Source: The Conversation – Indonesia – By Julien Cahon, Professeur des universités, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)
Comment répartir sur l’année les périodes de vacances et dans quel sens réajuster les horaires scolaires pour qu’ils se calquent au mieux sur les besoins des plus jeunes ? La question est au cœur de la Convention citoyenne sur les temps de l’enfant qui va se réunir à partir du 20 juin jusque fin novembre 2025. Mais elle agite de longue date la société française.
« L’opinion du pays est qu’on donne trop de congés dans les établissements scolaires. » Cette affirmation ne fait pas suite aux récentes déclarations de l’actuelle ministre de l’éducation nationale Élisabeth Borne et du président de la République Emmanuel Macron, qui souhaitent raccourcir le temps des vacances scolaires, mais vient d’une lettre du principal du collège communal de Beauvais au recteur de l’académie d’Amiens, datée du 21 octobre 1835 !
Le sujet, sur lequel doit réfléchir la Convention citoyenne sur les temps de l’enfant qui s’ouvre le 20 juin prochain, est en effet aussi ancien que complexe. La durée et l’échelonnement des vacances scolaires ont-ils toujours été les mêmes depuis deux siècles ? Quelle est l’importance des vacances d’été dans ce calendrier annuel ? Celui-ci a-t-il beaucoup changé au cours des XIXe et XXe siècles ?
Au XIXᵉ siècle, des vacances d’été aux dates fluctuantes
Au XIXe siècle, la vie scolaire et le temps des vacances sont essentiellement rythmés par des repères agricoles et religieux. À la suite de la loi Guizot sur l’organisation de l’instruction primaire (1833), la durée des vacances est fixée à six semaines (maximum) par le statut du 25 avril 1834, premier règlement général sur les écoles élémentaires.
Les dates de début et de fin des vacances sont déterminées par les préfets, en lien avec les conseils départementaux de l’instruction publique à partir de 1854, puis par les recteurs à partir de 1887. Elles varient donc localement entre mi-août (après le 15, fête catholique de l’Assomption) et début octobre.
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les nouveaux règlements confirment ces modalités. Dans une circulaire ministérielle du 1er août 1866, Victor Duruy estime qu’il n’est « pas possible de fixer une date uniforme pour l’ouverture des vacances dans toute la France : le climat, les cultures ne sont pas les mêmes partout, et […] il y a un grand intérêt à faire coïncider les vacances avec l’époque où les enfants abandonneraient les écoles pour les travaux des champs ».
Dans l’enseignement secondaire, les vacances sont également de six semaines puis passent à huit et à douze semaines, en 1891 et en 1912 : elles s’étalent ainsi du 1er août puis du 14 juillet au 30 septembre et correspondent de cette manière aux périodes de loisirs des familles bourgeoises de l’enseignement secondaire et au moment des gros travaux agricoles (moissons, vendanges) dans l’enseignement primaire (école du peuple).
Création de « petites vacances » dans l’entre-deux-guerres
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, il n’existe par ailleurs pas de « petites vacances », seulement un jour de congé le 1er janvier, le 14 juillet et lors des principales fêtes catholiques : Noël, Toussaint, Pentecôte, « Mardi Gras » et Pâques.
Dans l’entre-deux-guerres, la tendance est à la convergence des calendriers scolaires annuels des établissements primaires et secondaires. La durée des vacances estivales est ainsi allongée à deux mois dans les écoles primaires en 1922, du 31 juillet au 30 septembre. Les vacances de Pâques durent désormais une semaine et demie, soit deux jours avant Pâques et la semaine suivante.
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À compter du début des années 1930, les autorités locales tendent à aligner au moins les dates de départ pour tous les ordres d’enseignement. En 1933, le député André Cornu organise un référendum auprès de tous les conseillers généraux de France qu’il consulte sur la question de fixer le début des vacances au 1er juillet pour l’enseignement secondaire et au 14 juillet pour l’enseignement primaire. Il justifie une telle mesure par des arguments sanitaires : la fatigue des jeunes élèves et les conséquences des fortes chaleurs de juillet qui les accablent, alors que ce sont les jours les plus longs et les plus profitables pour « revivifier des organismes surmenés ».
Il existe par ailleurs des enjeux économiques : la fixation des dates des vacances peut être « préjudiciable aux affaires et au commerce » selon la Chambre de commerce de Bretagne et le syndicat général des cidres et fruits à cidre – les enfants constituant toujours une main-d’œuvre agricole d’appoint. Des inspecteurs d’académie avancent, eux, des arguments d’ordre pédagogique, concernant notamment l’organisation des examens de fin d’année.
La durée des vacances d’été des écoles primaires est alignée sur celles des collèges et lycées par Jean Zay, en 1938, et portée à dix semaines (du 14 juillet au 30 septembre) pour tous les niveaux d’enseignement, suite à la loi sur les congés payés. Cet alignement est aussi révélateur d’enjeux pédagogiques et sociaux, comme l’explique Jean Zay dans ses mémoires (Souvenirs et Solitudes) :
« Les éducateurs signalaient depuis longtemps que, dans la deuxième quinzaine de juillet, sous la canicule, le travail scolaire devenait nul ; on se bornait à somnoler sur les bancs et à soupirer en regardant les fenêtres. Les familles, de leur côté, se plaignaient de ne pouvoir organiser leurs vacances à leur guise, pour peu qu’elles eussent un enfant au lycée et un autre à l’école primaire. Le premier était libre au 15 juillet, le second au 31. Je décidai que tous deux s’en iraient ensemble le 15. Mais comme il ne convenait pas que cette unification eût pour résultat de laisser dans la rue les enfants pauvres, elle fut accompagnée d’une nouvelle et large organisation de garderies et de colonies de vacances. »
En 1938-1939, le calendrier scolaire annuel, désormais national, officialise les vacances de Noël, du 23 décembre au 3 janvier, inclut des vacances la semaine du « Mardi Gras » (en février) tandis que celles de Pâques durent désormais deux semaines.
Depuis les années 1950, allongement et multiplication des temps de vacances
À partir des années 1950 se met peu à peu en place le système actuel, dans un contexte de massification et de réforme du système éducatif. En 1959, les vacances d’été sont déplacées de quinze jours, du 1er juillet au 15 septembre. Elles durent toujours 10 semaines à tous les niveaux (pour 37 semaines de cours) mais, en réalité, l’année scolaire est souvent écourtée par l’organisation des examens et procédures d’orientation dans le second degré. À partir de 1959 également, cinq semaines de congés jalonnent l’année scolaire de tous les élèves, dont une libérée et partagée entre la Toussaint et la mi-février pour aérer deux premiers trimestres allongés. Les quatre autres sont réparties entre Noël et Pâques.
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À partir de 1965, les académies sont réparties en deux zones afin d’organiser des départs décalés (de dix jours) pour les vacances d’été, mais ce zonage est abandonné dès 1969. En 1967-1968 est créé le premier zonage pour les vacances de février. En 1969-1970, les vacances de février (comme celles de la Toussaint) sont doublées à huit jours, puis ramenées à quatre jours dès 1970-1971. Il s’agit de répondre « au vœu de la majorité des parents que leurs occupations professionnelles empêchent de s’occuper de leurs enfants les jours ouvrables », selon les mots du ministre de l’éducation nationale Olivier Guichard.
C’est en 1972, après les Jeux olympiques d’hiver de Grenoble, que les vacances d’hiver (une semaine) sont créées et durablement instaurées, ainsi que le découpage des académies en trois zones. Pour certains chefs d’établissement, cette semaine de vacances est « une aberration pédagogique si l’on se place du point de vue des enfants », car les « petits congés démobilisent les élèves ».
Ce débat met aussi en jeu de puissants intérêts économiques, avec l’industrie touristique et les transports. Leur objectif est double : éviter l’engorgement sur les routes et la concentration de l’occupation des lieux de vacances.
En 1986, le rapport du recteur Magnin, remis au ministre René Monory, préconise également une réduction des vacances compensée par un allégement des journées de classe. Le débat sur l’organisation des vacances scolaires rejoint celui de l’organisation de la journée et de la semaine, jusqu’alors pensées séparément. C’est à partir des années 1990, dans le cadre du débat sur la semaine de 4, 4,5 ou 5 jours, que les vacances d’été sont réduites de douze jours pour les écoles ayant choisi la semaine de 4 jours et effectuant une rentrée anticipée fin août (le volume horaire annuel de cours doit, en effet, rester le même pour tous).
Auparavant, le calendrier annuel 7/2 – c’est-à-dire sept semaines de travail et deux semaines de vacances – a été adopté par Jean-Pierre Chevènement pour l’année scolaire 1986-1987 avec des vacances d’été de neuf semaines programmées du 30 juin au 3 septembre. La loi d’orientation sur l’éducation de 1989, dite loi Jospin, précise que l’année scolaire comporte désormais 36 semaines, réparties en cinq périodes de travail de durée comparable, séparées par quatre périodes de vacances. Cette loi prévoit aussi un calendrier scolaire fixé pour un cycle de trois années. Les vacances de la Toussaint oscillent entre une semaine et dix jours jusqu’en 2013 : elles passent alors à deux semaines et celles d’été à huit semaines.
C’est aussi dans les années 1980-1990 que la question de l’organisation des vacances scolaires est reliée à la qualité des apprentissages des élèves et aux enjeux de lutte contre l’échec scolaire, qui s’est affirmé comme problème social et politique. C’est notamment l’une des mesures phares du programme de Jacques Chirac lors de la campagne présidentielle de 1995, que le candidat RPR mène sur le thème de « la fracture sociale » : réduire de trois semaines les vacances estivales afin de mettre en place une semaine scolaire de cinq jours aux horaires allégés.
En 2013, le ministre de l’éducation nationale Vincent Peillon préconise aussi de raccourcir les vacances d’été de huit à six semaines après la difficile mise en œuvre de sa réforme des rythmes scolaires hebdomadaires et quotidiens.
En rouvrant un débat qu’il avait lui-même clos en 2017 et en annonçant une énième concertation sur le sujet (après celles de 2011 et de 2012 notamment), Emmanuel Macron vient probablement de relancer la controverse… dans l’intérêt des élèves ?
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Julien Cahon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
– ref. Les vacances scolaires en France : deux siècles de réformes et de controverses – https://theconversation.com/les-vacances-scolaires-en-france-deux-siecles-de-reformes-et-de-controverses-257196








