Source: The Conversation – in French – By Jonathan Beloff, Postdoctoral Research Associate, King’s College London
Les ministres des Affaires étrangères du Rwanda et de la République démocratique du Congo (RDC) ont signé un nouvel accord de paix le 27 juin 2025 sous l’égide des États-Unis.
Cet accord vise à favoriser une paix durable, à développer les échanges économiques et à renforcer la sécurité. La RDC est l’un des plus grands pays d’Afrique, avec plus de 110 millions d’habitants. Le Rwanda compte 14 millions d’habitants.
Après trois décennies de guerre et de tensions entre les deux pays voisins depuis le génocide des Tutsis de 1994, cet accord devrait permettre de jeter les bases d’un progrès bénéfique pour les deux nations.
Pour l’administration Donald Trump, c’est l’occasion de montrer l’efficacité de sa politique étrangère « transactionnelle », axée sur les échanges et les avantages à court terme pour chaque acteur.
La plupart des détails de l’accord n’ont pas été divulgués avant sa signature. Une information a toutefois filtré: la RDC aurait renoncé à exiger le retrait des soldats rwandais de son territoire.
Depuis 2021, le gouvernement congolais, des chercheurs et l’ONU accusent le Rwanda de soutenir militairement le M23, en guerre contre le gouvernement de Kinshasa depuis 2021. Le gouvernement rwandais nie toute implication active, mais éprouve une certaine sympathie pour le groupe rebelle congolais.
En vertu de l’accord de juin 2025, chaque partie a fait des concessions et formulé des demandes qui sont peut-être plus faciles à dire qu’à faire. Les deux pays veulent également montrer à l’administration Trump leur volonté de négocier et de parvenir à un accord. Ils espèrent ainsi conclure de futurs accords avec les États-Unis, sur lesquels Trump est resté vague.
La RDC possède d’immenses richesses minérales, notamment de l’or, des diamants, du tungstène, du coltan, de l’étain et du lithium. Ces derniers minéraux sont utilisés dans les puces informatiques, les batteries et d’autres technologies.
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La question est de savoir si ce dernier accord permettra d’instaurer la paix en RDC. La réponse est probablement non, si l’on en croit les recherches sur l’instabilité dans l’est de la RDC. la politique étrangère rwandaise et les dynamiques sécuritaires et politiques entre le Rwanda et la RDC depuis plus de 15 ans.
Cela s’explique principalement par le fait que :
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les principaux acteurs impliqués dans la crise ont été écartés des négociations
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aucune disposition n’a été prise pour garantir l’application de l’accord
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les opportunités pour les entreprises américaines restent incertaines compte tenu de l’insécurité qui règne dans les régions minières.
Les racines de la crise
Après le génocide des Tutsis en 1994, d’anciens auteurs du génocide ont profité de l’immensité de la RDC pour planifier des attaques contre le Rwanda. Ils avaient l’intention de retourner au Rwanda pour achever le génocide. Les conséquences ont conduit à la première guerre du Congo (1996-1997) et à la deuxième guerre du Congo (1998-2003).
C’est au cours de cette deuxième guerre sanglante que la RDC a été démembrée par plusieurs groupes rebelles alignés sur divers pays et acteurs politiques. L’ONU accuse le Rwanda et l’Ouganda de se livrer à un commerce illégal massif de minerais. Les deux pays nient ces accusations.
Les conséquences du conflit se font encore sentir plus de 20 ans après. Malgré de multiples accords de paix et des programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration, on estime à 120 le nombre de groupes rebelles encore actifs au Congo.
L’un d’entre eux, les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), vise à rétablir la division ethnique et le génocide au Rwanda. Le gouvernement rwandais craint l’idéologie génocidaire et haineuse de ce groupe.
En outre, les FDLR et d’autres acteurs extrémistes tels que Wazalendo prennent pour cible les Banyarwanda. Ce groupe ethnique, qui réside principalement dans l’est de la RDC, est historiquement lié au Rwanda. Il a été la cible d’attaques qui ont contraint des dizaines de milliers de personnes à fuir vers le Rwanda.
Ces attaques ont conduit à la résurgence du M23. Malgré ses échecs en 2013, le M23 a réalisé des avancées majeures fin 2021 en réponse aux attaques contre les Banyarwanda. Le groupe rebelle a mené une campagne militaire couronnée de succès qui lui a permis d’occuper de vastes territoires dans l’est de la RDC.
Leur succès est largement attribué aux Forces de défense rwandaises, bien que Kigali nie cette affirmation.
Les concessions mutuelles
Le dernier accord de paix tente de concilier les intérêts sécuritaires, politiques et économiques des deux nations.
Les détails de l’accord n’ont pas été rendus publics, mais certaines hypothèses peuvent être formulées à partir de son cadre général et des documents fuités.
La première hypothèse est que chaque pays s’engage à respecter la souveraineté de l’autre et à cesser tout soutien aux groupes armés. Cela inclura une coordination conjointe en matière de sécurité et une collaboration avec la mission de maintien de la paix de l’ONU déjà en place. En outre, les réfugiés congolais qui ont fui l’est de la RDC, estimés à plus de 80 000, seront autorisés à rentrer chez eux. Enfin, les deux pays mettront en place des mécanismes visant à favoriser une plus grande intégration économique.
La RDC a également signalé sa volonté d’attirer les investisseurs américains. Les vastes richesses minérales de la RDC restent largement sous-exploitées. Les investissements américains pourraient permettre de développer une exploitation minière plus sûre et plus rentable que les méthodes actuelles. Kinshasa a également accepté de lutter contre la corruption et de simplifier le système fiscal.
Si la plupart de ces mesures incitatives visent les entreprises d’extraction minière, elles concernent également les sociétés de sécurité privées. L’incapacité de l’armée congolaise à vaincre le M23 montre à quel point la situation sécuritaire est fragile. Certains en RDC estiment que cela justifie une intervention étrangère.
Cependant, les garanties sécuritaires offertes dans le cadre de cet accord restent floues. Ces incertitudes pourraient freiner sa mise en œuvre et compromettre son succès.
Les faiblesses
Plusieurs raisons expliquent pourquoi ce dernier accord a peu de chances de mener à la paix.
Premièrement, le M23 n’a pas participé aux négociations. Or, ce groupe est le principal acteur militaire dans l’est de la RDC. Étant donné qu’il s’agit du principal acteur militaire dans l’est de la RDC, son engagement en faveur du processus de paix ne peut être garanti.
Deuxièmement, d’autres forces rebelles dans différentes régions du pays se sentiront également exclues. Elles pourraient voir cet accord comme une opportunité pour obtenir davantage de concessions de la part du gouvernement congolais.
Troisièmement, il existe peu de mécanismes pour faire respecter l’accord. Depuis la deuxième guerre du Congo, de nombreux traités, accords et programmes de désarmement ont été conclus, sans grand succès. L’accord de Pretoria conclu entre le Rwanda et la RDC en 2002 n’a pas abouti à une paix durable. Le nom M23 fait référence à leur mécontentement suite l’échec de l’accord en 2009.
En 2024, le Rwanda et le Congo ont failli parvenir à un accord sous la médiation de l’Angola, après le retrait de ce dernier s’est retiré. Le processus a ensuite été repris par le Qatar, puis par les États-Unis.
Enfin, les investisseurs américains pourraient être découragés par les problèmes de sécurité, de réglementation et de corruption qui affligent la RDC. Même si le gouvernement congolais promet de s’attaquer à ces problèmes, il ne dispose pas des capacités nécessaires pour tenir ses engagements.
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Jonathan Beloff a reçu un financement du Conseil de recherche en arts et sciences humaines (AH/W001217/1).
– ref. La RDC et le Rwanda signent un accord de paix négocié par les États-Unis : quelles sont ses chances de succès ? – https://theconversation.com/la-rdc-et-le-rwanda-signent-un-accord-de-paix-negocie-par-les-etats-unis-quelles-sont-ses-chances-de-succes-260247














