En Arctique, la coopération scientifique en danger

Source: – By Florian Vidal, Associate Fellow, Université Paris Cité

La recherche scientifique est indispensable en Arctique, notamment pour évaluer la rapidité du dégel du permafrost. Esther Horvath/Wikimedia Commons, CC BY-NC-SA

Les sanctions promulguées à l’égard de la Russie du fait de la guerre en Ukraine ont des conséquences significatives en ce qui concerne la recherche en Arctique, où jusqu’en 2022 scientifiques occidentaux et russes parvenaient à collaborer en bonne intelligence. La nouvelle donne géopolitique nuit à la collecte de données indispensables pour comprendre l’ampleur du changement climatique.


Élément consensuel de la gouvernance régionale de l’après-guerre froide, la recherche scientifique en Arctique a longtemps constitué un modèle de coopération et dans cet espace particulièrement exposé aux effets rapides du changement climatique. Mais depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie en février 2022, les sciences polaires dans la région arctique voient leur fonctionnement perturbé par la rupture des coopérations avec les chercheurs russes.

Vulnérable aux tensions diplomatiques et géopolitiques, la communauté scientifique a mis en garde contre les risques d’une paralysie prolongée des coopérations. Durablement fragilisés, les mécanismes institutionnels dans la région polaire peinent à rétablir un dialogue solide alors que l’architecture de gouvernance qui encadre les activités scientifiques sombre progressivement dans une forme de zombification.

Crise existentielle pour le Conseil de l’Arctique

Le Conseil de l’Arctique, qui joue un rôle prépondérant dans la coordination de la recherche scientifique, notamment dans les sciences du climat, a suspendu ses activités en mars 2022 avant de les reprendre prudemment, sans la Russie.

En février 2024, l’organisation régionale annonce sa volonté de relancer progressivement les groupes de travail avec la Russie via des formats virtuels. Toutefois, les divergences désormais structurelles dans les domaines politique, économique et militaire rendent un retour à la situation d’avant-guerre peu probable. Le récent retrait de la Russie du programme multilatéral sur la sécurité nucléaire, notamment en Arctique, illustre son désengagement croissant vis-à-vis de ses partenaires occidentaux.

Alors que la Norvège vient de transmettre la présidence du Conseil au Danemark, l’avenir de l’institution est obscurci. Pour tenter de relancer cette plate-forme intergouvernementale, la présidence danoise (2025-2027) fait des enjeux environnementaux une priorité afin de préserver une instance régionale essentielle. Mais les défis liés à l’organisation interne du royaume – composé de trois entités distinctes (Danemark, îles Féroé et Groenland) –, ainsi que les tensions entre Washington et Copenhague concernant l’avenir du Groenland, n’inspirent guère d’optimisme.

Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier 2025, marqué par un durcissement diplomatique, ajoute à l’incertitude. Outre les coupes budgétaires dans les programmes de recherche scientifiques, qui affectent la surveillance climatique en Arctique, son aversion pour les structures multilatérales pourrait fragiliser davantage l’organisation.

Au-delà du Conseil de l’Arctique, c’est l’ensemble des réseaux et structures de coopération scientifique qui pâtissent de la configuration géopolitique de ces trois dernières années. Les sanctions occidentales ont en effet profondément perturbé le financement, les échanges académiques, les déplacements et même les publications des chercheurs russes.

Face à cet isolement, la Russie s’est tournée vers les pays des BRICS pour développer de nouvelles collaborations dans les sciences polaires. Cette fragmentation des relations diplomatiques met dangereusement en péril la recherche en Arctique. Depuis, des voix se sont élevées pour réintégrer les chercheurs russes, soulignant l’impérieuse nécessité de maintenir les échanges scientifiques dans un contexte d’urgence climatique.

Un grand risque pour la science du pergélisol

La fragmentation de l’espace polaire fait peser de graves menaces sur la recherche sur le pergélisol, ce sol perpétuellement gelé, parfois depuis des millions d’années, qui recouvre environ 15 % des terres émergées de l’hémisphère nord. Dans le contexte des changements climatiques globaux, l’étude de ces sols est fondamentale pour anticiper leur dégradation.

En effet, ils contiennent d’importantes quantités de matière organique et de méthane – un puissant gaz à effet de serre – qui pourraient significativement contribuer à l’augmentation de la concentration de carbone dans l’atmosphère, amplifiant ainsi le réchauffement actuel. À l’origine, la coopération scientifique internationale autour du pergélisol terrestre s’est structurée en pleine guerre froide. À l’instar de l’astrophysique ou la médecine, les sciences polaires y ont acquis une dimension géopolitique, servant d’interface entre les États-Unis et l’Union soviétique malgré leurs rivalités.

Avant le conflit ukrainien, la communauté alertait déjà sur les lacunes des systèmes de surveillance et de gestion des infrastructures arctiques, tout en pointant l’absence d’harmonisation des données. Le dégel du pergélisol, amplificateur critique du réchauffement climatique, représente pourtant une menace à long terme pour la sécurité internationale. Or, sans standards communs, l’évaluation globale de ses effets reste partielle.

La guerre a brutalement révélé ces fragilités. Cette rupture reconfigure la circulation des données sur le pergélisol autour de trois dynamiques : 1) la création d’un angle mort occidental ; 2) l’isolement structurel russe ; et 3) l’émergence des puissances asiatiques dans ce champ de recherche.

1) La fin des missions scientifiques occidentales en Russie prive les chercheurs de données cruciales pour modéliser l’évolution du pergélisol. Les alternatives comme la télédétection ou l’IA ne compensent pas totalement cette perte, créant un biais dans la fiabilité des études.

2) Malgré la rupture avec l’Occident, la Russie renforce ses capacités de surveillance via des projets nationaux, comme ses 140 stations de mesure des émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, ces données, difficilement accessibles pour les Occidentaux désormais, peinent à influencer les politiques publiques russes, ce qui complique la coordination internationale.

3) La Chine et l’Inde, motivées par leurs propres zones de pergélisol (comme le plateau tibétain), investissent massivement dans la recherche polaire et collaborent avec la Russie. La Chine, notamment, étudie les liens entre les virus arctiques et tibétains, ce qui justifie son engagement accru en Arctique.

Ce bouleversement géopolitique a non seulement suspendu des projets de recherche, mais aussi rendu obsolète le modèle de coopération post-guerre froide. Désormais, la circulation des connaissances épouse les fractures géopolitiques, compromettant une réponse collective internationale à la crise planétaire.

La Chine et l’Inde en embuscade ?

Ces dynamiques esquissent une reconfiguration majeure de la recherche en Arctique : là où l’Occident et la Russie se distancient, les coopérations sino-russe et indo-russe se consolident, intégrant désormais des enjeux économiques stratégiques – notamment le déploiement d’infrastructures énergétiques (gazoducs et oléoducs) traversant des zones de pergélisol. Cette fragmentation des données, aggravée par l’absence de standardisation, accélère le découplage scientifique.

Cette évolution est susceptible de redéfinir fondamentalement les priorités de recherche sur le pergélisol. Les pays asiatiques, en particulier la Chine et l’Inde, dotées de politiques intégrées sur la cryosphère, pourraient tirer parti de leur accès privilégié aux données russo-occidentales en maintenant des collaborations étroites avec l’ensemble des pays arctiques pour établir leur prééminence scientifique, transformant ainsi les dynamiques de la diplomatie arctique. À plus grande échelle, ces acteurs pourraient restructurer le paysage de la recherche polaire en créant des synergies entre les différentes zones cryosphériques, comprenant les régions polaires et les glaciers, et en intégrant les impératifs climatiques à leurs calculs géostratégiques.

Le changement climatique étant désormais reconnu comme un enjeu de sécurité internationale, la surveillance du pergélisol se situe à l’intersection des sciences du climat et des considérations stratégiques. Cette convergence pourrait, à long terme, conférer à la Chine et à l’Inde une légitimité accrue pour repenser les cadres de la sécurité globale dans un contexte de transformations planétaires.

L’impérieuse nécessité de repenser la gouvernance des sciences polaires

L’exemple du pergélisol montre la façon dont les tensions géopolitiques consécutives à l’invasion russe de l’Ukraine compromettent la coopération scientifique internationale. La surveillance et la collecte de données sur la progression du dégel du pergélisol sont centrales pour anticiper l’évolution climatique mondiale. Loin des considérations court-termistes fondées sur les rivalités politiques et stratégiques, le travail des acteurs scientifiques privilégie le temps long du climat. Cette réalité impose aujourd’hui un changement de paradigme politique et institutionnel – ce que le géographe Klaus Dodds conceptualise comme l’avènement d’un monde « solide-liquide », dont le dégel accéléré du pergélisol constitue l’expression la plus tangible. Face au danger d’une opacité croissante entourant les projections climatiques, il est urgent de mettre en œuvre de nouveaux mécanismes de coopération, en repensant un cadre institutionnel à présent inadapté.

Cette réforme, qui s’impose, doit s’appuyer sur la création de nouvelles plates-formes collaboratives visant à restaurer la confiance et à adopter une approche intégrée de la cryosphère. Une coopération climatique entre les grandes puissances pourrait ainsi servir de pierre angulaire à un cadre institutionnel durable, essentiel pour concilier sécurité internationale et stabilité climatique tout au long du XXIe siècle. Dans un contexte marqué par la fragmentation structurelle du système international, la coopération scientifique dans le domaine environnemental devrait, in fine, permettre de dépasser les rivalités géostratégiques en Arctique.

The Conversation

Florian Vidal est chercheur à l’UiT The Arctic University of Norway.

ref. En Arctique, la coopération scientifique en danger – https://theconversation.com/en-arctique-la-cooperation-scientifique-en-danger-256390

La Russie sort-elle renforcée de la guerre israélo-iranienne ?

Source: – By Clément Therme, Chargé de cours, Sciences Po

Alors que Téhéran vient d’annoncer la fin de la « guerre des douze jours » qui l’a opposé à Israël et aux États-Unis, nous vous proposons un entretien avec le politologue Clément Therme, spécialiste de l’Iran et, notamment, de ses relations avec la Russie, afin de comprendre l’impact que la déflagration que vient de subir le Moyen-Orient a eu sur Moscou, allié « stratégique » de la République islamique.


Les attaques israéliennes puis états-uniennes contre l’Iran effectuées à partir du 13 juin dernier ont-elles suscité l’inquiétude à Moscou ?

Bien sûr, ne serait-ce que parce que tout cela se déroule à proximité de la Russie. Il y a 2000 kilomètres de frontières entre le territoire iranien et l’ancien espace soviétique. En outre, les deux pays partagent des frontières maritimes communes. À ce titre, la Russie est l’un des quinze voisins de l’Iran. La perspective d’une déstabilisation de l’Iran, avec lequel elle entretient des relations de bon voisinage et a même signé il y a quelques mois un partenariat stratégique, est effectivement perçue avec inquiétude au Kremlin.

Pour autant, on a conscience à Moscou que s’il y a un changement de régime à Téhéran dans les prochains mois ou les prochaines années, l’émergence d’un régime pro-américain ne signifirait pas automatiquement qu’il soit, en même temps, anti-russe. On se souvient que, en 1979, l’avènement de la République islamique, violemment hostile à Washington, ne s’est nullement accompagné d’une alliance entre Téhéran et l’URSS. Ce n’est pas parce qu’il y aurait un changement dans l’orientation globale de la politique étrangère du pouvoir iranien que la relation avec la Russie changerait automatiquement. Il n’empêche que Moscou a intérêt à ce qu’il n’y ait pas de déstabilisation majeure sur son flanc sud.

Quels sont les principaux aspects de la relation russo-iranienne ?

Elle se déploie dans de nombreux secteurs. Tout d’abord, n’oublions pas que ce sont deux grands producteurs d’hydrocarbures. Les premières réserves mondiales de gaz se trouvent en Russie, les deuxièmes en Iran. Ce sont aussi deux pays visés par les sanctions occidentales, ce qui complique leurs exportations de gaz et de pétrole. La Russie peut vendre un peu de gaz à l’Iran, car les gisements gaziers iraniens sont dans le sud du pays, et il est plus pertinent d’acheminer du gaz depuis la Russie jusqu’au nord de l’Iran que depuis le sud de l’Iran.

Par ailleurs, le territoire iranien est pour Moscou une importante zone de transit pour y construire les oléoducs qui lui permettront de vendre davantage de pétrole à l’Inde, dont la demande ne cesse de croître. La Russie n’ayant plus accès au marché gazier européen par gazoducs, elle se tourne résolument vers d’autres débouchés, à commencer par l’Inde, donc, mais aussi, entre autres, le Pakistan.

De plus, et même si la République islamique ne l’a jamais reconnu publiquement, l’Iran est un des seuls pays au monde à apporter un soutien militaire à la Russie dans son effort de guerre en Ukraine – et cela, alors que le partenariat de 20 ans signé en janvier dernier ne comportait pas de clause d’automaticité d’un soutien mutuel entre les deux pays en cas de guerre. Il n’y a pas de pacte de défense entre la Russie et l’Iran ; leur partenariat est qualifié de stratégique, mais ce n’est pas une alliance militaire.

En outre, n’oublions pas que cette relation est déséquilibrée. La Russie est une grande puissance internationale, un membre permanent du Conseil de sécurité. L’Iran, lui, est une puissance régionale. La Russie a, au Moyen-Orient comme ailleurs, une politique multidimensionnelle et, aujourd’hui, elle commerce plus avec l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar qu’avec l’Iran, même si les échanges bilatéraux sont en augmentation du fait de l’intensification constante des sanctions occidentales contre les deux pays, qui suscite chez eux une sorte de solidarité entre sanctionnés. Mais il existe aussi des limites au potentiel économique des coopérations entre deux pays producteurs d’énergie, et donc potentiellement concurrents.

Sur quoi le traité de partenariat stratégique porte-t-il précisément ?

En réalité, ce partenariat établit avant tout un état des lieux des coopérations existantes. Il ne traduit pas forcément une avancée vers la construction d’une alliance.

La question sécuritaire est très importante. Il y a des coopérations entre les polices russe et iranienne. La Russie peut notamment livrer du matériel anti-émeute à la police iranienne. La coopération s’exprime également dans le domaine spatial et, très important, dans celui du cyberespace.

L’Iran dispose dans ce domaine de capacités défensives déficientes, on l’a vu dernièrement lors de la confrontation avec Israël, quand Tel Aviv a notamment réussi à perturber le fonctionnement des réseaux bancaires iraniens, mais aussi des pompes à essence et même de la télévision.

La Russie est très forte dans les deux capacités cyber, offensives et défensives, et elle peut aussi aider l’Iran à améliorer ses défenses contre les cyberattaques dont il fait l’objet.

Les événements survenus depuis le 13 juin ont-ils encore renforcé la proximité Moscou-Téhéran ?

La Russie a évidemment apporté un soutien politique à l’Iran, parce que la situation alimente son récit anti-américain. Le fait qu’il y ait des opérations militaires illégales conduites par les États-Unis et Israël, sans que la communauté internationale ne condamne ces deux pays, permet à la Russie de souligner les doubles standards dont elle estime être la victime, puisqu’elle est, elle, durement sanctionnée pour sa guerre en Ukraine.

De plus, Kiev a apporté son soutien aux frappes menées par les États-Unis. Quand la Russie s’adresse aujourd’hui aux pays dits du Sud, elle a beau jeu de se positionner comme leur alliée face à des Occidentaux qui, dans l’affaire iranienne, font peu de cas de ce droit international qu’ils invoquent volontiers dans l’affaire ukrainienne.

Trump semble invoquer la loi du plus fort plus que le droit international…

Effectivement. Il a dit à un moment donné, à propos des attaques israéliennes contre l’Iran, qu’il est très difficile d’arrêter une opération militaire quand une puissance est en train de gagner. Dans son esprit, cela vaut pour Israël en Iran, mais aussi pour la Russie en Ukraine. Trump est un pragmatique, pas un dirigeant qui s’inspire du courant néo-conservateur comme George W. Bush en son temps.

Y a-t-il eu des discussions entre, d’un côté, les Russes et, de l’autre, les Américains et les Israéliens, sur l’ampleur des frappes israéliennes et américaines en Iran ?

Il semble que oui, car les Russes ont obtenu que la centrale de Bouchehr, qu’ils ont aidé les Iraniens à construire et qui est la seule centrale nucléaire d’Iran en activité soit épargnée par les frappes et que les centaines de travailleurs russes qui sont présents sur les réacteurs deux et trois, en construction, de cette centrale ne soient pas pris pour cible.

Justement, quelle est l’implication de la Russie dans le programme nucléaire civil de l’Iran ?

Elle a remplacé les Européens qui ont contribué au programme nucléaire civil iranien dans les années 1970. À partir des années 1990, elle a remplacé la France et l’Allemagne, qui étaient vraiment les fers de lance du programme nucléaire civil iranien des années 1970. La rupture révolutionnaire s’est traduite pour Paris et Berlin, par la perte du marché du nucléaire civil iranien, qui était notamment important pour Framatome à l’époque. Quand la France et l’Allemagne critiquent le programme nucléaire iranien depuis les années 2000, c’est donc plus pour des raisons géopolitiques que des considérations techniques. Le programme nucléaire civil aujourd’hui progresse avec l’aide de la Russie.

Et pour ce qui est du nucléaire militaire iranien ?

Aujourd’hui, il n’y a pas de preuve de l’acquisition par l’Iran de systèmes d’armes nucléaires. Et les Russes ont toujours été assez constructifs sur cette question. En 2005, ils avaient proposé de prendre l’uranium enrichi iranien et de l’amener sur le territoire russe, tout en aidant l’Iran à développer son programme nucléaire civil. Téhéran avait refusé cette solution en insistant sur la nécessité d’enrichir l’uranium sur le territoire iranien. Aujourd’hui encore, ils ont proposé de récupérer chez eux les 400 kilos d’uranium iranien enrichi à 60 %…

Du point de vue de l’Iran, pourquoi enrichir l’uranium à 60 %, au lieu de se contenter de l’enrichir à peine quelques pourcents, ce qui est suffisant pour fabriquer de l’électricité ? En l’enrichissant à un niveau si élevé, proche du seuil nécessaire pour le militariser, ne donne-t-on pas un argument massue à Israël et aux États-Unis pour intervenir ?

Il s’agit d’une stratégie réfléchie. En 2018, Donald Trump a retiré les États-Unis de l’accord de Vienne et a rétabli les sanctions économiques contre l’Iran. Dans ces conditions, les Iraniens ont opté pour ce qu’on appelle la stratégie du bord du gouffre, autrement dit la stratégie du chantage nucléaire. L’Iran a donc progressivement augmenté son taux d’enrichissement d’uranium. Parce que pour l’Occident, le programme nucléaire iranien, c’est un peu comme le drapeau rouge du toréador. Quand la République islamique exhibe le chiffon rouge du 60 %, les Occidentaux se focalisent sur la question nucléaire et non sur la politique régionale ou la question des droits humains. Cette obsession occidentale de la possible militarisation du nucléaire iranien permettait dans la stratégie de négociation iranienne d’augmenter sa marge de manœuvre tout en évitant de parler des autres dossiers. L’objectif était alors de négocier en position de force pour obtenir la levée ou la suspension des sanctions en contrepartie d’un abandon de cet enrichissement élevé.




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Mais cette stratégie du bord du gouffre nucléaire s’est retournée contre ses instigateurs…

Oui. Les Iraniens ne s’attendaient pas à ce qu’Israël se mette à bombarder leurs installations nucléaires. Ils pensaient que Trump s’opposerait à cette perspective, comme George W. Bush l’avait fait en 2008, quand Israël avait déjà sérieusement envisagé cette option. Force est de constater que leurs calculs se sont révélés erronés.

Pour autant, leur capacité à se doter de l’arme nucléaire n’a pas été annihilée, et à l’avenir, si la République islamique le souhaite, elle pourra, sur le plan technique, fabriquer des systèmes d’armes nucléaires. Mais vu le niveau d’infiltration de son appareil de sécurité et de sa structure de pouvoir, il n’est pas sûr que cette décision politique puisse être prise sans qu’Israël en ait connaissance.

En ce cas, que pourrait faire Israël de plus ? Il n’a ni les moyens, ni sans doute l’envie d’envahir l’Iran en envoyant des centaines de milliers d’hommes au sol…

C’est vrai, il n’y a pas de solution militaire. Les frappes, en détériorant des infrastructures nucléaires et en tuant des scientifiques, peuvent retarder la possibilité de voir la fabrication de systèmes d’armes nucléaires en Iran si une telle décision était prise à Téhéran. Cependant, elles ne peuvent pas détruire tous les équipements de l’Iran ni toutes les connaissances que les Iraniens ont accumulées pendant des décennies.

Ce fameux chiffon rouge qui fait bondir le torero occidental semble ne pas beaucoup faire réagir les Russes… On imagine pourtant qu’eux non plus ne souhaitent pas voir l’Iran se doter de l’arme nucléaire. Ils sont notamment opposés à ce que l’Iran sorte du Traité de non-prolifération (TNP)…

Certes, mais il faut rappeler ce que dit le TNP, c’est-à-dire le droit international. Il y a trois parties dans le TNP : droit au nucléaire civil ; non-prolifération ; et l’objectif du désarmement des puissances dotées.

Cela étant posé, oui, la Russie ne souhaite pas que l’Iran sorte du TNP, elle ne veut pas d’une prolifération nucléaire sur son flanc sud. La Russie partage l’objectif américain en ce qui concerne la possible militarisation du nucléaire iranien, mais elle ne partage pas la méthode américaine.

Comment qualifieriez-vous la relation entre la Russie et Israël ? Est-ce qu’Israël considère la Russie comme un ennemi, du fait de son partenariat stratégique avec l’Iran, selon le principe qui veut que l’ami de mon ennemi soit mon ennemi ?

Non. La Russie a une relation fonctionnelle avec Israël – et d’ailleurs, c’est pour ça que la Russie a pu négocier avec Israël et faire en sorte que celui-ci ne cible pas la centrale de Bouchehr. Et la Russie n’a pas apporté de soutien militaire à l’Iran. Le vrai problème, pour Israël, c’est que la Russie utilise pleinement la question palestinienne dans sa guerre informationnelle : de même qu’elle va dénoncer l’opération militaire illégale américaine contre l’Iran, elle dénonce depuis plus d’un an et demi la guerre que mène Israël à Gaza. Les Russes jouent ces cartes, je l’ai dit, pour développer leur relation avec les Suds ; en revanche, Israël va, en réponse, développer ses relations avec l’Ukraine.

Traditionnellement, dans l’affaire russo-ukrainienne, la majorité de l’opinion publique iranienne soutient l’Ukraine. La proximité avec Moscou, c’est vraiment un projet des élites de la République islamique et du Guide suprême en particulier. L’absence de soutien militaire russe lors de la « guerre de douze jours » ne changera pas ce calcul, faute d’option alternative. Quand vous avez une idéologie anti-américaine aussi forte que celle de la République islamique, votre flexibilité en termes de politique étrangère est faible. C’est d’ailleurs l’une des principales raisons pour lesquelles la Russie occupe une position dominante dans le partenariat russo-iranien : elle dispose d’une plus grande marge de manœuvre dans ses relations avec les États-Unis. L’Iran, lui, est bien plus dépendant de la Russie que l’inverse…


Propos recueillis par Grégory Rayko

The Conversation

Clément Therme ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. La Russie sort-elle renforcée de la guerre israélo-iranienne ? – https://theconversation.com/la-russie-sort-elle-renforcee-de-la-guerre-israelo-iranienne-259737

Réarmement européen : informations sensibles, fuites… comment gérer le secret dans l’innovation militaire

Source: – By Sihem BenMahmoud-Jouini, Associate Professor, HEC Paris Business School

L’innovation militaire nécessite un équilibre entre secret et collaboration. Une recherche analyse les stratégies mises en œuvre par un grand groupe de défense, renommé « Globaldef » pour des raisons de confidentialité – afin de concilier innovation ouverte et sécurité de l’information.


Face aux engagements incertains du président américain Donald Trump et aux ambitions du président russe Vladimir Poutine, les capitales européennes ne parlent plus que de réarmement.

Dans cette perspective, la Commission européenne a proposé un plan d’investissement de 800 milliards d’euros visant à « accroître rapidement et de manière significative les dépenses en capacité de défense », selon les mots de sa présidente Ursula von der Leyen.

Le financement n’est que le premier d’une série d’obstacles à surmonter pour innover dans le domaine militaire. Renforcer les capacités « rapidement et de manière significative » s’annonce complexe pour un secteur contraint de suivre le rythme soutenu des évolutions technologiques.

Bien sûr, les industriels de la défense ne sont pas seuls : ils peuvent s’appuyer sur un large éventail de partenaires potentiels, des PME aux start-ups. Mais ces collaborations pour innover supposent de la confiance et une disposition à partager des informations sensibles – des exigences qui semblent difficilement conciliables avec les impératifs de la confidentialité militaire.

C’est pourquoi le réarmement de l’Europe exige une nouvelle approche de la confidentialité.

Un article que j’ai coécrit avec Jonathan Langlois (HEC), sur la base de ses travaux de doctorat, et Romaric Servajean-Hilst (KEDGE Business School) analyse les stratégies mises en œuvre par un grand groupe de défense – que nous avons renommé « Globaldef » pour des raisons de confidentialité –, afin de concilier innovation ouverte et sécurité de l’information. Les 43 professionnels interrogés – responsables recherche et développement (R&D), dirigeants de start-up, responsables de l’innovation – ne suivent pas consciemment une méthode commune. Pourtant, leurs approches fines et évolutives peuvent servir de référence cohérente pour l’ensemble du secteur européen de la défense, confronté à l’urgence de s’adapter à un environnement en mutation.

Paradoxe de l’ouverture

Notre recherche, menée entre 2018 et 2020, s’inscrit dans un contexte où les industriels de la défense se tournent vers l’innovation ouverte pour compenser le désengagement de certains soutiens clés. S’observe alors une baisse marquée des dépenses publiques en R&D militaire dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Aujourd’hui, même si les financements repartent à la hausse, le recours à l’innovation externe reste essentiel pour accélérer l’accès aux connaissances.

Lorsqu’elles collaborent pour innover, les entreprises se heurtent à ce que les spécialistes de l’innovation ouverte appellent « le paradoxe de l’ouverture ». Il s’agit de trouver un équilibre entre les bénéfices attendus de la collaboration et les risques liés au partage d’informations. Dans le secteur de la défense – à la différence, par exemple, à celui des biens de consommation –, une trop grande ouverture ne menace pas seulement la compétitivité économique. Elle peut entraîner des risques majeurs pour la sécurité nationale… voire des poursuites pénales pour les dirigeants concernés.

Bien que la confidentialité soit une préoccupation constante, les responsables de Globaldef se retrouvent souvent dans ce que l’un de nos interlocuteurs a qualifié de « zone floue », où certaines informations peuvent être interprétées comme sensibles, sans pour autant être formellement classées secrètes. Dans ce type de situation, adopter la posture classique du secteur – privilégier la prudence et garder le silence – rend toute démarche d’innovation ouverte irréalisable.


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Pratiques cognitives et relationnelles

L’analyse de plus de 40 entretiens, complétée par un corpus riche de données complémentaires (e-mails, présentations PowerPoint, activités de crowdsourcing, etc.), nous a permis de constater que les équipes de Globaldef mettent en place des pratiques très précises pour gérer et ajuster le niveau de confidentialité dans leur gestion des collaborations avec des entreprises civiles.

Notre étude distingue deux types de pratiques : cognitives et relationnelles. Les pratiques cognitives jouent le rôle de filtres stratégiques, dissimulant les éléments les plus sensibles des connaissances de Globaldef, sans pour autant freiner les échanges au point de compromettre la collaboration.

Selon la nature du projet, les pratiques cognitives pouvaient inclure une ou plusieurs des approches suivantes :

  • cryptage : renommer certains éléments de connaissance afin d’en dissimuler la nature et la finalité ;

  • obfuscation : brouiller volontairement certains détails du projet afin de préserver la confidentialité tout en facilitant le recrutement de partenaires ;

  • simplification : présenter les paramètres du projet de manière volontairement floue pour évaluer la pertinence d’un partenaire, sans divulguer les contraintes réelles ;

  • transposition : reformuler un problème militaire en le replaçant dans un contexte civil.

Les pratiques relationnelles consistent, quant à elles, à redéfinir le cadre même du partenariat, en contrôlant de manière sélective le degré d’accès des parties externes aux objectifs et aux caractéristiques des projets de Globaldef. Cela peut passer, par exemple, par un centrage de la collaboration sur des aspects périphériques plutôt que sur les technologies cœur avec un périmètre large de partenaires, ou par la mise en place d’accords de confidentialité avec un nombre étroit de partenaires, permettant un partage de connaissances plus important.

Bon tempo

En combinant pratiques cognitives et relationnelles, Globaldef parvient à contourner les écueils du paradoxe de l’ouverture. Lors des premières phases d’innovation ouverte – exploration et sélection de partenaires potentiels –, les responsables peuvent élargir le périmètre de collaboration (pratique relationnelle), tout en limitant rigoureusement la diffusion d’informations sensibles (pratique cognitive).




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Cela leur permet d’interagir librement avec des acteurs externes sans enfreindre les règles internes de confidentialité. À mesure que les partenariats mûrissent et que la confiance s’installe, Globaldef lève progressivement certaines protections cognitives, en ouvrant l’accès à des données plus précises et détaillées. Ce relâchement est généralement compensé par un renforcement des garde-fous relationnels, par exemple au moyen de procédures administratives et de protocoles destinés à prévenir tout risque de fuite.

En analysant en détail six partenariats d’innovation ouverte menés par l’entreprise, nous avons constaté que la clé de cette approche réside dans la capacité à savoir quand basculer d’un mode à l’autre. Chaque projet suivait son propre tempo.

Dans le cas d’un projet de crowdsourcing, la transition d’une faible à une forte profondeur cognitive et d’une large à une étroite ouverture relationnelle s’est opérée de façon brutale, dès la formalisation du partenariat. En effet, le partenaire de Globaldef a besoin d’informations précises et de paramètres techniques clairs pour résoudre le problème posé. Une transparence quasi totale, encadrée par une stricte confidentialité, doit donc être instaurée dès le départ.

Dans un autre cas, Globaldef maintient les filtres cognitifs pendant toute la phase initiale d’un partenariat avec une start-up. Pour évaluer les capacités technologiques de cette dernière, l’entreprise lui soumet un problème reformulé de manière à en masquer les enjeux réels. Ce n’est qu’après cette première épreuve réussie que la collaboration peut s’engager sur une base pleinement transparente, conditionnée par l’obtention, par la start-up, d’une autorisation d’accès à des informations de défense en vue d’un développement technologique conjoint.

Confidentialité adaptative

Même si le contexte géopolitique a profondément évolué depuis notre étude, le paradoxe de l’ouverture reste un défi majeur pour les industriels européens de la défense. Les dirigeants doivent composer avec une tension persistante : d’un côté, la nécessité évidente de recourir à l’innovation ouverte, de l’autre, les impératifs de confidentialité propres à leur secteur.

Notre recherche montre que, à l’image de Globaldef, d’autres acteurs européens de la défense peuvent apprendre à gérer habilement ce paradoxe. Mais cela suppose d’adopter une définition plus fine, plus souple et plus évolutive de la confidentialité – à rebours de la vision rigide et absolue qui domine encore largement le secteur. Il est nécessaire de faire évoluer la conception de la confidentialité, en passant d’un cadre essentiellement juridique à une approche résolument stratégique.

Et cela s’applique plus largement à toute entreprise et institution soucieuse d’innover tout en conservant sa souveraineté.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

ref. Réarmement européen : informations sensibles, fuites… comment gérer le secret dans l’innovation militaire – https://theconversation.com/rearmement-europeen-informations-sensibles-fuites-comment-gerer-le-secret-dans-linnovation-militaire-259744

Européens en Afrique : « migrants », « voyageurs » ou « clandestins » ?

Source: – By David Lessault, Chargé de recherche au CNRS, spécialiste des migrations et mobilités internationales, Université d’Angers

Des touristes accompagnés d’un guide au Parc national de la Langue de Barbarie, à proximité de Saint-Louis-du-Sénégal (Sénégal). 6artphotographie/Wikipedia, CC BY-NC-SA

À l’heure où les États européens multiplient les mesures coercitives pour juguler l’immigration irrégulière venue d’Afrique et du Proche-Orient, une part croissante de leurs ressortissants s’installent ou circulent librement – et, parfois, clandestinement – de l’autre côté de la Méditerranée. Ce paradoxe, mis ici en lumière à travers le cas du Sénégal, souligne le caractère très inégal des conditions d’accès à la mobilité internationale entre l’Afrique et l’Europe.


Les données fournies par la Direction de la police de l’air et des frontières (DPAF) qui s’appuient notamment sur les fiches transmises par les voyageurs au moment du passage dans les aéroports et aux postes frontières, montrent l’intensité de la circulation des Européens au Sénégal. Si le nombre d’Européens vivant au Sénégal à l’année selon le décompte des recensements nationaux était estimé à 7 773 en 2018, ils étaient entre 273 000 et 300 000 à être entrés ou sortis du territoire la même année

Entrées et sorties de ressortissants de pays d’Europe.
Agence nationale de la statistique et de la démographie (Sénégal)

Le calcul de ces mouvements intègre les touristes, les étudiants, les voyages d’affaires, les séjours des « hivernants », les arrivées d’expatriés, etc. Les « immigrants » recensés par l’Agence nationale de la statistique (ANSD) ne représentent donc qu’environ 2 ou 3 % du nombre de personnes en circulation réellement présentes dans le pays.

En février 2023, nous avons rendu compte de la transformation de la station balnéaire de Saly au Sénégal sous l’effet de l’installation durable de populations européennes. De fait, la Petite-Côte sénégalaise a connu une accélération de son urbanisation littorale liée, entre autres, à l’essor d’un tourisme résidentiel pratiqué par une diversité de populations étrangères, de Dakarois et de membres de la diaspora. Leur présence a eu un impact significatif sur la transformation des paysages, sur l’économie locale et les risques environnementaux.

Mais aux présences européennes identifiées et localisées sur la Petite-Côte s’ajoutent d’autres profils plus atypiques rencontrés en 2025 qui sillonnent le pays pour des motifs et des durées variables et que l’on retrouve souvent dans des espaces de nature plus reculés, mieux préservés.

Saly, Petite-Côte

Un bref retour en février 2025 dans la station balnéaire de Saly indique que la fréquentation touristique est en baisse cet hiver au Sénégal. Les plages et les hôtels sont assez déserts.

Selon Jacques, un hôtelier installé depuis une vingtaine d’années, « c’est mondial… avec la crise du pouvoir d’achat en Europe, la concurrence des destinations comme le Maroc qui est nettement moins cher, on voit moins de monde » […] « Par contre, poursuit-il, on a de plus en plus de voyageurs “au sac à dos”, “des routards”allemands, suisses, mais c’est beaucoup moins rentable pour nous. Ils arrivent avec peu de moyens, consomment peu sur place et choisissent les hébergements les plus sommaires. »

Véhicules individuels des « routards », février 2025.
David Lessault, Fourni par l’auteur

Langue de Barbarie, nord Sénégal

Cette impression nous est confirmée en visitant un campement installé sur la Langue de Barbarie près de Saint-Louis-du-Sénégal, dans le nord du Sénégal. Le lieu, tenu par un couple de Suisses, affiche « complet ». Tous les emplacements réservés au stationnement des véhicules et raccordés à une borne électrique sont occupés. On compte une vingtaine de camions aménagés et quelques motos.

Véhicules individuels des « routards », Février 2025.
David Lessault, Fourni par l’auteur

Louisa et Josefa viennent des îles Canaries. Ces deux trentenaires espagnoles voyagent en voiture « Coccinelle » avec leur chien. Elles sont parties depuis quatre mois déjà et ne savent pas quand elles vont rentrer : elles se laissent « porter par le voyage ». Elles ont poursuivies leur route jusqu’en Guinée, Avant de se rendre en Mauritanie puis au Sénégal pour s’établir quelques jours dans un campement.

Une discussion en anglais s’amorce avec Niklas, motard autrichien d’une soixantaine d’années qui vient d’arriver. Lui aussi vient de Mauritanie où il a laissé son camion aménagé, son « camp de base mobile ». Il est parti en décembre du nord du Maroc et a traversé le pays en longeant la frontière algérienne en plein désert saharien. Passionné de motocross, il effectue des raids journaliers avec son traceur GPS et un sac à dos pour seul matériel. Dans son périple, il a fait par hasard la rencontre de Tim, un jeune Néo-Zélandais qui s’est lancé dans un périple de 1000 kilomètres, en complète autonomie, de la Mauritanie à la Casamance traversant du nord au sud le Sénégal.

Chez les détenteurs de camping-cars, on trouve principalement de jeunes retraités belges et français, habitués des aires aménagées du Sud marocain (notamment de la région de Tiznit) qui expérimentent quelques semaines au Sénégal avant de remonter quand la chaleur sera plus forte et incommodante.

Véhicules individuels des « routards ».
David Lessault, Fourni par l’auteur

Dioudj, nord Sénégal

Plusieurs campements similaires sont établis autour de Saint-Louis. À proximité du Parc aux Oiseaux de Djoudj, réserve naturelle protégée proche de la frontière mauritanienne, nous faisons la connaissance de Charles.

Ce septuagénaire passionné d’ornithologie voyage seul, à pied, avec son sac à dos et sa paire de jumelles. Il est arrivé à Dakar il y a deux mois. D’abord parti visiter les îles du Saloum dans le sud, il est remonté vers Saint-Louis en empruntant divers modes de transports collectifs, de la charrette sur les pistes aux autocars qui relient les grandes villes du pays. Il loge depuis une semaine dans un campement sommaire, équipé du strict mínimum, en pleine campagne sénégalaise.

Véhicules collectifs empruntés par les voyageurs au « sac à dos », Février 2025.
David Lessault, Fourni par l’auteur

Îles du Saloum, littoral centre-ouest du Sénégal

À quelques kilomètres, un autre campement accueille une mère de famille française à la retraite accompagnée de ses deux enfants (d’une trentaine d’années). Le fils se dit « expatrié » et travaille à Dakar comme ingénieur dans un projet de dessalement des eaux. Sa mère et sa sœur sont venues lui rendre visite et ils ont décidé de traverser le Sénégal en « sac à dos » de la frontière mauritanienne à la frontière gambienne au sud.

Véhicules collectifs empruntés par les voyageurs au « sac à dos », Février 2025.
David Lessault, Fourni par l’auteur

Ils changent de campement tous les deux ou trois jours et empruntent également la diversité des services de transport qui s’offrent à eux, au gré des rencontres. Leurs prochaines destinations : Toubacouta dans le Delta du Saloum, puis Kafountine en Casamance.

Des émigrants irréguliers sénégalais

Jean-Paul, le propriétaire d’un campement sur la Langue de Barbarie évoque « les deux fléaux qui le préoccupent le plus » : le risque à moyen terme de disparition de certains hébergements littoraux sous l’effet de l’accélération de l’érosion côtière mais surtout l’émigration clandestine en pirogues.

Selon lui, « tous les jeunes du village sont aujourd’hui en Europe, en particulier en Espagne. Ils ont abandonné la pêche, laissé leurs pirogues et le village s’est vidé de ses jeunes ».

Sur le ton de la moquerie, il confie la présence régulière dans son campement de patrouilles militaires espagnoles qui viennent profiter de la vue imprenable et confortable de la terrasse pour surveiller les départs en pirogues : « S’ils savaient par où ils passent… on ne peut pas contrôler ça d’ici. »

Injustice spatiale ?

Le sentiment de liberté, l’aisance de circulation dont bénéficient les voyageurs et routards européens peut interroger au regard des contraintes qui sont imposées aux populations locales lorsqu’elles souhaitent se rendre en Europe.

Aux figures du « migrant », de « l’errant », du « clandestin » attribuées d’emblée aux voyageurs africains, on oppose sans les discuter, les qualificatifs d’« expatrié », de « touriste », d’« hivernant » aux voyageurs européens présents dans les Suds.

On part d’ailleurs toujours du principe que les présences européennes sont bénéfiques pour les pays africains d’accueil – ce qui est loin d’être démontré et souvent discutable, alors que les présences africaines en Europe sont de plus en plus jugées par la négative sur le registre du « fardeau », de la contrainte, de l’illégalité.

Pour autant, la situation de nombreux Européens au Sénégal est loin d’être conforme aux lois en vigueur dans le pays. Le visa touristique est délivré gratuitement aux ressortissants européens et autorise une entrée pour des séjours de moins de trois mois. Or, il n’est pas rare que les voyageurs européens résident ou circulent au Sénégal au-delà de ce délai sans engager les démarches, en théorie, nécessaires au prolongement de leur séjour. Les qualifie-t-on pour autant de « clandestins » ?

Les rapports à la circulation selon que l’on soit européen ou africain montrent qu’on est encore loin de l’idéal développé dans la théorie du philosophe John Rawls (1971), pour qui la justice spatiale est d’abord l’organisation de l’espace politique la plus adéquate pour le respect effectif de l’égalité des droits, y compris celui de circuler.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

ref. Européens en Afrique : « migrants », « voyageurs » ou « clandestins » ? – https://theconversation.com/europeens-en-afrique-migrants-voyageurs-ou-clandestins-258464

La coopération scientifique, amorce d’une relation renforcée entre la France et le Groenland

Source: – By Anne Choquet, Enseignante chercheure en droit, laboratoire Amure (UBO, Ifremer, CNRS), Ifremer

« Rien sur nous sans nous », tel est l’adage du Groenland, reprenant ainsi le slogan historique des groupes sociaux et nationaux marginalisés. À l’heure des velléités états-uniennes, de nouvelles coopérations avec la France émergent, notamment scientifiques.


La visite très médiatisée d’Emmanuel Macron au Groenland, une première pour un président français, marque une nouvelle dynamique de la politique étrangère dans l’Arctique. Elle met en lumière la solidarité transpartisane des acteurs politiques en France à l’égard du Danemark et du Groenland. Le pays signifie Terre des Kalaallit – en groenlandais Kalaallit Nunaat – du nom des Inuit, le plus grand groupe ethnique de l’île. La « terre verte » a gagné en visibilité stratégique et écologique en affrontant de nouveau les aspirations impériales de Donald Trump.

Organisée à l’invitation du premier ministre du Groenland, Jens-Frederik Nielsen, et de la Première ministre danoise, Mette Frederiksen, cette visite dépasse largement le simple statut d’escale protocolaire avant le Sommet du G7 au Canada. Elle s’inscrit dans une séquence entamée en mai 2025 avec le passage à Paris de la ministre groenlandaise des affaires étrangères et de la recherche. Quelques semaines plus tard, en marge de la troisième Conférence des Nations unies sur l’océan, le président français s’entretient à Monaco avec le premier ministre du Groenland.

Cette multiplication de rencontres signale un tournant : le Groenland n’est plus perçu comme une simple périphérie du royaume du Danemark, mais comme un partenaire politique, économique et scientifique en devenir. Avec quelles formes de coopération ?

Développement d’un axe arctique

En octobre 2015, François Hollande se rend au pied du glacier islandais Solheimajökull. Ce déplacement, survenu peu avant la COP21 à Paris, vise à alerter sur les effets des changements climatiques et à souligner l’intérêt d’un traité international sur la question – ce qui sera consacré avec l’adoption de l’accord de Paris. Dix ans plus tard, l’Arctique reste un espace d’alerte écologique mondial. Sa calotte glaciaire a perdu 4,7 millions de milliards de litres d’eau depuis 2002.

Lors de la troisième Conférence des Nations unies sur l’océan à Nice (Unoc), le 9 juin dernier, le président Macron affirme son soutien au Groenland : « Les abysses ne sont pas à vendre, pas plus que le Groenland n’est à prendre ».

Dans le contexte des tensions géopolitiques arctiques, le rapprochement franco-groenlandais brise l’imaginaire d’une France exclusivement tournée vers le Sud, l’Atlantique ou les espaces indopacifiques. On peut y voir l’émergence d’un axe arctique, certes encore peu exploré malgré quelques prémices sur le plan militaire, notamment avec des exercices réguliers de l’Otan. Quelques jours avant la visite présidentielle, deux bâtiments de la Marine nationale naviguent le long des côtes groenlandaises, en route vers le Grand Nord, afin de se familiariser avec les opérations dans la région. Plus largement, la France détient le statut d’État observateur au sein du Conseil de l’Arctique depuis 2000. Elle formalise son intérêt stratégique pour cette zone en 2016, avec la publication d’une première feuille de route pour l’Arctique.

Présence face aux puissances traditionnelles

Cette approche s’inscrit dans le cadre plus large d’une volonté européenne de renforcer sa présence dans une région longtemps dominée par les puissances traditionnelles locales :

  • les États côtiers de l’Arctique (A5) : Canada, Danemark, États-Unis, Fédération de Russie et Norvège ;

  • les huit États membres du Conseil de l’Arctique (A8) : Canada, Danemark, États-Unis, Fédération de Russie, Norvège, Finlande, Islande et Suède.

Fin 2021, l’Union européenne lance le programme Global Gateway, pour mobiliser des investissements et financer des infrastructures. Conforme à cette initiative, l’Union européenne et le Groenland, territoire d’outre-mer non lié par l’acquis communautaire signent en 2023 un partenariat stratégique relatif aux chaînes de valeur durables des matières premières.

La montée en exergue de la « Terre verte » sur la scène internationale se traduit par le déploiement progressif de sa diplomatie extérieure, malgré son statut d’entité territoriale non souveraine. Le territoire dispose de représentations officielles à Bruxelles (la première à l’étranger, ouverte en 1992), à Washington D.C. (ouverte en 2014), à Reykjavik (ouverte en 2017) et à Pékin (ouverte en 2021). De leur côté, les États-Unis ouvrent un consulat à Nuuk en 2020, sous la première présidence Trump. L’Union européenne y inaugure un bureau en mars 2024, rattaché à la Commission européenne, dans le cadre de sa stratégie arctique.




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L’annonce faite par le président Macron lors de sa visite à Nuuk de l’ouverture prochaine d’un consulat général français au Groenland confirme cette tendance.


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Ressources convoitées

Le Groenland est un territoire autonome du Royaume du Danemark. Depuis la loi sur l’autonomie élargie du Groenland entrée en vigueur le 21 juin 2009, il dispose de compétences accrues, notamment dans la gestion de ses ressources naturelles.

Sa position géostratégique au cœur de l’Arctique et ses richesses en minerais en font un territoire d’intérêt croissant pour plusieurs puissances extérieures comme les États-Unis, la Chine et l’Union européenne.

Ressources minières au Groenland
Le Groenland possède des gisements de minerais rares, essentiels aux technologies modernes : terres rares, uranium, zinc, plomb, etc.
Greenland portal

Parmi les ressources d’intérêts, « on y trouverait un nombre considérable de minéraux (rares). Certains sont considérés comme stratégiques, dont le lithium, le zirconium, le tungstène, l’étain, l’antimoine, le cuivre sédimentaire, le zinc, le plomb (à partir duquel on produit du germanium et du gallium), le titane et le graphite, entre autres ». Le Groenland bénéficie notamment de contextes géologiques variés favorables à la présence de gisements de [terres rares] attractifs pour les compagnies d’exploration.

Coopération scientifique

La France cherche à tisser des liens économiques durables avec le Groenland. En 2022, la stratégie polaire française à l’horizon 2030 mentionne le Groenland. Elle invite à un réengagement de la science française au Groenland, ce qui signe une évolution importante de la recherche, notamment en sciences humaines et sociales. En 2016, dans la « Feuille de route nationale sur l’Arctique », le Groenland apparaît au travers de ses ressources potentielles, et non au niveau de la dimension bilatérale scientifique.

La stratégie polaire de la France à horizon 2030 propose plusieurs pistes « comme l’installation d’un bureau logistique, l’implantation dans une station déjà opérée par des universités, la création d’une infrastructure en lien avec les autorités et municipalités groenlandaises ». La recherche française s’y est affirmée, notamment grâce au soutien déterminant de l’Institut polaire français Paul-Émile-Victor (Ipev).

L’Université Ilisimatusarfik, la seule université groenlandaise, située à Nuuk, a déjà des partenariats avec des universités et grandes écoles françaises, notamment grâce au réseau européen Erasmus + auquel est éligible le Groenland. Elle entretient des relations privilégiées avec des universités françaises par le biais du réseau d’universités, d’instituts de recherche et d’autres organisations que constitue l’Université de l’Arctique (Uarctic). Sont membres uniquement trois universités françaises : Aix Marseille Université, Université de Bretagne Occidentale et Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.

« Rien sur nous sans nous »

Du côté groenlandais, une invitation à un renforcement de la coopération bilatérale avec la France s’observe dans la stratégie pour l’Arctique. La France est expressément citée à côté de l’Allemagne, de la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg, de l’Espagne, de l’Italie, de la Pologne et de la République tchèque.

Ce croisement stratégique invite au développement de partenariats bilatéraux nouveaux et structurants.

Si le Groenland accepte une coopération internationale, ce n’est pas à n’importe quel prix. Le Kalaallit Nunaat cherche à être plus qu’une plateforme extractiviste, et à ne pas être vu uniquement comme un réservoir de ressources à exploiter. La vision stratégique nationale actuellement promue invite à une approche plus diversifiée qui mêlerait les différentes industries au sein desquelles le Groenland souhaite investir. Toute évolution devra nécessairement compter sur la volonté de la population groenlandaise, composée en très grande majorité d’Inuits. Comme l’affiche avec force le territoire notamment dans sa stratégie pour l’Arctique » : « Rien sur nous sans nous ».


Cet article a été co-rédigé avec Arthur Amelot, consultant expert auprès de la Commission européenne.

The Conversation

Anne Choquet est membre du Comité National Français des Recherches Arctiques et Antarctiques (CNFRAA).

Florian Aumond est membre du Comité national français des recherches arctiques et antarctiques.

ref. La coopération scientifique, amorce d’une relation renforcée entre la France et le Groenland – https://theconversation.com/la-cooperation-scientifique-amorce-dune-relation-renforcee-entre-la-france-et-le-groenland-259161

Fun with fossils: South African kids learn a whole lot more about human evolution from museum workshops

Source: The Conversation – Africa (2) – By Shaw Badenhorst, Associate Professor in Zooarchaeology, University of the Witwatersrand

‘Find the fossil sites’ interactive display, Maropeng exhibition, Cradle of Humankind. flowcomm, CC BY

South Africa has one of the world’s richest fossil records of hominins (humans and their fossil ancestors). But many misconceptions still exist regarding human evolution, and school textbooks contain inaccuracies.

South Africans still have some of the lowest rates of acceptance of human evolution, mostly due to conflicting religious views. Religion and the non-acceptance of evolution hinders the understanding of evolution by teachers and learners.

It doesn’t help that school subjects (evolution being one of them) are often taught in unengaging ways, rather than interactive methods.

Many studies have shown that collaborations between schools and informal science learning centres, such as natural history museums, can have a positive effect on school learners. Inquiry-based activities at museums have been shown to help learners gain knowledge and meaning about the past. Museum visits foster “thinking skills” through guided conversation and questions asked by educators and learners. New information is gained through reasoning, inference and deduction, which enhance learning.




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In 2018, a team of researchers from the University of the Witwatersrand launched workshops on human evolution for grade 12 learners (in the final year of secondary school) in South Africa’s Gauteng province. The aim was to stimulate interest in the palaeosciences and improve learner performance. We worked with learners from 13 schools in the area. The workshops were conducted at the museum of the university’s Evolutionary Studies Institute.

From tests before and after the workshops, we found that they improved the learners’ understanding and acceptance of concepts related to evolution. More teacher training and school visits to museums and exhibitions could build on this success.

Workshops on human evolution

Our human evolution workshops were conducted with well-resourced and historically disadvantaged schools attending. The grade 12 learners, aged 17 and 18 years, visited the fossil preparatory laboratory, searched for clues in the museum while answering a worksheet, and did activities on human evolution using inquiry-based approaches.




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These activities included measuring and describing skulls of apes and hominins, comparing hip bones to see whether the creature was able to walk upright on two legs, investigating stone tools, and drawing a phylogenetic tree (a diagram showing how species are descended from each other). Due to financial constraints, some of the workshops were held at the schools themselves.

The 687 learners wrote a test before and after the workshop to test their knowledge of hominin evolution. Their scores increased from an average of 39% to 61%.

The location of the workshops (either at the museum or at the school) did not affect the scores, suggesting that workshops can be scaled to reduce costs. Feedback from interviews indicated that learners regarded the workshops as beneficial, enabling them to learn new facts and gain a deeper understanding of human evolution. Teachers echoed the same view.

One learner said:

It was pretty enjoyable, and informative and interesting. Especially the part when we asked questions and we actually got answered. It helped us to understand the knowledge more.

Another said:

It is always better to physically see things as compared to seeing a picture of it, it is easier to understand it this way.

A teacher commented that learners

could literally see exactly what is happening and it is not just talk, they can touch it and they can take part in the experiment, which is not something they are exposed to at school.

It was apparent that learners understood human evolution better after the workshops. In the preliminary exam paper of Gauteng province, learners who attended the workshops scored nearly double (average 41%) the score of schools that did not attend (average 21%). While the scores are still low, and there is still much room for improvement, the results suggest that a short, hands-on workshop can make a major difference to learners.

The workshop also increased the acceptance of evolution from 41% to 51%. (It was not the purpose of the workshops to increase acceptance, but rather to improve understanding of the topic.)

Why the workshops worked

In our view, the workshops were successful because they used inquiry-based learning, learners working in groups using problem solving and physical handling of fossil casts. This enabled active participation in the learning process.




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With this approach, learners took ownership of the learning process and it developed their curiosity, interest and a desire to learn. The guidance of a subject expert during the workshops enhanced the quality of the workshops and the learning experience. It’s clear that visits to places like natural history museums created connections which helped with understanding concepts such as human evolution in the classroom, and developing an enjoyment of learning.

What’s next

We recommend that teachers receive training in human evolution and how to teach this topic. Common misconceptions of teachers can be identified through surveys, and intervention training must be planned around these misconceptions. The Gauteng Department of Education has a free professional development programme offering training to teachers (not publicly available), which can be used for this purpose.




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Various institutions in Gauteng offer exhibitions on human evolution and fossils, including the University of the Witwatersrand, the Ditsong National Museum of Natural History, Maropeng Cradle of Humankind, Sterkfontein Caves and the Sci-Bono Discovery Centre. The provincial education department must promote school visits to these places. Human evolution can be one of the most rewarding topics for learners, especially in a country where the fossil record is right on the doorstep.

It’s vital for grade 12 learners in South Africa to have a solid understanding of human evolution – it fosters critical thinking about science, identity and our shared African origins. This knowledge not only deepens their appreciation of the continent’s fossil heritage, but also counters misinformation with evidence-based insight.


This article was prepared with Grizelda van Wyk and in memory of Ian J. McKay.

The Conversation

Shaw Badenhorst works for the University of the Witwatersrand. He receives funding from GENUS, the National Research Foundation and the Palaeontological Scientific Trust.

ref. Fun with fossils: South African kids learn a whole lot more about human evolution from museum workshops – https://theconversation.com/fun-with-fossils-south-african-kids-learn-a-whole-lot-more-about-human-evolution-from-museum-workshops-259319

Somalia at 65: what’s needed to address its dismal social development indicators

Source: The Conversation – Africa – By Ali A. Abdi, Professor, University of British Columbia

Somalia ranks among the lowest scoring countries in the United Nations Human Development Index. The index of 195 countries is a summary measure of average achievement in key dimensions of human development: a long and healthy life, years of schooling, and access to a decent standard of living. Ali A. Abdi, a scholar of social development education, examines Somalia’s failure to advance social development programmes.

What is socio-economic development and how does Somalia stack up?

Somalia is celebrating its 65th year of independence. This was marked officially on 1 July 2025.

Despite the pomp and circumstance, though, the country’s social development indicators are dismal.

Social development generally means visible improvements in the quality of life. People’s well-being is based on aspects of national progress like:

  • universally available good quality education and adequate healthcare

  • employment opportunities that generate liveable incomes and upward socioeconomic mobility

  • governance structures that protect people’s rights to security.

Somalia has failed to meet these human development targets.

Its low score in the UN index can be understood by looking at the statistics relating to education and health. In any society these act as foundational blocks for social development. But in Somalia:

  • children can expect to get an average of 1.72 years of education (the continental African average is 7.7 years)

  • there are 0.23 doctors per 10,000 people, and many doctors serve in fee-based private clinics which are out of reach for ordinary citizens in a country with US$600 GDP per capita income

  • the capital city, Mogadishu, with a population of 2.8 million, has only two fully public hospitals and they lack specialist services; patients who require specialist care must go to private hospitals

  • the youth unemployment rate is just below 70%.

With these social development liabilities, it’s no wonder that the country is the biggest per capita producer of both global refugees and internally displaced persons.

How did Somalia come to this?

The Somali state collapsed as a cohesive national entity in 1991. The military government that had been in power since 1969 was overthrown by armed opposition forces. The country slowly fragmented into quasi-self-governing regions. Transitional national governments have come and gone.

The current federal political structure came into being in August 2012. The Federal Republic of Somalia comprised five founding member states (there are now six).

The depressed social development situation is not the only obstacle facing Somalia. Other complexities include:

A governance system built on cronyism and political loyalty: Somalia’s national political leadership entrenched cronyism. In fairness, the same selectively applies to sub-national, federal member states leadership. This corrupt system has found traction in a country where professionals, young graduates and traditional leaders lack legitimate sources of income. This undermines good governance while creating discord within and among the federal government and federal member states.

Discord at national level and between national and sub-national leaders: The most recent example of this revolves around the national leadership’s 2024 attempt to change the interim constitution. The unilaterally proposed one-person-one-vote proposal runs counter to the 2012 framework through which the current federal system was created. This has fuelled yet another national controversy with less than a year to the next presidential election.

Externally constructed political and economic interventions: Somalia receives significant international aid to address political and developmental challenges. But the strings attached include the management of these funds by external entities. These donor priorities can be detached from immediate social development needs. And aid creates and sustains dependency and entrenches poverty.

What should the government prioritise and why?

The political class always says fighting terrorism is the top policy priority. This thinking, while viable for the current situation, ignores the potential to minimise terrorism by putting the basic needs of the public first, and especially the youth.

Somali leaders are duty-bound to shift focus. A good place to start is the basis of social development: security, education and healthcare. It falls upon them to marshal the country’s resources and capacities to improve the well-being of its citizens.

The national leadership also needs to restructure its relationship with federal member states. Distribution of development resources (including foreign aid) must be fair, not based on political alliances.

Somalia also needs to reform the government’s policy on public appointments. People must get jobs based on their educational background, professional experience, incorruptible character and institutional accountability.

The country has impressive natural resources. There’s huge untapped potential for fisheries and agriculture, which is the country’s economic backbone. The country also has untapped minerals and hydrocarbons wealth.

The above observations are not to say that the federal government should lose sight of the fight against the terrorist organisations. But the welfare of people, including job creation for young people, must be equally prioritised. That will surely advance much needed social development while also reducing the appeal of terrorism among the youth.

The Conversation

Ali A. Abdi does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

ref. Somalia at 65: what’s needed to address its dismal social development indicators – https://theconversation.com/somalia-at-65-whats-needed-to-address-its-dismal-social-development-indicators-258307

Ruth First and activist research: the legacy of a South African freedom fighter

Source: The Conversation – Africa – By Saleem Badat, Research Professor, UFS History Department, University of the Free State

Ruth First, born 100 years ago, was a South African freedom fighter, journalist and scholar who worked against the racist system of apartheid during white minority rule. She was assassinated by apartheid forces in her office at the Eduardo Mondlane University in Mozambique in 1982.

Her ideas, work and legacy live on. Sociologists Saleem Badat and Vasu Reddy have edited a new book called Research and Activism: Ruth First & Activist Research. We asked them about her and their project.


Who was Ruth First?

Heloise Ruth First was born on 4 May 1925 in Johannesburg to Jewish parents who had migrated from eastern Europe to South Africa in the early 1900s. Her parents were founder members of the South African Communist Party.

She joined the Young Communist League and the Federation of Progressive Students and graduated from the University of the Witwatersrand in 1946 with a Bachelor of Arts degree.

At 21, First joined the left-wing South African newspaper The Guardian. When it was banned, the New Age took its place until it too was banned in 1962. She served as the newspaper’s Johannesburg editor for 17 years.

In 1963, First was arrested at the University of the Witwatersrand library and held in solitary confinement for 117 days, during which time she was ruthlessly interrogated. The following year she and her three children left South Africa for England on an exit permit, where they joined her partner, the activist and politician Joe Slovo. She would not set foot again in South Africa. Continuing with her activist research in England, she taught at Durham University and then joined Eduardo Mondlane University until hear death.

The mid-1940s to early 1960s were tumultuous years in South Africa. With the rise of formal apartheid in 1948, racial segregation was intensified.

First’s intrepid and penetrating journalistic research exposed her to the brutality of labour exploitation and control on the mines and the farms. It reinforced her understanding of South Africa in Marxist terms.

She wrote:

Silence in the face of injustice is complicity.

For her:

The will to fight is born out of the desire for freedom.

She was confident that:

The power of the people is greater than the power of any government.

First believed that ignorance is “the enemy of progress and justice” and that knowledge and education are “key to empowering individuals and challenging oppressive systems”. These words ring true in today’s global events driven by right-wing authoritarianism, US imperialism and acts of genocide.

On learning of her death, former South African President Nelson Mandela recalled:

I was in prison when Ruth First was assassinated, felt almost alone. Lost a sister in arms  … It is no consolation to know that she lives beyond her grave.

What is activist research and how is it applied in the book?

As authors, we revisit Ruth First’s life, work and ideas and its relevance for the current context. We focus especially on the nature of her scholarship and how she navigated the tensions between her activism and her research – whether journalistic or for her books on South West Africa (today’s Namibia), Libya or western investment in apartheid. Other of her acclaimed books included The Barrel of a Gun: Political Power in Africa and the Coup d’etat and, during her Mozambican sojourn, Black Gold: The Mozambican Miner, Proletarian and Peasant.

In the process we invite renewed critical reflection about her life and work. Inspired by First’s contributions, the book considers how universities and scholars engage with institutions and social movements beyond the university.

For example, in the book a research group from Durham University in the UK considers how to balance objectivity (showing no bias) with more politically participatory research methods and how objectivity can be enhanced despite the difficulties faced by activist research.

Other scholars reflect on the work of the assassinated South African anti-apartheid activist scholar and lecturer Rick Turner; on climate change; and on the complexities of undertaking activist research in Marikana with a women’s organisation, Sikhala Sonke. Marikana was the site where South African police opened fire on and killed 34 striking mineworkers in 2012.

There is examination of a research partnership between University of Cape Town activist scholars and some Khoi-San communities, reflection on the challenges of legal practice and education, and critical analysis of the decolonisation challenges of the KwaZulu-Natal Society of the Arts.

How do you frame activist research in your book?

The book shows that there is a difference between engaged research, critical research and activist research.

Engaged research tries to connect knowledge produced by academics with institutions, movements and experts outside the university to collaboratively address issues and promote cooperation.

Critical research uses radical critical theory to critique oppression and injustice, to show the gap between what exists today and more just ways of living. However, it does not necessarily connect with political and social movements.

First’s research was not only engaged, but also critical in orientation and activist in nature. As activist research it challenged oppression and inequality.

It both critiqued the status quo in South Africa and elsewhere and tried to change it. It was linked with movements and connected to political activism that was anti-colonial, anti-imperialist, and committed to socialism.




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First’s activist research did not confine itself to the academic arena but engaged with larger, wider and more diverse publics. It used this experience to critique dominant and often limited thinking at universities and promoted other ways of producing knowledge. The expertise developed was used to improve scholarship in various ways.

What do you want readers to take away?

There is much talk about the “engaged university” and engaged research. However, only certain connections and engagements seem to be valued.

Prior to democracy in 1994, South African researchers connected with social movements for change. Now this is seldom the case. Universities and scholars largely engage with those with money – the state, business, elites and donors.




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This raises questions about the roles of researchers in South Africa, whose interests are prioritised and the place of critical and activist research in the engaged university.

How should Ruth First be remembered?

We must honour her for her intellectual and practical activism. What matters is not just her knowledge archive, but also her example as both an outstanding interpreter of the world and an activist scholar committed to changing society in the interests of the downtrodden, marginalised and voiceless.

First was a critical and independent thinker who refused to accept anything as settled and beyond questioning. But that intellect was committed to loyalty to the national liberation movement of which she was an invaluable cadre.


The views expressed in this piece do not reflect or represent the position of the university to which Badat and Reddy are affiliated.

The Conversation

Saleem Badat receives funding from the National Institute for Humanities and Social Sciences and the Andrew W Mellon Foundation. He is a board member of the International Consortium for Critical Theory Programs and Alameda.

Vasu Reddy currently receives no external funding. He serves on the board of the Human Sciences Research Council Press

Andrew W Mellon Foundation Grant

Board member of the HSRC Press Board

ref. Ruth First and activist research: the legacy of a South African freedom fighter – https://theconversation.com/ruth-first-and-activist-research-the-legacy-of-a-south-african-freedom-fighter-257687

Eco labels in South Africa don’t do the job: how to help customers make informed choices

Source: The Conversation – Africa – By Miemie Struwig, Professor, Department of Business Management, Nelson Mandela University

South Africans want to shop more sustainably, according to research published in the journal Sustainable Development. But most can’t tell which products are environmentally friendly.

Some food manufacturers have introduced eco labels – a certification symbol placed on product packaging. This indicates the product meets specific environmental standards set by a third party organisation.

These labels are meant to signal to consumers that a product has been produced in a way that limits harm to the environment. But our recent study with 108 South African consumers showed low recognition of eco labels, widespread confusion, and a need for clearer guidance.

The results show that most South African shoppers are unfamiliar with these labels or unable to differentiate between real and fictional ones.

In the European Union eco labels like the EU Energy Label are easily understood and highly visible. They are also usually supported by government awareness campaigns. Other examples of labelling systems that work well include those of Germany and Japan.

These countries show that long term institutional support, mandatory labelling in key sectors, and consistent public messaging can greatly improve eco label recognition.

We concluded from our research that South Africa lacks that national visibility and public education, leaving even motivated consumers unsure of what labels to trust. Based on our findings we recommend steps businesses, government and nonprofits can take to ensure that eco labels are clear, visible and understood.

Eco labelling at its best

The EU Energy Label is used on appliances such as fridges, washing machines and light bulbs to indicate their energy efficiency on a scale from A (most efficient) to G (least efficient).

In countries like Germany and Japan, eco labels are government backed as well as being integrated into school curricula, public service announcements and shopping platforms.

Germany’s Blue Angel label, which states “protects the environment”, has been in use since the 1970s. It appears on over 12,000 products and services, including paper goods, cleaning products, paints and electronics, that meet strict environmental criteria. It is supported by ongoing public education campaigns.

In Japan the the Eco Mark appears on products with minimal environmental impact. It appears on items like stationery, detergents, packaging and appliances. Many retailers display explanations next to these products to help consumers understand the label.

South Africans struggle to identify eco labels

We conducted a structured online survey of 108 South African consumers. Participants were asked about their environmental awareness and their ability to recognise both real and fictional eco labels across ten images. According to the global directory of eco labels and environmental certification schemes, there are around 50 eco labels in South Africa.

The EU Energy Label was the most recognised (87%).

The Afrisco Certified Organic label, which is a legitimate South African label, was the least recognised, identified by just 22% of respondents.

Fictional labels were mistakenly identified as real by many participants, revealing widespread confusion.

Only 3 out of 10 labels were recognised by at least half the participants, suggesting a general lack of eco label awareness. These include the Energy Star Eco label; the EU Energy label and the Forest Stewardship council label.

Age and employment status were significantly related to environmental awareness. Older and employed individuals showed higher levels of awareness.

These findings suggest that consumers are not opposed to eco labels, they simply lack the knowledge and confidence to use them effectively.

Eco labels have the potential to build brand trust, drive green purchasing behaviour, and support national sustainability goals. But they only work if consumers recognise and trust them.

In South Africa, inconsistent use, small label size, and a lack of consumer education are holding eco labels back from achieving their purpose.

What businesses can do

Based on our findings, we recommend the following:

  • Use recognised and credible labels: Third-party certified labels are more trustworthy and reliable.

  • Improve label visibility: The most recognised label in our study was the EU Energy Label and was also the most prominent. Small, cluttered logos go unnoticed.

  • Educate your market: Explain what eco labels mean through packaging, marketing, and digital platforms.

  • Partner with government and NGOs: Awareness campaigns at national and community levels can help standardise eco label understanding.

  • Tailor communication efforts: Awareness efforts should consider age and employment demographics, as these affect levels of environmental engagement.

The way forward

South Africans are willing to support environmentally responsible products, but they need help identifying them.

Businesses, government and nonprofits all have a role to play in making eco labels clearer, more visible, and more trustworthy.

Eco labels must become more than symbols. They should be tools for transparency and trust, and a gateway to more sustainable shopping.

The Conversation

The authors do not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and have disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

ref. Eco labels in South Africa don’t do the job: how to help customers make informed choices – https://theconversation.com/eco-labels-in-south-africa-dont-do-the-job-how-to-help-customers-make-informed-choices-258081

Uganda’s ride-hailing motorbike service promised safety – but drivers are under pressure to speed

Source: The Conversation – Africa – By Rich Mallett, Research Associate and Independent Researcher, ODI Global

Motorcycle-taxis are one of the fastest and most convenient ways to get around Uganda’s congested capital, Kampala. But they are also the most dangerous. Though they account for one-third of public transport trips taking place within the city, police reports suggest motorcycles were involved in 80% of all road-crash deaths registered in Kampala in 2023.

Promising to solve the safety problem while also improving the livelihoods of moto-taxi workers, digital ride-hail platforms emerged a decade ago on the city’s streets. It is no coincidence that Uganda’s ride-hailing pioneer and long-time market leader goes by the name of SafeBoda.

Conceived in 2014 as a “market-based approach to road safety”, the idea is to give riders a financial incentive to drive safely by making digital moto-taxi work pay better. SafeBoda claimed at the time that motorcyclists who signed up with it would increase their incomes by up to 50% relative to the traditional mode of operation, in which riders park at strategic locations called “stages” and wait for passengers.

In the years since, the efforts of SafeBoda and its ride-hail competitors to bring safety to the sector have largely been deemed a success. One study carried out in 2017 found that digital riders were more likely to wear a helmet and less likely to drive towards oncoming traffic. Early press coverage was particularly glowing, while recent academic studies continue to cite the Kampala case as evidence that ride-hailing platforms may hold the key to making African moto-taxi sectors a safer place to work and travel.




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Is it all as clear-cut as this? In a new paper based on PhD research, I suggest not. Because at its core the ride-hail model – in which riders are classified as independent contractors who do poorly paid “gig work” rather than as wage-earning employees – undermines its own safety ambitions.

Speed traps

In my study of Kampala’s vast moto-taxi industry – estimated to employ hundreds of thousands of people – I draw on 112 in-depth interviews and a survey of 370 moto-taxi riders to examine how livelihoods and working conditions have been affected by the arrival of the platforms.

To date, there has been only limited critical engagement with how this change has played out over the past decade. I wanted to get beneath the big corporate claims and alluring platform promises to understand how riders themselves had experienced the digital “transformation” of their industry, several years after it first began.




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One of the things I found was that, from a safety perspective, the ride-hail model represents a paradox. We can think of it as a kind of “speed trap”.

On one hand, ride-hail platforms try to moderate moto-taxi speeds and behaviours through managerial techniques. They make helmet use compulsory. They put riders through road safety training before letting them out onto the streets. And they enforce a professional “code of conduct” for riders.

In some cases, companies also deploy “field agents” to major road intersections around the city. Their task is to monitor the behaviour of riders in company uniform and, should they be spotted breaking the rules, discipline them.

On the other hand, however, the underlying economic structure of digital ride-hailing pulls transport workers in the opposite direction by systematically depressing trip fares and rewarding speed.

Under the “gig economy” model used by Uganda’s ride-hail platforms, the livelihood promise hangs not in the offer of a guaranteed wage but in the possibility of higher earnings. Crucially, it is a promise that only materialises if riders are able to reach and maintain a faster, harder work-rate throughout the day – completing enough jobs that pay “little money”, as one rider put it, to make the gig-work deal come good. Or, as summed up by another interviewee:

We are like stakeholders, I can say that. No basic salary, just commission. So it depends on your speed.

We already know from existing research that the gig economy places new pressures on transport workers to drive fast and take risky decisions. This is especially the case for workers on low, unsteady pay and without formal safety nets.

And yet, it is precisely these factors that routinely lead to road traffic accidents. Extensive research from across east Africa has shown that motorcycle crashes are strongly associated with financial pressure and the practices that lead directly from this, such as speeding, working long hours and performing high-risk manoeuvres. All are driven by the need to break even each day in a hyper-competitive informal labour market, with riders compelled to go fast by the raw economics of their work.

Deepening the pressure

Ride-hail platforms may not be the reason these circumstances exist in the first place. But the point is that they do not mark a departure from them.

If anything, my research suggests they may be making things worse. According to the survey data, riders working through the apps make on average 12% higher gross earnings each week relative to their analogue counterparts. This is because the online world gets them more jobs.

But to stay connected to that world they must shoulder higher operating costs, for: mobile data (to remain logged on); fuel (to perform more trips); the use of helmets and uniforms (which remain company property); and commissions extracted by the platform companies (as much as 15%-20% per trip).

As soon as these extras are factored in, the difference completely disappears. The digital rider works faster and harder – but for no extra reward.

Rethinking approaches to safety reform

Ride-hail platforms were welcomed onto the streets of Kampala as an exciting new solution to unsafe transport, boldly driven by technological innovation and “market-based” thinking.




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But it is important to remember that these are private enterprises with a clear bottom line: to one day turn a profit. As recent reports and my own thesis show, efforts to reach that point often alienate and ultimately repel the workers on whom these platforms depend – and whose livelihoods and safety standards they claim to be transforming.

A recent investment evaluation by one of SafeBoda’s first funders perhaps puts it best: it is time to reframe ride-hailing as a “risky vehicle” for safety reform in African cities, rather than a clear road to success.

The Conversation

Rich received funding for this research from the UK’s Economic and Social Research Council (ESRC).

ref. Uganda’s ride-hailing motorbike service promised safety – but drivers are under pressure to speed – https://theconversation.com/ugandas-ride-hailing-motorbike-service-promised-safety-but-drivers-are-under-pressure-to-speed-259310