Politique énergétique : ce que les experts préconisent pour les cinq ans à venir

Source: The Conversation – France in French (2) – By Mark Olsthoorn, Postdoctoral researcher in energy economics, Grenoble École de Management (GEM)

Le panel soutient la priorité vers la décarbonation de l’énergie. Wikimedia Commons, CC BY

La nomination de Nicolas Hulot comme ministre de la transition écologique et solidaire a créé de fortes attentes concernant les engagements d’Emmanuel Macron dans la lutte contre le changement climatique. En septembre dernier, Nicolas Hulot a présenté les grandes lignes de son programme.

Il prévoit de se focaliser sur l’efficacité énergétique des bâtiments, le lancement d’appels d’offres pour la production centralisée et décentralisée d’énergies renouvelables en visant une neutralité carbone d’ici 2050, tout en luttant contre la précarité énergétique. Pour réduire les émissions du secteur de l’énergie, le ministre prévoit d’étendre et d’augmenter le prix du carbone ainsi qu’une sortie de la production d’électricité à partir du charbon, en maintenant néanmoins une dépendance de la France au nucléaire. Dans cette perspective, l’interdiction de la production d’hydrocarbures en France d’ici à 2040 a été adoptée en décembre 2017.

En lien avec ce contexte, Grenoble École de Management a demandé à son panel du Baromètre du marché de l’énergie, d’identifier quelles devraient être les trois priorités de l’administration Macron en matière de politique énergétique.

L’efficacité énergétique d’abord

Ayant pu répondre selon une liste de dix mesures, le panel se montre très majoritairement d’accord sur la priorité qui doit être accordée à l’efficacité énergétique. De plus, les experts ne s’opposent pas à l’interdiction de l’exploitation des énergies fossiles domestiques. Dans une moindre mesure, le panel soutient la priorité vers la décarbonation de l’énergie et la décentralisation de la production.

Le panel présente une faible préoccupation pour les questions de sécurité d’approvisionnement et un faible enthousiasme pour la défense du nucléaire français. Concernant les besoins de réglementation pour réduire la part du nucléaire, accélérer la transformation digitale du secteur de l’énergie et garantir une énergie compétitive, les experts ont des visions très variées.

Transition énergétique propre et sûre : augmentation du sentiment d’urgence

Il y a un an, durant les élections présidentielles, nous avions posé les mêmes questions. La distribution des réponses est très proche de celle de l’époque. Les trois priorités qui sortent renforcées sont : efficacité énergétique, réduction des émissions de carbone et décentralisation, alors que la baisse de la production nucléaire et l’exploitation d’énergies fossiles locales reculent.

Les préoccupations concernant la sécurité d’approvisionnement augmentent légèrement, possiblement en lien avec les révélations récentes de cyberattaques et de cyberguerre. Cela conduit à une augmentation du sentiment d’urgence pour la mise en place d’une transition propre et sûre, et réduit les contraintes sur le coût de l’énergie.

L’on retiendra un renforcement du consensus des experts sur les priorités énergétiques. La part des experts qui mettent en priorité l’efficacité énergétique est ainsi passée de 61% en 2014 à 74% en 2016 et 80% aujourd’hui.


Le Baromètre du marché de l’énergie conduit par Grenoble École de Management interroge (de façon anonyme) une centaine de spécialistes sur ce que devraient être les priorités de la politique énergétique des cinq prochaines années. Ces résultats sont basés sur une enquête menée en décembre 2017 et comprenant 84 participants qualifiés dans le secteur de l’énergie opérant dans l’industrie, la science, et l’administration publique en France. L’intégralité de l’étude est à retrouver ici.

La datavisualisation de cet article a été réalisée par Diane Frances.

The Conversation

Olivier CATEURA a reçu entre 2003 et 2006 des financements publics de l’ANRT (Association Nationale Recherche Technologie) et privés de Electrabel (Engie) dans le cadre d’une Convention CIFRE (Thèse de doctorat) . Par ailleurs, il est membre-auditeur de l’IHEDN (Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale).

Mark Olsthoorn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Politique énergétique : ce que les experts préconisent pour les cinq ans à venir – https://theconversation.com/politique-energetique-ce-que-les-experts-preconisent-pour-les-cinq-ans-a-venir-90771

Aux États-Unis, 19 millions d’enfants vivraient avec des parents toxicomanes

Source: The Conversation – France in French (3) – By Ty Schepis, Professor of Psychology, Texas State University

Aux États-Unis, l’alcool est la substance psychoactive le plus souvent à l’origine de troubles liés à l’usage de substances. Igorr1/iStock/Getty Images Plus

Les enfants dont les parents présentent un trouble lié à l’usage de substances psychoactives sont plus susceptibles que les autres d’avoir des problèmes de santé mentale. À terme, ils présentent aussi un risque plus élevé de développer eux-mêmes des addictions.


Aux États-Unis, près de 19 millions d’enfants (soit environ un enfant sur quatre) a au moins un parent souffrant d’un trouble lié à l’usage de substances psychoactives, qu’il s’agisse d’alcool, de cannabis, d’opioïdes délivrés sur ordonnance ou de drogues illicites.

Cette nouvelle estimation, effectuée par notre équipe et publiée dans la revue JAMA Pediatrics, s’appuie sur les données de la National Survey on Drug Use and Health menée en 2023 (l’année la plus récente pour laquelle les données sont disponibles). Près de 57 000 personnes âgées de 12 ans et plus avaient répondu au questionnaire de l’enquête.

En tant que chercheur, j’étudie l’usage de substances chez les adolescents et les jeunes adultes. Je sais que les enfants qui se retrouvent dans une telle situation courent un risque considérable de développer eux aussi un trouble lié à l’usage de substances, ainsi que d’autres problèmes de santé mentale tels que des troubles du comportement, des symptômes d’anxiété ou une dépression.

Qu’appelle-t-on trouble lié à l’usage de substances ?

Le « trouble lié à l’usage de substances » est une pathologie psychiatrique caractérisée par une consommation fréquente et excessive de substances. Il se manifeste par de multiples symptômes, notamment des comportements à risque (conduite sous l’emprise de substances psychoactives, par exemple) ou conflictuels (avec leur famille ou leurs amis, à propos de leur consommation).

Ce trouble altère également la capacité des parents à être des aidants attentifs et bienveillants. Leurs enfants sont dès lors plus susceptibles d’être exposés à la violence, de vivre leur scolarité dans de moins bonnes conditions et de commencer à consommer eux-mêmes des substances à un âge plus précoce que les autres. Ils sont aussi plus fréquemment pris en charge par le système de protection de l’enfance. Ils présentent par ailleurs un risque accru de développer des problèmes de santé mentale, non seulement durant leurs jeunes années, mais aussi à l’âge adulte. Enfin, la probabilité qu’ils soient atteints d’un trouble lié à la consommation de substances à l’âge adulte est nettement plus élevée que chez les autres personnes.

Parmi ces 19 millions d’enfants, notre étude révèle qu’environ 3,5 millions vivent avec un parent présentant non pas un, mais plusieurs troubles liés à la consommation de substances.

L’alcool demeure de loin la substance la plus répandue parmi les substances consommées, puisque les troubles liés à son usage concernent les parents de 12,5 millions d’enfants. Par ailleurs, plus de 6 millions d’enfants ont un parent souffrant à la fois d’un trouble lié à la consommation de substances et de symptômes marqués de dépression ou d’anxiété, ou des deux.

Notre estimation de 19 millions est nettement supérieure à celle dérivée d’une étude antérieure qui s’appuyait sur des données plus anciennes. Cette dernière, qui portait sur la période 2009-2014, faisait état de 8,7 millions d’enfants états-uniens – soit environ un enfant sur huit – vivant avec un parent ou des parents souffrant d’un trouble lié à la consommation de substances. L’écart avec notre propre estimation est d’environ 10 millions d’enfants.

Cette évolution s’explique principalement par le fait que les critères définissant le trouble lié à l’usage de substances ont été élargis et assouplis entre 2014 et 2023, ce qui a contribué à en modifier le diagnostic. Ce changement a entraîné une augmentation de plus de 80 % du nombre estimé d’enfants affectés par le trouble lié à l’usage de substances de leurs parents.

Toutefois, au-delà de cette augmentation « mécanique », on constate, depuis 2020, un accroissement du nombre de parents touchés par un trouble de l’usage de substances, ce qui signifie que 2 millions d’enfants supplémentaires se sont retrouvés concernés par cette problématique au cours des dernières années.

Perspectives

Il est impératif d’améliorer le dépistage des parents souffrant d’un trouble lié à l’usage de substances. D’après mon expérience, si de nombreux pédiatres dépistent la consommation de substances chez les enfants, plus rares sont ceux qui s’intéressent également aux parents qui les accompagnent en consultation. Il apparaît essentiel de rendre les dépistages systématiques, tant pour les enfants que pour leurs aidants.

Malheureusement, aux États-Unis, l’US Preventive Services Task Force, un comité d’experts chargé de formuler des recommandations sur les bonnes pratiques de dépistage et de prévention, ne recommande pas encore un tel dépistage. Celui-ci permettrait pourtant d’orienter les personnes concernées vers les traitements les plus adaptés et de prévenir les problèmes les plus graves.

Des mesures supplémentaires, accompagnées de financements adéquats, sont donc requises au niveau fédéral, étatique et local. Cela peut sembler utopique, à l’heure où chaque ligne budgétaire est scrutée. Mais y déroger se traduira par une inflation considérable de la facture qui nous sera présentée dans les années à venir. Les millions d’adultes qui auront été exposés à ce trouble dès leur plus jeune âge seront contraints, des décennies plus tard, de composer avec leurs propres problèmes de consommation de substances et de santé mentale.

The Conversation

Ty Schepis reçoit des fonds des National Institutes of Health (NIH)/National Institute on Drug Abuse (NIDA), de la Food and Drug Administration (FDA) et de la Substance Abuse and Mental Health Services Administration (SAMHSA). Les opinions exprimées sont celles du Dr Schepis et ne représentent pas nécessairement les opinions officielles du NIH/NIDA, de la FDA ou de la SAMHSA. Ces bailleurs de fonds n’ont joué aucun rôle dans les articles publiés, et il n’y a eu aucune orientation éditoriale ni censure de la part des bailleurs de fonds.

ref. Aux États-Unis, 19 millions d’enfants vivraient avec des parents toxicomanes – https://theconversation.com/aux-etats-unis-19-millions-denfants-vivraient-avec-des-parents-toxicomanes-258521

Fertilité masculine : comment le parasite de la toxoplasmose décapite les spermatozoïdes

Source: The Conversation – France in French (3) – By Bill Sullivan, Professor of Microbiology and Immunology, Indiana University

_Toxoplasma gondii_ peut s’infiltrer dans l’appareil reproducteur masculin (vue d’artiste). wildpixel/iStock via Getty Images Plus

Une fois infecté par Toxoplasma gondii, le microbe responsable de la toxoplasmose, plus question de s’en débarasser. Il persiste à vie dans notre organisme, ce qui peut s’avérer problématique. De nouveaux travaux ont notamment mis en évidence que parasite est capable de s’attaquer aux spermatozoïdes, ce qui pourrait avoir des implications en matière de fertilité masculine.


Les taux de fertilité masculine ont considérablement chuté au cours du dernier demi-siècle. Des travaux publiés en 1992 avaient déjà mis en évidence une baisse constante du nombre et de la qualité des spermatozoïdes depuis les années 1940. Plus récemment, une étude a révélé que les taux d’infertilité masculine ont augmenté de près de 80 % entre 1990 et 2019. Bien que les raisons de cette tendance demeurent mystérieuses, certains suspects sont fréquemment évoqués : l’obésité, une alimentation déséquilibrée ou les polluants environnementaux, notamment.

D’autres facteurs moins connus peuvent également avoir des effets délétères sur la fertilité masculine. C’est par exemple le cas de certaines maladies infectieuses, telles que la gonorrhée ou la chlamydia. Un faisceau d’indices de plus en plus conséquent suggère également que Toxoplasma gondii, le parasite unicellulaire responsable de la toxoplasmose pourrait lui aussi contribuer à ce phénomène. Une étude publiée en avril 2025 a montré pour la première fois que lorsqu’ils sont en contact direct avec T. Gondii, « les spermatozoïdes humains perdent leur tête ».

Je suis microbiologiste et mon laboratoire étudie Toxoplasma. Cette nouvelle étude va dans le même sens que d’autres travaux, et plaide en faveur de la prévention de cette infection parasitaire très répandue.

Les nombreuses façons de contracter la toxoplasmose

Les félins sont les hôtes finaux de Toxoplasma gondii : c’est chez eux qu’il se reproduit, après être passé par d’autres organismes (hôtes intermédiaires) au cours des étapes précédentes de son cycle parasitaire.

Les chats infectés expulsent des œufs (oocystes) de Toxoplasma dans la litière, le jardin ou tout autre endroit de l’environnement où ils peuvent être ingérés par l’être humain ou par d’autres animaux. L’eau, les crustacés et les fruits et légumes non lavés peuvent également héberger des œufs infectieux.

La contamination peut aussi résulter de la consommation de viande d’animaux à sang chaud insuffisamment cuite, Toxoplasma pouvant former des kystes dans différents tissus (cerveau, cœur, muscles).

Après l’infection, le parasite persiste durant toute l’existence de l’animal infecté sous forme de kystes dormants. Si la plupart des hôtes parviennent à contrôler l’infection initiale sans ou avec peu de symptômes, il arrive que ces kystes tissulaires se réactivent et provoquent de nouveaux épisodes sévères de la maladie, qui dans certains cas endommagent des organes vitaux.

Ce dernier point est préoccupant, car on considère qu’en raison des nombreux modes de transmission de ce parasite, 30 % à 50 % de la population mondiale est infectée de manière permanente par Toxoplasma.

Toxoplasma peut cibler les organes reproducteurs masculins

Lors de l’infection, Toxoplasma se propage non seulement aux muscles squelettiques, mais aussi à pratiquement tous les organes. C’est au plus fort de la pandémie de sida, dans les années 1980, qu’ont été collectés les premiers indices indiquant que Toxoplasma était capable de cibler les organes reproducteurs masculins. Le parasite avait en effet été retrouvé dans les testicules de certains patients dont le système immunitaire avait été compromis par le VIH, le virus responsable du sida.

Bien que les patients immunodéprimés soient les plus à risque de présenter une toxoplasmose testiculaire, cette dernière peut aussi survenir chez des individus sains. Des études d’imagerie effectuées sur des souris infectées ont confirmé que les parasites Toxoplasma atteignent rapidement les testicules, en plus du cerveau et des yeux, et ce, quelques jours seulement après l’infection.

Image en microscopie de kystes de Toxoplasma
Kystes de Toxoplasma flottant dans les excréments de chat.
DPDx Image Library/CDC

En 2017, mes collègues et moi-même avons découvert que Toxoplasma peut également former des kystes dans la prostate des souris. Des chercheurs ont aussi observé ces parasites dans l’éjaculat de nombreux animaux, y compris dans le sperme humain, évoquant la possibilité d’une transmission sexuelle.

Le fait que Toxoplasma s’avère capable de résider dans les organes reproducteurs masculins a fait émerger de nouveaux questionnements quant aux conséquences sur la fertilité des hommes infectés. Diverses équipes de recherche ont essayé de faire la lumière sur cette interrogation.

En 2002, une étude chinoise publiée a établi que la probabilité de détecter une infection par Toxoplasma au sein d’un couple infertile était beaucoup plus élevée qu’au sein d’un couple fertile (34,83 % contre 12,11 %). En 2005, d’autres travaux menés en Chine ont révélé que les hommes stériles sont plus susceptibles d’être testés positifs pour Toxoplasma que les hommes fertiles. Plus récemment, une étude réalisée à Prague en 2021, portant sur 163 hommes infectés par Toxoplasma, a révélé que plus de 86 % présentaient des anomalies spermatiques.

Le fait d’avoir contracté la toxoplasmose ne signifie pas que la qualité du sperme soit toujours affectée. Une étude roumaine pilote menée en 2015 sur des volontaires masculins sans immunodépression a révélé que 25 % d’entre eux avaient eu la toxoplasmose. Cependant, aucune différence de qualité entre leur sperme et celui des autres participants n’avait pu être mise en évidence. Les auteurs concluaient toutefois que la petite taille de l’échantillon ne permettait pas de tirer de conclusion quant à l’absence systématique de conséquence de l’infection par Toxoplasma sur la qualité du sperme.

Toxoplasma peut endommager directement les spermatozoïdes humains

La toxoplasmose chez les animaux est le reflet de l’infection chez l’humain, ce qui permet aux chercheurs d’obtenir des réponses à des questions difficiles à étudier directement dans notre espèce.

Chez les souris, les rats et les béliers infectés par Toxoplasma, la fonction testiculaire et la production de spermatozoïdes sont fortement réduites. Les souris infectées présentent un nombre de spermatozoïdes nettement inférieur à la normale, ainsi qu’une proportion plus élevée de spermatozoïdes de forme anormale.

Les travaux publiés en avril 2025 ont été menés par des équipes d’Allemagne, d’Uruguay et du Chili. Les scientifiques ont constaté que, chez la souris, Toxoplasma peut atteindre les testicules et l’épididyme (le canal où les spermatozoïdes mûrissent et sont stockés) deux jours après l’infection. Cette observation les a poussés à examiner les conséquences d’un contact direct entre le parasite et des spermatozoïdes humains, in vitro.

Résultat : après seulement cinq minutes d’exposition au parasite, 22,4 % des spermatozoïdes ont été « décapités ». En outre, le nombre de spermatozoïdes abîmés augmentait à mesure que leurs interactions avec les parasites se prolongeaient. Par ailleurs, les spermatozoïdes ayant conservé leur tête étaient souvent tordus et déformés. Des trous ont été constatés dans les « têtes » de certains d’entre eux, suggérant que les parasites tentent de les envahir comme ils le font pour tout autre type de cellule dans les organes qu’ils colonisent.

Le contact direct n’est pas la seule façon par laquelle Toxoplasma peut endommager les spermatozoïdes. On sait en effet que l’infection favorise la mise en place d’une inflammation chronique. Or, les états inflammatoires des voies reproductrices masculines nuisent à la production et au bon fonctionnement des spermatozoïdes.

Selon les auteurs, les effets délétères que pourrait exercer Toxoplasma sur les spermatozoïdes participeraient aux problèmes globaux de fertilité masculine.

Série d’images microscopiques de spermatozoïdes légèrement déformés, présentant des trous dans leur tête
Spermatozoïdes exposés à Toxoplasma. Les flèches indiquent les trous et autres dommages subis par les spermatozoïdes ; les astérisques montrent les zones où le parasite s’est introduit. En bas, les spermatozoïdes des deux témoins non exposés sont normaux.
Rojas-Barón et al/The FEBS Journal, CC BY-SA

Comment prévenir la toxoplasmose

Chez les modèles animaux, les preuves démontrant que Toxoplasma peut infiltrer les organes reproducteurs mâles sont convaincantes. Reste à savoir si cette situation peut engendrer des problèmes de santé chez l’être humain. Si l’existence d’une forme de toxoplasmose testiculaire confirme que les parasites peuvent envahir les testicules des hommes, la maladie symptomatique est très rare. Les études menées jusqu’à présent, qui révèlent des anomalies spermatiques chez les hommes infectés, sont trop limitées pour que l’on puisse, à ce stade, tirer des conclusions définitives.

Par ailleurs, certains travaux indiquent que, dans les pays à revenu élevé, les taux de toxoplasmose n’ont pas augmenté au cours des dernières décennies, alors que l’infertilité masculine s’accroissait. Ce constat suggère que les potentiels effets délétères liés à l’infection par T. gondii ne constituent de toute façon qu’une partie du problème.

Quoi qu’il en soit, mieux vaut éviter d’être infecté par T. gondii. Si la première contamination survient au cours de la grossesse, elle peut entraîner une fausse couche ou provoquer des malformations congénitales. Par ailleurs, l’infection peut être mortelle pour les personnes immunodéprimées.

Pour se protéger, il est important de suivre quelques bonnes pratiques, en particulier lorsque l’on s’occupe de son chat  : nettoyer régulièrement la litière (avec une eau à plus de 70 °C, ndlr) et se laver ensuite soigneusement les mains. L’hygiène des mains est également importante avant la préparation des repas, ainsi qu’après avoir manipulé de la viande crue ou des légumes souillés par de la terre (pensez également à bien nettoyer les surfaces et les ustensiles de cuisine, ndlr). Fruits, légumes ou plantes aromatiques doivent être lavés à l’eau claire, et la viande doit être cuite à une température adéquate avant consommation (cuisson à cœur, à plus de 68 °C, ndlr). Enfin, mieux vaut éviter de manger des coquillages non cuits, et de boire de l’eau non traitée ou du lait cru.

The Conversation

Bill Sullivan a reçu des financements des National Institutes of Health.

ref. Fertilité masculine : comment le parasite de la toxoplasmose décapite les spermatozoïdes – https://theconversation.com/fertilite-masculine-comment-le-parasite-de-la-toxoplasmose-decapite-les-spermatozo-des-258106

Extrême droite et antiféminisme : pourquoi cette alliance séduit tant de jeunes hommes

Source: The Conversation – France in French (3) – By Maite Aurrekoetxea Casaus, Profesora Doctora en Sociología en la Facultad de Ciencias Sociales y Humanas, Universidad de Deusto

L’antiféminisme est l’un des principaux axes de mobilisation politique de l’extrême droite et il séduit de nombreux jeunes hommes. Il s’exprime notamment sur les réseaux sociaux, à travers des discours masculinistes qui promettent de rétablir un ordre supposé naturel entre hommes et femmes.


La montée de l’extrême droite en Europe n’est plus une anomalie politique ou une simple tendance électorale. C’est le reflet d’une crise structurelle qui traverse nos sociétés. Dans leur expansion, ces mouvements ont trouvé un allié efficace et stratégique : l’antiféminisme.

Cette réaction n’est pas seulement symbolique. C’est devenu l’un des principaux axes de mobilisation politique et émotionnelle, en particulier chez les jeunes hommes. L’antiféminisme fonctionne comme un canal d’expression du mal-être social et comme une porte d’entrée vers des discours encore plus radicaux.

Dans une enquête, j’ai analysé comment le discours néolibéral avait pénétré l’imaginaire féministe de nombreuses jeunes femmes. Une idée d’émancipation individuelle a été construite qui a dépolitisé les luttes collectives. La liberté, l’estime de soi ou la responsabilité personnelle sont devenues des mantras qui ont dilué la dimension transformatrice du féminisme.

Un privilège, selon l’extrême droite

Aujourd’hui, cette logique a été absorbée par la droite radicale. Ils présentent le féminisme comme une idéologie inutile, voire nuisible, en particulier pour ceux dont la frustration est liée à un déclassement social. À partir de là, l’extrême droite construit son récit : le féminisme serait un privilège plutôt qu’un outil de justice sociale.

Ce discours imprègne des secteurs de la jeunesse qui vivent dans la précarité, l’incertitude et l’insécurité. En Europe, les partis radicaux ont gagné du terrain chez les électeurs de moins de 30 ans, un groupe historiquement lié au progressisme. En Espagne, Vox est devenu l’un des partis préférés des moins de 25 ans : une personne sur quatre voterait pour cette formation entre 18 et 25 ans.

Cette tendance est identique dans d’autres pays. En France, Marine Le Pen a obtenu 39 % des voix chez les 18-24 ans en 2022 et 49 % chez les 25-34 ans. En Italie, Giorgia Meloni est en tête du vote des jeunes avec 29 %. En Allemagne, l’Afd a été le premier choix des moins de 30 ans dans des régions comme la Thuringe.

L’extrême droite n’est plus l’héritage des personnes âgées désabusées. Il séduit également une jeunesse qui perçoit son avenir comme bouché et qui cherche des explications immédiates et des solutions simples.

Le genre apparaît comme une variable clé. En Espagne, le Baromètre de la jeunesse et du genre 2023 a montré que 51 % des garçons âgés de 15 à 29 ans pensent que « le féminisme est allé trop loin ». En Catalogne, le pourcentage atteint 54 % chez les hommes âgés de 16 à 24 ans.

Ce changement idéologique répond à de multiples facteurs. L’European Policy Centre identifie les causes structurelles : la précarité de l’emploi, la désindustrialisation, la rupture des liens communautaires et l’idéal néolibéral de la réussite individuelle. Ce contexte a érodé la figure de l’homme comme « soutien de famille », laissant de nombreux jeunes en manque de référence claire concernant leur identité et leur appartenance.

Dans ce vide symbolique, les discours masculinistes offrent une réponse. Ils promettent de rétablir un ordre supposé naturel, où les hommes retrouvent autorité et visibilité. Ils ne font pas appel à la justice, mais à la nostalgie et au ressentiment.

Les médias sociaux ont amplifié ce récit. Des référents tels que l’extrémiste Andrew Tate ou des espaces comme la manosphère diffusent des messages misogynes dissimulés derrière des conseils d’entraide, de masculinité « forte » et de réussite économique. À travers des mèmes, des vidéos virales et des slogans agressifs, l’extrême droite ne se contente pas de communiquer des idées, elle construit aussi des identités.

Cet antiféminisme n’est pas un phénomène marginal. Il s’agit d’une stratégie articulée qui permet de canaliser un mal être sans remettre en question les structures économiques ou politiques. Blâmer le féminisme devient un alibi émotionnel qui transfère la responsabilité à un ennemi facile.

Loin de nier la frustration des jeunes, l’extrême droite l’instrumentalise. Elle offre des explications claires, une appartenance symbolique et une promesse de restauration. Son message séduit parce qu’il simplifie : face à un monde incertain, elle propose un retour à une hiérarchie connue, où les hommes dominent et où les femmes s’adaptent.

Un langage émotionnel puissant

Ce processus a de profondes implications socioculturelles. Il montre une jeunesse fracturée. Une partie de cette jeunesse est alignée sur des valeurs égalitaires ; une autre partie se retrouve dans des propositions réactionnaires. Pour elle, l’extrême droite a mis au point un langage émotionnel puissant. Son message ne se limite pas aux meetings politiques : il circule sur les réseaux, sur les chaînes YouTube, avec une esthétique virale.

Il ne s’agit pas de blâmer les jeunes hommes, mais de comprendre quels sont les besoins, les manques et les frustrations qui sous-tendent leur adhésion à ces idéologies. Beaucoup d’entre eux ne trouvent pas d’espaces où ils peuvent se sentir écoutés.

La solution réside dans la reconstruction de discours qui revalorisent l’égalité en tant que bien collectif, qui désactivent l’identification haineuse et qui proposent des modèles de masculinité ouverts, diversifiés et démocratiques.

Les jeunes ne sont pas devenus spontanément plus machistes ou xénophobes. En revanche, l’extrême droite a été capable d’interpréter et de canaliser leur désorientation émotionnelle.

Il est essentiel de comprendre cela pour relever le défi posé. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement le vote des jeunes, mais la possibilité d’un futur en commun. Et avec lui, la possibilité même d’une démocratie plurielle et inclusive.

The Conversation

Maite Aurrekoetxea Casaus ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Extrême droite et antiféminisme : pourquoi cette alliance séduit tant de jeunes hommes – https://theconversation.com/extreme-droite-et-antifeminisme-pourquoi-cette-alliance-seduit-tant-de-jeunes-hommes-258164

Faut-il supprimer les zones à faibles émissions au nom de la justice sociale ?

Source: The Conversation – France in French (3) – By Alexis Poulhès, Enseignant-chercheur, Laboratoire Ville Mobilité Transport, École Nationale des Ponts et Chaussées (ENPC)

Les zones à faibles émission (ZFE), déjà en place à Paris, Grenoble, Lyon ou Strasbourg, excluent progressivement les automobiles les plus polluantes des centres urbains. Pourtant, mardi 17 juin, une majorité de députés (essentiellement MoDem, LR et RN) a adopté un projet de loi mettant fin à l’extension des ZFE. Les députés LFI avaient déjà voté pour leur suppression en mai au nom de la justice sociale. Mais les ZFE sont-elles vraiment injustes socialement ? Plusieurs études en région parisienne évaluent leur impact sur les différentes catégories de populations – avec des résultats inattendus.


Malgré une amélioration constante de la qualité de l’air en France depuis plusieurs décennies, les seuils de dangerosité pour la santé de concentration des polluants réglementaires ne sont toujours pas respectés. Politiques territoriales très diffusées en Europe, les zones à faibles émissions (ZFE) devaient être la clé de voute d’une politique française de lutte contre la pollution atmosphérique dans les grandes villes. En janvier 2025, la loi Climat et Résilience impose de déployer les ZFE dans de nouvelles agglomérations et de renforcer celles de Paris et Lyon, villes toujours trop polluées. Un certain nombre de partis politiques se sont alors érigés en défenseur des travailleurs et artisans qui seraient contraints dans leur déplacement par les ZFE. Ainsi, le 28 mai 2025, l’Assemblée nationale a voté pour la suppression des ZFE en France avec comme principale critique qu’elles n’étaient pas juste socialement. Mais est-ce vraiment justifié ?

Des gains sur la qualité de l’air et sur la santé des plus précaires

Les études scientifiques montrent unanimement que, quelles que soient les restrictions et le périmètre, les bénéfices sur la qualité de l’air sont là. Les concentrations de particules fines et de dioxyde d’azote, les 2 polluants atmosphériques visés par les ZFE, diminuent de quelques pour cent indépendamment du renouvellement naturel du parc automobile. Les retards dans les restrictions et l’absence de contrôle limitent leur efficacité. Le nombre de maladies cardiovasculaires et de cas d’asthmes seraient aussi moins nombreux grâce aux ZFE. Les populations défavorisées sont plus vulnérables aux problèmes environnementaux comme la pollution de l’air. Elles sont en effet fragilisées par leurs contraintes sur leur mode de vie comme leur emploi plus physique ou leur alimentation moins diversifiée et ainsi à la multiplication des expositions environnementales néfastes pour leur santé. En France, une seule étude montre sur la région parisienne que les bénéfices de santé publique des ZFE seraient également répartis socialement, résultat qu’il faudra consolider avec d’autres études.

Peut-on parler pour autant d’une mesure inégalitaire ?

Les politiques ont tendance à attendre que le renouvellement naturel du parc automobile limite la part des voitures polluantes avant de mettre en place les ZFE. Des premières études montrent que ce sont alors les plus défavorisés qui sont impactés dans leurs déplacements. Les autres ménages ont pu acheter une voiture plus récente ou adapter leur déplacement. Finalement ces retards dans le calendrier n’ont que peu d’impacts sur la nécessité d’accompagner les ménages défavorisés contraints mais limitent les bénéfices sur les concentrations de polluants. Le sentiment d’injustice est renforcé par les très nombreux SUV récents et chers qui sont toujours autorisés à circuler. S’ils peuvent émettre moins de polluants que des véhicules anciens, ils n’en sont pas moins des nuisances environnementales et urbaines.

Certains partis politiques se veulent clairement les défenseurs des habitants d’une « France périphérique » qui n’auraient plus accès aux centres des métropoles et seraient alors rejetés.

Pourtant, une exploitation de l’Enquête Global Transport de la région datant de 2020 sur les pratiques de mobilité des résidents montre que la ZFE ne concernait que 2 % des déplacements quotidiens en Île-de-France. De plus, dans une étude récente, nous avons montré que les déplacements des 20 % les plus pauvres ne contribuent qu’à hauteur de 9 % de la pollution automobile. Si l’on considère les conducteurs du périurbain qui se déplacent dans le centre, les proportions sont quasiment identiques : 20 % des plus pauvres ne contribuent qu’à hauteur de 7 % de la pollution automobile. On peut expliquer ces résultats par le fait que les populations défavorisées sont moins nombreuses à utiliser leurs voitures quotidiennement dans le centre ou la périphérie.

Ce résultat montre que les ZFE ne concernent qu’une très faible part des pollutions émises par les véhicules particuliers dans les centres. La plus grande part n’est pas produite par les populations précaires. Ce résultat confirme que l’étalement des emplois peu qualifiés en périphérie et la réalité des prix immobiliers rendent les centres inaccessibles à certaines populations défavorisées. La faible part des déplacements des plus pauvres vers le centre soulèvent donc plutôt des enjeux d’aménagement du territoire et de conditions de logement dans les centres.

Qu’est-il possible de faire maintenant ?

La non-régulation de l’étalement urbain et les politiques de logement successives favorisant la maison individuelle ont participé au développement des territoires périurbains dépendants de la voiture.

N’oublions pas que la périurbanisation et l’obligation dans de très nombreux territoires d’utiliser la voiture est le fruit de politiques. Le détricotage actuel de la politique de zéro artificialisation nette (ZAN) par les mêmes partis politiques critiquant la ZFE participe de cette fuite en avant vers toujours plus de dépendance à la voiture et donc de vulnérabilités).

En ciblant les véhicules les plus anciens, les ZFE sont effectivement inégalitaires, pour autant, elles servent de cadre et d’argument pour construire des politiques volontaristes et faire face à cette vulnérabilité. Pour créer des alternatives efficaces à la voiture dans les grandes métropoles, les politiques de développement de nouvelles offres comme les réseaux cyclables et de tramway doivent être accompagnés de mesures restrictives de la circulation routière comme les zones à trafics limités (ZTL), la végétalisation des chaussées ou l’agrandissement des trottoirs. Ce type de mesures qui restreint tous les véhicules est non inégalitaire socialement et protège la santé et la sécurité des urbains.

Pour rappel, en France en 2023, 660 piétons et cyclistes ont été tués, la plupart en ville, et par des véhicules motorisés. Les communes ou les départements qui gèrent le réseau de voirie manquent de coordinations politiques pour proposer des politiques cohérentes et ambitieuses. L’intérêt des ZFE est aussi d’être à l’échelle des métropoles, un échelon territorial souvent plus pertinent pour prendre des décisions sur la mobilité. Elles pourraient ainsi être la première étape vers une redéfinition des compétences.

Les ZFE mettent en exergue ces inégalités et ces contraintes territoriales fortes qui dessinent des trajectoires de mobilité opposées entre centres, qui restreignent la voiture, et périphéries qui la défendent. Enterrer encore une fois les questions d’inégalités plutôt que d’améliorer le système de mobilité autour des ZFE ne fera que renforcer le ressentiment des Français. Ce débat autour de la restriction de la circulation des populations précaires n’est pas le signe d’un abandon total de la remise en cause des autres inégalités ?

La voiture serait le dernier lien avant le déclassement total. Reconstruire les autres liens et prendre à bras le corps les nombreuses autres inégalités réduiraient la tension autour de ce symbole qui, comme l’avion pour les plus riches, devra par anticipation ou par contrainte naturelle, être réduit aux usages les plus essentiels.

The Conversation

Alexis Poulhès ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Faut-il supprimer les zones à faibles émissions au nom de la justice sociale ? – https://theconversation.com/faut-il-supprimer-les-zones-a-faibles-emissions-au-nom-de-la-justice-sociale-259516

Sans diplôme, quelle carrière en entreprise ?

Source: The Conversation – France in French (3) – By Hédia Zannad, Associate professor, Neoma Business School

Pour les salariés sans diplôme ou les réfugiés sans qualification reconnue en France, l’intégration professionnelle peut être un chemin semé d’embûches. Une étude montre la possibilité de contourner l’absence de réseaux ou de titres académiques en misant sur son capital psychologique.


Si la centralité du diplôme dans le processus de recrutement est une affaire de bon sens, seules les compétences et les performances devraient être prises en compte par la suite. Or, c’est rarement le cas. Bienvenue en France, où prévaut la « tyrannie du diplôme initial ».

Notre article « Quand tout est à (re)construire : la dynamique des ressources de carrière en contexte préjudiciable » est le fruit hybride du croisement entre deux recherches menées et publiées indépendamment l’une de l’autre. La première s’intéresse à la carrière des salariés peu qualifiés d’une grande entreprise française de télécoms – que nous appellerons T par souci d’anonymisation. La seconde s’interroge sur le devenir professionnel des réfugiés en France en provenance de zones de conflit telles que la Syrie ou l’Afghanistan.

Ces deux populations ont en commun de souffrir d’un capital sociologique – ressources économiques, sociales et culturelles – déficient au regard de leur environnement professionnel. Les premiers sont désavantagés par l’insuffisance de titres dans un environnement qui valorise les diplômes d’excellence, les seconds par la disqualification de leur bagage culturel et la disparition de leurs réseaux sociaux dans l’exil.

Alors, comment comprendre que certains réussissent sur le plan professionnel malgré l’absence ou le manque de qualifications ?

Pour répondre à cette question, nous avons fait appel au concept de « ressources de carrière ». Cette notion est composée des ressources psychologiques et sociales – les réseaux de proches –, des ressources en capital humain – éducation, formation, expérience – et des ressources identitaires – conscience de son identité professionnelle – qu’un individu peut mobiliser au service de sa carrière. À la lueur de ce concept, nous nous sommes appuyées sur l’analyse de 42 entretiens menés auprès de 24 salariés et de 18 réfugiés, suivant la méthodologie des récits de vie. L’enjeu : comprendre comment ces individus parviennent à développer des ressources de carrière au service de leur réussite professionnelle, à partir d’un capital sociologique faible.

PsyCap ou capital psychologique

Nos résultats montrent que près de la moitié des personnes interrogées, peu diplômées – ou aux qualifications non reconnues en France –, sont parvenues à s’inscrire dans des trajectoires professionnelles plus ascendantes que ce qu’une analyse sociologique aurait pu laisser prévoir.

Comment ? En étant capables de transformer leurs ressources personnelles – capital psychologique et valeurs personnelles – en ressources pour faire carrière.

Ce que révèle notre étude, c’est la puissance du capital psychologique – également nommé « PsyCap » – pour initier ou relancer une carrière… même en l’absence de capitaux sociologiques traditionnels. Le PsyCap est défini dans le cadre de la psychologie positive comme l’ensemble des forces et capacités psychologiques qui peuvent être développées pour améliorer la performance professionnelle. Il est constitué de quatre dimensions selon le professeur de gestion Fred Luthans : la confiance, l’optimisme, l’espoir et la résilience.

  • La confiance se rapporte à la foi qu’a une personne en sa capacité à transformer ses efforts en succès pour relever un défi.

  • L’optimisme renvoie à une attribution positive à propos du succès présent ou à venir.

  • L’espoir signe l’orientation résolue en direction des objectifs fixés par l’individu et, si nécessaire, son aptitude à faire bifurquer les chemins qui y conduisent pour remplacer ceux qui ont été contrariés.

  • La résilience se réfère à l’aptitude à rebondir, et même au-delà, lorsque l’individu rencontre de l’infortune.

Qualités interpersonnelles

L’analyse des récits de salariés et de réfugiés interviewés révèle trois processus distincts pour faire carrière sans diplôme ou réseaux sociaux en France : la construction, l’activation et l’obstruction.


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La construction concerne des personnes sans diplôme qui s’appuient sur leurs ressources psychologiques – résilience, détermination, optimisme, confiance en soi – ainsi que sur leurs qualités éthiques – altruisme, gratitude, humilité – pour bâtir leur parcours. L’ensemble de ces ressources psychologiques et éthiques agissent comme autant de leviers pour se créer des opportunités et transformer des obstacles en tremplins professionnels. Samuel, entré chez T sans qualification, gravit les échelons grâce à des formations, une validation des acquis (VAE) et l’appui de son management, jusqu’à un poste de direction :

« Une de mes qualités, c’est d’être assez fiable et quelqu’un à qui on peut confier des choses. Des managers ont cru en moi au-delà de ce que j’avais montré. Ils m’ont ouvert des champs possibles. »

La trajectoire des personnes interviewées montre que leur engagement attire le soutien de leur entourage professionnel. Il leur permet de trouver un emploi stable, d’acquérir des compétences par l’expérience et de construire petit à petit un projet professionnel.

Travail de deuil

Le deuxième groupe de répondants, qui représente un tiers de notre échantillon, suit une autre forme de parcours. S’ils détiennent un bon capital initial – diplôme, expérience –, ils s’appuient sur leurs ressources psychologiques pour faire carrière, selon un processus que nous avons appelé « activation ». Par exemple, Sami, réfugié et ex-journaliste iranien, mobilise ses acquis et reprend des études après une période d’adaptation difficile en France :

« Je travaillais dans le journal le plus prestigieux d’Iran, au poste le plus prestigieux… J’étais reconnu dans mon domaine… Je suis arrivé ici et je n’ai été transféré vers personne, j’ai dû repartir de zéro. Je suis devenu professeur particulier pour deux enfants parce qu’on me rendait un service ! Après cinq-six mois, j’ai trouvé un emploi de journaliste… Après dix-neuf mois, ils m’ont proposé un CDI. »

Ce processus d’activation concerne notamment les réfugiés dotés d’un capital humain initial solide – maîtrise de la langue française, études supérieures dans le pays d’origine. Leur réussite professionnelle est fondée sur leurs ressources psychologiques qui les aident à alimenter des efforts soutenus dans le sens de leur intégration. Elles semblent faciliter le travail de deuil, préalable nécessaire pour redémarrer leur vie dans un nouveau contexte.

Focalisation sur les obstacles

Un quart de nos répondants éprouve un sentiment d’échec professionnel, alors qu’ils étaient pourtant dotés en capital sociologique.

Ils sont freinés par un état d’esprit négatif ou par un sentiment d’injustice, selon un mécanisme que nous avons appelé « obstruction ». Ils se focalisent sur les obstacles et refusent certaines opportunités. Certains réfugiés qui détenaient des positions privilégiées dans leur pays d’origine ne se résolvent pas à accepter un travail jugé trop sous-dimensionné par rapport à eux. On peut citer l’exemple de Néda, ingénieure, docteure et titulaire d’un MBA qui, malgré tous ses diplômes, perçoit sa carrière chez T de manière pessimiste, dénonçant des discriminations et rejetant le fonctionnement des réseaux internes :

« Ce ne sont pas les performances seulement : le réseau, la manière de se vendre, être au bon moment au bon endroit en discutant avec la bonne personne. À chaque fois que j’ai répondu à un poste ouvert sur Internet, il y avait toujours quelqu’un qui l’obtenait, cela me fait dire que tout le monde n’est pas égal. »

Pour le sociologue Pierre Bourdieu, l’institution scolaire contribue « à légitimer les trajectoires et les positions sociales » et à déterminer la place dans la division sociale du travail.
Wikimedia commons

Peut-on conclure de cette recherche que la théorie du capital sociologique de Bourdieu pêche par excès de pessimisme ?

Sa théorie de l’espace social souligne l’importance des facteurs culturels et symboliques dans la reproduction des hiérarchies sociales. Si on s’en tient à cette lecture, la réussite est essentiellement liée à la détention de capitaux culturels (compétences, titres, diplômes) et symboliques, c’est-à-dire toute forme de capital culturel, social ou économique ayant une reconnaissance particulière au sein de la société. Cette vision réduit les chances de ceux qui en sont démunis.

Notre étude montre que si les inégalités de départ pèsent lourd, elles ne sont pas une fatalité. À condition de disposer ou d’acquérir de ressources psychologiques telles que la confiance en soi, l’optimisme, l’espoir, la résilience, il est possible de contourner l’absence de réseaux ou de diplômes en misant sur sa capacité à rebondir, à apprendre, à espérer. Et, parfois, à réussir là où rien ne le laissait présager.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

ref. Sans diplôme, quelle carrière en entreprise ? – https://theconversation.com/sans-diplome-quelle-carriere-en-entreprise-258854

Peut-on brûler toutes les réserves d’énergies fossiles et compenser en plantant des arbres ?

Source: The Conversation – Indonesia – By Alain Naef, Assistant Professor, Economics, ESSEC

Lorsque l’on parle d’atténuation du changement climatique, on pense souvent au fait de replanter des arbres, qui consomment du CO2, ou à des solutions techniques consistant à recapturer le gaz carbonique depuis l’atmosphère. Mais ces approches, si elles peuvent être intéressantes, sont irréalistes pour stocker le réchauffement, si on souhaite continuer à brûler des ressources fossiles jusqu’à épuisement.


Quand on prend l’avion, on nous offre souvent la possibilité de planter des arbres à l’autre bout de la planète pour compenser les émissions de notre vol. Un luxe qui permet aux quelques 2 à 4 % des habitants de la planète qui volent chaque année de réduire leur bilan carbone et soulager leur conscience. Mais que se passerait-il si on étendait ce luxe à toute notre économie ? Peut-on vraiment continuer à émettre du CO2 gaiement et espérer le compenser plus tard ? La question devient urgente alors que nous sommes actuellement au-dessus de 1,5 °C d’augmentation de température depuis l’ère industrielle.

Dans une nouvelle étude, nous montrons que compenser les émissions de CO2 coûte trop cher pour être une solution viable. Par exemple, si l’on souhaite capter directement le CO₂ dans l’air, le coût que cela représente est d’environ 1 000 € par tonne, selon les estimations des quelques projets existants, tels que le projet de Climeworks en Islande. La technologie fonctionne avec des ventilateurs géants qui aspirent directement le CO2 de l’air. Pour le mettre où ? Les Norvégiens ont débuté jeudi 12 juin l’installation d’une infrastructure de captage et de stockage du CO₂ sous le plancher océanique, opération marketing à l’appui. Cela parait idéal pour continuer à polluer, tout en n’affectant pas la planète.


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Les estimations dans notre étude montrent que les 200 plus grandes entreprises pétrolières produiraient environ 673 gigatonnes de CO2 en brûlant leurs réserves de pétrole, gaz et charbon. Ces réserves sont inscrites dans leurs rapports annuels et il s’agit de la base de leur valorisation financière. Leurs actionnaires savent que c’est grâce à ces réserves qu’ils ont une certaine capitalisation boursière plutôt qu’une autre.

La capture et le stockage du carbone ? Hors de prix

Le problème, comme le montre notre étude, est que pour compenser les réserves actuelles des entreprises de gaz, pétrole et charbon, cela coûterait environ 673 700 milliards d’euros, soit presque sept fois le PIB mondial. Cela implique que si l’on souhaite continuer à polluer jusqu’à avoir épuisé les réserves d’énergies fossiles, nous devrions payer l’équivalent de sept ans de toute la production mondiale. À ce prix là, autant ne pas polluer.

À l’échelle des entreprises fossiles, le calcul ne serait pas rentable non plus. Pour Total Énergie, qui possède des réserves d’environ 4,25 gigatonnes de CO2 en réserves, c’est trop cher. À 1 000 € la tonne, Total devrait payer environ 4 253 milliards d’euros. C’est presque 34 fois sa valeur boursière, qui s’élève aujourd’hui à environ 126 milliards d’euros.

Dans notre étude, nous appelons cela la valeur environnementale nette, c’est-à-dire la valeur d’une entreprise fossile une fois le CO2 contenu dans ses réserves compensées. Dès que le prix pour compenser une tonne de CO2 dépasse les 150 dollars, la valeur environnementale nette des 200 plus grandes entreprises du secteur des énergies fossiles devient négative. En d’autres termes, si les entreprises fossiles devaient compenser leurs émissions, elles mettraient toutes la clé sous la porte. Heureusement pour elles, aucune législation en ce sens ne s’applique pour le moment. Certaines l’ont compris et ont commencé à investir dans des technologies génératrices d’énergie verte.

Planter des arbres ? Il faudrait recouvrir au moins toute l’Amérique du Nord !

Il existe cependant des solutions plus abordables, comme celle qu’on nous propose à bord des avions notamment : planter des arbres. Selon une étude de l’OCDE, le prix est minime puisqu’il s’élève à environ 16 dollars la tonne. Ce coût infime s’entend sans le prix du terrain : planter des arbres à Manhattan est probablement plus cher.

Les arbres sont en effet généralement composés à moitié de carbone. Pour de nombreuses espèces d’arbres, cette séquestration est la plus efficace pendant les vingt premières années de croissance. Mais pour que la plantation d’arbres capture du carbone, il faut bien sûr éviter qu’ils soient ensuite coupés ou brûlés, ce qui relâcherait à nouveau tout le carbone séquestré. Et il faut éviter de les planter dans un lieu où cela pourrait perturber l’écosystème déjà en place… Pouvons-nous donc sauver la planète en plantant des arbres ?

Dans notre étude, nous avons utilisé les moyennes de captures de carbone par les arbres, en fonction des régions où ils seraient plantés, d’ici à 2050. Si l’on voulait compenser les émissions potentielles de l’ensemble des réserves de gaz, pétrole et charbon, il faudrait planter des arbres sur une très grande surface, qui dépend des régions du monde (certaines étant plus propices que d’autres à la séquestration du carbone). Une de nos estimations est qu’il faudrait couvrir environ 27 millions de kilomètres carrés, soit l’entièreté de l’Amérique du Nord et centrale, ainsi qu’une partie de l’Amérique du Sud. Cela impliquerait de remplacer toutes les constructions, les routes, les lacs, et de planter des arbres partout, et sans compter ceux qui poussent déjà.

Bien que l’idée est absurde, la carte ci-dessous permet de se représenter la surface que cela représente. En d’autres termes, même si la plantation d’arbres peut être une bonne forme de capture de carbone, la solution n’est pas viable si on regarde les étendues des réserves de gaz, pétrole et charbon actuellement en possession des entreprises fossiles.

Et si on pousse cette idée encore plus loin, en voulant planter suffisamment d’arbres pour compenser le CO2 déjà émis au cours de l’histoire, il faudrait cette fois transformer en forêt géante non seulement l’Amérique du Nord, mais aussi l’Europe et presque toute l’Afrique, de la côte méditerranéenne jusqu’au Zimbabwe.

Des solutions utiles, mais invraisemblables sans changements profonds de nos émissions

On voit donc que la compensation carbone n’est pas une baguette magique. Si l’on veut le faire avec de la technologie, le prix actuel est bien trop élevé. De plus, il faut transporter le carbone de son lien d’émission vers le lien de stockage, par exemple de la France vers la Norvège, ce qui génère également des émissions. Les solutions naturelles sont bien sûr à favoriser, telles que la plantation d’arbres.

Mais là aussi la place manque. La solution ? Arrêter les émissions, bien sûr. Et pour les secteurs difficiles à décarboner, comme la métallurgie, l’industrie chimique ou l’agriculture, il faut d’abord diminuer les activités polluantes, et compenser pour celles qui demeurent nécessaires. La compensation carbone doit donc rester un joker à utiliser en dernier recours, et non la solution par défaut, pour réduire les émissions humaines dans un monde à +1,5 C° et qui continue de se réchauffer.

The Conversation

Alain Naef a reçu des financements de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR).

ref. Peut-on brûler toutes les réserves d’énergies fossiles et compenser en plantant des arbres ? – https://theconversation.com/peut-on-bruler-toutes-les-reserves-denergies-fossiles-et-compenser-en-plantant-des-arbres-259330

Éclairer la ville ou protéger la biodiversité : faux dilemme

Source: The Conversation – Indonesia – By Léa Tardieu, Chercheuse en économie de l’environnement, Inrae

La pollution lumineuse affecte les écosystèmes et la santé humaine, comme le montre cette image satellitaire de l’agglomération de Montpellier de nuit. Image acquise le 26 août 2020 par Jilin-1 de CGsatellite et distribuée par La TeleScop, Fourni par l’auteur

La pollution lumineuse a de nombreux effets délétères. Elle menace la biodiversité, la santé humaine et même les observations astronomiques. Pour être efficaces, les mesures mises en place doivent toutefois dépasser l’opposition binaire entre éclairage ou extinction des feux. L’enjeu est de s’adapter à chaque situation locale.


La pollution lumineuse a considérablement augmenté ces dernières années (d’au moins 49 % entre 1992 et 2017) et continue de croître à un rythme alarmant (7 à 10 % par an). Cette progression rapide est due à la multiplication des sources de lumière artificielle, née de l’expansion urbaine et des changements dans le spectre lumineux des éclairages (couleurs plus froides qui affectent davantage les insectes, par exemple). L’effet rebond du passage à la technologie LED, qui permet d’éclairer davantage pour le même coût, aggrave la situation en multipliant les points lumineux.

Or, la lumière artificielle nocturne a de nombreux effets néfastes, désormais bien démontrés par la communauté scientifique. Elle pèse sur la biodiversité, sur la santé humaine, sur la recherche en astronomie et même, indirectement, sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) du fait de la consommation d’énergie accrue que représente l’éclairage.

Les discours autour de l’éclairage sont aujourd’hui réduits à une logique de « tout ou rien » selon que l’on cherche à privilégier les résidents ou la biodiversité. Dépasser cette binarité est tout l’enjeu de l’étude que nous avons publiée dans Nature Cities.

Celle-ci montre que des compromis entre biodiversité et société sont possibles, mais qu’aucune politique uniforme ne sera efficace. Seule une politique d’éclairage nocturne pensée au niveau local, pour chaque point d’éclairage, adaptée au contexte environnemental et social, permettra de concilier les besoins des uns et des autres. Ceux-ci sont parfois concomitants, et parfois antagonistes.

Les multiples ravages de la pollution lumineuse

En matière de biodiversité, tout d’abord, les éclairages nocturnes perturbent une large gamme de taxons (groupes d’espèces) nocturnes comme diurnes.

Ils masquent en effet les cycles naturels d’alternance jour-nuit. La nuit constitue un habitat pour les espèces nocturnes – et représente un temps de repos pour les espèces diurnes. La nuit représente en quelque sorte une face cachée trop souvent oubliée des politiques environnementales.


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Les effets de la pollution lumineuse sur la biodiversité ont pourtant été documentés à différents niveaux : à l’échelle individuelle (altérations de la physiologie, du comportement reproductif, alimentaire ou d’orientation), à l’échelle communautaire (impacts sur les interactions de compétition et de prédation), et même à l’échelle des écosystèmes. Elle affecte par exemple les processus de pollinisation, la diversité des plantes ou encore le fonctionnement des récifs coralliens tempérés et tropicaux.

Mais la pollution lumineuse représente aussi un enjeu de santé publique. Elle interfère avec les rythmes circadiens et la production de mélatonine chez l’humain, affectant ainsi les cycles de sommeil, l’éveil, les habitudes alimentaires et le métabolisme.

Elle interfère aussi avec les observations astronomiques en diminuant la visibilité des étoiles à l’œil nu. De 250 aujourd’hui en moyenne, elle pourrait chuter à seulement 100 d’ici dix-huit ans. Lorsqu’on ne peut admirer que 200 étoiles dans une ville comme Milan (Italie), un lieu non pollué en offre à nos yeux environ 2 000. Non seulement cette disparition détériore les observations scientifiques astronomiques, mais elle abîme aussi le lien culturel qui nous unit à la nuit.

La Voie lactée depuis l’observatoire de Paranal (désert d’Atacama, nord du Chili), où se trouve le Very Large Telescope (VLT). La lueur rouge à droite est due au halo de la ville d’Antofagasta, bien visible malgré sa distance, 100 kilomètres plus au nord.
Bruno Gilli/ESO, CC BY, CC BY-NC-SA

Enfin, l’éclairage associé à la pollution lumineuse est une source de consommation excessive d’énergie qui génère des émissions de CO2. La consommation énergétique liée à l’éclairage artificiel représente environ 2 900 térawattheures (TWh), soit 16,5 % de la production mondiale annuelle d’électricité et environ 5 % des émissions de CO2. Cela fait de ce secteur un enjeu incontournable pour tenir les objectifs de l’accord de Paris.

Restaurer les paysages nocturnes, un enjeu politique

La restauration des paysages nocturnes est pourtant possible, et cela, même dans les grandes villes. Cela requiert toutefois une volonté politique : il s’agit à la fois de sensibiliser à ces enjeux, mais aussi de prendre des décisions qui ne soient pas exclusivement dictées par le coût énergétique de l’éclairage et d’orienter l’urbanisme vers des systèmes d’éclairage plus durables.

Des politiques ambitieuses, aux niveaux mondial comme local, sont donc indispensables pour réduire et atténuer significativement la pollution lumineuse. Dans certains pays tels que la France, la législation nationale prescrit des mesures et des seuils d’ajustement de l’éclairage public pour éclairer plus directement les zones cibles et réduire le halo lumineux (arrêté du 27 décembre 2018 ou la nouvelle proposition de loi pour la préservation de l’environnement nocturne).

Certaines sources lumineuses artificielles peuvent avoir une température de couleur (indiquée en Kelvin, comme une température) qui se rapproche de celle de la lumière du jour.
Wikimedia, CC BY-SA

Toutefois, le respect des seuils réglementaires en termes de température de couleur, d’intensité lumineuse ou d’extinction, demeure à ce stade à la discrétion des élus locaux. La proposition de loi envisage de donner cette compétence à l’Office français de la biodiversité (OFB). Ce qui interroge, étant donné les fonctions dont il a déjà la charge, les entraves croissantes que ses agents rencontrent dans l’exercice de leur travail, et les récents appels à sa suppression.

Dépasser les arbitrages du « tout ou rien »

Certes, il ne peut être ignoré que le contexte urbain représente un défi pour les urbanistes. Ces derniers doivent, potentiellement, arbitrer entre les préférences des habitants et les besoins de la biodiversité.

« Potentiellement », car la majeure partie des mesures de réduction de la pollution lumineuse sont reçues positivement par la population. La résistance (ou la perception d’une résistance) au changement, liée à des raisons de sécurité, et cristallisée autour de l’extinction, constitue souvent le principal obstacle à leur mise en œuvre pour les élus locaux. Elle constitue aussi le principal argument pour faire machine arrière.

Notre étude publiée dans Nature Cities a été menée dans la métropole de Montpellier Méditerranée (3M), qui regroupe 31 communes, 507 526 habitants, et qui enregistre la plus forte croissance démographique de France (1,8 % par an).

La pollution lumineuse émise y est particulièrement problématique en raison de sa proximité avec le Parc national des Cévennes, l’un des six parcs français labellisés réserves internationales de ciel étoilé (Rice).

S’adapter localement aux besoins

Nous développons, dans l’étude, une analyse spatiale qui porte sur deux aspects :

  • les besoins des espèces en matière de réduction de la pollution lumineuse, d’une part,

  • et l’acceptabilité des habitants face aux changements d’éclairage de l’espace public, d’autre part.

Les besoins des espèces ont été évalués à partir d’images satellites multispectrales (c’est-à-dire, évalués dans plusieurs longueurs d’onde du spectre lumineux) à très haute résolution spatiale.

Ceci permet de délimiter deux dimensions de la pollution lumineuse :

  • le niveau d’émission lumineuse qu’émet chaque lampadaire vers le haut (la radiance),

  • et le nombre de points lumineux visibles, pour un observateur placé à 6 mètres de haut, compte tenu des objets présents dans l’espace (p.ex. : immeubles, arbres, etc.).

Nous prédisons ensuite, à partir de savoirs d’experts locaux et d’inventaires naturalistes, la connectivité du paysage (c’est-à-dire, la capacité des espèces à traverser le paysage pour passer d’un milieu habitable à un autre), avec et sans pollution lumineuse, pour six groupes d’espèces particulièrement sensibles à la pollution lumineuse ou d’intérêt pour la région. Il s’agissait ici : des insectes inféodés aux milieux humides et des Lampyridae, de deux groupes de chiroptères (chauves-souris), Rhinolophus et Myotis, d’un groupe d’espèces d’amphibiens Pelodytes, Pelobates et Epidalea calamita, et de l’engoulevent d’Europe, (qui appartient à une famille d’oiseaux nocturnes, ndlr).

Ceci a été mené en collaboration avec trois associations d’experts naturalistes : l’Office pour les insectes et leur environnement (Opie), la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et le Groupe chiroptères du Languedoc-Roussillon.

Cela nous a permis, d’abord, de classer les points d’éclairage selon l’urgence à réduire la pollution lumineuse pour protéger la biodiversité. Les préférences citoyennes face à différentes mesures de réduction de la pollution lumineuse (réduction de l’intensité, extinction sur différentes périodes de la nuit, changement de couleur, etc.) ont ensuite été cartographiées à partir des résultats d’une vaste expérience de choix, c’est-à-dire une enquête durant laquelle les individus sont amenés à choisir, parmi plusieurs scénarios composites, leur option préférée. Celle-ci a été menée auprès de 1 148 habitants de la métropole.

Nous avons, enfin, croisé les besoins de la biodiversité et des citoyens pour identifier les actions sur l’éclairage public mutuellement bénéfiques et celles qui nécessitent des compromis. Les résultats ont été intégrés dans une application interactive, SustainLight, destinée à aider les décideurs et les citoyens à explorer les différentes situations possibles.

Adapter les stratégies à chaque territoire

Trois situations principales ressortent de notre analyse :

  • Certains quartiers comportant des enjeux forts pour la biodiversité peuvent bénéficier de réductions rapides de la pollution lumineuse avec le soutien des habitants.

  • Dans d’autres, situés en zones urbaines centrales avec des enjeux écologiques modérés, certaines mesures de réduction (par exemple le changement de couleur, la baisse de l’intensité, l’ajustement de la directivité/direction des luminaires pour qu’ils éclairent plus directement le sol) semblent être mieux reçues que des extinctions.

  • Des quartiers à forts enjeux écologiques, enfin, sont marqués par une forte résistance du public aux mesures d’extinction. Dans ce cas, il est possible d’avoir un éclairage plus respectueux de la biodiversité en adoptant les mesures mentionnées ci-dessus. Cela peut être accompagné d’actions de sensibilisation pour informer les résidents des multiples effets néfastes de la pollution lumineuse.

Nos travaux confirment que, pour être efficaces dans la préservation de la biodiversité contre la pollution lumineuse, les politiques d’éclairage durable doivent être socialement acceptées et tenir compte des besoins à la fois de la biodiversité et de la société.


Sarah Potin, Vincent Delbar et Julie Chaurand, de la start-up La Telescop, ont contribué à la rédaction de cet article.

The Conversation

Léa Tardieu est chercheuse à l’UMR TETIS et associée à l’UMR CIRED. Elle est membre du GDR 2202 Lumière & environnement nocturne (LUMEN) et de l’Observatoire de l’Environnement Nocturne du CNRS. Léa a reçu des financement de la Région Occitanie (projet Readynov Pollum).

Chloé Beaudet est membre du GDR 2202 Lumière & environnement nocturne (LUMEN) et de l’Observatoire de l’Environnement Nocturne du CNRS. Elle a reçu des financement de la Région Occitanie (projet Readynov Pollum).

Léa Mariton est membre du GDR 2202 Lumière & environnement nocturne (LUMEN) et de l’Observatoire de l’Environnement Nocturne du CNRS.

Maia David a reçu des financements de l’INRAE et AgroParisTech en tant que chercheuse à l’UMR Paris-Saclay Applied Economics (PSAE).

ref. Éclairer la ville ou protéger la biodiversité : faux dilemme – https://theconversation.com/eclairer-la-ville-ou-proteger-la-biodiversite-faux-dilemme-254904

Qu’est-ce que la « civilisation écologique » que revendique le pouvoir chinois ?

Source: The Conversation – Indonesia – By Virginie Arantes, Postdoctoral Researcher – Projet Chine CoREF, CNRS/EHESS (CECMC), Université Libre de Bruxelles (ULB)

Cette photo, prise le 5 avril 2025, montre un troupeau de cerfs du père David (_Elaphurus davidianus_) marchant sous des panneaux solaires dans une réserve naturelle de Yancheng (province de Jiangsu, est de la Chine).
AFP (hors Chine/China out), CC BY

Depuis 2007, les dirigeants chinois affirment mettre en place une « civilisation écologique ». Lorsque l’on regarde la décarbonation comme la réduction des gaz à effet de serre, alors que les États-Unis reculent, la Chine, elle avance… mais vers quelle écologie ?


Le 23 avril 2025, lors de la réunion des dirigeants sur le climat et la transition juste, [organisée par le président du Brésil Luiz Inácio Lula da Silva et le secrétaire général de l’ONU António Guterres, ndlr], Xi Jinping appelait à défendre « le système international centré sur l’ONU » et à « tenir le cap du développement vert et bas carbone », dénonçant au passage les grandes puissances qui « s’obstinent à porter l’unilatéralisme et le protectionnisme ».

Dans un contexte où les États-Unis annoncent, pour la seconde fois, leur retrait de l’accord de Paris, la Chine se présente comme une actrice centrale de la transition verte, promettant la neutralité carbone d’ici 2060 et faisant de la « civilisation écologique » la nouvelle boussole de son développement.

Mais que se cache réellement derrière cette expression, si souvent mentionnée dans les discours officiels ? Est-ce le signe d’une prise en compte accrue des enjeux environnementaux ? ou bien l’expression d’une vision stratégique, dans laquelle écologie, développement et gouvernance sont étroitement articulés ? Retour sur ce terme devenu un des piliers du pouvoir chinois actuel.

Un concept né dans l’urgence environnementale

La notion de « civilisation écologique » apparaît pour la première fois dans les discours du Parti communiste chinois (PCC) sous la présidence de Hu Jintao, en 2007. À l’époque, le concept est encore flou, mais il renvoie déjà à une réalité bien concrète : une Chine confrontée à une crise environnementale sans précédent.

De fait, plus de 60 % des grands fleuves sont gravement pollués, 90 % des cours d’eau urbains contaminés, et plus de 300 millions de personnes n’ont pas accès à une eau potable sûre. Les « villages cancers » se multiplient, les mobilisations contre les barrages, les incinérateurs ou les complexes chimiques inquiètent les autorités. En 2013, un haut responsable du Parti reconnaît publiquement que les questions environnementales sont devenues l’une des principales causes des « incidents de masse », ces protestations collectives inquiètent le pouvoir central.

Selon Yang Chaofei, vice-président de la Société chinoise des sciences de l’environnement, les conflits environnementaux augmentaient déjà de 29 % par an entre 1996 et 2011, et si le gouvernement cesse rapidement de publier les chiffres, les estimations de Sun Liping, professeur à l’Université Tsinghua, évoquent jusqu’à 180 000 protestations en 2010, dont une part importante liée à l’environnement.


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Transformer une urgence en projet national

Dans ce contexte, la notion de « civilisation écologique » ne naît pas d’une révélation éthique soudaine mais d’une tentative de réponse politique à une crise sociale et écologique devenue impossible à ignorer. Le China Daily, quotidien officiel en langue anglaise publié par le gouvernement chinois, avertit dès 2007 que ce concept ne doit pas rester un slogan, mais un moteur de changement réel.

Longtemps restée périphérique, l’idée prend de l’ampleur à partir de 2012 lorsque Hu Jintao, à la tête de la Chine de 2003 à 2013, inscrit la « civilisation écologique » parmi les cinq grandes missions stratégiques du Parti, aux côtés du développement économique, politique, social et culturel. Mais c’est sous Xi Jinping, qui lui a succédé et qui est toujours au pouvoir aujourd’hui, qu’elle devient un levier central de gouvernance.

Elle est ainsi intégrée au 13e plan quinquennal en 2015, érigée en objectif stratégique au 19e Congrès du Parti en 2017, puis inscrite dans la Constitution en 2018.

L’écologie au service de la modernisation socialiste

Xi Jinping la place également dans une lecture historique continue de la modernisation chinoise : Mao aurait permis le passage de la civilisation agricole à la civilisation industrielle, Deng Xiaoping, à la tête du régime chinois de 1978 à 1989, aurait instauré une civilisation matérielle, et lui-même porterait désormais une civilisation écologique.

Mais cette écologie ne vise pas à ralentir la croissance. Elle sert au contraire à la rediriger vers : les énergies renouvelables, les hautes technologies vertes, les industries dites « propres », les zones expérimentales, les villes intelligentes. La Chine veut devenir une puissance verte, capable de combiner développement économique, stabilité sociale et rayonnement international.

Concrètement, cette stratégie s’est traduite par des investissements massifs dans les infrastructures vertes. À elle seule, la Chine représente désormais un tiers des capacités mondiales en énergies renouvelables. En 2024, elle a battu un record en installant 357 gigawatts (GW) de solaire et d’éolien, franchissant ainsi, dès maintenant, son objectif de 1 200 GW fixé pour 2030, avec six ans d’avance. Cette progression fulgurante correspond à une hausse annuelle de 45 % pour le solaire et de 18 % pour l’éolien.

Cette expansion a permis de compenser une grande partie de la croissance énergétique, si bien que les émissions de CO2 sont restées inférieures à celles de l’année précédente pendant dix mois consécutifs, malgré une hausse annuelle globale estimée à 0,8 %. Ce rebond s’explique par la reprise post-Covid et une demande exceptionnelle en début d’année, notamment liée à des vagues de chaleur record qui ont perturbé la production hydroélectrique, forçant le recours accru au charbon. Mais ce succès masque une autre réalité : l’effort climatique chinois reste avant tout technocentré, peu redistributif, et fortement dépendant de logiques industrielles lourdes, comme le charbon ou la chimie, qui continuent de croître.

Le système national d’échange de quotas d’émissions (ETS), lancé en 2021, est déjà le plus grand du monde en volume couvert. En 2024, la Chine a représenté près de 60 % des ventes mondiales de voitures électriques. Elle produit environ 75 % des batteries lithium-ion mondiales.

Si certains analystes estiment que la Chine pourrait avoir atteint son pic d’émissions en 2024, les autorités, elles, maintiennent le cap officiel d’un pic « avant 2030 » et n’ont pour l’heure annoncé aucune inflexion.

Dans son allocution de 2025 sur la transition juste, Xi associe transition climatique, réduction des inégalités et leadership global. Ce discours achève de consacrer la « civilisation écologique » non seulement comme un objectif de politique publique, mais comme un projet de civilisation, intégré à la trajectoire historique du Parti et présenté comme la voie chinoise vers la modernité durable.

Comprendre la « civilisation écologique » aujourd’hui

Aujourd’hui, la « civilisation écologique » fait partie intégrante du socle idéologique du régime chinois sous Xi Jinping. Si le terme peut paraître abstrait, voire poétique, il renvoie pourtant à un projet très concret, qui structure les politiques publiques, les plans de développement, les discours diplomatiques et l’appareil doctrinal du Parti.




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Il ne s’agit pas d’une écologie citoyenne ou militante, encore moins participative. La « civilisation écologique » telle qu’elle est pensée en Chine propose une transition verte entièrement pilotée par l’État, centralisée, planifiée, hiérarchisée. Elle promet un verdissement du développement sans en transformer les fondements productivistes ni ébranler le monopole du Parti : c’est une transition par le haut, sans rupture. La nature y est conçue comme une ressource stratégique, un capital à valoriser, un levier d’accumulation et de puissance nationale.

Dans ce cadre, protéger l’environnement ne signifie pas ralentir le développement, mais le réorienter. Le mot d’ordre est de produire autrement, pas moins. Miser sur les technologies vertes, les « zones modèles », les villes intelligentes, à l’image de la nouvelle ville de Xiong’an, conçue comme un laboratoire de modernité écologique par les autorités. Une réorganisation qui, tout en intégrant le vocabulaire écologique, préserve les logiques productivistes.

Si l’on peut observer et commenter toute cette mise en action, il n’existe cependant pas, à proprement parler, de définition unique de ce qu’est la « civilisation écologique » dans les textes officiels. Plusieurs tentatives de clarification ont cependant vu le jour dans les médias proches du pouvoir ou dans les textes de vulgarisation. En 2018, un article publié sur des médias officiels la présentent comme une étape éthique et culturelle succédant à la civilisation industrielle. Elle y est décrite comme fondée sur l’harmonie entre l’homme, la nature et la société, et sur une transformation profonde des modes de vie, de production et de gouvernance. Cette vision dépasse le simple cadre chinois : elle se veut universelle, mais en partant d’une base nationalement définie.

Dans ses discours récents, Xi Jinping affirme lui que la civilisation écologique représente la quatrième grande transformation de l’histoire humaine, après les civilisations primitive, agricole et industrielle. Elle naîtrait de la crise écologique mondiale engendrée par l’industrialisation et proposerait un nouveau paradigme, qui n’abolit pas l’industrie, mais l’intègre dans une logique écologique de long terme.

Dans les discours officiels, ce tournant est présenté comme une contribution intellectuelle au marxisme contemporain. Xi insiste sur le fait que la nature ne doit plus être considérée uniquement comme un décor ou une ressource passive, mais comme une force productive à part entière. Le slogan désormais célèbre selon lequel « les eaux limpides et les montagnes verdoyantes sont des montagnes d’or et d’argent » devient dans ce cadre une véritable théorie de la valeur écologique.

La richesse ne se mesure plus uniquement en production humaine, mais aussi en valeur ajoutée naturelle. Une forêt non exploitée, un fleuve propre, un écosystème équilibré deviennent des actifs économiques valorisables. Cette idée traverse aujourd’hui les discours sur la finance verte, la comptabilité environnementale, ou les marchés du carbone, qui prennent une place croissante dans les politiques publiques chinoises. L’instauration en 2021 d’un réseau national de parcs, dont celui du panda géant ou de la forêt tropicale de Hainan, illustre cette volonté de faire du vivant un capital à la fois écologique, économique et symbolique.

Une écologie d’État aux contours mouvants

La « civilisation écologique » n’est donc pas simplement un concept environnemental parmi d’autres. C’est une forme de gouvernance verte aux contours mouvants, qui mêle planification, contrôle, innovation technologique et ambition civilisationnelle. Elle combine gestion centralisée, récit de puissance, et ambitions géopolitiques.

La « civilisation écologique » est autant une promesse de durabilité qu’un projet de souveraineté verte destiné à concurrencer les modèles occidentaux. Mais son avenir, comme celui de la transition écologique mondiale, reste suspendu à une question centrale : jusqu’où peut-on verdir un modèle de développement sans en changer les fondements ?

The Conversation

Virginie Arantes a reçu des financements du Fonds de la Recherche Scientifique – FNRS (Belgique).

ref. Qu’est-ce que la « civilisation écologique » que revendique le pouvoir chinois ? – https://theconversation.com/quest-ce-que-la-civilisation-ecologique-que-revendique-le-pouvoir-chinois-257389

BD : L’Héritage du dodo (épisode 9)

Source: The Conversation – Indonesia – By Mathieu Ughetti, Illustrateur, vulgarisateur scientifique, Université Paris-Saclay

L’épisode 9 de notre série BD s’intéresse au sauvetage des espèces menacées. Mathieu Ughetti, Fourni par l’auteur

La crise climatique n’avance pas seule : elle est indissociable de la crise de la biodiversité. Découvrez en exclusivité, chaque mercredi, les 10 épisodes de la BD concoctée par Mathieu Ughetti et Franck Courchamp. Au programme de l’épisode 9, le sauvetage d’espèces menacées.


L’Héritage du dodo, c’est une bande dessinée pour tout comprendre à la crise du climat et de la biodiversité. Chaque semaine, on explore la santé des écosystèmes, on parle du réchauffement climatique mais aussi de déforestation, de pollution, de surexploitation… On y découvre à quel point nous autres humains sommes dépendants de la biodiversité, et pourquoi il est important de la préserver. On s’émerveille devant la résilience de la nature et les bonnes nouvelles que nous offrent les baleines, les bisons, les loutres…

On décortique les raisons profondes qui empêchent les sociétés humaines d’agir en faveur de l’environnement. On décrypte les stratégies de désinformation et de manipulation mises au point par les industriels et les climatosceptiques. Le tout avec humour et légèreté, mais sans culpabilisation, ni naïveté. En n’oubliant pas de citer les motifs d’espoir et les succès de l’écologie, car il y en a !

Retrouvez ici le neuvième épisode de la série !

Ou rattrapez les épisodes précédents :

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Cette BD a pu voir le jour grâce au soutien de l’Université Paris Saclay, La Diagonale Paris-Saclay et la Fondation Ginkgo.

Mathieu Ughetti ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. BD : L’Héritage du dodo (épisode 9) – https://theconversation.com/bd-lheritage-du-dodo-episode-9-259703