La Californie, un colosse économique, mais un creuset d’inégalités (en dix graphiques)

Source: The Conversation – in French – By Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie, INSEEC Grande École

De la ruée vers l’or à la génération hippie, sans oublier la révolution informatique, la Californie ne semble pas avoir volé son surnom d’État en or ou Golden State, en VO. Mais qu’en est-il réellement, alors que les anicroches entre le président Trump et le gouverneur démocrate de Californie Gavin Newsom se multiplient. Quel est le poids réel de cet État au plan fédéral ? Décryptage de la puissance économique californienne et… de ses faiblesses.


Avec un PIB de 4 103 milliards de dollars, la Californie s’est hissée, en 2024, au 4e rang des économies les plus prospères et même au 3e rang si on exclut les États-Unis dont elle fait partie intégrante. Seules la Chine, la « manufacture de la planète », forte de ses 1,4 milliard d’habitants, et l’Allemagne, qui compte 2,12 fois plus d’habitants, présentent un PIB supérieur au Golden State qui, décidément, n’a jamais aussi bien porté son nom (Graphique 1).

Petite radiographie de l’économie californienne à partir de dix graphiques et indicateurs clés qui mettent l’accent à la fois sur l’excellence productive de cet État, mais aussi sur certaines inégalités sociales et territoriales qui se creusent rapidement.

Graphique 1 : PIB annuel des principales économies mondiales (en dollars USD courants, 2024)


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Une économie prospère…

Entre 2005 et 2024, l’économie californienne a connu un taux de croissance sensiblement supérieur à la moyenne nationale. Quant aux économies européennes, elles ne soutiennent pas la comparaison (Graphique 2). Parmi les dix économies les plus développées de la planète, seules la Chine et l’Inde ont fait mieux sur la même période, tandis que le Brésil faisait jeu égal.

Graphique 2 : Évolution du PIB 2005-2024 (base 100 en 2005 / en dollars USD courants)


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C’est bien simple : depuis 2005, le taux de croissance de la Californie n’a été inférieur à la moyenne nationale qu’en 2009 et 2010 – en plein cœur de la crise financière des subprimes – et, en 2022 et en 2023 (en raison d’une inflation de près de 9 % qui a frappé plus durement la Californie que le reste du territoire américain). À ce rythme, il n’y a rien d’anormal à voir le 31e État des États-unis prendre toujours plus de poids dans l’économie fédérale, jusqu’à peser désormais plus de 14 % de son PIB (Graphique 3). Loin devant le Texas et l’État de New York qui, avec 9,3 % et 7,9 % respectivement, complètent le podium.

Graphique 3 : Évolution de la part de la Californie dans le PIB des États-Unis (en dollars USD courants)

Échelle de gauche (en dollars USD courants) : PIB des États-Unis. Échelle de droite (en %) : part de la Californie dans le PIB états-unien.
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Un secteur privé particulièrement productif

Si la croissance de l’économie californienne a été si soutenue au long de ce dernier quart de siècle, c’est qu’elle repose sur quelques secteurs d’activité qui ont le vent en poupe : la finance, l’immobilier, la tech et les services aux entreprises, l’industrie (notamment défense, aéronautique, automobile, biotech…) et la santé (Graphique 4). Le secteur privé lucratif compte ainsi pour 90 % du PIB californien.

Graphique 4 : Contribution au PIB californien par secteur d’activité en 2023 (en %)


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L’autre moteur de l’économie californienne repose sur le dynamisme des investissements en recherche et développement. En 2022, l’Unesco estimait que la Californie représentait plus de 28 % des dépenses de recherche et développement (R&D) réalisées par les entreprises états-uniennes. Il faut bien admettre que tout concourt à attirer de tels investissements tant la Californie dispose d’un écosystème favorable à l’innovation : finance dynamique, pôles universitaires de renom, travailleurs qualifiés, industries de pointe, et politiques incitatives.




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Là encore, il n’y a guère de mystère à ce que cet État figure parmi les économies les plus pourvoyeuses d’emplois très qualifiés dans la recherche, dans l’ingénierie et dans l’innovation. En 2021, la Californie concentrait à elle seule plus de 21 % des emplois en R&D de l’ensemble de l’économie fédérale, dont près d’un quart des emplois du secteur privé lucratif (Graphique 5).

Graphique 5 : Part des emplois en recherche et développement (R&D) en Californie, par secteurs d’activité en 2021


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De bons niveaux de vie

La prospérité de l’économie californienne se traduit par un PIB par tête sans commune mesure avec les autres économies développées (Graphique 6). Exprimé en dollars courants, un Californien est ainsi en moyenne 1,8 fois plus riche qu’un Allemand, 2,2 fois plus qu’un Français, et même 7,6 fois plus qu’un Chinois.

Graphique 6 : PIB par tête (2023, dollars USD courants)


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Le coût de la vie en Californie est cependant très élevé, et réaliser une comparaison internationale des niveaux de vie nécessite un traitement en termes réels, c’est-à-dire exprimé en parité de pouvoir d’achat (Graphique 7).

Les écarts, s’ils restent conséquents, s’en trouvent significativement réduits. Par exemple, l’écart avec la France n’est plus que de 1,42 et avec l’Allemagne, de seulement 1,2. Plus intéressant encore, la Californie présente un niveau de vie similaire à la moyenne américaine.

Graphique 7 : PIB par tête, PPA (2023, dollar international courant)


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Des inégalités qui croissent

Car, à y regarder de plus près, la croissance économique du Golden State est loin de profiter de façon homogène aux quelque 39,2 millions de Californiens.

En effet, il existe en Californie de très importantes disparités territoriales et si la Bay Area – la région de San Francisco, qui abrite la fameuse Silicon Valley – a effectivement connu une explosion de ses revenus, elle fait figure d’exception et tire, à elle seule, une grande part de la croissance californienne.

Avec un PIB par tête de 131 000 dollars en 2023, la Bay Area pèse plus du double de certains comtés moins dynamiques, tels que la Central Valley (hors Sacramento), l’Inland Empire (Riverside, San Bernardino…), et le Northern California (Shasta, Gold Country…). A titre de comparaison, l’écart de PIB/tête intracalifornien n’était jamais supérieur à 32 000 dollars en 1998 (Graphique 8).

Graphique 8 : PIB par tête par région (en dollars USD courants de 2023)


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Bien évidemment, cette explosion des inégalités territoriales s’explique essentiellement par la croissance dans la tech et dans les services aux entreprises, qui a particulièrement profité aux 7,8 millions de résidents de la Bay Area et, à un degré moindre, aux comtés de San Diego, Orange et Los Angeles.

De telles disparités se ressentent naturellement sur les salaires. Pour bien s’en rendre compte, il suffit de comparer le salaire médian de la Bay Area (34 dollars USD de l’heure) avec celui d’autres comtés tels que celui de San Diego (28 dollars de l’heure), Inland Empire (22 dollars de l’heure) ou encore la Sierra et la Central Valley (21 dollars de l’heure).

Graphique 9 : Taux de chômage par État en 2024 (en %)


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Recrudescence des travailleurs pauvres

Deux autres indicateurs montrent les fragilités internes à l’économie californienne : le taux de chômage et le taux de travailleurs pauvres. Le taux de chômage en Californie est, en effet, structurellement supérieur à la moyenne nationale (Graphique  9).

L’État paie ainsi ses grandes disparités régionales, mais aussi une dépendance à des secteurs volatils, ainsi qu’un déclin démographique (une perte de 600 000 habitants entre 2020 et 2022), essentiellement imputable à un coût de la vie devenu rédhibitoire, qui entame la demande intérieure et l’ajustement du marché du travail.

Plus inquiétante encore est la recrudescence de « travailleurs pauvres », c’est-à-dire de personnes en emploi, mais dont les revenus ne permettent pas de franchir le seuil de pauvreté (fixé, en 2023, à 43 990 dollars (USD) pour un foyer de deux adultes en âge de travailler et de deux enfants à charge. Ce seuil est une moyenne nationale, avec des ajustements régionaux selon le coût de la vie. Il est, par exemple, de 50 380 dollars (USD) dans le secteur de Bay Area et de 36 280 dollars (USD) dans celui de Central Valley.

Arte, 2024.

Un coût de la vie préoccupant

Le coût de la vie, et notamment du logement, explique cette situation préoccupante où, en 2023, 9,8 % des travailleurs californiens âgés de 25 ans à 64 ans vivaient dans la pauvreté. Soit un contingent de près de 1,5 million de personnes auquel il faut ajouter 2,3 millions de travailleurs (14,7 %) en situation précaire (foyer dont le revenu est compris entre 1 et 1,5 fois le seuil de pauvreté).

Sans grande surprise, ce sont les régions où le coût de la vie est le plus élevé et où la main-d’œuvre moins qualifiée peine à s’insérer et à trouver des salaires permettant de vivre décemment de son travail qui sont concernées au premier chef (Graphique 10). Le taux de travailleurs pauvres atteint des sommets dans l’agriculture (24,6 %), dans le BTP (24,2 %), dans la restauration (22,4 %) et dans les services à la personne (20,8 %).

Graphique 10 : Part des travailleurs californiens sous le seuil de pauvreté en 2023 (en %)


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Si le Golden State n’a jamais aussi bien porté son nom, force est de constater que la ruée vers l’or est loin d’avoir profité à l’ensemble de la population et des territoires.

La Bay Area en général et, en particulier, la Silicon Valley sont des poches de richesse dans un État en proie à de véritables préoccupations socio-économiques : trop grande dépendance à certains secteurs d’activité, difficultés d’insertion des travailleurs non qualifiés, explosion du coût de la vie et du nombre de travailleurs pauvres, déclin démographique…

« Il n’y a pas de classes sociales en Californie, il y a des échelles de salaire et des barreaux qui manquent »,

écrit, en 1986, le Québécois Jacques Godbout dans son roman Une histoire américaine. Pouvait-il imaginer à quel point l’histoire lui donnerait raison ?

The Conversation

Julien Pillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. La Californie, un colosse économique, mais un creuset d’inégalités (en dix graphiques) – https://theconversation.com/la-californie-un-colosse-economique-mais-un-creuset-dinegalites-en-dix-graphiques-263544

Être grand-parent à distance : ce qui se perd lorsque les familles sont séparées et comment combler le fossé

Source: The Conversation – in French – By Sulette Ferreira, Transnational Family Specialist and Researcher, University of Johannesburg

Devenir grand-parent est souvent perçu comme une expérience profondément intime et concrète : tenir un nouveau-né dans ses bras, partager ses premiers sourires, assister à ses premiers pas hésitants. Cette expérience repose traditionnellement sur la présence physique et sur des visites spontanées.

Pour de nombreux grands-parents dont les enfants ont émigré, ces moments précieux ne se vivent plus avec le contact physique. Ils se déroulent désormais à travers des écrans et sont soumis aux contraintes des décalages horaires. Ils sont aussi marqués par un sentiment d’éloignement.

C’est le cas en Afrique du Sud, un pays où l’émigration est en hausse, en particulier parmi les jeunes familles. Plus d’un million de Sud-Africains vivent aujourd’hui à l’étranger. Cela a des effets profonds et durables et touche plusieurs générations.

Dans une étude récente, j’ai exploré l’impact de l’émigration mondiale sur les relations entre les grands-parents sud-africains et leurs petits-enfants nés à l’étranger. J’ai examiné ce que signifie endosser le rôle de grand-parent à distance, souvent pour la première fois, et comment l’absence de proximité physique remodèle les relations entre générations.

J’ai publié divers articles sur la migration et les relations entre générations dans les familles qui vivent entre deux pays. Je dirige également un cabinet privé qui se concentre sur les défis émotionnels liés à l’émigration.

Dans le cadre de ma thèse de doctorat, j’ai mené des entretiens approfondis avec 24 parents sud-africains dont les enfants adultes avaient émigré. Ce projet a jeté les bases de mon programme de recherche plus large sur les effets émotionnels de la migration. Cet article de recherche est basé sur les expériences de 44 participants.

Pour ces grands-parents, l’émigration représente plus qu’une simple séparation géographique. Le rythme familier de la vie avec leurs petits-enfants, des visites spontanées aux fêtes communes, est bouleversé. Il en résulte un sentiment de perte profond et permanent, non seulement lié à l’absence des interactions quotidiennes avec leurs petits-enfants, mais aussi à la disparition progressive d’un rôle cher à leur cœur, autrefois ancré dans la présence physique et les liens quotidiens.

Les résultats montrent que l’absence de proximité physique engendre de profondes barrières émotionnelles, particulièrement durant les premières années de la vie d’un petit-enfant, qui sont déterminantes. Pourtant, malgré la distance, les grands-parents parviennent à trouver des moyens créatifs et significatifs de rester émotionnellement présents.

Dans les familles transnationales, les grands-parents jouent un rôle de gardiens de la continuité culturelle et de soutien émotionnel, mais aussi d’acteurs actifs qui redéfinissent ce que signifie être grand-parent dans le contexte de la migration mondiale.

Témoignages des grands-parents

La question centrale de ma recherche était de savoir comment la distance avait redéfini le rôle de certains grands-parents dans les familles sud-africaines. Elle a également examiné comment les grands-parents s’adaptent et négocient leurs rôles à différentes étapes de la vie de leurs petits-enfants.

Les critères de sélection étaient les suivants : être citoyen sud-africain, parler couramment l’anglais, vivre en Afrique du Sud, être parent d’un ou plusieurs enfants adultes ayant émigré et vécu à l’étranger pendant au moins un an, et être de toute origine ethnique, culture, sexe, statut socio-économique et âgé de 50 à 80 ans.

J’ai complété les entretiens par des enquêtes qualitatives distribuées via mon groupe de soutien en ligne.

Les grands-parents ont fait état de diverses difficultés, telles que la perte de leur implication quotidienne, la charge émotionnelle liée à la séparation et les difficultés de communication numérique qui nécessitaient des stratégies d’adaptation continues pour maintenir le lien.

L’étude montre que la distance n’affaiblit pas nécessairement les liens intergénérationnels, mais oblige les grands-parents à redéfinir leur présence.

Mes recherches ont clairement montré que le lieu de naissance est un facteur déterminant dans la formation du lien entre grands-parents et
petits-enfants.

Les grands-parents d’enfants nés en Afrique du Sud et qui déménagent ensuite dans un autre pays sont souvent impliqués dès le début. Ils aident à prendre soin des enfants au quotidien, célèbrent les étapes importantes et profitent de visites spontanées. Ces interactions quotidiennes nourrissent des liens émotionnels forts.
Comme l’a confié Annelise, une participante :

Quand votre petit-enfant naît ici, vous le connaissez depuis sa naissance, vous le voyez tous les jours, vous partagez tout.

Lorsque ces petits-enfants émigrent, la rupture peut être profonde. Les grands-parents perdent non seulement un contact régulier, mais aussi leur rôle de soutiens actifs.

Lorsque les petits-enfants naissent à l’étranger, un parcours émotionnel différent se dessine. La joie et l’excitation sont souvent tempérées par la nostalgie et la tristesse.

La réalité des relations transfrontalières oblige les grands-parents à redéfinir leur rôle. Pour de nombreuses familles, la grossesse renforce les liens entre les générations, en particulier entre les mères et les filles. Cette phase est généralement marquée par des rituels communs, qui façonnent l’identité de mère et de grand-parent. Ces rituels favorisent les liens affectifs et le sentiment d’appartenance.

Mais pour les grands-parents qui sont séparés, ces moments peuvent être remplacés par des captures d’écran et des messages vocaux, rendant les étapes importantes lointaines et intangibles.

Cette absence précoce peut être ressentie comme une exclusion de la grand-parentalité elle-même, comme si ce rôle était refusé avant même d’avoir commencé. Ce phénomène correspond étroitement au concept de « perte ambiguë » développé par la psychologue américaine Pauline Boss, qui désigne un deuil sans fin.

Malgré cela, de nombreux grands-parents restent activement impliqués. Certains deviennent ce que les sociologues américaines Judith Treas et Shampa Mazumdar appellent des « seniors en mouvement » : ils se déplacent plus, et organisent leur vie autour de billets d’avion, des renouvellements de visa et des séjours temporaires consacrés aux petits-enfants.

Mais les défis sont de taille.

Rester proche malgré la distance

Il est difficile de maintenir une relation au-delà des frontières.

Deux stratégies clés sont ressorties de mes recherches : la communication virtuelle et les visites transnationales.

Toutes les personnes que j’ai interrogées utilisaient largement la technologie : lecture hebdomadaire d’histoires sur Zoom, enregistrements de lectures ou « colis » remplis de lettres, de recettes ou d’objets artisanaux.

Les visites physiques étaient limitées par un ensemble d’obstacles financiers, logistiques, émotionnels et relationnels.

Les vols sont tout simplement trop chers, et avec ma santé, je ne pense pas pouvoir supporter le voyage. Cela me brise le cœur, mais ce n’est tout simplement pas possible. Je ne pense pas que je le reverrai un jour.

J’ai également constaté que le rôle des parents était essentiel. En partageant des photos, en prenant l’initiative d’appeler et en faisant en sorte que les grands-parents soient présents dans les conversations quotidiennes, certains parents ont contribué à renforcer les liens affectifs.

Ma fille et mon gendre sont tous deux très doués pour m’envoyer régulièrement des photos et des vidéos… Ils savent tous les deux à quel point mes deux petits-enfants me manquent, alors ils me tiennent au courant… Ils m’appellent également chaque semaine et encouragent les enfants à se concentrer sur nos appels.

Conclusions

Le rôle des grands-parents transnationaux remet en question le modèle traditionnel d’implication active. Il nécessite de repenser la notion de présence.

Mes recherches montrent que les grands-parents y parviennent grâce à leur créativité, leur souplesse émotionnelle et leur amour indéfectible. Ils sont en train de forger un nouveau type de grands-parents à travers les continents, où les liens transcendent la distance.

The Conversation

Sulette Ferreira est chercheuse à l’université de Johannesburg.

ref. Être grand-parent à distance : ce qui se perd lorsque les familles sont séparées et comment combler le fossé – https://theconversation.com/etre-grand-parent-a-distance-ce-qui-se-perd-lorsque-les-familles-sont-separees-et-comment-combler-le-fosse-263875

Pollution, un mot qui permet aussi d’opérer un classement social

Source: The Conversation – France (in French) – By Camille Dormoy, Docteure en sociologie, spécialiste des politiques publiques de gestion des déchets/économie circulaire, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)

Le mot « pollution n’est pas neutre, loin de là. Emprunté, d’un point de vue étymologique, au vocabulaire du sacré pour désigner ce qui « souille » ce dernier, le mot n’est pas aussi factuel qu’il y paraît. Ce qu’on considère comme polluant n’est pas seulement défini par des critères scientifiques ou sanitaires, mais également de règles sociales implicites. Il revêt aujourd’hui des enjeux de pouvoir : qui peut désigner la pollution peut non seulement désigner ce qui pollue, mais également « qui » pollue.


Tout le monde s’accorde sur l’objectif : réduire la pollution. Au-delà des discussions sur la ou les meilleures façons d’agir, dès qu’il s’agit de désigner ce qui pollue et, surtout, qui pollue, les désaccords éclatent. Loin d’être purement techniques, les conflits liés à la pollution révèlent des fractures sociales, culturelles et politiques.

Il faut dire que l’étymologie du mot n’est pas neutre : pollution est emprunté du latin pollutio, qui signifie « souillure », « profanation », est lui-même dérivé de polluere, (souiller). Un terme qui souligne la distinction entre le sacré et ce qui ne l’est pas, c’est-à-dire le profane.

Mary Douglas, en 2002.
United Nations International School (UNIS).

L’anthropologue britannique Mary Douglas (1921-2007) s’est intéressée à cette distinction entre acceptable et inacceptable, profane et sacrée qui donne à la pollution sa portée symbolique et politique, dans une perspective anthropologique.

Son ouvrage de 1966 De la souillure. Essai sur les notions de pollution et de tabou (dans son titre original, Purity and Danger: An Analysis of Concepts of Pollution and Taboo) est devenu un classique. Elle y explique que la pollution n’est pas seulement un effet secondaire de nos modes de vie, mais aussi une question de pouvoir.

Quand « sale » veut surtout dire « hors norme »

Mary Douglas propose une idée aussi simple que subversive : la saleté, c’est, d’abord, ce qui dérange l’ordre des choses. Autrement dit, ce qu’on considère comme polluant n’est pas toujours seulement défini par des critères scientifiques ou sanitaires.

Cela dépend avant tout des règles implicites de chaque société, de ce qu’elle juge acceptable ou non. Ce n’est pas l’objet ou le geste en soi qui est « sale », c’est le fait qu’il transgresse des règles, des normes. Dès qu’il ne rentre pas dans la bonne case, il devient suspect, dérangeant, indésirable.

Un sac plastique dans un marché bio choque, mais dans un supermarché discount, il passe inaperçu. Des poules dans un jardin de campagne symbolisent l’autonomie alimentaire, mais dans une résidence de centre-ville, elles deviennent un problème de voisinage. Dans une piscine municipale, le chlore est associé à la propreté et à la désinfection, mais dans l’eau du robinet, il est soupçonné d’empoisonner ou de perturber le goût, en particulier dans les milieux qui valorisent l’eau « pure » (de source, filtrée, ou encore osmosée).

À travers ces quelques exemples, on voit que ce n’est pas tant la matière qui fait la pollution, mais le contexte dans lequel elle survient. Ce qu’on considère comme propre, polluant ou sain ne dépend pas seulement de critères scientifiques, mais aussi de normes sociales souvent invisibles.

La pollution ne désigne donc pas seulement une nuisance matérielle, elle fonctionne comme un révélateur de frontières symboliques : ce qui dérange, ce qui transgresse, ce qui fait éclater les catégories établies et qui menace un ordre social donné.




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La pollution, un langage du pouvoir pour désigner les bonnes façons d’habiter ?

Transposée à nos sociétés industrielles, la grille d’analyse de Mary Douglas permet de relire autrement les conflits écologiques contemporains. Ceux-ci ne se limitent pas à des désaccords techniques ou à des niveaux de risque mesurables : ils renvoient à des visions du monde incompatibles, à des manières d’habiter et de cohabiter dans un espace donné.

Ce que l’on nomme polluant – ou sale, ou incivique – n’est que rarement et seulement une substance ou un comportement objectivement problématique. C’est une manière de désigner ce qui dérange un ordre établi et, surtout, ceux qui sont perçus comme menaçant cet ordre.

À Étouvie, un quartier populaire d’Amiens, mon enquête ethnographique a mis en lumière la façon dont certaines pratiques ordinaires, comme la mécanique de rue (c’est-à-dire, le fait de réparer son véhicule directement dans l’espace public), le nourrissage d’animaux ou les dépôts d’encombrants sont régulièrement qualifiées de polluantes, souvent bien au-delà de leur impact réel.

Ces gestes, chargés d’un jugement moral, deviennent les marqueurs d’un écart à la norme. Dans le contexte local que j’ai étudié, ce sont souvent les habitants de longue date – ceux qui se perçoivent comme « autochtones » – qui en sont les auteurs désignés. Progressivement, ils se trouvent disqualifiés au profit d’un groupe de nouveaux arrivants ou d’habitants extérieurs, plus actifs dans les instances locales et plus légitimes aux yeux des institutions.

Ces plaintes sur la « propreté du quartier » ne relèvent pas de simples préférences esthétiques ou de velléités écologiques : elles sont productrices de pouvoir. En désignant ce qui est sale ou polluant, certains habitants acquièrent une légitimité pour s’imposer dans les comités de quartier, dans les associations ou dans les réunions publiques.

C’est là que se négocient non seulement les règles de propreté, les formes de contrôle local, mais aussi les grandes lignes des politiques et des aménagements à venir. Nommer ce qui est polluant devient ainsi une manière de gouverner les manières d’habiter.

Un phénomène urbain, mais aussi rural

Ces mécanismes ne se jouent pas uniquement en milieu urbain ou populaire. Dans certaines communes rurales, j’ai observé un phénomène comparable entre des habitants récemment installés en périphérie et des agriculteurs en place. Ces néoruraux, souvent porteurs d’une sensibilité écologique affirmée, rejettent fortement les pratiques agricoles dites conventionnelles, et s’opposent, par exemple, à l’implantation d’un méthaniseur.

Pour disqualifier leurs voisins agriculteurs, ils mobilisent un vocabulaire de la pollution, non pas en invoquant la contamination des sols ou de l’air, mais en désignant une forme de trouble paysager et sensoriel : « les tracteurs qui pourrissent la rue », « les traînées de boue sur les trottoirs » ou « les buttes de terre jusque devant les portails ». Ce n’est pas tant la matière elle-même qui pose ici problème, mais ce qu’elle incarne : une manière de produire, de circuler, d’habiter le territoire, perçue comme incompatible avec l’idée que ces habitants se font du « bon » rural.

Unité de méthanisation agricole.
Jérémy-Günther-Heinz Jähnick, CC BY-NC-SA

Dans les deux cas, urbain et rural, la pollution devient un levier de classement social et spatial. Elle ne désigne pas uniquement ce qui salit, mais ce qui déborde d’un cadre attendu, d’un paysage imaginé, d’une norme implicite. Elle permet de dire : ceci est hors de sa place. Et donc, ceci n’a pas lieu d’être ici.




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Penser la pollution autrement : ne pas moraliser mais politiser

Associée à l’industrie, aux fumées, aux déchets toxiques, la pollution a longtemps désigné des atteintes massives à l’environnement, portées par des acteurs identifiables.

Mais, depuis quelques années, le mot a glissé vers d’autres usages. Aujourd’hui, il s’applique aussi à des comportements individuels et à des gestes jugés « inappropriés » : mal trier ses déchets, entreposer des objets sur le trottoir, laisser des traces de son passage. Ce glissement n’est pas anodin.

Comme l’a montré Mary Douglas, la pollution n’est jamais seulement une affaire de substances. C’est un langage : une manière de dire ce qui dérange, ce qui déborde, ce qui n’est pas « à sa place ». Elle sert à dessiner les frontières entre le propre et le sale, le légitime et l’inacceptable.

Dans les quartiers populaires comme dans les villages périurbains, les conflits autour des déchets ou des pratiques agricoles ne parlent pas seulement de propreté ou d’écologie. Ils révèlent des luttes pour définir ce qui est normal, pour dire qui a sa place et qui ne l’a pas.

Cette lecture éclaire aussi un paradoxe : certaines pollutions massives, chimiques ou diffuses, restent invisibles dans l’espace public. Trop silencieuses, trop abstraites, elles échappent aux radars symboliques. On repère un sac plastique mal trié. On perçoit l’odeur d’un méthaniseur. Mais un perturbateur endocrinien ou un seuil dépassé (par exemple la pollution aux oxydes d’azote, aux particules fines, à l’ozone…) en termes de qualité de l’air passent davantage inaperçus, non parce qu’ils sont inoffensifs – ce qu’ils ne sont pas –, mais parce qu’ils ne troublent pas immédiatement notre ordre sensible.

Ainsi, les conflits écologiques ne portent pas seulement sur des substances à éliminer ou sur des comportements à corriger. Ils engagent une lutte plus fondamentale, celle du pouvoir de nommer ce qui dérange, de désigner ce qui – objets, gestes ou populations – est « hors de place ». Car celui qui définit la saleté définit aussi l’ordre. La vraie question est ainsi de savoir qui détient ce pouvoir.

The Conversation

Camille Dormoy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Pollution, un mot qui permet aussi d’opérer un classement social – https://theconversation.com/pollution-un-mot-qui-permet-aussi-doperer-un-classement-social-262724

Classe d’accueil: les élèves qui y séjournent trop longtemps font face à des choix éducatifs plus restreints

Source: The Conversation – in French – By Roberta Soares, Assistant Professor, Faculty of Education, L’Université d’Ottawa/University of Ottawa

De longs séjours dans des classes distinctes d’apprentissage linguistique, ainsi que les placements en éducation spécialisée ou en formation générale des adultes, peuvent avoir des conséquences profondes dans la vie des élèves immigrants. (Kenny Eliason sur Unsplash), CC BY-NC-ND

Différents pays et régions adoptent divers modèles d’intégration des élèves immigrants qui doivent apprendre ou perfectionner leur langue de scolarisation. Au Québec, un modèle pour les jeunes est la classe d’accueil.

Elle fait partie du programme d’intégration linguistique, scolaire et sociale du ministère de l’Éducation du Québec. Selon les documents provinciaux, la classe d’accueil est destinée aux élèves « ayant besoin de soutien » pour améliorer leurs compétences linguistiques.

La classe d’accueil peut être offerte de la maternelle au secondaire dans la province, mais elle est surtout présente au secondaire et dans les régions où le nombre d’élèves apprenant la langue de scolarisation est élevé, comme à Montréal.

Les élèves qui ne maîtrisent pas suffisamment le français pour être classés en classe ordinaire sont orientés vers la classe d’accueil pour l’apprentissage du français. Au secondaire, les élèves en classe d’accueil étudient principalement le français, mais aussi les mathématiques, les arts et l’éducation physique, et ce, séparément des élèves fréquentant la classe ordinaire.

Entrevues avec des élèves et des intervenants scolaires

Ma recherche doctorale portait sur les procédures de classement des élèves du secondaire immigrants nouvellement arrivés avant et après leur séjour en classe d’accueil à Montréal.

J’ai recueilli et analysé différents types de données : documents, observations en milieu scolaire et entrevues auprès de 37 intervenants scolaires et de sept élèves afin de connaître leurs expériences et leurs points de vue sur le sujet.

Ma recherche suggère que, même si la classe d’accueil est considérée comme une « transition » vers la classe ordinaire, la réalité est plus complexe.

En fait, certains élèves pourraient ne jamais intégrer la classe ordinaire. Mes recherches révèlent de longs séjours en classe d’accueil, des élèves immigrants classés en dessous du niveau d’âge habituel des élèves de la classe ordinaire et des classements en éducation générale pour adultes et en adaptation scolaire.

Défis pour les élèves immigrants

Certains élèves peuvent rester des années en classe d’accueil s’ils ne sont pas jugés prêts à intégrer la classe ordinaire.

Pour certains adolescents plus âgés qui arrivent sans maîtriser la langue de la société d’accueil, il y a de fortes chances qu’ils soient, après le secondaire, dirigés vers l’éducation des adultes. Ils peuvent se retrouver à étudier avec des adultes beaucoup plus âgés qu’eux, ce qui peut nuire à leur motivation.

Le classement en adaptation scolaire veut dire que ces élèves peuvent être considérés comme ayant des difficultés d’apprentissage ou qu’ils peuvent être orientés vers des programmes techniques les préparant directement au marché du travail.

Une approche « déficitaire » de l’accompagnement des élèves

Selon les intervenants scolaires que j’ai interrogés dans le cadre de mon étude, seuls certains élèves répondent aux exigences du milieu d’accueil en termes de performance et de comportement et peuvent donc réussir leurs études.

Les élèves qui ne s’adaptent pas peuvent être perçus comme présentant des « déficits » individuels ou culturels, par exemple des difficultés d’apprentissage ou des retards scolaires. Certains intervenants scolaires ont aussi souligné des problèmes structurels du milieu d’accueil. Ils ont notamment mentionné que les systèmes scolaires manquaient de ressources pour répondre aux besoins des élèves immigrants.

Mes recherches suggèrent que ce qui était censé être un soutien temporaire devient un mécanisme de tri qui peut orienter les immigrants vers un parcours éducatif susceptible de les conduire à des difficultés.

Il est donc nécessaire d’examiner de manière critique la manière dont sont prises les décisions de classement et de maintien des élèves dans la classe d’accueil.

Familles insuffisamment informées

Selon les élèves de mon étude, eux et leurs parents ne sont pas suffisamment informés du système éducatif de leur province d’accueil.

Par conséquent, ils ont tendance à accepter les décisions de classement – en classe d’accueil, en éducation générale pour adultes et en adaptation scolaire – sans en comprendre pleinement les implications.

D’autres recherches ont également montré que les parents immigrants peuvent ne pas connaître le système éducatif local et hésiter à remettre en question les recommandations des professionnels de l’éducation.

En fait, comme ils se concentrent sur la sécurité et l’apprentissage de leurs enfants, ils ont tendance à faire confiance au système éducatif et à ses professionnels pour les guider.

Les décisions de classement façonnent l’avenir

De longs séjours en classe d’accueil, ainsi que des classements en adaptation scolaire et en éducation des adultes, peuvent avoir de profondes conséquences sur la vie des élèves immigrants, en particulier ceux qui sont racialisés, qui sont issus de milieux défavorisés ou qui ont interrompu leur scolarité.

D’après les témoignages des élèves participant à mon étude, le classement en classe d’accueil, en éducation spécialisée ou en éducation des adultes peut renforcer la dynamique d’altérisation. Comme l’ont souligné d’autres chercheurs, les formes d’éducation « spécialisées » ou « séparées » contribuent souvent à la perception des élèves à travers le prisme de la différence, notamment raciale, linguistique et culturelle.

Le discours sur l’intégration peut masquer les processus de catégorisation et de gestion des élèves fondés sur la conformité aux normes dominantes.

Cependant, cela ne signifie pas que les personnes qui, au sein des systèmes scolaires, facilitent le classement en classe d’accueil, en adaptation scolaire ou en éducation des adultes, manquent de bonnes intentions envers les élèves immigrants.

De nombreux personnels scolaires semblent faire de leur mieux dans des conditions difficiles. Il s’agit d’un enjeu systémique, profondément ancré dans la structure du système scolaire. Néanmoins, si le système lui-même reproduit les inégalités, reconnaître les bonnes intentions ne suffit pas.


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Ainsi, pour assurer une éducation équitable à tous les élèves, il est essentiel de :

1) veiller à ce que les familles immigrantes disposent d’informations claires et accessibles sur leurs droits et leurs options, en leur fournissant un soutien adéquat, comme des services de traduction, et en garantissant la pleine participation des élèves et des parents à la prise de décision.

2) Offrir une formation et un soutien aux enseignants qui encouragent une réflexion axée sur les atouts plutôt que sur les déficits, afin de légitimer et d’adopter différentes façons d’apprentissage.

3) Envisager des modèles inclusifs au sein des classes ordinaires, en mettant à disposition des ressources scolaires suffisantes pour faciliter un plus large éventail d’options de classement.

Ainsi, en adoptant des approches plus souples, plus équitables et plus centrées sur l’élève, nos systèmes scolaires peuvent mettre en œuvre différentes façons de soutenir la réussite scolaire des élèves.

La Conversation Canada

Cette recherche a reçu l’appui financier du Fonds de recherche du Québec – Société et Culture (FRQSC) et du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH). 

ref. Classe d’accueil: les élèves qui y séjournent trop longtemps font face à des choix éducatifs plus restreints – https://theconversation.com/classe-daccueil-les-eleves-qui-y-sejournent-trop-longtemps-font-face-a-des-choix-educatifs-plus-restreints-262853

Corps humain : l’hypothèse d’un budget énergétique limité pour gérer notre santé

Source: The Conversation – in French – By Frédéric N. Daussin, Professeur d’Université en STAPS, Université de Lille

Des travaux de recherches émergents s’intéressent aux liens entre, d’une part, les dépenses énergétiques du corps humain et, d’autre part, la longévité ou encore la survenue de certaines pathologies. Une bonne gestion de l’énergie dont dispose l’organisme – par le sommeil, par la pratique d’une activité physique comme le yoga et par les interactions sociales – pourrait avoir un impact positif sur la santé.


L’énergie est l’élément vital pour la vie de l’être humain. Elle alimente toutes les réactions cellulaires nécessaires à notre bon fonctionnement, pour faire battre notre cœur, respirer, penser ou bouger.

L’énergie transformée de la nourriture que l’on mange en molécules d’ATP au sein de nos cellules provient d’organites appelés mitochondries.




À lire aussi :
Images de science : la dynamique des mitochondries éclairée par la microscopie à fluorescence


Les mitochondries sont principalement connues pour leur capacité à fournir l’énergie mais elles participent également à d’autres processus essentiels tels que la production d’hormones ou la mort cellulaire.

Une approche énergétique du fonctionnement du corps humain

En 1988, le professeur Doug Wallace a découvert que les mitochondries jouaient un rôle central dans la santé humaine et il a suggéré d’orienter les recherches scientifiques vers l’étude de leur fonctionnement pour mieux comprendre l’étiologie de nombreuses maladies. En effet, une incapacité à produire suffisamment d’énergie ne permet pas à nos cellules de fonctionner correctement.

Ce dysfonctionnement jouerait un rôle dans des pathologies comme certaines maladies cardiovasculaires, neurodégénératives ou encore des cancers.

Fondée sur cette approche énergétique du fonctionnement du corps humain, une théorie émergente soutient que nous disposerions d’un budget énergétique limité que notre corps répartirait en fonction de ses priorités.

Répartition de l’énergie et santé, une théorie émergente

Trois grands types de besoins énergétiques sont identifiés :

  • les besoins vitaux, indispensables à la survie, représentent une dépense énergétique fixe. Ils permettent de faire battre le cœur et de respirer …

  • les besoins couvrant toutes les actions ponctuelles, qui ont pour effet de produire un stress sur notre organisme. Ces besoins peuvent être liés à différents types de stress tels qu’un effort physique ou une situation de stress psychologique. Par exemple, lors d’une situation stressante psychologiquement, notre corps augmente sa fréquence cardiaque ou sa sudation. Or, toutes ces réponses ont un coût ;

  • les besoins d’entretien du corps, comme l’augmentation de la masse musculaire à la suite d’un entraînement en force ou encore les actions de réparation suite à des dommages oxydants.

En temps normal, et en moyenne, les besoins vitaux représenteraient 60 % des besoins énergétiques d’une personne au repos, ceux liés à l’entretien du corps 30 % et les 10 % restant seraient dédiés aux réponses à un stress. Cette répartition suivrait une hiérarchie inspirée de la pyramide de Maslow. On couvre d’abord les besoins vitaux ; puis, si on a les ressources nécessaires, on couvre ceux liés au stress, et enfin ceux associés à l’entretien de notre corps.

Notre budget n’est pas extensible à l’infini. Dans certaines situations, notre organisme peut être amené à faire des choix. Une ressource énergétique insuffisante met en compétition les besoins et il est possible qu’il n’y ait plus assez d’énergie pour maintenir ses fonctions vitales.

Selon ce modèle, le coût énergétique de la réponse de l’organisme pour lutter contre un virus, lors d’une infection comme le Covid, peut dépasser notre capacité. Dans les cas graves, cela vient amputer notre budget associé aux fonctions vitales entraînant la mort de la personne.

Dépense énergétique et longévité

Heureusement, notre organisme est capable d’ajuster sa production d’énergie et sa gestion. Il est ainsi capable de répondre à des besoins importants sur de courtes périodes. Par exemple, lors d’un exercice physique, le corps est capable de multiplier jusqu’à 20 fois sa production d’énergie de repos. Mais suite à cet effort, un temps de récupération sera nécessaire. L’alternance de périodes d’hypermétabolisme (activité) et d’hypométabolisme (repos) est essentielle pour maintenir l’intégrité du corps humain.

À l’inverse, une période de stress prolongée empêchera le corps de se réparer correctement. Une cellule qui n’a pas suffisamment d’énergie réduira sa capacité entretenir ses composants et se traduira par une accumulation de dommages. L’augmentation de ces dommages favorise les dysfonctionnements et peut conduire au développement de pathologies chroniques qui, en retour, réduisent l’espérance de vie.

Une étude états-unienne menée pendant quarante ans a, ainsi, mis en évidence que les personnes ayant une dépense énergétique au repos élevée présentaient un risque de mortalité jusqu’à 1,5 fois plus élevé que celles ayant une dépense énergétique plus faible. Ce résultat, soutenu par une autre étude, suggère qu’un rythme métabolique trop élevé peut raccourcir la vie… comme une chandelle qui brûlerait trop vite.

Notre mode de vie et ses effets délétères

Nos modes de vie modernes sont caractérisés par l’augmentation du stress, le manque de sommeil ou l’obésité qui perturbent l’allocation de notre énergie et favorisent le risque de développer des pathologies ou le vieillissement.

Par exemple, en réponse à une situation de stress psychosocial, notre corps produit une quantité importantes d’hormones qui nous permettent de répondre à la situation. Mais ces hormones coûtent de l’énergie, et ont donc pour effet d’accroître les besoins énergétiques.

Ce cercle vicieux altère l’entretien des cellules et peut accélérer la diminution de la longueur des télomères (les extrémités des chromosomes qui diminuent avec l’âge) ou encore augmenter le stress oxydant.

Quelles stratégies pour gérer notre énergie ?

Il est possible d’agir pour mieux répartir notre énergie et pour préserver notre santé. Une bonne santé requière de consacrer suffisamment d’énergie à nos processus d’entretien pour nous permettre de vieillir en bonne santé.

Plusieurs stratégies ont démontré leur efficacité pour réduire notre demande énergétique de repos et ainsi libérer de l’énergie et la rendre disponible pour l’entretien de nos cellules :

  • Un sommeil adéquat permet de réduire notre métabolisme de repos. Quelques heures de sommeil permettent de compenser des coûts énergétiques élevés.

  • La pratique d’activité de relaxation ou de méditation limite le stress et la consommation d’énergie. Par exemple, la pratique régulière du yoga est associée à une diminution de la consommation d’énergie au repos.

  • Maintenir des interactions sociales et éviter l’isolement favorise la diminution de notre consommation d’énergie au repos. Une méta-analyse portant sur plus d’un million de personnes a mis en évidence le fait que l’isolement social augmente le risque de mortalité.

La vie en société permettrait de partager les efforts pour affronter les menaces, ce qui pourrait expliquer pourquoi la consommation énergétique au repos a diminué lors des trente dernières années.

Bref, pour gérer votre énergie, mieux vaut dormir suffisamment, bouger, et maintenir des liens sociaux.

The Conversation

Frédéric N. Daussin a reçu des financements de la région Hauts-de-France et de la Fondation de l’université de Lille.

Martin Picard a reçu des financements du NIH (États-Unis) et de Baszucki Group.

ref. Corps humain : l’hypothèse d’un budget énergétique limité pour gérer notre santé – https://theconversation.com/corps-humain-lhypothese-dun-budget-energetique-limite-pour-gerer-notre-sante-262154

Anatomie des principaux instruments du soft power de la Russie en Afrique

Source: The Conversation – in French – By Ibrahima Dabo, Docteur en science politique (relations internationales, Russie), Université Paris-Panthéon-Assas

Depuis plusieurs années, la Russie accentue sans cesse sa présence en Afrique, mêlant coopération économique, influence culturelle, stratégie informationnelle et réseaux paramilitaires, dans un contexte de concurrence accrue avec les puissances occidentales.


Les deux sommets russo-africains tenus à Sotchi en 2019 et à Saint-Pétersbourg en 2023 ont permis à la Russie de matérialiser son retour sur le continent africain dans un contexte marqué par une guerre d’influence sans précédent.

Ces rencontres ont donné à Moscou l’occasion de développer sa coopération militaire et économique avec les États africains. Les différents votes des pays africains à l’ONU au sujet de la guerre en Ukraine montrent d’ailleurs l’influence grandissante du Kremlin en Afrique.

Le soft power, au cœur de la stratégie russe en Afrique

La diplomatie d’influence russe en Afrique est portée par plusieurs acteurs, ayant des missions très précises. Les versions africaines des médias Sputnik et RT contribuent au renforcement de la diffusion sur le continent de la vision russe de la politique internationale. Parallèlement, l’Agence fédérale Rossotroudnitchestvo (« Coopération russe ») et la Fondation Russkiy Mir (« Monde russe »), deux outils relativement méconnus, jouent un rôle non négligeable dans le rayonnement culturel russe dans le monde et particulièrement en Afrique.

Depuis le début des années 2000, Moscou marque progressivement son retour sur la scène internationale. La restauration et la réaffirmation du statut de grande puissance mondiale sont des éléments centraux de la politique du régime poutinien. Cette politique vise à redonner à la Russie un rang comparable à celui qui était détenu par l’URSS durant la guerre froide. En effet, l’effondrement de l’Union soviétique et la fin de la guerre froide avaient considérablement réduit le poids russe dans le monde et notamment en Afrique, où l’URSS exerçait une influence notable jusqu’au début des années 1990.

Le terme soft power – « miagkaia sila », emprunté au politologue américain Joseph Nye – a été repris à leur compte par les autorités russes dans le but de mettre en place des structures visant à rétablir l’image de Moscou à l’international. Dans ses différents concepts de politique étrangère, l’État russe accorde une importance particulière au soft power. C’est précisément dans cette optique qu’ont été créées Russkiy Mir et Rossotroudnitchestvo. Il s’agit d’accroître l’attractivité de la Russie dans le monde, à commencer par les pays où le Kremlin a des intérêts stratégiques.

« Rossotroudnitchestvo » ou la coopération à la russe

L’Agence fédérale Rossotroudnitchestvo – de son nom complet Agence fédérale pour la Communauté des États indépendants, les compatriotes vivant à l’étranger et la coopération humanitaire internationale –, créée en 2008 par le président Dmitri Medvedev (2008-2012), est aujourd’hui l’instrument principal de la politique d’influence culturelle et humanitaire du Kremlin.

L’Agence, qui dépend du ministère russe des affaires étrangères, prend la suite du Centre russe pour la coopération scientifique et culturelle internationale, connu sous le nom de « Roszaroubjtsentr » créé sous ce nom en 1994, mais dont l’histoire remonte à 1925, année de la fondation de la Société de l’union pour les relations culturelles avec les pays étrangers (VOKS). Olga Kameneva, sœur de Trotski et épouse de Kamenev, en a été la première présidente. En 1958, l’Union des sociétés soviétiques pour l’amitié et les relations culturelles avec les pays étrangers (SSOD) remplace le VOKS. Le but de ces institutions soviétiques était, comme l’indiquaient leurs dénominations, de développer la coopération culturelle entre l’URSS et les pays étrangers.

Les missions de Rossotroudnitchestvo sont les mêmes. L’Agence contribue notamment à l’augmentation constante observée depuis plusieurs années du nombre d’étudiants africains dans les universités russes (près de 5000 bourses attribuées à des étudiants africains durant l’année académique 2024-2025, soit une augmentation considérable comparée aux années précédentes, malgré l’imposition des sanctions occidentales). C’est elle qui sélectionne les candidats qui auront droit à des bourses d’études en Russie, et qui seront orientés vers les universités publiques russes, à commencer par l’Université de l’Amitié des Peuples Patrice Lumumba (Moscou).

Les Maisons russes

Rossotroudnitchestvo réalise ses missions par le truchement des Maisons russes de la science et de la culture à l’étranger. À l’instar des modèles comme l’Alliance française, le British Council et surtout des Instituts Confucius, la Russie mise sur l’implantation de centres culturels. Ceux-ci étaient déjà présents dans de nombreux pays africains avant l’invasion de l’Ukraine : au Maroc, en Tunisie, en Tanzanie, en Zambie, en République du Congo et en Éthiopie.

Durant l’année 2022, après le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, l’ouverture de nouvelles Maisons russes a été annoncée en Algérie, en Égypte, au Soudan, au Mali, au Burkina Faso, en Sierra Leone, en Angola et bien sûr en République centrafricaine, devenue l’une des vitrines de l’influence russe en Afrique.

L’une des principales missions des Maisons russes en Afrique consiste à promouvoir la langue et la culture russes. Ces centres culturels organisent régulièrement des évènements éducatifs et culturels mettant en valeur des moments marquants de l’histoire et de la culture russes, tels que l’anniversaire du célèbre poète Alexandre Pouchkine ou la commémoration de la fête de la Victoire du 9 mai. Des cours de langue russe y sont aussi dispensés.

Rossotroudnitchestvo soutient ces initiatives en fournissant des manuels et des ressources pédagogiques, facilitant ainsi l’enseignement du russe. En ce sens, les Maisons russes constituent des instruments essentiels de la diplomatie culturelle et éducative de la Russie en Afrique.

Tout comme l’Agence fédérale, la Fondation Russkiy Mir collabore avec les Maisons russes et contribue à la promotion de la langue et de la culture russes en Afrique, notamment en organisant des formations pour les enseignants de russe afin de renforcer l’enseignement de la langue sur le continent. Dans le cadre de cette mission, la Fondation travaille en partenariat avec Rossotroudnitchestvo et l’Institut d’État de la langue russe (Institut Pouchkine).

Au-delà du domaine éducatif et culturel, Rossotroudnitchestvo a aussi un volet humanitaire. L’un des domaines les plus importants de la coopération humanitaire concerne le domaine scientifique et technique. Par exemple, le 1er novembre 2023, Rossotroudnitchestvo a lancé sur le continent africain une faculté préparatoire pour les futurs étudiants des universités russes venant d’Éthiopie, de Tanzanie et de Zambie. En République du Congo, Rossotroudnitchestvo organise des formations continues pour le personnel médical congolais.

En outre, l’Agence fédérale soutient le projet international « SputnikPro », dédié aux journalistes et aux étudiants. Son objectif officiel est de promouvoir l’échange d’expériences avec des journalistes étrangers, le développement de la communication internationale dans les médias et les liens interculturels entre les journalistes.

Objectifs géopolitiques

La dégradation spectaculaire des relations russo-occidentales depuis le déclenchement de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine a poussé la Russie à se tourner davantage vers l’Afrique. Au-delà de ses instruments de soft power, le Kremlin compte également sur ses médias internationaux et sur les réseaux liés au groupe Wagner pour renforcer son influence sur le continent africain.

Les opérations d’influence informationnelles occupent une place centrale dans la stratégie russe de reconquête du continent. Depuis quelques années, Moscou mène des opérations d’influence informationnelles en Afrique dans le but d’affaiblir la présence occidentale. Ces différentes opérations d’influence sont portées par les organes russes d’information RT et Sputnik ainsi que par les réseaux liés au groupe Wagner. Ces opérations ont contribué à l’amenuisement de l’influence française sur le continent, particulièrement au Sahel.

Depuis la mort du patron de Wagner, Evguéni Prigojine, une nouvelle structure paramilitaire, Africa Corps, a pris le relais. Les actions des structures russes en Afrique sont souvent très imbriquées. En République centrafricaine, c’est un proche de Prigojine, Dmitri Sytyi, qui est le chef de la Maison russe. Ce dernier occupe aussi un poste clé dans la société Lobaye Invest, affiliée au groupe de Prigojine.

Une présence qui sert l’agenda stratégique russe

Les différentes entités russes présentes en Afrique déroulent l’agenda du Kremlin. La présence des médias internationaux russes RT et Sputnik est caractérisée par le dénigrement de la politique africaine des Occidentaux. Les thèmes touchant l’avenir du franc CFA, les bases françaises, la colonisation et le néocolonialisme sont abordés de façon récurrente dans le but de susciter un sentiment d’hostilité à l’égard de la France. Le discours et le narratif du Kremlin sont repris par les militants pro-russes sur les réseaux sociaux.

C’est la raison pour laquelle il n’est pas surprenant de voir lors des manifestations le drapeau russe brandi à Bangui, à Bamako à Ouagadougou et à Niamey.

Dans un monde de plus en plus marqué par la guerre d’influence et les rivalités géopolitiques, la Russie est consciente de l’importance majeure qu’ont prise les instruments de diplomatie publique et de soft power. En Afrique, elle semble, pour l’instant, progresser en de nombreux points du continent…

The Conversation

Ibrahima Dabo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Anatomie des principaux instruments du soft power de la Russie en Afrique – https://theconversation.com/anatomie-des-principaux-instruments-du-soft-power-de-la-russie-en-afrique-222805

Corps humain : l’hypothèse d’un budget énergétique limité pour gérer notre santé santé

Source: The Conversation – in French – By Frédéric N. Daussin, Professeur d’Université en STAPS, Université de Lille

Des travaux de recherches émergents s’intéressent aux liens entre, d’une part, les dépenses énergétiques du corps humain et, d’autre part, la longévité ou encore la survenue de certaines pathologies. Une bonne gestion de l’énergie dont dispose l’organisme – par le sommeil, par la pratique d’une activité physique comme le yoga et par les interactions sociales – pourrait avoir un impact positif sur la santé.


L’énergie est l’élément vital pour la vie de l’être humain. Elle alimente toutes les réactions cellulaires nécessaires à notre bon fonctionnement, pour faire battre notre cœur, respirer, penser ou bouger.

L’énergie transformée de la nourriture que l’on mange en molécules d’ATP au sein de nos cellules provient d’organites appelés mitochondries.




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Une approche énergétique du fonctionnement du corps humain

En 1988, le professeur Doug Wallace a découvert que les mitochondries jouaient un rôle central dans la santé humaine et il a suggéré d’orienter les recherches scientifiques vers l’étude de leur fonctionnement pour mieux comprendre l’étiologie de nombreuses maladies. En effet, une incapacité à produire suffisamment d’énergie ne permet pas à nos cellules de fonctionner correctement.

Ce dysfonctionnement jouerait un rôle dans des pathologies comme certaines maladies cardiovasculaires, neurodégénératives ou encore des cancers.

Fondée sur cette approche énergétique du fonctionnement du corps humain, une théorie émergente soutient que nous disposerions d’un budget énergétique limité que notre corps répartirait en fonction de ses priorités.

Répartition de l’énergie et santé, une théorie émergente

Trois grands types de besoins énergétiques sont identifiés :

  • les besoins vitaux, indispensables à la survie, représentent une dépense énergétique fixe. Ils permettent de faire battre le cœur et de respirer …

  • les besoins couvrant toutes les actions ponctuelles, qui ont pour effet de produire un stress sur notre organisme. Ces besoins peuvent être liés à différents types de stress tels qu’un effort physique ou une situation de stress psychologique. Par exemple, lors d’une situation stressante psychologiquement, notre corps augmente sa fréquence cardiaque ou sa sudation. Or, toutes ces réponses ont un coût ;

  • les besoins d’entretien du corps, comme l’augmentation de la masse musculaire à la suite d’un entraînement en force ou encore les actions de réparation suite à des dommages oxydants.

En temps normal, et en moyenne, les besoins vitaux représenteraient 60 % des besoins énergétiques d’une personne au repos, ceux liés à l’entretien du corps 30 % et les 10 % restant seraient dédiés aux réponses à un stress. Cette répartition suivrait une hiérarchie inspirée de la pyramide de Maslow. On couvre d’abord les besoins vitaux ; puis, si on a les ressources nécessaires, on couvre ceux liés au stress, et enfin ceux associés à l’entretien de notre corps.

Notre budget n’est pas extensible à l’infini. Dans certaines situations, notre organisme peut être amené à faire des choix. Une ressource énergétique insuffisante met en compétition les besoins et il est possible qu’il n’y ait plus assez d’énergie pour maintenir ses fonctions vitales.

Selon ce modèle, le coût énergétique de la réponse de l’organisme pour lutter contre un virus, lors d’une infection comme le Covid, peut dépasser notre capacité. Dans les cas graves, cela vient amputer notre budget associé aux fonctions vitales entraînant la mort de la personne.

Dépense énergétique et longévité

Heureusement, notre organisme est capable d’ajuster sa production d’énergie et sa gestion. Il est ainsi capable de répondre à des besoins importants sur de courtes périodes. Par exemple, lors d’un exercice physique, le corps est capable de multiplier jusqu’à 20 fois sa production d’énergie de repos. Mais suite à cet effort, un temps de récupération sera nécessaire. L’alternance de périodes d’hypermétabolisme (activité) et d’hypométabolisme (repos) est essentielle pour maintenir l’intégrité du corps humain.

À l’inverse, une période de stress prolongée empêchera le corps de se réparer correctement. Une cellule qui n’a pas suffisamment d’énergie réduira sa capacité entretenir ses composants et se traduira par une accumulation de dommages. L’augmentation de ces dommages favorise les dysfonctionnements et peut conduire au développement de pathologies chroniques qui, en retour, réduisent l’espérance de vie.

Une étude états-unienne menée pendant quarante ans a, ainsi, mis en évidence que les personnes ayant une dépense énergétique au repos élevée présentaient un risque de mortalité jusqu’à 1,5 fois plus élevé que celles ayant une dépense énergétique plus faible. Ce résultat, soutenu par une autre étude, suggère qu’un rythme métabolique trop élevé peut raccourcir la vie… comme une chandelle qui brûlerait trop vite.

Notre mode de vie et ses effets délétères

Nos modes de vie modernes sont caractérisés par l’augmentation du stress, le manque de sommeil ou l’obésité qui perturbent l’allocation de notre énergie et favorisent le risque de développer des pathologies ou le vieillissement.

Par exemple, en réponse à une situation de stress psychosocial, notre corps produit une quantité importantes d’hormones qui nous permettent de répondre à la situation. Mais ces hormones coûtent de l’énergie, et ont donc pour effet d’accroître les besoins énergétiques.

Ce cercle vicieux altère l’entretien des cellules et peut accélérer la diminution de la longueur des télomères (les extrémités des chromosomes qui diminuent avec l’âge) ou encore augmenter le stress oxydant.

Quelles stratégies pour gérer notre énergie ?

Il est possible d’agir pour mieux répartir notre énergie et pour préserver notre santé. Une bonne santé requière de consacrer suffisamment d’énergie à nos processus d’entretien pour nous permettre de vieillir en bonne santé.

Plusieurs stratégies ont démontré leur efficacité pour réduire notre demande énergétique de repos et ainsi libérer de l’énergie et la rendre disponible pour l’entretien de nos cellules :

  • Un sommeil adéquat permet de réduire notre métabolisme de repos. Quelques heures de sommeil permettent de compenser des coûts énergétiques élevés.

  • La pratique d’activité de relaxation ou de méditation limite le stress et la consommation d’énergie. Par exemple, la pratique régulière du yoga est associée à une diminution de la consommation d’énergie au repos.

  • Maintenir des interactions sociales et éviter l’isolement favorise la diminution de notre consommation d’énergie au repos. Une méta-analyse portant sur plus d’un million de personnes a mis en évidence le fait que l’isolement social augmente le risque de mortalité.

La vie en société permettrait de partager les efforts pour affronter les menaces, ce qui pourrait expliquer pourquoi la consommation énergétique au repos a diminué lors des trente dernières années.

Bref, pour gérer votre énergie, mieux vaut dormir suffisamment, bouger, et maintenir des liens sociaux.

The Conversation

Frédéric N. Daussin a reçu des financements de la région Hauts-de-France et de la Fondation de l’université de Lille.

Martin Picard a reçu des financements du NIH (États-Unis) et de Baszucki Group.

ref. Corps humain : l’hypothèse d’un budget énergétique limité pour gérer notre santé santé – https://theconversation.com/corps-humain-lhypothese-dun-budget-energetique-limite-pour-gerer-notre-sante-sante-262154

Ce que les pleurs de bébé nous disent vraiment – et pourquoi l’instinct maternel est un mythe

Source: The Conversation – in French – By Nicolas Mathevon, Professeur (Neurosciences & bioacoustique – Université de Saint-Etienne, Ecole Pratique des Hautes Etudes – PSL & Institut universitaire de France), Université Jean Monnet, Saint-Étienne

Le son déchire le silence de la nuit : un sanglot étouffé, puis un hoquet, qui dégénère rapidement en un vagissement aigu et frénétique. Pour tout parent, soignant ou soignante, c’est un appel à l’action familier et urgent. Mais un appel à quoi ? Le bébé a-t-il faim ? A-t-il mal ? Se sent-il seul ? Ou est-il simplement inconfortable ? Ces cris peuvent-ils être compris instinctivement par les parents ?


En tant que bioacousticien, j’ai passé des années à étudier les communications sonores des animaux : des cris des bébés crocodiles, encore dans leurs œufs incitant leur mère à creuser le nid, aux cris des oiseaux diamants mandarins, permettant la reconnaissance au sein du couple. Alors que nous comprenons de mieux en mieux comment et pourquoi les animaux non humains communiquent par des sons, les vocalisations humaines non verbales sont encore peu étudiées. J’ai ainsi été surpris de découvrir, en tournant mon attention vers notre propre espèce, que les pleurs des bébés humains recelaient autant, sinon plus, de mystère.

Pourtant, les pleurs causent parfois bien des soucis aux parents et aux autres personnes qui s’occupent d’un bébé. Au-delà de ces soucis du quotidien, les pleurs de nourrisson peuvent entraîner, chez des personnes qui se sentent dépassées par la situation, une perte du contrôle d’elles-mêmes et être à l’origine du syndrome du bébé secoué (SBS), une maltraitance aux conséquences, dans certains cas, fatales pour l’enfant.

Depuis plus d’une décennie, mes collègues et moi, à l’Université et au CHU de Saint-Étienne, enregistrons des bébés, appliquons les outils de l’analyse des sons, et menons des expériences psychoacoustiques et de neuro-imagerie. Nos découvertes remettent en question nos croyances les plus établies et offrent un nouveau cadre, fondé sur des preuves, pour comprendre cette forme fondamentale de communication humaine.

Première constatation, et peut-être l’une des plus importantes : il est impossible de déterminer la cause d’un pleur de bébé uniquement à partir de sa sonorité.

Démystifier le « langage des pleurs »

De nombreux parents subissent une pression immense pour devenir des « experts et expertes en pleurs », et toute une industrie a vu le jour pour capitaliser sur cette anxiété. Applications, appareils et programmes de formation coûteux promettent toutes et tous de traduire les pleurs des bébés en besoins spécifiques : « J’ai faim », « Change ma couche », « Je suis fatigué·e ».

Nos recherches, cependant, démontrent que ces affirmations sont sans fondement.

Pour tester cela scientifiquement, nous avons entrepris une étude à grande échelle. Nous avons placé des enregistreurs automatiques dans les chambres de 24 bébés, enregistrant en continu pendant deux jours à plusieurs reprises au cours de leurs quatre premiers mois. Nous avons ainsi constitué une énorme base de données de 3 600 heures d’enregistrement contenant près de 40 000 « syllabes » de pleurs (les unités composant les pleurs).

Les parents, dévoués, ont scrupuleusement noté l’action qui avait réussi à calmer le bébé, nous donnant une « cause » pour chaque pleur : la faim (calmée par un biberon), l’inconfort (calmé par un changement de couche) ou l’isolement (calmé par le fait d’être pris dans les bras). Nous avons ensuite utilisé des algorithmes d’apprentissage automatique, entraînant une intelligence artificielle (IA) sur les propriétés acoustiques de ces milliers de pleurs pour voir si elle pouvait apprendre à en identifier la cause. S’il existait un « pleur de faim » ou un « pleur d’inconfort » distinct, l’IA aurait dû être capable de le détecter.

Le résultat fut un échec retentissant. Le taux de réussite de l’IA n’était que de 36 % – à peine supérieur aux 33 % qu’elle obtiendrait par pur hasard. Pour nous assurer qu’il ne s’agissait pas seulement d’une limite technologique, nous avons répété l’expérience avec des auditeurs et des auditrices humaines. Nous avons demandé à des parents et non-parents, d’abord, de s’entraîner sur les pleurs d’un bébé spécifique, comme le ferait un parent dans la vie réelle, puis d’identifier la cause de nouveaux pleurs du même bébé. Ils n’ont pas fait mieux, avec un score de seulement 35 %. La signature acoustique d’un pleur de faim n’est pas plus distincte de celle d’un pleur d’inconfort.

Cela ne signifie pas que les parents ne peuvent pas comprendre les besoins de leur bébé. Cela signifie simplement que le pleur en lui-même n’est pas un dictionnaire. Le pleur est le signal d’alarme. C’est votre connaissance du contexte essentiel qui vous permet de le décoder. « La dernière tétée remonte à trois heures, il a probablement faim. » « Sa couche semblait pleine. » « Il est seul dans son berceau depuis un moment. » Vous êtes le détective ; le pleur est simplement l’alerte initiale, indifférenciée.

Ce que les pleurs nous disent vraiment

Si les pleurs ne signalent pas leur cause, quelle information transmettent-ils de manière fiable ? Nos recherches montrent qu’ils véhiculent deux informations importantes.

La première est une information statique : l’identité vocale du bébé. Tout comme chaque adulte a une voix distincte, chaque bébé a une signature de pleur unique, principalement déterminée par la fréquence fondamentale (la hauteur) de son pleur. C’est le produit de son anatomie individuelle – la taille de son larynx et de ses cordes vocales. C’est pourquoi vous pouvez reconnaître le pleur de votre bébé au milieu d’une nurserie. Cette signature est présente dès la naissance et change lentement au cours du temps avec la croissance du bébé.

Fait intéressant, si les pleurs des bébés ont une signature individuelle, ils n’ont pas de signature sexuelle. Les larynx des bébés filles et garçons sont de la même taille. Pourtant, comme nous l’avons montré dans une autre étude, les adultes attribuent systématiquement les pleurs aigus aux filles et les pleurs graves aux garçons, projetant leur connaissance des voix adultes sur les nourrissons.

La seconde information est dynamique : le niveau de détresse du bébé. C’est le message le plus important encodé dans un pleur, et il est transmis non pas tant par la hauteur (aiguë ou grave) ou le volume (faible ou fort), mais par une caractéristique que nous appelons la « rugosité acoustique ». Un pleur d’inconfort simple, comme avoir un peu froid après le bain, est relativement harmonieux et mélodique. Les cordes vocales vibrent de manière régulière et stable.

Pleur d’inconfort d’un bébé (il ne signale pas de problème grave)
Nicolas Mathevon272 ko (download)

Mais un pleur de douleur réelle, comme nous l’avons enregistré lors de séances de vaccination, est radicalement différent. Il devient chaotique, rêche et grinçant.

Pleurs d’un bébé après une vaccination.
Nicolas Mathevon293 ko (download)

Le stress de la douleur pousse le bébé à forcer plus d’air à travers ses cordes vocales, les faisant vibrer de manière désorganisée et non linéaire. Pensez à la différence entre une note pure jouée à la flûte et le son rauque et chaotique qu’elle produit quand on souffle trop fort. Cette rugosité, un ensemble de phénomènes acoustiques incluant le chaos et des sauts de fréquence soudains, est un signal universel et indubitable de détresse.
Un « ouin-ouin » mélodieux signifie « Je suis un peu contrarié », tandis qu’un « RRRÂÂÂhh » rauque et dur signifie : « Il y a urgence ! »

L’« instinct maternel » n’est qu’un mythe

Alors, qui est le plus à même de décoder ces signaux complexes ? Le mythe tenace de l’« instinct maternel » suggère que les mères sont biologiquement programmées pour cette tâche. Nos travaux démentent cette idée. Un instinct, comme le comportement figé d’une oie qui ramène un œuf égaré en le roulant jusqu’à son nid, est un programme inné et automatique. Comprendre les pleurs n’a rien à voir avec cela.

Dans l’une de nos études clés, nous avons testé la capacité des mères et des pères à identifier le pleur de leur propre bébé parmi une sélection d’autres. Nous n’avons trouvé absolument aucune différence de performance entre elles et eux. Le seul facteur déterminant était le temps passé avec le bébé. Les pères qui passaient autant de temps avec leurs nourrissons que les mères étaient tout aussi compétents. La capacité à décoder les pleurs n’est pas innée ; elle s’acquiert par l’exposition.

Nous l’avons confirmé dans des études avec des non-parents. Nous avons constaté que des adultes sans enfants pouvaient apprendre à reconnaître la voix d’un bébé spécifique après l’avoir entendue pendant moins de soixante secondes. Et celles et ceux qui avaient une expérience préalable de la garde d’enfants, comme le baby-sitting ou l’éducation de frères et sœurs plus jeunes, étaient significativement meilleurs pour identifier les pleurs de douleur d’un bébé que celles et ceux qui n’avaient aucune expérience.

Tout cela a un sens sur le plan évolutif. Les êtres humains sont une espèce à reproduction coopérative. Contrairement à de nombreux primates où la mère a une relation quasi exclusive avec son petit, les bébés humains ont historiquement été pris en charge par un réseau d’individus : pères, grands-parents, frères et sœurs et autres membres de la communauté. Dans certaines sociétés, comme les !Kung d’Afrique australe, un bébé peut avoir jusqu’à 14 soignants et soignantes différentes. Un « instinct » câblé et exclusivement maternel serait un profond désavantage pour une espèce qui repose sur le travail d’équipe.

Le cerveau face aux pleurs : l’expérience reconfigure tout

Nos recherches en neurosciences révèlent comment fonctionne ce processus d’apprentissage. Lorsque nous entendons un bébé pleurer, tout un réseau de régions cérébrales, appelé le « connectome cérébral des pleurs de bébé », entre en action. Grâce à l’imagerie à résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), nous avons observé que les pleurs activent dans le cerveau les centres auditifs, le réseau de l’empathie (nous permettant de ressentir l’émotion de l’autre), le réseau miroir (nous aidant à nous mettre à la place de l’autre) ainsi que des zones impliquées dans la régulation des émotions et la prise de décision.

De manière intéressante, cette réponse n’est pas la même pour tout le monde. En comparant l’activité cérébrale des parents et des non-parents, nous avons constaté que si le cerveau de chacun réagit, le « cerveau parental » est différent. L’expérience avec un bébé renforce et spécialise ces réseaux neuronaux. Par exemple, le cerveau des parents montre une plus grande activation dans les régions associées à la planification et à l’exécution d’une réponse, tandis que les non-parents montrent une réaction émotionnelle et empathique plus brute, non tempérée. Les parents passent de la simple sensation de détresse à la résolution active de problèmes.

De plus, nous avons constaté que les niveaux individuels d’empathie – et non le genre – étaient le prédicteur le plus puissant de l’intensité d’activation du réseau de « vigilance parentale » du cerveau. S’occuper d’un enfant est une compétence qui se perfectionne avec la pratique, et elle remodèle physiquement le cerveau de toute personne dévouée, qu’elle ait ou non un lien de parenté avec le bébé.

De la gestion du stress à la coopération

Comprendre la science des pleurs n’est pas un simple exercice de recherche fondamentale ; cela a de profondes implications dans le monde réel. Les pleurs incessants, en particulier ceux liés aux coliques du nourrisson (qui touchent jusqu’à un quart des bébés), sont une source majeure de stress parental, de privation de sommeil et d’épuisement. Cet épuisement peut mener à un sentiment d’échec et, dans les pires cas, être un déclencheur du syndrome du bébé secoué, une forme de maltraitance tragique et évitable.

Le fait de savoir que vous n’êtes pas censé·e « comprendre de manière innée » ce que signifie un pleur peut être incroyablement libérateur. Cela lève le fardeau de la culpabilité et vous permet de vous concentrer sur la tâche pratique : vérifier le contexte, évaluer le niveau de détresse (le cri est-il rugueux ou mélodique ?) et essayer des solutions.

Plus important encore, la science met en lumière la plus grande force de notre espèce : la coopération. Les pleurs insupportables deviennent supportables lorsque le bébé peut être confié à un ou une partenaire, un grand-parent ou une amie pour une pause bien méritée.

Alors, la prochaine fois que vous entendrez le pleur perçant de votre bébé dans la nuit, souvenez-vous de ce qu’est vraiment cette vocalisation : non pas un test de vos capacités innées ou un jugement sur vos compétences parentales, mais une alarme simple et puissante, modulée par le degré d’inconfort ou de détresse ressenti par votre enfant.

C’est un signal façonné par l’évolution, interprétable non par un mystérieux instinct, mais par un cerveau humain attentionné, attentif et expérimenté. Et si vous vous sentez dépassé·e, la réponse la plus scientifiquement fondée et la plus appropriée sur le plan évolutif est de demander de l’aide.


Pour en savoir plus sur les pleurs des bébés, voir le site web : Comprendrebebe.com.

Nicolas Mathevon est l’auteur de Comprendre son bébé. Le langage secret des pleurs, éditions Tana, 2025.


Le projet « Les pleurs du bébé : Une approche intégrée – BABYCRY » est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR) qui finance en France la recherche sur projets, au titre de France 2030 (référence ANR-23-RHUS-0009). L’ANR a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’ANR.

The Conversation

Nicolas Mathevon a reçu des financements de l’ANR, IUF, Fondation des Mutuelles AXA.

ref. Ce que les pleurs de bébé nous disent vraiment – et pourquoi l’instinct maternel est un mythe – https://theconversation.com/ce-que-les-pleurs-de-bebe-nous-disent-vraiment-et-pourquoi-linstinct-maternel-est-un-mythe-263586

Algérie, Tunisie, Maroc : Comment l’opéra est passé d’un héritage colonial à un outil diplomatique

Source: The Conversation – in French – By Frédéric Lamantia, Docteur en géographie et maître de conférences, UCLy (Lyon Catholic University)

L’Opéra Boualem-Bessaïh d’Alger a été financé par la Chine, pour un montant de 30 millions d’euros, et inauguré en 2016. Sino/Opéra d’Alger

La présence d’opéras importés par les Occidentaux en Afrique du Nord et le regain d’intérêt pour ceux-ci depuis une vingtaine d’années raconte l’histoire complexe d’un art, vecteur d’influence culturelle, en cours d’intégration dans les sociétés et les politiques publiques autochtones.


La diffusion de l’opéra en Afrique du Nord s’inscrit au départ dans des logiques de domination culturelle. Durant la période coloniale, l’opéra est majoritairement un art importé, cloisonné et réservé aux élites européennes. Cette dynamique laisse progressivement la place à un transfert artistique combiné à la création de liens diplomatiques. En Algérie, comme en Tunisie ou au Maroc, les trajectoires de l’opéra sont liées à l’histoire coloniale, révèlent des échanges transméditerranéens et mettent en lumière certaines recompositions identitaires qui ont vu le jour après les indépendances. Initialement outil de légitimation propre aux puissances coloniales, cet art a progressivement intégré des éléments de la culture locale pour devenir, aujourd’hui, un instrument de soft power et de rayonnement international.

L’Algérie, du territoire lyrique colonial hiérarchisé au nouveau modèle culturel

En 1830, alors que l’Algérie possède déjà une riche tradition musicale et théâtrale, la colonisation ouvre une phase d’intégration avec l’espace culturel français. L’installation d’infrastructures lyriques dans la capitale comme dans des villes moyennes répond à l’objectif explicite des autorités coloniales de reproduire des formes de sociabilité et de distinction culturelle et sociale présentes dans la métropole.

La construction de théâtres à Alger, à Oran ou à Constantine, inscrit la forme artistique sur le territoire avec une programmation offrant opéras, opérettes et concerts symphoniques. Un public composé de fonctionnaires, de militaires, de commerçants et de notables vient s’y distraire. L’armée joue un rôle structurant, ses musiciens formant le socle d’orchestres permanents ou ponctuels.

Un aménagement du territoire lyrique hiérarchisé voit le jour comprenant des maisons d’opéra dans les grands centres urbains alors que des tournées desservent des villes secondaires. Les populations autochtones sont presque totalement exclues de ce territoire lyrique occidental importé, en raison de barrières linguistiques (œuvres chantées en italien ou en français), de différences esthétiques sur le plan musical et d’une distance sociale qui touche aussi certains pieds-noirs

Après l’indépendance de 1962, l’Algérie conserve le bâti hérité de la colonisation et notamment l’ex-Opéra d’Alger, rebaptisé Théâtre national algérien. Le monument accueille alors des pièces de théâtre, même si quelques activités lyriques sporadiques restent programmées. L’Orchestre symphonique national remplace les ensembles musicaux français tandis que la musique andalouse et des formes traditionnelles conservent leur place dans la vie musicale, voire se développent.

L’ère contemporaine voit le réveil d’un intérêt pour l’opéra, désormais associé à la diplomatie culturelle. Inauguré en 2016, le nouvel opéra d’Alger marque ainsi une rupture dans la perception de l’art lyrique en Algérie. Financé par la Chine pour un montant de 30 millions d’euros et considéré comme une vitrine artistique par le pouvoir algérien, il accueille en résidence l’Orchestre symphonique, le Ballet national et l’Ensemble de musique andalouse. La programmation combine répertoire lyrique occidental, créations locales en lien avec des traditions séculaires, alors que s’instituent des échanges avec de grandes maisons d’opéra de renommée internationale, comme Milan ou Le Caire. L’opéra devient ainsi un outil diplomatique intégrant la culture dans les relations bilatérales.

Tunisie : de l’influence égyptienne au réseau d’art lyrique panarabe

Sous protectorat français à partir de 1881, la Tunisie présente un paysage lyrique diversifié abritant des traditions musicales autochtones sur lesquelles l’opéra occidental vient se surimposer. Riche d’une population issue d’horizons culturels variés, le territoire lyrique tunisien devient un lieu de confluence entre répertoires italiens, français et égyptiens.

Le Théâtre municipal de Tunis, construit dans un style italien, accueille des troupes venues de toute l’Europe pour le plaisir d’un public colonial assorti de diplomates et d’une minorité de Tunisiens formant une élite occidentalisée. En parallèle, une tradition lyrique arabe se développe grâce à des troupes, en provenance d’Égypte, qui proposent des œuvres associant chant, théâtre et poésie, jouées le plus souvent dans des espaces alternatifs, souvent temporaires. Les infrastructures coloniales restent vouées à l’opéra et, plus généralement, à la musique occidentale si bien que la coexistence des deux traditions reste marquée par un cloisonnement institutionnel et social.

Les premières décennies de postindépendance sont celles d’un début de patrimonialisation. En Tunisie, le Théâtre municipal de Tunis demeure le principal lieu de représentations lyriques. De surcroît, on note l’apparition des années 1980 aux années 2000 de festivals, tels que l’Octobre musical de Carthage, qui accueillent des productions européennes et arabes. Des coopérations bilatérales avec l’Italie et avec la France permettent ensuite, dans les années 2010, l’émergence de jeunes chanteurs tunisiens bien que la structuration d’une saison lyrique nationale soit encore embryonnaire.

Ces initiatives portent leurs fruits. Le Théâtre de l’Opéra de Tunis développe désormais des coproductions de haut niveau comme Archipel (menée avec le Conservatoire national supérieur de musique et de danse [CNSMD] de Paris et l’Institut français de Tunisie). Par ailleurs, le projet « Les voix de l’Opéra de Tunis » vise à former une nouvelle génération de chanteurs et à créer une saison lyrique nationale. L’inauguration, en 2018, d’une cité de la culture comptant une grande salle de 1 800 places consacrée à l’opéra marque la volonté du pouvoir politique d’inscrire cet art dans le paysage culturel tunisien.

En 2024, la Tunisie participe au lancement d’un festival arabe de l’opéra, sous l’égide de l’Organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences (ALECSO) et du Quatar, avec, pour objectif, la mutualisation des productions, mais aussi celle de datas sur cette thématique, en vue de la constitution d’un réseau panarabe d’art lyrique.

Au Maroc, de l’implantation intermittente à la volonté d’excellence lyrique

Au Maroc, durant le protectorat français (1912-1956), l’art lyrique est marqué par des initiatives ponctuelles plutôt que par une implantation structurée sur le territoire comme cela a pu être le cas en Algérie.

L’inauguration en 1915 d’un opéra-comique à Casablanca, à l’occasion de l’Exposition franco-marocaine, symbolise la volonté pour la France d’affirmer son prestige culturel, tout en répondant à une demande de divertissement émanant des colons français. Les infrastructures sont souvent provisoires (on note l’utilisation de théâtres en bois) et la programmation reste destinée à un public européen (un théâtre populaire marocain préexistait). Entre 1920 et 1950, Casablanca accueille des artistes lyriques de renom – à l’image de Lili Pons ou Ninon Vallin – qui viennent interpréter un répertoire essentiellement européen et chanté en français ou en italien.

À Rabat, le Théâtre national Mohammed-V devient, en 1962, la scène marocaine de référence pour l’accueil de compagnies internationales. Quelques expériences d’adaptation linguistique voient le jour, bien que restant marginales. L’opéra demeure encore perçu comme un art importé, associé à un symbole de prestige, plutôt qu’ancré dans la création locale.

Mais la volonté d’excellence lyrique du Maroc se matérialise avec la création du Grand Théâtre de Rabat et de ses 1 800 places, inauguré en octobre 2024. Conçu par l’architecte anglo-irakienne Zaha Hadid, s’inscrivant dans un projet phare de requalification urbaine, il se veut à la fois un incubateur de talents marocains et une scène internationale. Sous l’impulsion du baryton David Serero, ce projet lyrique d’envergure se caractérise par la volonté de promouvoir un répertoire Made in Morocco, associant des œuvres occidentales en langue originale et des créations ou adaptations en darija, forme d’arabe dialectal marocain.

Par ailleurs, un travail de médiation en direction de la jeunesse est mené, montrant la volonté d’ouvrir cet art à un public plus large. Ce lieu symbolise la volonté du Maroc de s’affirmer comme une référence culturelle africaine et arabe de premier plan en matière d’art lyrique.

L’histoire et la géographie de l’opéra en Afrique du Nord mettent en lumière la plasticité des formes artistiques lorsqu’elles traversent des contextes politiques et culturels différents.

Importé comme un outil de domination symbolique, l’art lyrique a d’abord servi à reproduire les hiérarchies sociales coloniales avant de devenir, dans certains cas, un espace d’expérimentation identitaire et de projection internationale. Aujourd’hui, les grandes institutions lyriques d’Alger, de Tunis ou de Rabat s’inscrivent dans des stratégies où la culture est mobilisée comme ressource de prestige, de diplomatie et de développement urbain, confirmant que l’opéra, loin d’être un simple divertissement, demeure un acteur à part entière des relations internationales.

The Conversation

Frédéric Lamantia ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Algérie, Tunisie, Maroc : Comment l’opéra est passé d’un héritage colonial à un outil diplomatique – https://theconversation.com/algerie-tunisie-maroc-comment-lopera-est-passe-dun-heritage-colonial-a-un-outil-diplomatique-263673

À la fin, qui prendra en charge le coût des assurances ?

Source: The Conversation – in French – By Arthur Charpentier, Professeur, Université de Rennes 1 – Université de Rennes

Depuis 1990, les pertes assurées liées aux catastrophes naturelles croissent de 5 % à 7 % par an – 137 milliards de dollars états-uniens, en 2024, et une tendance à 145 milliards, en 2025. Lucian Coman/Shutterstock

Tempêtes qui se répètent, primes qui s’envolent, retraits d’assureurs : à l’heure du dérèglement climatique, une question se pose : qui règlera, in fine, la note ?


Des mutuelles ouvrières du XIXe siècle, créées pour amortir les coups durs du développement industriel, aux logiques actionnariales des multinationales contemporaines, l’assurance a toujours reflété les grands risques de son époque.

Désormais sous la pression d’événements climatiques à la fréquence et à la sévérité inédites, le secteur affronte une équation nouvelle : comment rester solvable et socialement légitime lorsque la sinistralité (montants payés par une compagnie d’assurance pour des sinistres) croît plus vite que les primes (encaissées) ? Entre flambée des tarifs, exclusions de garanties et menace d’inassurabilité de territoires entiers, comment la solidarité assurantielle doit-elle se réinventer ?

Chacun pour tous, et tous pour chacun

Avant d’être une industrie financière pesant des milliards d’euros, l’assurance est née comme un simple pot commun : des membres cotisent, les sinistrés piochent, et le surplus (s’il existe) revient aux sociétaires. Des organismes de solidarité et d’assurance mutuelle créés dans le cadre de la Hanse (la Ligue hanséatique, réseau de villes marchandes d’Europe du Nord entre le XIIIᵉ et le XVIIᵉ siècle) jusqu’aux guildes médiévales, ces associations de personnes exerçant le même métier ou la même activité, la logique est déjà celle d’un risk-pooling, un partage de risque, à somme nulle. Chacun paie pour tous, et tous pour chacun.

Dans les guildes du Moyen Âge, en Europe, chaque maître artisan versait un droit annuel qui finançait la reconstruction de l’atelier détruit par l’incendie ou le soutien de la veuve en cas de décès. Pour l’historien de l’économie Patrick Wallis, c’est la première caisse de secours structurée. Les chartes danoises de 1256, qui imposent une « aide feu » (ou brandstød) obligatoire après sinistre, en offrent un parfait exemple, comme le montre le chercheur en politique sociale Bernard Harris.

Le principe traverse les siècles. Au XIXe, les sociétés de secours mutuel instaurent la ristourne, quand la sinistralité s’avère plus clémente que prévu. Aujourd’hui encore, près d’un assuré sur deux en incendies, accidents et risques divers (IARD) adhère à une mutuelle dont il est copropriétaire statutaire.

L’équation financière reste fragile : lorsque le climat transforme l’aléa en quasi-certitude, la prime n’est plus un simple « partage de gâteau » mais une avance de plus en plus volumineuse sur des dépenses futures. Le groupe Swiss Re a calculé que, depuis 1990, les pertes assurées liées aux catastrophes naturelles croissent de 5 % à 7 % par an – 137 milliards de dollars états-uniens en 2024, la tendance est à 145 milliards de dollars en 2025 (respectivement 118 milliards et 125 milliards d’euros).

Le modèle mutualiste, fondé sur la rareté relative du sinistre et la diversification géographique, se voit contraint de réinventer sa solidarité si la fréquence double et la gravité explose… sous peine de basculer vers une segmentation aussi fine que celle des assureurs capitalistiques.

Tarification solidaire et optimisation actionnariale

À partir des années 1990, la financiarisation injecte un nouvel impératif : la prime doit couvrir les sinistres, financer le marketing, rémunérer les fonds propres et, à l’occasion, servir de variable d’ajustement pour les objectifs trimestriels. L’optimisation tarifaire, popularisée sous le vocable de price optimisation, décortique des milliers de variables de comportements (nombre de clics avant signature, inertie bancaire, horaires de connexion) afin d’estimer le prix de réserve individuel, soit le prix minimum qu’un vendeur est prêt à accepter, ou qu’un acheteur est prêt à payer, lors d’une transaction.

Autrement dit, on estime non plus seulement la prime la plus « juste » actuariellement (l’actuaire étant l’expert en gestion des risques), au sens que lui donnait Kenneth Arrow en 1963, mais aussi la prime la plus élevée que l’assuré est prêt à payer. La prime juste étant le coût moyen attendu des sinistres, le montant que l’assureur pense payer l’an prochain pour des risques similaires.




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L’Institut des actuaires australiens dénonce, dans son rapport The Price of Loyalty, une pénalisation systématique des clients fidèles, assimilée à un impôt sur la confiance. Au Royaume-Uni, le régulateur Financial Conduct Authorities (FCA) a frappé fort. Depuis le 1er janvier 2022, la cotation à la reconduction doit être identique à celle d’un nouveau client à risque égal ; l’autorité évalue à 4,2 milliards de livres l’économie réalisée pour les ménages sur dix ans.

Cette bataille réglementaire va bien au-delà du prix. En reléguant la logique de mutualisation au second plan, l’optimisation comportementale renforce les indicateurs socioéconomiques indirects – comme l’âge, la fracture numérique ou la stabilité résidentielle –, qui finissent par peser davantage que le risque technique pur dans la détermination du tarif.

Désormais l’assureur a accès à des data lakes (données brutes) privés, où l’assuré ignore ce qui rend sa prime plus chère. Par nature, les contrats restent rétifs à toute comparaison simplifiée. L’un affiche une franchise de 2 000 euros, l’autre un plafond d’indemnisation plus bas ou des exclusions reléguées dans de minuscules clauses, de sorte qu’il faut un examen quasi juridique pour aligner réellement les offres, comme le soulignait un rapport de la Commission européenne.

Refus d’un dossier sur deux

La montée des événements extrêmes illustre brutalement ces dérives. En Australie, trois phénomènes climatiques dans la première moitié de l’année 2025, dont le cyclone Alfred, ont généré 1,8 milliard de dollars australiens (AUD), soit 1 milliard d’euros, de demandes d’indemnisation. L’Insurance Council prévient que les primes habitation verront des augmentations à deux chiffres et certains contrats pourraient atteindre 30 000 dollars autraliens par an (ou 16 600 euros par an) dans les zones les plus exposées.

Aux États-Unis, la Californie cumule résiliations et refus de prise en charge. Un rapport mentionné par le Los Angeles Times montre que trois grands assureurs ont décliné près d’un dossier sur deux en 2023. Une action collective accuse de collusion 25 compagnies d’assurance dans le but de pousser les sinistrés vers le FAIR Plan, pool d’assureurs de dernier ressort aux garanties réduites.

Vers l’« inassurabilité » systémique

Le phénomène n’est pas marginal. Les assureurs réduisent leur exposition. Les assureurs états-uniens State Farm et Allstate ont cessé d’émettre de nouvelles polices en Californie, dès 2023. En Floride, parce qu’il intervient lorsque aucun assureur privé n’accepte de couvrir un logement à un prix raisonnable, l’assureur public de dernier ressort Citizens a vu son portefeuille grossir jusqu’à environ 1,4 million de polices au pic de la crise, puis repasser sous le million, fin 2024, grâce aux transferts (takeouts) vers des acteurs privés – un progrès réel, qui révèle toutefois un marché encore fragile. Au niveau mondial, Swiss Re compte 181 milliards de dollars états-uniens de pertes 2024 restées à la charge des victimes ou des États, soit 57 % du total.

Face à ces écarts de protection croissants, les assureurs réduisent leur exposition. Cette contraction de l’offre rejaillit sur la finance immobilière : l’économiste Bill Green rappelle dans une lettre au Financial Times que la moindre défaillance d’assurance provoque, en quelques semaines, l’annulation des prêts hypothécaires censée sécuriser la classe moyenne états-unienne. Lorsque les assureurs se retirent ou lorsque la prime devient inabordable, c’est la valeur foncière qui s’effondre et, avec elle, la stabilité de tout un pan du système bancaire local.

Refonder le contrat social du risque

Des pistes se dessinent néanmoins. Le Center for American Progress propose la création de fonds de résilience cofinancés par les primes et par l’État fédéral, afin de financer digues, toitures renforcées et relocalisations dans les zones à très haut risque.

En Europe, la France conserve un régime CatNat fondé sur une surprime obligatoire uniforme – 20 % en 2025 – pour un risque réassuré par la Caisse centrale de réassurance (CCR). Ce mécanisme garantit une indemnisation illimitée tout en mutualisant les catastrophes sur l’ensemble du territoire national. Combinés à une tarification incitative (franchise modulée selon les mesures de prévention), ces dispositifs peuvent préserver l’assurabilité sans faire exploser les primes individuelles.

Reste à traiter l’amont : limiter l’exposition en gelant les permis dans les zones inconstructibles, conditionner le financement bancaire à la compatibilité climat et pérenniser, à l’échelle nationale, une surtaxe de prévention climatique progressive qui financerait les adaptations structurelles tout en lissant les chocs tarifaires.

À ce prix, l’assurance redeviendrait un bien commun : ni pur produit financier ni simple pot commun, mais une infrastructure essentielle où la société, et non plus le seul assureur, choisit sciemment la part de la facture climatique qu’elle accepte de supporter.


Cet article a été rédigé avec Laurence Barry, co-titulaire de la Chaire PARI (Programme de recherche pour l’appréhension des risques et des incertitudes).

The Conversation

Arthur Charpentier est membre (fellow) de l’Institut Louis Bachelier. Il a reçu des financements du CRSNG (NSERC) de 2019 à 2025, du Fond AXA Pour la Recherche de 2020 à 2022, puis de la Fondation SCOR pour la Science de 2023 à 2026.

ref. À la fin, qui prendra en charge le coût des assurances ? – https://theconversation.com/a-la-fin-qui-prendra-en-charge-le-cout-des-assurances-261610