether. Tanzanian columnist Jenerali Ulimwengu noted in a recent column: “there is no competition worth the name”.

Hassan has broken Tanzania’s political norms, and done so now, it seems, because the international context permits it more than any time in the last 30 years.

The ominous implication of all this is that an era of autocratic rule – which is yet more extreme than any endured in the last 30 years – has arrived.

Crossing red lines

In one way or another, Tanzania’s regime has been autocratic for decades. The party in power today, Chama cha Mapinduzi, has been in power since independence from Britain in 1961.

When Tanzania moved to multiparty elections in 1992, the party strengthened an autocratic apparatus that has developed since then. The regime enjoyed baked-in advantages in funding, business ties, media control and state capture. This gave it a long advantage in elections. Since at least 2000, it has been rigging, annulling and otherwise manipulating elections in the semi-independent archipelago of Zanzibar.

By 2015, however, the mainland opposition, led by Chadema, had become competitive. In this context, under the leadership of then-president Magufuli, repression intensified.

Media were banned, opposition parties were knee-capped, journalists were censored, activists were persecuted, and at large, freedoms were infringed. In the 2020 elections, there appeared to be mass manipulation across Zanzibar and Tanzania for the first time.

In some respects, despite promises of change, Hassan has picked up where Magufuli left off after his death.

There were some democratic concessions in the unbanning of some media outlets and opposition political rallies.

In this context, the opposition started rebuilding.

Yet, the talk of reform was largely cosmetic. Repression continued. Media censorship ticked up and state-sponsored political violence climbed.

Political rallies remained permissible formally, but were increasingly banned in practice. Nationwide local elections in 2024 were reportedly manipulated at scale.

In this context, much coverage has understandably drawn analogies from Hassan’s presidency to Magufuli’s. Yet Hassan has been crossing democratic red lines that Magufuli never did, even if he might have wanted to.

The leader of the opposition has been charged with non-bailable offenses, twice.

Freeman Mbowe was charged with terrorism offences and held for 226 days until his release in 2022. His successor, Tundu Lissu, who survived an assassination attempt in 2017, has been detained since 9 April 2025. He’s now facing trial on charges of treason, a crime punishable by death.

Magufuli had these and other opposition leaders arrested a number of times. Yet he did not have them charged with offences of such magnitude. Nor did he have them held for so long.

Hassan has found a way to eliminate her other most significant competitor from the race. Luhaga Mpina was prevented from submitting nomination forms to enter the presidential election as the candidate for Alliance for Change-Wazalendo. This was after a last-minute intervention from the registrar of political parties, who is a presidential appointee.

The high court subsequently ordered that he be reinstated. However, four days later, the nominally independent electoral commission revealed its true loyalties by barring Mpina’s candidacy again. The case is still being litigated.

The consequence is that Hassan is running to be re-elected as the president of Tanzania opposed only by minor candidates.

This is a scenario without precedent since the reintroduction of multiparty elections in 1992.

In case the normal array of media control and military displays of force are not enough to quell the prospect of protest, the regime has shut down the internet early. It has not, as under Magufuli, imposed a post-election blackout. Instead, it has banned social media platforms X, Clubhouse and Telegram, which have been blocked nationwide. Vibrant local social media platform JamiiForums has been taken down. Meanwhile, the rhythm of state-sponsored violence against opposition activists has been maintained.

Zooming out

The upshot is that Tanzanians are witness to a remarkable split-screen. On one side, Hassan addresses enormous crowds at richly adorned rallies in what political researcher Nicodemus Minde has aptly called “a procedural coronation ritual”.

On the other, opposition leader Lissu has been escorted in and out of court, where, representing himself, he has been declaring his trial a political persecution.

In effect, a new era of authoritarianism is crystallising in Tanzania, one in which electoral competition is all but absent at the presidential level.

Hassan alone knows her true motives for these changes, but her actions should be read in the international context. Under President Donald Trump’s second term, the US has retreated from global democracy promotion. Heavy cuts in aid budgets have weakened the west’s political might.

In this context, Hassan seems to have explored her room for autocratic manoeuvre, and found international norms giving way before her.

She is not alone in doing so. Today, Turkish opposition leader Ekrem Imamoğlu is in jail awaiting trial on terrorism charges. Mozambican opposition leader Venancio Mondlane is awaiting trial facing terrorism offences.

Amid a world in flux, Hassan, and others, are testing what is left of a liberal world order. So far, they must like what they are finding.

The Conversation

Dan Paget is a member of the British Labour Party. He is in receipt of a research funding grant from the British Academy and the Leverhulme Foundation. He is will be in receipt of a Starting Grant from the European Research Council from January 2026.

ref. Tanzania’s Samia Hassan has ushered in a new era of authoritarianism: here’s how – https://theconversation.com/tanzanias-samia-hassan-has-ushered-in-a-new-era-of-authoritarianism-heres-how-266598

Impôt sécheresse : Pourquoi ce qui était possible en 1976… ne l’est plus en 2025 ?

Source: The Conversation – France (in French) – By Jean-Marc Daniel, Emeritus associate Professor, Law Economics & Humanities, ESCP Business School

En 1976, une canicule s’abat sur la France, mettant en péril les récoltes agricoles. Le gouvernement décide une aide conséquente, qui sera partiellement financée par un impôt « ad hoc ». Retour sur le contexte de l’époque et sur ce qui a changé depuis.


Il y a presque cinquante ans, durant l’été 1976, la France a connu une vague de chaleur mémorable dont le souvenir s’incarne dans la référence à « l’impôt sécheresse ». Cet « impôt » a été décidé pour financer des aides au monde agricole, alors victime de la canicule. Dans son bilan de l’année 1976, l’Insee écrit :

« Pour la troisième année consécutive, le volume de la production agricole totale marque une baisse : 0,8 % en 1974 ; 4,5 % en 1975 ; 1,8 % en 1976. »

Le gouvernement de l’époque, dirigé par Jacques Chirac et placé sous l’autorité du président Valéry Giscard d’Estaing, décide de réagir avec un double objectif :

  • maintenir le pouvoir d’achat d’un monde agricole qui représente encore une part importante de la population (en 1976, on compte un peu moins de 1,4 million de chefs d’exploitation alors qu’en 2024, ce nombre est descendu en dessous de 420 000) ;

  • éviter que pour maintenir leur niveau de vie les agriculteurs n’augmentent fortement leurs prix dans un contexte de forte inflation (11 % en 1976).

Une aide de 5,5 milliards de francs

Étrangement, le 25 août, l’annonce d’une aide de 2,2 milliards de francs, soit 1,6 milliard d’euros d’aujourd’hui, pour les agriculteurs est suivie immédiatement de celle de la démission du premier ministre. Le 27 août, son successeur Raymond Barre présente son équipe dans laquelle Christian Bonnet garde le portefeuille de l’agriculture. Néanmoins se pose la question de la pérennisation d’une action en faveur de l’agriculture qui, précédemment, était largement marquée par la personnalité de Jacques Chirac. Mais Raymond Barre confirme le principe d’une aide qui sera finalement de 5,5 milliards de francs (soit 0,3 % du PIB). Il précise que cette somme ne saurait être financée par un emprunt placé auprès des banques ou des épargnants.

La France de 1976 sort du plan de relance de 1975 et le souci de Raymond Barre est de revenir à une gestion budgétaire reposant sur l’équilibre. En 1975, la France connaît sa première récession depuis 1945. Son PIB se contracte de 1 %, ce qui conduit à l’adoption en septembre d’un plan de relance. Alors que le déficit budgétaire voté fin 1974 pour 1975 était de 4 milliards de francs, il est porté à 38,2 milliards de francs, soit 2,6 % du PIB. Le contenu de ce plan est partagé entre 15 milliards de francs de grands travaux dont le TGV sera le plus emblématique, 5 milliards de francs d’augmentation des allocations sociales et 18 milliards de francs de baisse d’impôts.

Une relance aux résultats mitigés

Une des originalités du financement de l’accroissement du déficit est de faire appel à la Banque de France, alors que la loi de janvier 1973 qui définit son rôle et son statut prévoit dans son article 25 qu’elle ne doit pas prêter directement à l’État – cet article stipule que « le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l’escompte de la Banque de France ».

Pour contourner cette règle, il a été demandé à la Banque de France de verser par anticipation les dividendes des exercices suivants. Le résultat de la relance est mitigé. Bien qu’en 1976, le taux de croissance soit revenu à son niveau de 1974 (4,3 %), le doute s’installe.




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D’abord, le prix à payer a été un creusement sévère du déficit extérieur. Ensuite, malgré ce retour de la croissance, la situation des finances publiques ne s’améliore que lentement. En 1976, le déficit budgétaire atteint 23 milliards de francs, soit 1,3 % du PIB. Enfin et surtout, l’impact sur le chômage est faible. En novembre 1975, Lionel Stoleru, conseiller économique de Valéry Giscard d’Estaing, est interrogé à la télévision sur l’évolution de l’emploi alors que le nombre de chômeurs vient de dépasser le million. Il parle de la nécessité de réformer le marché du travail et ne cache pas qu’il est illusoire de croire que le retour au plein emploi puisse se faire simplement grâce à une augmentation de la demande publique.

Une aide, mais pas d’emprunt

Il se trouve que l’OCDE est sur la même ligne. En 1977, elle publie les conclusions d’un groupe de travail présidé par l’économiste américain Paul MacCracken. Ce rapport affirme qu’une reprise de la croissance de long terme exige une évolution des salaires conforme à celle de la productivité et une gestion budgétaire écartant tout déficit autre que lié au cycle. Or, jusqu’à sa nomination comme ministre du Commerce extérieur en janvier  1976, le représentant de la France au sein de ce groupe est Raymond Barre !

Pour financer les quelque 5 milliards de francs mobilisés pour l’agriculture, Raymond Barre refuse d’emprunter sur les marchés et de faire appel à la Banque de France. Il décide d’augmenter les prélèvements fiscaux. Pour les ménages, cette augmentation se fait selon un dispositif à troisétages. Ceux dont le revenu est inférieur à 70 000 francs (soit 57 000 € d’aujourd’hui) sont exonérés de contribution. Au-delà, l’impôt sur le revenu est majoré dans une première tranche de 4 %, puis dans une tranche supérieure de 8 %.

L’originalité du dispositif est que la première tranche n’est pas, en fait, un impôt mais un emprunt obligatoire, porteur d’un intérêt de 8,8 % qui sera remboursé en décembre 1981.

Tout – ou presque – a changé

Près de cinquante ans plus tard, l’opération de 1976 est souvent évoquée comme un exemple à suivre d’appel exceptionnel, face à des circonstances exceptionnelles, à un effort des Français. Pourtant, bien des choses ont changé.

Le premier constat est que le poids de la dette a considérablement augmenté, passant de 16 % du PIB en 1976 à 114 % aujourd’hui. Dès lors, la situation réclame une action de redressement de longue durée plutôt qu’une mesure ponctuelle. L’opération menée par Raymond Barre et Valéry Giscard d’Estaing s’inscrivait dans un contexte de taux d’intérêt élevés (ceux-ci ont atteint 13 % en 1976). Résultat, la charge de la dette représentait un poids du PIB du même niveau qu’aujourd’hui (2 %). Dès lors, les dirigeants de 1976 s’inquiétaient d’un présent très pénalisant alors que les dirigeants d’aujourd’hui, bercés par l’illusion d’un maintien des taux d’intérêt à de bas niveaux, minimisent, voire ignorent la menace que fait peser l’évolution possible voire probable de ces taux.

TF1 1976 (INA Actu).

Le deuxième est que la permanence d’un déficit public a conduit à revoir les techniques de financement de l’État. Après que la technique de l’emprunt obligatoire a été de nouveau utilisée en 1983 dans le cadre de la mise en place de la « politique de rigueur », les gouvernements qui ont suivi ont développé un système d’appel aux marchés financiers organisé autour de l’Agence France Trésor. Celle-ci a émis, en 2024, 340 milliards d’euros d’emprunts, loin des 10 milliards d’euros que rapporterait l’équivalent de « l’impôt sécheresse » de 1976.

Quoi qu’il en coûte… mais avec des limites

Le troisième constat est que si les acrobaties autour de la Banque de France pour le financement du plan de relance de 1975 ont pu trouver un répondant dans le « Whatever it takes » de la BCE de Mario Draghi, aujourd’hui nos partenaires de la zone euro se montrent de plus en plus irrités par nos arguties dépensières. Ce n’est pas un effort sur une année porté par des considérations climatiques comme la sécheresse, sanitaires comme la Covid ou géopolitiques comme la guerre en Ukraine qui les convaincront que nous n’avons pas à nous discipliner comme l’ont fait, par exemple, les Portugais qui ont dégagé en 2024 un excédent budgétaire de 0,7 % du PIB.

Maintenant que les étés dans les vallées du Rhône ou de la Garonne sont de plus en plus chauds, les canicules ne permettent pas de masquer la nécessité d’un redressement budgétaire durable alors que la hausse des taux d’intérêt se fait de plus en plus menaçante.

The Conversation

Jean-Marc Daniel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Impôt sécheresse : Pourquoi ce qui était possible en 1976… ne l’est plus en 2025 ? – https://theconversation.com/impot-secheresse-pourquoi-ce-qui-etait-possible-en-1976-ne-lest-plus-en-2025-265780

Les voitures restreignent le droit des enfants de profiter de la ville. Voici des projets qui font la différence

Source: The Conversation – in French – By Patricia Collins, Associate Professor, Queen’s University, Ontario

En fermant les rues à proximité des écoles pour qu’on puisse y déposer et y reprendre les enfants, une initiative innovante appelée « rue-école » permet aux enfants de se réapproprier la ville. (Unsplash), CC BY

De nombreux Canadiens de plus de 40 ans ont sans doute passé leur enfance à jouer dans la rue et à circuler seuls ou avec des amis dans leur quartier. Et, selon le onzième objectif de développement durable des Nations unies, les villes devraient être des lieux où tous les habitants, y compris les enfants, peuvent bien évoluer. Ils ont autant le droit d’occuper et d’utiliser les rues urbaines que les automobilistes.

Cependant, les enfants d’aujourd’hui sont moins actifs, moins autonomes dans leurs déplacements et participent moins à des jeux libres à l’extérieur.

Au Canada, l’une des principales causes de cette tendance est que nous avons privé les enfants de leur droit à la ville, notamment de la liberté de jouer et de circuler en toute sécurité dans les rues près de leur domicile et de leur école sans avoir besoin de la surveillance d’un adulte.

Des actions innovantes telles que « rue-école » sont nécessaires. Il s’agit d’instaurer des zones interdites aux voitures devant les écoles aux heures de pointe afin qu’on puisse y déposer et y reprendre les enfants en toute sécurité et de manière à encourager la marche et le vélo.

Toutefois, nos recherches montrent qu’elles se heurtent souvent à une forte résistance. En fermant les rues adjacentes aux écoles à la circulation automobile, on confronte les conducteurs à un espace public repensé et restructuré qu’ils ne sont pas toujours prêts à accepter.

Penser les villes pour les enfants plutôt que pour les voitures

En Amérique du Nord, la privation des enfants de leurs droits à la ville remonte à des décennies.

Avant la production industrielle des automobiles, il était courant de voir des jeunes jouer dans les rues. Mais à mesure que l’usage de la voiture augmentait, les accidents impliquant des enfants se multipliaient.

Au lieu de restreindre les zones où les voitures peuvent circuler, les urbanistes et les responsables de la santé publique ont préconisé la création d’autres lieux où les enfants peuvent jouer en toute sécurité, comme des parcs de quartier.

Cette approche de l’urbanisme axée sur l’automobile a entraîné un changement dans les mentalités quant aux espaces où les jeunes peuvent jouer et se déplacer. Nous considérons désormais comme normal de ne pas voir ni entendre d’enfants dans les rues des villes.

En limitant la mobilité des enfants en milieu urbain, notre société a fait croire que ces derniers n’étaient pas suffisamment responsables ou compétents pour circuler dans leur collectivité.

La mobilité des enfants dans des villes dominées par la voiture

Paradoxalement, plus la crainte de laisser les enfants se déplacer librement augmentait, plus on les conduisait en voiture. Désormais, les enfants circulent en ville principalement à bord d’un véhicule.

Nous voilà aujourd’hui confrontés à un immense défi sociétal : faire en sorte que les enfants puissent se déplacer de manière autonome dans leur quartier, notamment dans les espaces qui leur sont communément réservés, comme les abords des écoles primaires.

En ce qui concerne le trajet vers l’école, des études ont montré que les comportements dangereux des parents au volant le matin – laisser descendre leurs enfants dans des zones à risques, obstruer la visibilité, faire demi-tour et rouler à vive allure, etc. – sont monnaie courante.

Ces comportements augmentent le risque que des enfants soient renversés par des automobilistes. Les conditions dangereuses aux abords des écoles, associées à l’idée largement répandue que les enfants n’ont pas leur place dans la rue et qu’ils sont incapables d’aller à l’école par eux-mêmes, contribuent au faible taux de déplacements à pied ou à vélo pour se rendre à l’école au Canada.

Des villes innovantes pour les enfants

Les rues-écoles visent à répondre à ces deux problèmes en réduisant les dangers réels posés par les automobiles dans les espaces occupés par les enfants et en aidant tous les citoyens à redéfinir l’utilisation des rues.

Généralement mises en place par les municipalités ou des organismes à but non lucratif, les rues-écoles permettent aux enfants de se rendre à l’école et d’en revenir en toute sécurité. Bien qu’elles soient courantes dans de nombreuses villes européennes, leur adoption a été plus lente au Canada.

De 2020 à 2024, nous avons mené une étude intitulée Changer les règles du jeu, dans laquelle nous avons évalué de manière systématique les « rues-écoles » implantées à Kingston, en Ontario, et à Montréal. Les conclusions de cette étude ont contribué au lancement de l’Initiative nationale des rues-écoles actives.

Financé par l’Agence de la santé publique du Canada, ce programme aide les villes canadiennes à se familiariser avec les rues-écoles et à les mettre en œuvre. Ainsi, des rues-écoles ont été ouvertes en septembre 2025 pour une durée d’un an à Kingston et à Mississauga, en Ontario, ainsi qu’à Vancouver, en Colombie-Britannique.

En septembre 2026, d’autres rues-écoles devraient voir le jour pour une durée d’un an à Kingston, à Mississauga, à Vancouver et à Montréal, tandis que des projets pilotes de quatre semaines sont prévus en Ontario à Ottawa, à Peterborough, à Markham et à Toronto, ainsi qu’à Winnipeg, au Manitoba, et à Edmonton et Calgary, en Alberta.

Réactions aux projets d’innovation urbaine pour les enfants

La mise en place et le maintien de ces rues-écoles nécessitent le soutien d’un large éventail de personnes, notamment le personnel et les conseillers municipaux, les administrations scolaires, les enseignants, les parents, les résidents et les services de police.

Dans le cadre de notre travail à Kingston et à Montréal, nous avons rencontré de nombreux défenseurs des rues-écoles, dont le soutien a été déterminant pour lancer et perpétuer ces projets. Cependant, nous avons également été confrontés à divers degrés de résistance. Dans certains cas, la résistance est apparue après le lancement des initiatives, mais dans d’autres, elle a suffi à empêcher leur mise en place.

Plutôt que de reconnaître les avantages des rues-écoles, les personnes qui s’opposaient à ces projets étaient souvent motivées par les risques encourus par les enfants, soit précisément le problème que les rues-écoles visent à résoudre.

Certaines affirmaient que les rues-écoles réduiraient la vigilance des enfants, les exposeraient au risque d’être renversés par des automobilistes imprudents et qu’elles étaient par nature dangereuses, car les enfants n’ont pas leur place dans les rues. Nous soupçonnons qu’en réalité, il s’agissait moins des risques que d’une réticence à partager l’espace, le pouvoir et les opportunités avec les enfants en milieu urbain.

Nous avons également reçu toute une série d’arguments fondés sur ce qu’on appelle la « motonormativité », une forme de préjugé inconscient dans les sociétés centrées sur l’automobile qui considère l’utilisation de la voiture comme une norme universelle et oriente les solutions vers les besoins des automobilistes.

Ainsi, nous avons entendu dire que les rues-écoles excluaient les enfants dont les parents devaient les conduire à l’école, que les résidents et les visiteurs subiraient des retards inacceptables en raison de la fermeture des rues, que le personnel scolaire serait privé de places de stationnement à proximité, que les enfants marchant dans la rue seraient trop bruyants et causeraient des dommages aux véhicules stationnés, et que la congestion automobile serait déplacée vers d’autres rues.

L’argument le plus troublant avancé contre les rues-écoles était que des enfants d’autres quartiers en avaient davantage besoin, ce qui traduisait une attitude « pas dans ma cour » à peine voilée.

Les rues-écoles visent à permettre aux enfants de retrouver leur droit à la ville. Cependant, de nombreuses personnes ne sont pas prêtes à accorder ces droits aux enfants, car ils entrent en conflit avec des perceptions profondément ancrées quant aux lieux que les enfants sont censés occuper.

La Conversation Canada

Patricia Collins a reçu un financement des Instituts de recherche en santé du Canada (subvention de projet n° PJT-175153) pour l’étude Levelling the Playing Fields. Pour l’initiative nationale Active School Streets, elle reçoit un financement de l’Agence de la santé publique du Canada. Patricia Collins était auparavant affiliée à la Kingston Coalition for Active Transportation, un groupe à but non lucratif chargé de superviser la mise en œuvre du programme School Streets à Kingston. Elle n’est plus membre de ce groupe.

Katherine L. Frohlich a reçu un financement des Instituts de recherche en santé du Canada (numéro de subvention PJT175153) Pour le projet Levelling the Playing Fields. Pour le projet NASSI, elle reçoit un financement de l’Agence de la santé publique du Canada.

ref. Les voitures restreignent le droit des enfants de profiter de la ville. Voici des projets qui font la différence – https://theconversation.com/les-voitures-restreignent-le-droit-des-enfants-de-profiter-de-la-ville-voici-des-projets-qui-font-la-difference-266103

Conflict at the drugstore: When pharmacists’ and patients’ values collide

Source: The Conversation – USA (3) – By Elizabeth Chiarello, Associate Professor of Sociology, Washington University in St. Louis

Pharmacists see themselves as vital gatekeepers – but at times, some critics treat them as physicians’ sidekicks. Witthaya Prasongsin/Moment via Getty Images

Imagine walking into your pharmacy, handing over your prescription and having it denied. Now imagine that the reason is not insufficient insurance coverage or the wrong dose, but a pharmacist who personally objects to your medication. What right does a pharmacist have to make moral decisions for their patients?

Lawmakers have wrestled with this question for decades. It reemerged in August 2025 when two pharmacists sued Walgreens and the Minnesota Board of Pharmacy, saying they had been punished after refusing to dispense gender-affirming care medications that go against their religious beliefs.

According to the pharmacists, Walgreens refused their requests for a formal religious accommodation, citing state law. One pharmacist had her hours reduced; the other was let go. If Minnesota law does not allow such an accommodation, their lawsuit argues, it violates religious freedom rights.

As a sociologist of law and medicine, I’ve spent the past 20 years studying how pharmacists grapple with tensions between their personal beliefs and employers’ demands. Framing the problem as a tension between religious freedom and patients’ rights is only one approach. Debates about pharmacists’ discretion over what they dispense also raise bigger questions about professional rights – and responsibilities.

Duty to dispense?

The most famous controversy, perhaps, dealt with contraception. In the early 2000s, some pharmacists refused to dispense Plan B, also known as “emergency contraception” or the “morning-after pill.” Their refusal stemmed from a belief that it caused an abortion.

That is inaccurate, according to medical authorities. When Plan B first became available in 1999, the label said the medication might work by expelling an egg that had already been fertilized. In 2022, the Food and Drug Administration relabeled Plan B to say that it acts before fertilization. From a medical perspective, both mechanisms are contraception, not abortion.

A pair of tweezers holds a white pill, photographed in front of a box that says 'PlanB One Step.'
Plan B’s early labeling contributed to confusion over how it works.
Justin Sullivan/Getty Images

States responded to pharmacists’ refusals by adopting “responsibility laws.” Some states adopted “conscience clauses” that permitted pharmacists not to fill the prescription. Others opted for “duty to dispense” laws that required pharmacists or pharmacies to provide the medication, or “refuse and refer” laws obligating objecting pharmacists to hand the prescription off to a colleague.

This fight largely broke down across political lines. Groups that oppose abortion rights argued that pharmacists should have the right to opt out, while groups in favor of abortion rights argued that pharmacists should be required to dispense.

As this fight escalated, the conflict became about more than contraception or abortion. It revealed Americans’ views about what kinds of professionals pharmacists should be, and whether they are professionals at all – that is, members of occupational groups that have specialized knowledge and skills, and exclusive rights to do particular kinds of work.

In 2015, for example, the advocacy group NARAL Pro-Choice American – now called Reproductive Freedom for All – released an ad with a man and a woman in bed, their feet hanging out of the sheets. Stuck between them was someone else wearing heavy black shoes. “Who invited the pharmacist?” the ad asked.

Pro-choice organizations insisted that pharmacists had no right to question a doctor’s prescription. “A pharmacist’s job is to dispense medication, not moral judgment,” said the president of Planned Parenthood Chicago.

Some pharmacists felt that such messages did not just criticize “moral gatekeeping” but also undermined their claims to professional authority. Pharmacists undergo six years of training to earn a doctorate and are health care’s medication specialists. The idea that pharmacists were simply technicians, hired to fill whatever a prescription said, made them seem like physicians’ underlings.

Keeping patients safe

A short time later, when the opioid overdose crisis began to escalate, pharmacists again found themselves pulled in two directions. This time, the question was whether they should be both medical and legal gatekeepers.

When the U.S. first tried to crack down on unauthorized opioid use, many pharmacists felt ambivalent about tasks like identifying people who were misusing or selling medications. One pharmacist told me, “Although I’m in the business of patient safety, I’m not in the police business.”

Later, pharmacists began to see policing tasks as health care tasks. They reasoned that policing patients helped keep patients safe, and they embraced enforcement as a key component of their work.

Fast-forward to 2021. America was in the throes of the COVID-19 pandemic, and some doctors were prescribing hydroxychloroquine and ivermectin to treat sick patients, though the FDA had not approved the medications for that purpose. Many pharmacists refused to fill those prescriptions, citing lack of scientific evidence and potential harm.

A box with an image of a horse's silhouette, running in front of an orange-and-yellow sunset.
During the COVID-19 pandemic, some physicians wrote off-label prescriptions for ivermectin – a drug used to kill worms and other parasites, intended for use in horses.
AP Photo/Ted S. Warren

Legislators in Missouri, where I teach, responded by passing a bill that required pharmacists to dispense the two medications, no questions asked – though that rule was later struck down by a federal judge. Similar conflicts played out in Iowa and Ohio, among other states.

Again, the fight broke down along political lines, but in the opposite direction. Liberals tended to oppose the bills, portraying pharmacists as skilled professionals whose expertise is essential to prevent harm. Conservative supporters claimed that pharmacists should dispense whatever the doctor writes.

Professional power

Each of these controversies has focused on a specific legal, ethical or medical issue. By extension, though, they are also about what kinds of professional discretion pharmacists should be able to exercise.

When it comes to medication, doctors prescribe, nurses administer and pharmacists dispense. Before the 20th century, pharmacists diagnosed disease and also compounded drugs. That changed when physicians placed themselves at the top of the medical hierarchy.

When it comes to professional autonomy, states regulate health care, but they permit health care professions to regulate themselves: to educate, license and discipline their own workers through professional boards. In exchange, these boards must do so “in the public interest” – prioritizing public health, safety and welfare over professionals’ own interests.

Health care professionals, including pharmacists, must also follow ethical codes. The day they receive their iconic white coats, pharmacists vow to “consider the welfare of humanity and relief of suffering [their] primary concerns.” Pharmacists also commit to “respecting the autonomy and dignity of each patient,” which means that pharmacists partner with patients to make choices about their health.

Self-regulation has legally given pharmacists the right to act as “medical gatekeepers” – to use their professional expertise to keep patients safe. This role is critical, as patients whose lives have been saved by pharmacists catching errors can attest.

It has not, however, given them the right to be “moral gatekeepers” who put their personal beliefs above the patient’s. Pharmacists control medications because of professional commitments, not personal beliefs. The code of ethics describes the pharmacist-patient relationship as a “covenant” that creates moral obligations for the pharmacist – including helping “individuals achieve optimum benefit from their medications,” being “committed to their welfare” and maintaining their trust.

If pharmacists wish to regulate themselves, history makes clear they need to define what it means to act in the public interest and ensure that other pharmacists comply. If not, the state has proved more than willing to step in and do the job for them. They may not like the results.

The Conversation

Elizabeth Chiarello has received funding from the National Science Foundation.

ref. Conflict at the drugstore: When pharmacists’ and patients’ values collide – https://theconversation.com/conflict-at-the-drugstore-when-pharmacists-and-patients-values-collide-264844

More than a quarter of Canadian teens have experienced sexual violence online

Source: The Conversation – Canada – By Charlotte Nau, PhD Candidate in Media Studies, Western University

Technology-facilitated sexual violence includes harmful practices such as sexual name-calling, rumour spreading, non-consensual distribution of nudes, and other forms of sexual harassment. (imgix/Unsplash), CC BY

Law enforcement agencies across Canada are sounding the alarm over a rise in sexual extortion (“sextortion”) against young people.

The problem goes far beyond sextortion, as this is only one form of many variations of online sexual harms that target youth today. Teenagers in Canada can be victims of sexual catfishing, AI-generated sexual deepfakes and violent extremism.

Some high-profile sextortion incidents include the deaths by suicide of Rehtaeh Parsons, Amanda Todd, Daniel Lints and a boy in British Columbia.

The scale of the problem

Technology-facilitated sexual violence (TFSV) includes harmful practices such as sexual name-calling and rumour spreading, non-consensual distribution of intimate images (nudes) and other forms of sexual harassment.

Our research team recently conducted a survey with more than 1,000 teens aged 13 to 18 across Canada to learn about youths’ experiences with TFSV.

Our findings underscore how widespread these harms are: more than a quarter of the teens (28 per cent) reported experiencing at least one form of TFSV.

In addition to so many youth experiencing TFSV, almost half (47 per cent) said that TFSV had happened to someone they knew. The most common forms of TFSV reported in our survey were receiving unwanted sexual images (15 per cent), encountering unwanted porn (13 per cent) and being sexually harassed online (11 per cent).

Online platforms

We also asked the teens which social media sites and online gaming services had the most sexual harassment. The platform they mentioned most often was Snapchat, followed by TikTok and Instagram. Snapchat has been known for its potential risks to youth and privacy concerns.

Girls experienced TFSV at a higher rate (32 per cent) than boys (23 per cent), which is consistent with research from Statistics Canada.

Teens who said they were neurodivergent or had a learning disability were more likely to be subjected to TFSV (39 per cent). TFSV was also higher among teens with a mental health condition (40 per cent).

These findings are consistent with previous research that showed higher victimization rates among people with disabilities.

A small but significant number of teens (seven per cent) reported committing at least one form of TFSV. This was more common among boys (nine per cent) than girls (six per cent).

Insufficient support

Parents and guardians were the most relevant source of support for teens who had been subjected to TFSV. Nearly half (44 per cent) of the teens turned to them, and most of these teens found them helpful.

The teens were much less likely to seek support from institutions. Only about one in 10 (12 per cent) told someone at their school, with only seven per cent telling the police. Unfortunately, these numbers are consistent with other statistics, as most people do not report sexual violence to the police.

Young people showed little confidence in the reporting tools and moderation systems of social media platforms. As little as five per cent of the teens had used these to report sexually harmful materials. Almost one in three teens (29 per cent) thought that the digital platforms should do a better job supporting them.

This finding is important to consider as social media companies are dropping content moderation, making their platforms possibly more hazardous for youth.




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Teens’ misconceptions

Most teens (90 per cent and up) knew that several forms of TFSV were illegal in Canada. However, they were less certain when asked if it was legal to create a fake sexual video of someone. This is unsurprising: legal views of sexual deepfakes vary by province. Some allow civil action, while others treat it as child pornography.

The teens’ knowledge of the law was incomplete in other areas. Almost two-thirds (61 per cent) thought that sending a nude picture of themselves to other youth was illegal. This is not true. Minors can share sexual images with each other as long as they are consensual and kept private between them; that most teens don’t know this is troubling.

Sexting and sharing nudes is a common form of sexual expression among teens. In our survey, teens who though that nude image sharing was illegal were less likely to seek help with TFSV.

Some teens (26 per cent) thought that taking a nude picture of themselves was illegal. This is also incorrect.

These misconceptions matter, as young people need to be informed about their legal rights to sexual expression. Proper education will prevent shame, fear and other barriers to seeking support when someone is distributing their images against their will or coercing them into harmful practices.

phone screen showing the Snapchat download page
The use of Snapchat by teens has raised concerns about its potential risks and privacy issues.
(Souvik Banerjee/Unsplash), CC BY

An urgent issue

Social media and other forms of digital communication are central to young people’s lives, which means that addressing TFSV is an urgent issue. While the federal government and some provincial governments have taken steps or proposed legislation aimed at protecting youth, some responses have been proven to be unrealistic and ineffective.




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Governments — and tech companies in particular — need to do more to prevent TFSV and support youth who experience it.

Schools can also take action to help youth. However, there is considerable variation in the TFSV responses and interventions within educational curricula, policies and legislation across the provinces and territories. This means that even though TFSV is a common problem, most parents, teachers, police and frontline workers lack the resources and strategies needed to respond effectively and promptly.

Our findings highlight the impact of these shortcomings on teens, as many youth in our survey did not receive help for TFSV, even when they sought it out. In many instances, telling others actually made the situation worse.

TFSV is a gendered problem that disproportionately impacts certain groups. It is important to keep in mind who is most at risk when developing TFSV resources and interventions.

We believe that with evidence-informed and co-ordinated action from the private and public sectors, young people can live in a digital world where they feel safe online and can easily access effective resources and support.

The Conversation

Charlotte Nau receives funding from the Social Sciences and Humanities Research Council of Canada.

Christopher Dietzel receives funding from the Social Sciences and Humanities Research Council of Canada.

Estefanía Reyes receives funding from the International Development Research Center (IDRC).

ref. More than a quarter of Canadian teens have experienced sexual violence online – https://theconversation.com/more-than-a-quarter-of-canadian-teens-have-experienced-sexual-violence-online-265625