Proportionnelle aux élections législatives : qu’en pensent les citoyens ?

Source: The Conversation – France in French (3) – By Navarro Julien, Chargé de recherche en science politique, Institut catholique de Lille (ICL)

Faut-il abandonner le scrutin majoritaire à deux tours pour élire les députés à la proportionnelle ? Cette question fait l’objet de discussions passionnées jusqu’au sein du gouvernement. Au-delà des polémiques sur les avantages et les inconvénients de chaque mode de scrutin, des travaux récents suggèrent qu’un système fondé sur la proportionnelle est perçu comme plus démocratique. Son adoption pourrait contribuer à restaurer la confiance des citoyens dans le jeu politique.

D’après un sondage réalisé dans la foulée des élections législatives anticipées de 2024, 57 % des personnes interrogées jugeaient que la composition de l’Assemblée nationale ne reflétait pas fidèlement l’opinion des Français. Un tel résultat peut surprendre si l’on considère que ces mêmes Français venaient de désigner leurs députés ! S’il reflète sans doute les déceptions cumulées d’électeurs dont le vote n’a pas permis à leur parti d’obtenir une majorité, il traduit aussi plus profondément un malaise démocratique et un fossé croissant entre citoyens et représentants.

Dans ce contexte, le débat sur la réforme du système électoral – c’est-à-dire de la manière dont les suffrages sont transformés en sièges au sein d’une assemblée – prend un relief particulier. Il a été récemment ravivé par la publicité donnée à un « bras de fer » sur ce sujet entre Bruno Retailleau et François Bayrou.

Les consultations menées par le Premier ministre François Bayrou sur l’instauration de la proportionnelle sont sources de tensions au sein du gouvernement : le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a ainsi récemment déclaré qu’il ne porterait « jamais » une telle réforme.

Il faut dire que le Premier ministre est un partisan historique de l’instauration d’un système proportionnel, dans lequel chaque parti se voit attribuer un pourcentage des sièges de députés en fonction de son pourcentage de votes. Son ministre de l’Intérieur, quand à lui – et à l’image du parti Les Républicains dans son ensemble – reste viscéralement attaché au scrutin majoritaire à deux tours. Rappelons que ce mode de scrutin, qui correspond à l’élection dans une circonscription de celui ou celle qui arrive en tête au second tour, est utilisé pour les élections législatives depuis l’instauration de la Ve République en 1958 (à l’exception de celles de 1986).

La proportionnelle transforme l’offre politique

De part et d’autre, les arguments sur les mérites et les effets de chaque système ne manquent pas. La proportionnelle assure par définition une représentation des forces politiques en fonction de leur poids dans l’électorat. Les partis y jouent un rôle primordial car ce sont eux qui se chargent de constituer des listes de candidats, que ce soit à l’échelle départementale, régionale ou nationale.

Les effets du scrutin majoritaire sont tout autres. Si ce mode de scrutin a pour effet théorique d’assurer une large majorité au parti arrivé en tête des élections, cela se fait au prix d’une distorsion de la représentation. Cette dernière est cependant contrebalancée par davantage de redevabilité personnelle des représentants, dans la mesure où chaque député élu localement rend des comptes à l’ensemble des électeurs de sa circonscription.

Avec un système majoritaire tel que nous le connaissons aujourd’hui, les partis politiques sont également encouragés à se coaliser avant les élections pour maximiser leurs chances d’accéder au second tour, ou à former des alliances dans l’entre-deux-tours. C’est ce qu’ont parfaitement compris les partis du Nouveau Front populaire en 2024.

À l’inverse, avec un mode de scrutin proportionnel, chaque formation politique – y compris les plus petites – est susceptible de concourir seule. La formation des gouvernements dépend alors de la constitution de coalitions après les élections. Le dilemme est donc ici le suivant : vaut-il mieux une offre politique restreinte mais lisible dès l’élection, ou plus diversifiée au risque de rendre les alliances postélectorales imprévisibles pour les électeurs ?

Et les citoyens, qu’en pensent-ils ?

Les controverses techniques autour des effets des systèmes électoraux cachent en réalité un enjeu plus fondamental : celui de la légitimité démocratique et de la recherche d’un processus électoral à la fois juste et équitable. Une autre façon d’aborder la question consiste à interroger les préférences des citoyens eux-mêmes. En démocratie, n’est-ce pas à eux de choisir les règles du jeu politique ?

Sur ce point, les sondages récents sont clairs. D’après le sondage Elabe cité plus haut, en 2024, seuls 37 % des Français se disaient attachés au scrutin majoritaire à deux tours, alors qu’une majorité préférerait soit un scrutin proportionnel au niveau national (35 %), soit un système mixte (26 %). En mai 2025, selon une autre enquête de l’institut Odoxa, 75 % des Français se disaient désormais favorables à l’élection des députés à la proportionnelle.

Afin de contourner les limites inhérentes aux enquêtes d’opinion, j’ai mené en 2022 avec des collègues italiens et hongrois une étude expérimentale dans trois pays aux systèmes électoraux et à la qualité démocratique variés : la France, l’Italie et la Hongrie. Notre objectif : comprendre comment le mode de scrutin, entre autres facteurs, influe sur la perception que les citoyens ont de la qualité démocratique des institutions.

Nous avons demandé à des participants de comparer deux systèmes politiques fictifs, construits selon neuf critères variant aléatoirement, et d’indiquer lequel leur semblait le plus démocratique. Les critères pris en compte correspondaient aussi bien aux modalités d’accès au pouvoir – y compris la proportionnalité du système électoral – qu’aux processus de décision et aux performances du gouvernement.

Un système politique reposant sur la proportionnelle est systématiquement jugé plus démocratique

Les enseignements de cette étude sont multiples. Par rapport aux études antérieures qui mettaient l’accent sur les caractéristiques personnelles des répondants, sur leurs préférences partisanes ou sur leur situation économique, notre travail démontre l’importance du cadre institutionnel, en particulier du système électoral, parmi les différents éléments qui conduisent des citoyens – toute chose étant égale par ailleurs – à considérer un régime comme plus démocratique qu’un autre.

Même en tenant compte d’autres facteurs comme le niveau de corruption ou la performance économique, les résultats sont nets : peu importe le contexte, les citoyens jugent plus démocratique un système où les élus sont choisis à la proportionnelle. Le fait qu’un système politique repose sur la proportionnelle augmente sa probabilité d’être considéré comme plus démocratique de 3,6 points de pourcentage par rapport à un système fonctionnant avec un mode de scrutin majoritaire.

Cette préférence pour un système proportionnel, qui confirme des travaux menés en Autriche, Angleterre, Irlande et Suède, correspond en outre, chez les citoyens, à une vision d’ensemble cohérente de ce qui rend un système politique plus démocratique. Les participants ont en effet également jugé plus démocratiques des systèmes où un grand nombre de partis étaient représentés, plutôt que quelques-uns, et où le gouvernement était issu d’une coalition, plutôt que d’un seul parti. Avoir une offre politique large augmente de 3,6 points de pourcentage la probabilité qu’un système politique soit considéré comme plus démocratique par rapport à un système où il n’y a qu’un nombre réduit de partis. Le gain est même de 5 points de pourcentage lorsqu’il y a un gouvernement de coalition plutôt qu’un gouvernement unitaire.

Ce sont par ailleurs les participants les plus attachés à la démocratie – ceux qui estiment qu’elle est préférable à toute autre forme de gouvernement – qui se montrent les plus enclins à désigner comme plus démocratique un système politique basé sur la proportionnelle. La probabilité que ce groupe choisisse un système donné passe ainsi de 45 % à 55 % si celui-ci présente des caractéristiques proportionnelles. À l’inverse, la proportionnelle ne génère aucun écart significatif dans les probabilités qu’un système soit choisi plutôt qu’un autre chez les participants qui soutiennent faiblement la démocratie.

Notons enfin que cette valorisation du pluralisme et de la recherche du compromis ne peut s’expliquer par l’ignorance dans laquelle les participants se trouveraient des effets potentiellement négatifs de la proportionnelle. Les résultats pour la France sont en effet sur ce point parfaitement convergents avec ceux obtenus par notre étude dans les pays qui utilisent déjà la proportionnelle intégrale, comme l’Italie, ou un système mixte, comme la Hongrie. Le fait qu’un système politique s’appuie sur un scrutin proportionnel plutôt que majoritaire augmente de 8 points de pourcentage la probabilité que les participants hongrois le désignent comme plus démocratique ; parmi les participants italiens, la différence entre ces deux scénarios est comme dans l’enquête française de 3,6 points de pourcentage.

Quelles leçons pour le débat français ?

Bien sûr, le système électoral ne constitue qu’un des aspects poussant les citoyens à juger un régime politique plus démocratique qu’un autre. Il serait tout à fait illusoire de penser que l’adoption de la proportionnelle pour les élections législatives pourrait suffire à réconcilier les Français avec la politique et à régler tous les problèmes de la Ve République.

Notre étude a cependant le mérite de montrer que les modalités de désignation des responsables politiques – en particulier le mode de scrutin – sont un élément clé de la satisfaction démocratique, indépendamment de la façon dont le pouvoir est ensuite exercé et des résultats qu’il obtient. Ainsi, même si dans notre étude la croissance économique et le niveau de corruption ont un large effet sur la satisfaction démocratique (la probabilité qu’un pays connaissant une forte croissance et peu de corruption soit considéré comme plus démocratique augmente respectivement de 14,5 et de 3,5 points de pourcentage par rapport à un pays à l’économie stagnante et corrompu), ils n’annulent pas celui, bien tangible, de la proportionnalité du système électoral.


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Cela contribue à expliquer pourquoi il est vain d’espérer restaurer la confiance envers les gouvernants par la seule amélioration du bien-être des citoyens. Les gouvernements sortants en ont fait l’amère expérience en 2022 et, plus encore, en 2024 : même si les facteurs expliquant leurs échecs électoraux sont multiples, il est assez clair que leurs tentatives de tirer profit de bons résultats en matière d’emploi ne se sont pas traduits par un surcroît de popularité dans les urnes.

The Conversation

Navarro Julien ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Proportionnelle aux élections législatives : qu’en pensent les citoyens ? – https://theconversation.com/proportionnelle-aux-elections-legislatives-quen-pensent-les-citoyens-258356

Legal wrangling over estate of Jimmy Buffett turns his widow’s huge inheritance into a cautionary tale

Source: The Conversation – USA (2) – By Reid Kress Weisbord, Distinguished Professor of Law and Judge Norma Shapiro Scholar, Rutgers University – Newark

Musician Jimmy Buffett and his wife, Jane Slagsvol, attend a Lincoln Center for the Performing Arts event in 2018 in New York. Evan Agostini/Invision via AP

Lawyers often tell their clients that everyone should have a will that clearly states who should inherit their assets after they die. But even having a will is not necessarily enough to avoid a costly and contentious legal dispute.

Consider what happened after Jimmy Buffett died of skin cancer at the age of 76 in 2023. The singer and entrepreneurial founder of the Margaritaville brand ordered in his will that his fortune be placed in a trust after his death. To manage the trust, Buffett named two co-trustees: his widow, Jane Slagsvol, and Richard Mozenter, an accountant who had served as the singer’s financial adviser for more than three decades.

In dueling petitions filed in Los Angeles and Palm Beach, Florida, in June 2025, however, Slagsvol – identified as Jane Buffett in her legal filing – and Mozenter are both seeking to remove each other as a trustee.

The outcome of this litigation will determine who gets to administer Buffett’s US$275 million estate.

As law professors who specialize in trusts and estates, we teach graduate courses about the transfer of property during life and at death. We believe that the Buffett dispute offers a valuable lesson for anyone with an estate, large or small. And choosing the right person to manage the assets you leave behind can be just as important as selecting who will inherit your property.

Buffett’s business empire

Buffett’s estate includes valuable intellectual property from his hit songs, including “It’s 5 O’Clock Somewhere,” “Oldest Surfer on the Beach” and “Cheeseburger in Paradise.” Buffett’s albums have sold more than 20 million copies worldwide and continue to generate some $20 million annually in royalties. Buffett also owned a yacht, real estate, airplanes, fancy watches and valuable securities.

In addition, he owned a 20% stake in Margaritaville Holdings LLC, a brand management company he and Slagsvol founded in the 1990s. Margaritaville owns 30 restaurants and 20 hotels, along with vacation clubs, casinos and cruise ships. It also sells branded merchandise.

According to Slagsvol’s petition, Buffett’s trust was set up to benefit his widow. Slagsvol, who married Buffett in 1977, is one of two trustees of that trust, which is required to have at least one “independent trustee” in addition to her “at all times.” That requirement is stated expressly in Buffett’s trust declaration.

Slagsvol receives all income earned by the trust – an estate-planning technique for giving away property managed by a trustee on behalf of the trust beneficiaries – for the rest of her life. She can also receive additional trust funds for her health care, living expenses and “any other purpose” that the independent trustee – Mozenter, as of July 2025 – deems to be in Slagsvol’s best interests.

The estate plan also created separate trusts for their three children: Savannah, Sarah “Delaney” and Cameron Buffett, who are in their 30s and 40s. Each child reportedly received $2 million upon Jimmy’s death. When Slagsvol dies, she can decide who will receive any remaining assets from among Buffett’s descendants and charities.

The structure of Buffett’s plan is popular among wealthy married couples. It provides lifelong support for the surviving spouse while ensuring that their kids and grandchildren can inherit the remainder of their estate – even if that spouse remarries. This type of trust typically cannot be changed by the surviving spouse without court approval.

Rear view of female caregiver walking with retired male on footpath.
If you’re fortunate enough to reach your golden years with a sizable nest egg, it helps your loved ones if you can draft a detailed will. You might also want to consider establishing a trust.
Maskot/Getty Images

Dueling trustee removal petitions

Slagsvol is trying to remove Mozenter as the trust’s independent trustee.

She claims he refused to comply with her requests for financial information, failed to cooperate with her as her co-trustee, and hired a trust attorney who pressured her to resign as trustee. Slagsvol also raised numerous questions about the trust’s income projections and compensation paid to Mozenter for his services.

Mozenter’s petition, filed in Florida, is not available to the public. According to media coverage of this dispute, he seeks to remove Slagsvol as trustee. He claims that, during his decades-long role as Buffett’s financial adviser, the musician “expressed concerns about his wife’s ability to manage and control his assets after his death.”

That led Buffett to establish a trust, Mozenter asserted, “in a manner that precluded Jane from having actual control” over it.

Estate planning lessons

We believe that the public can learn two important estate planning lessons from this dispute.

First, anyone planning to leave an estate, whether modest or vast, needs to choose the right people to manage the transfer of their property after their death.

That might mean picking a professional executor or trustee who is not related to you. A professional may be more likely to remain neutral should any disputes arise within the family, but hiring one can saddle the estate with costly fees.

An alternative is to choose a relative or trusted friend who is willing to do this for free. About 56% of wills name an adult child or grandchild as executor, according to a recent study. Some estates, like Buffett’s trust, name both a professional and a family member. An important consideration is whether the people asked to manage the estate will get along with each other – and with anyone else who is slated to inherit from the estate.

The second lesson is, whether you choose a professional, a loved one or a friend to manage your estate, make clear what circumstances would warrant their removal. Courts are reluctant to remove a handpicked trustee without proof of negligence, fraud or disloyalty. But trustees can be removed when a breakdown in cooperation interferes with their ability to administer the estate or trust.

Some trusts anticipate such conflicts by allowing beneficiaries to replace a professional trustee with another professional trustee. That can resolve some disputes while avoiding the cost of seeking court approval.

Preventing disputes from erupting in the first place can help people avert the costly and embarrassing kind of litigation now ensnaring Jimmy Buffett’s estate.

The Conversation

The authors do not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organization that would benefit from this article, and have disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

ref. Legal wrangling over estate of Jimmy Buffett turns his widow’s huge inheritance into a cautionary tale – https://theconversation.com/legal-wrangling-over-estate-of-jimmy-buffett-turns-his-widows-huge-inheritance-into-a-cautionary-tale-259116

Philadelphia’s $2B affordable housing plan relies heavily on municipal bonds, which can come with hidden costs for taxpayers

Source: The Conversation – USA (2) – By Jade Craig, Assistant Professor of Law, University of Mississippi

The Parker administration says it will issue $800 million in bonds over the next four years to fund affordable housing. Jeff Fusco/The Conversation, CC BY-NC-SA

Philadelphia Mayor Cherelle Parker’s Housing Opportunities Made Easy initiative, which was included in the city budget passed June 12, 2025, is an ambitious effort to address the city’s affordable housing challenges.

Parker has promised to create or preserve 30,000 affordable housing units throughout the city, at a cost of roughly US$2 billion.

To help fund the plan, the Parker administration says it will issue $800 million in housing bonds over the next three years.

In an April 2025 report on the housing plan, the Parker administration admits that, in light of declining federal investment in affordable housing, proceeds from municipal bonds issued by the local government “have taken on an outsized role” in Philadelphia’s housing programs.

Often, only city treasurers and the finance committees of city councils pay attention to the details behind these municipal bonds.

As a law professor who studies the social impact of municipal bonds, I believe it’s important that city residents understand how these bonds work as well.

While municipal bonds are integral to the city’s effort to increase access to affordable and market-rate housing, they can include hidden costs and requirements that raise prices in ways that make city services unaffordable for lower-income residents.

New construction housing in urban area on sunny day
The Parker administration has vowed to create or preserve 30,000 affordable housing units in Philly through new construction, rehabilitation and expanded rental assistance.
Jeff Fusco/The Conversation, CC BY-SA

How municipal bonds work

Most people are aware that companies sell shares on the stock market to raise capital. State and local governments do the same thing in the form of municipal bonds, which help them raise money to cover their expenses and to finance infrastructure projects.

These bonds are a form of debt. Investors can purchase an interest in the bond and, in exchange, the local government promises to pay the money back with interest in a specified time period. The money from investors functions like a loan to the government.

Municipal bonds are often used so that one generation of taxpayers is not having to bear the full cost of a project that will benefit multiple generations of residents. The cost of building a bridge, for example, which will be in use for decades, can be spread out over 30 years so that residents pay back the loan slowly over time rather than saddle residents with huge tax increases one year to cover the cost.

However, the cost of borrowing pushes up the cost of projects by adding interest payments the same way a mortgage adds to the overall cost of buying a house. Overall, the market and state and local governments have historically viewed this cost as a worthy trade-off.

Some municipal bonds have limits

The Parker administration has several options when it comes to raising capital on the municipal market.

The most common method is through general obligation bonds, which are backed by the city’s authority to impose and collect taxes. Bondholders rely on the city’s “full faith and credit” to assure them that if the city has difficulty paying back the debt, the city will raise taxes on residents to secure the payment.

The city plans to use general obligation bonds to help fund its affordable housing plan, but there are limits on how much it can borrow this way. The state constitution limits Philadelphia’s ability to incur debt to a total of 13.5% of the value of its assessed taxable real estate, based on an average of this amount for the preceding 10 years.

Block of colorful row homes on sunny day
Philadelphia is more affordable than several other big U.S. cities, according to a 2020 report from the Pew Charitable Trusts, but it has a high poverty rate.
Jeff Fusco/The Conversation, CC BY-SA

Philly has another option

The city, however, also has the authority to take on another form of debt: revenue bonds. Revenue bonds rely on specific sources of revenue instead of the government’s taxing power. Jurisdictions issue revenue bonds to fund particular projects or services – usually ones that generate income from fees paid by users.

For example, a publicly owned water utility or electric company relies on water and sewage fees or electricity rates and charges to pay back their revenue bonds. Likewise, a transportation authority will rely on tolls to pay back revenue bonds issued to build a toll road, such as the Pennsylvania Turnpike.

Under state law, revenue bonds are “non-debt debts.” They are not debts owed by the city, because the city has not promised to repay the debt through the use of its own taxing powers. Instead, the people who pay the fees to use the service are paying back the debt.

Since states began to place stricter limits on debt in the wake of the Great Depression in the 1930s, cities across the U.S. have increasingly used revenue bonds to get around state debt limits and still fund valuable public services, including affordable housing projects.

When another government entity – rather than the city – issues the bond, and the city pays them a service fee for doing so, it’s a form of what’s called conduit debt. That obligation to pay the service fee to the other government entity is the conduit debt that the city pays out of its general fund.

In Philadelphia, conduit debt includes revenue bonds issued by the Philadelphia Authority for Industrial Development and Philadelphia Redevelopment Authority.

From fiscal years 2012 to 2021, the city’s outstanding debt from general obligation bonds paid for out of its general fund was between $1.3 billion to $1.7 billion per year. However, the city’s conduit debt outstripped that number every year, ranging from $1.8 billion to nearly $2.3 billion. In more recent years, conduit debt has been less than the city’s debt from general obligation bonds.

The city keeps conduit debt on its books – and is obligated to pay it back – even though it comes from bonds issued by the development authorities, because these debts loop back to the city. In the bonds issued by these agencies, the city actually becomes like a client of the agency. The city is typically obligated to pay the agency service fees as part of a contractual obligation that cannot be canceled.

The revenue on which the development agencies’ bonds rely, the money from which bondholders expect to be paid back, does not come from fees that residents pay out of their own pocket – for example through ticket sales from a sports stadium built with revenue bonds. The money instead comes out of the city’s treasury.

A loophole to affordable housing

Essentially this is a loophole for the city to bypass debt limits set for Philadelphia in the state constitution. Sometimes creativity in government requires using loopholes to get the job done – to get to yes instead of a stalemate.

Consider this analogy. Say your sister takes out a bank loan to buy a car for you because your credit limit is maxed out. She is relying on you to pay her back, and she uses your payment to pay the bank. But if you don’t pay her back, she’s not responsible by law for paying the bank herself. So, it’s your debt, but she is the conduit.

If the city holds itself accountable, it can use conduit debt responsibly to make affordable housing construction a reality.

The mayor’s office did not respond to my questions about whether they plan to use conduit debt issued by a development authority, whether that conduit debt would include service fees, and what funds would be used to pay those fees.

In its quest to increase access to affordable housing, the Parker administration should, in my view, be mindful of limiting the service fees it agrees to pay – which have no legally prescribed limits – and also account for where it will find income to cover these costs. For example, will it come from the sale of city-owned land? Fees charged to developers? Or some other source?

Otherwise, taxpayers may be left to foot a bill that is essentially unlimited.

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The Conversation

Jade Craig does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organization that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

ref. Philadelphia’s $2B affordable housing plan relies heavily on municipal bonds, which can come with hidden costs for taxpayers – https://theconversation.com/philadelphias-2b-affordable-housing-plan-relies-heavily-on-municipal-bonds-which-can-come-with-hidden-costs-for-taxpayers-253522

L’IA peut-elle prédire la faillite d’un pays ?

Source: The Conversation – France (in French) – By Serge Besanger, Professeur à l’ESCE International Business School, INSEEC U Research Center, ESCE International Business School

Les outils d’intelligence artificielle peuvent-ils aider à mieux anticiper les catastrophes économiques et financières ? En intégrant une information plus fraiche et plus qualitative, il serait possible d’identifier des signaux faibles bien en amont de la crise. Mais gare, le recours à ces outils expose à de nouveaux risques qu’il ne faut pas minorer.


Prédire plus tôt la faillite d’un pays permet de limiter les pertes financières, de mieux préparer les réponses politiques et économiques, et surtout d’atténuer les conséquences sociales. Pour les institutions internationales et les gouvernements, c’est l’occasion de mettre en place des plans d’aide ou de restructuration avant que la crise n’explose. Et pour la population, cela peut éviter des mesures brutales : effondrement bancaire, coupures dans les services publics, hausse soudaine du chômage ou flambée des prix. En somme, anticiper, c’est gagner du temps pour agir avec plus de maîtrise, réduire la casse économique et sociale, et éviter de gérer la crise dans l’urgence et la panique.

En mars 2020, alors que les marchés s’effondraient en pleine pandémie, peu d’institutions avaient anticipé l’ampleur de la crise pour les pays émergents. Pourtant, dans les mois suivants, la Zambie, le Sri Lanka et le Liban se retrouvaient en défaut de paiement. Aujourd’hui, avec l’essor de l’intelligence artificielle (IA), une question se pose : l’IA peut-elle prédire la faillite d’un État mieux que les modèles classiques ?

Les limites des modèles traditionnels

Jusqu’ici, les grands outils d’alerte – comme le Système d’Alerte Précoce (Early Warning System, EWS) du FMI – reposaient sur des agrégats macroéconomiques classiques : dette extérieure, croissance, réserves de change, solde courant… Bien qu’utiles, ces indicateurs sont souvent publiés avec retard, et sensibles à des manipulations comptables.

Les agences de notation (S&P, Moody’s, Fitch…), quant à elles, fondent encore largement leurs évaluations sur des analyses humaines, avec un décalage temporel important.




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Une incapacité à capter les signaux comportementaux

De fait, les modèles traditionnels de prédiction des risques souverains s’appuient principalement sur des indicateurs macroéconomiques agrégés : ratio dette/PIB, niveau des réserves de change, balance courante, inflation, ou encore notation des agences de crédit. Ces approches, souvent inspirées des modèles économétriques ou statistiques classiques (logit, probit, etc.), ont deux limites majeures :

  • des données trop lentes et trop agrégées : Les statistiques macroéconomiques sont publiées avec des délais parfois de plusieurs mois, trimestres, voire années. Elles lissent les signaux faibles et masquent les dynamiques de court terme comme les retraits massifs de capitaux ou les paniques bancaires naissantes.

  • une incapacité à capter les signaux comportementaux et politiques : Les crises souveraines ne sont pas seulement économiques. Elles sont aussi sociales, politiques et parfois géopolitiques. Or, les modèles traditionnels peinent à intégrer des variables non quantitatives comme l’instabilité politique, la polarisation sociale, les mouvements de protestation ou les négociations discrètes avec des bailleurs de fonds internationaux.

Le fait que le Liban ait été noté B jusqu’en 2019 alors qu’il méritait probablement un D illustre plusieurs dysfonctionnements majeurs dans les systèmes traditionnels de notation souveraine. Les agences préfèrent réagir que prévenir, ce qui biaise leurs notations à la hausse, surtout pour les pays fragiles.

Signaux faibles

De nouveaux modèles émergent, fondés sur l’apprentissage automatique (machine learning) et le traitement du langage naturel (NLP). Fitch, Moody’s et S&P testent déjà des IA capables de traiter des milliers de sources d’information en temps réel : flux financiers, déclarations publiques, mais aussi données satellites, transactions Swift anonymisées et commentaires sur Twitter/X.

Ces outils détectent des signaux faibles, invisibles aux yeux des analystes traditionnels : une série de transferts vers des comptes offshore, une chute anormale des volumes bancaires ou encore une brusque montée des hashtags du type #default #bankrun dans une langue locale.


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Le précédent libanais

En 2019, bien avant l’effondrement officiel du système bancaire libanais, plusieurs signaux faibles étaient visibles. Des rumeurs circulaient sur WhatsApp et Twitter. Les transferts de fonds sortants explosaient. Des vidéos montraient des manifestants réclamant des comptes à la Banque centrale. Pourtant, les agences de notation, de même que le FMI, tardaient à alerter.

Malgré des signes alarmants en amont, le FMI est resté prudent dans son langage et n’a pas émis d’alerte franche avant l’effondrement du système bancaire libanais en 2019–2020. Un modèle IA entraîné sur les comportements non linéaires de retrait d’espèces, les mentions de panique financière dans les réseaux sociaux ou la disparition progressive des produits importés aurait pu détecter un risque élevé de défaut bien avant les agences.

Le cas du Pakistan : une surveillance en temps réel

Le Pakistan, régulièrement au bord du défaut, illustre un autre usage de l’IA. Le laboratoire de l’ESCE a récemment mis au point un outil combinant flux de données bancaires anonymisées (volumes de dépôts par région), données satellites sur les niveaux d’activité portuaire, analyse sémantique de discours politiques (fréquence de termes comme « aide d’urgence », « moratoire », « négociation FMI »), volume de vols directs sortants depuis Jinnah, discussions en penjabi et urdu sur X et Facebook… En croisant ces éléments, le modèle a anticipé dès la fin 2022 une nouvelle demande de plan de sauvetage… annoncée publiquement seulement en avril.

L’asymétrie de pouvoir entre les États et les autres acteurs économiques entretient la récurrence des crises financières systémiques, dont les impacts sur les grands équilibres macroéconomiques sont souvent massifs.

L’IA ajoute une couche dynamique aux modèles de risque pays, avec des alertes basées sur des tendances comportementales et des « bruits faibles ». Là où les systèmes classiques peinent à intégrer la psychologie collective ou les effets de contagion sur les marchés, l’IA excelle.

L’IA, un nouveau risque ?

Attention cependant aux biais algorithmiques. Les données issues des réseaux sociaux sont bruitées, et leur analyse peut être influencée par des campagnes coordonnées.

De plus, les IA ne sont pas neutres : elles peuvent intégrer des représentations inégalitaires du risque pays, notamment en surestimant les tensions dans des pays politiquement ou socialement instables mais solvables.

Arte 2025.

L’IA n’est pas un oracle. Les données non structurées (réseaux sociaux, médias, forums) sont dites “ bruyantes”, dans le sens où une mauvaise qualité d’entraînement et un mauvais filtrage peuvent conduire à des « faux positifs » alarmants. Si le modèle est entraîné sur des crises passées, il risque de surpondérer certains types de signaux et de sous-estimer des configurations inédites, voire d’”halluciner”. Ces hallucinations surviennent souvent en raison de problèmes liés aux données utilisées pour entraîner les modèles de langage, des limitations de l’architecture des modèles et de la manière dont les grands modèles de langage (LLMs) interprètent les données économiques et financières.

Problème de gouvernance

De plus, les sources peuvent elles-mêmes être biaisées par des campagnes de désinformation. Les modèles d’IA les plus performants sont des « boîtes noires », dont la logique interne est difficilement interprétable. Pour un investisseur institutionnel ou un analyste-crédit, cela peut poser un problème de gouvernance : comment justifier une décision d’investissement ou de désinvestissement fondée sur un score algorithmique non explicable ?

Face à l’accélération et la complexité croissante des chocs économiques, sociaux et géopolitiques, des institutions comme le FMI, la Fed ou la BCE, de même que certains fonds d’investissement et banques, expérimentent désormais des intelligences artificielles capables de simuler des scénarios de crise en temps réel. L’objectif n’est plus seulement de prédire la prochaine défaillance, mais de la prévenir en ajustant les politiques économiques de manière beaucoup plus réactive, grâce à des modèles adaptatifs nourris par des flux de données continus et dynamiques.

Mais ces outils ne remplaceront pas de sitôt le regard critique et le discernement humain. Car là où l’IA excelle dans la détection de signaux faibles et le traitement massif de données, elle reste vulnérable à des biais et des hallucinations statistiques si elle est livrée à elle-même. La vraie rupture viendra donc d’un modèle hybride : un dialogue permanent entre l’intuition géopolitique et sociale des analystes humains et la capacité de calcul de l’intelligence artificielle.

Finalement, il ne s’agit plus de choisir entre l’humain et la machine, mais d’orchestrer intelligemment leurs forces respectives. L’enjeu n’est pas seulement de voir venir les crises, mais d’avoir les moyens d’agir avant qu’elles n’éclatent.

The Conversation

Serge Besanger a été directeur intérimaire d’une filiale du FMI.

ref. L’IA peut-elle prédire la faillite d’un pays ? – https://theconversation.com/lia-peut-elle-predire-la-faillite-dun-pays-259745

Attaques contre les installations nucléaires iraniennes : que dit le droit international ?

Source: The Conversation – France in French (3) – By Abdelwahab Biad, Enseignant chercheur en droit public, Université de Rouen Normandie

Les attaques d’Israël et des États-Unis contre des installations nucléaires iraniennes, présentées comme nécessaires pour empêcher le développement d’armes nucléaires par l’Iran, constituent non seulement des actes illicites en droit international (violation de la Charte des Nations unies et du droit des conflits armés), autrement dit une agression, mais pourraient aussi affecter négativement la crédibilité du régime de non-prolifération nucléaire incarné par le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et le système de garanties de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), en place depuis un demi-siècle.


Le 7 juin 1981, l’aviation israélienne bombarde le réacteur irakien Osirak, suscitant une réprobation unanime. Dans sa résolution 487 (1981), le Conseil de sécurité des Nations unies « condamne énergiquement » l’attaque, qu’il qualifie de « violation flagrante de la Charte des Nations unies et des normes de conduite internationale », estimant en outre qu’elle « constitue une grave menace pour tout le système de garanties de l’Agence internationale de l’énergie atomique, sur lequel repose le Traite sur la non-prolifération des armes nucléaires ».

Ce qui est intéressant ici, c’est la demande faite à Israël « de s’abstenir à l’avenir de perpétrer des actes de ce genre ou de menacer de le faire », un appel manifestement ignoré depuis puisque Tel-Aviv a récidivé par des attaques armées contre des installations situées en Syrie (2007) puis en Iran tout récemment, sans même parler des cyberattaques et les assassinats de scientifiques irakiens et iraniens.

Ce qui différencie toutefois le cas de l’Iran 2025 par rapport à celui de l’Irak 1981, c’est d’une part l’ampleur des attaques (12 jours sur une dizaine de sites) et d’autre part, l’implication des États-Unis, qui ont bombardé les sites d’Ispahan, Natanz et Fordo. Cet engagement américain, ainsi que la rivalité israélo-iranienne au Moyen-Orient, exacerbée depuis le début de la guerre à Gaza, ont non seulement paralysé le Conseil de sécurité, mais ont aussi brouillé le débat sur la licéité de telles attaques.

La guerre préventive ou de « légitime défense préventive » invoquée par Israël pour neutraliser une « menace existentielle » est illicite au titre de la Charte des Nations unies qui définit les conditions de l’emploi de la force par un État (soit via la légitime défense en réponse à une attaque, soit par une action collective décidée par le Conseil de sécurité). Ce qui n’englobe pas une légitime défense « préventive » décidée unilatéralement. Ainsi que l’a rappelé la Cour internationale de Justice, « les États se réfèrent au droit de légitime défense dans le cas d’une agression armée déjà survenue et ne se posent pas la question de la licéité d’une réaction à la menace imminente d’une agression armée » (Affaire Nicaragua contre États-Unis, 1986).

Par ailleurs, l’ampleur et la planification rigoureuse des attaques contre les sites nucléaires iraniens suggèrent que Benyamin Nétanyahou nourrissait ce projet de longue date, comme en témoignent ses nombreuses déclarations depuis trente ans, prédisant l’acquisition imminente de la bombe par l’Iran sous deux ans à quelques mois (Knesset en 1992, Congrès américain en 2002, ONU en 2012 et 2024).

L’Iran un « État du seuil » ; quid d’Israël ?

Le programme nucléaire iranien, lancé sous le chah, a connu un développement depuis les années 2000 avec la construction d’installations diverses permettant au pays de se doter de tout le cycle du combustible (réacteurs de recherche, centrales de production d’électricité, usines d’enrichissement et de stockage de matières radioactives) situés principalement à Arak, Téhéran, Bouchehr, Ispahan, Natanz et Fordo.

L’existence de sites non déclarés à l’AIEA fut à l’origine de sanctions imposées par le Conseil de sécurité. Celles-ci furent ensuite suspendues avec l’adoption du Plan d’action global commun, ou accord de Vienne (2015), signé entre l’Iran, les États-Unis (alors présidés par Barack Obama), la Russie, la Chine, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, qui prévoyait que l’Iran limite ses capacités d’enrichissement de l’uranium en contrepartie de la levée des sanctions.

Mais en 2018, Donald Trump, installé à la Maison Blanche depuis janvier 2018, décide de se retirer unilatéralement de l’accord, sans recourir à la procédure de règlement des différends prévue, et rétablit les sanctions américaines contre Téhéran. L’Iran se considère alors libéré de ses engagements relatifs au niveau d’enrichissement, et fait passer celui-ci à 60 %, bien au-delà de la limite autorisée par l’accord (3,67 %). Bien que ce niveau soit inférieur à celui nécessaire pour une application militaire (90 %), il fait déjà de l’Iran « un État du seuil », c’est-à-dire un État capable d’accéder à la bombe, sous réserve de concevoir et de tester l’engin dans des délais plus ou moins longs. C’est précisément ce risque de voir l’Iran obtenir rapidement l’arme nucléaire qui a été invoqué par Israël et par les États-Unis pour justifier leurs frappes sur les installations iraniennes à partir du 13 juin dernier.

Il reste que le gouvernement iranien a nié toute intention de se doter de la bombe, invoquant la fatwa de l’Ayatollah Khamenei (2005) stipulant que la possession de l’arme nucléaire est contraire aux prescriptions de l’islam. Certes, l’AIEA, autorité de référence en la matière, a souligné à plusieurs reprises dans ses rapports annuels l’existence de zones d’ombre et de dissimulations concernant la nature et l’ampleur du programme iranien d’enrichissement. Elle a toutefois toujours conclu ne disposer d’aucune preuve attestant l’existence d’un programme à visée militaire.

Le principal opposant au programme nucléaire iranien reste Israël, qui n’est pourtant pas en position de donner des leçons en la matière. Doté de l’arme nucléaire depuis les années 1960 en dehors du cadre du TNP, auquel il n’a jamais adhéré, Israël n’a jamais reconnu officiellement son arsenal, invoquant une doctrine d’opacité relevant du « secret de polichinelle » (on estime qu’il disposerait d’une centaine de bombes).

Contrairement à tous ses voisins, il refuse de se soumettre aux inspections de l’AIEA et ignore la résolution 487 du Conseil de sécurité, qui lui « demande de placer d’urgence ses installations nucléaires sous les garanties de l’Agence internationale de l’énergie atomique ». Fait notable : tous les gouvernements israéliens, quel que soit leur bord politique, ont systématiquement évité tout débat public sur le sujet, y compris au niveau national – où il demeure un tabou –, tout en accusant tour à tour leurs voisins (Égypte de Nasser, Irak, Iran) de chercher à se doter de la bombe et de menacer ainsi le monopole nucléaire d’Israël dans la région.

Pourquoi les attaques contre les installations nucléaires sont-elles spécifiquement prohibées ?

L’Iran est un État partie au TNP (depuis son entrée en vigueur, 1970), un instrument clé de non-prolifération par lequel les États non dotés d’armes nucléaires s’engagent à le rester en contrepartie du bénéfice des utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire sous le contrôle de l’AIEA pour prévenir tout usage à des fins militaires.

Cet engagement de non-prolifération est le corollaire du « droit inaliénable » à développer la recherche, la production et l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins économiques et scientifiques inscrit dans le traité et aucune disposition du TNP n’interdit spécifiquement l’enrichissement de l’uranium. En cas de manquements aux obligations de non-prolifération, l’Agence peut saisir le Conseil de sécurité.

Ce fut le cas pour la Corée du Nord en 2006, ainsi que pour l’Iran avant la conclusion de l’accord de 2015. Depuis au moins 2019, l’AIEA a toutefois exprimé des préoccupations quant à des activités menées sur des sites non déclarés, susceptibles de contrevenir aux obligations prévues par l’accord de garanties liant l’Iran à l’Agence, notamment en matière de non-détournement de matières nucléaires. Néanmoins, nous l’avons dit, ces irrégularités n’ont pas permis à l’AIEA d’établir avec certitude l’existence ou l’absence d’un programme à finalité militaire – une condition nécessaire pour saisir le Conseil de sécurité.

Les attaques du 12 au 24 juin violent en particulier la résolution 487 du Conseil demandant aux États « de s’abstenir de perpétrer des attaques ou menacer de le faire contre des installations nucléaires » ainsi que les résolutions de l’AIEA allant dans le même sens. Le directeur général de l’AIEA a rappelé « que les installations nucléaires ne devaient jamais être attaquées, quels que soient le contexte ou les circonstances » (13 juin 2025). Cette prescription d’interdiction s’explique par les conséquences graves sur les populations et l’environnement pouvant découler des fuites radioactives dans et au-delà des frontières de l’État attaqué. À ce propos, la réaction des Américains et des Européens fut prompte lors des incidents armés visant les centrales de Tchernobyl et Zaporijjia (2022, 2024 et 2025), le directeur de l’AIEA jugeant ces attaques « irresponsables » (15 avril 2024).

Si aucun traité spécifique n’interdit les attaques contre des installations nucléaires, leur prohibition découle du droit des conflits armés qui interdit de diriger intentionnellement des attaques contre des biens à caractère civil, les installations nucléaires étant considérées comme telles. Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des biens civils (et des personnes civiles) est une violation des lois et coutumes de la guerre, un crime de guerre au sens du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève de 1949 et du Statut de la Cour pénale internationale.

Ces attaques armées risquent de renforcer la défiance à l’égard du TNP. En effet, comment les justifier lorsqu’elles visent les installations nucléaires d’un État partie au traité et soumis aux garanties de l’AIEA, même si la transparence de l’Iran a parfois fait défaut ? Téhéran pourrait être tenté de se retirer du TNP et de suspendre les inspections de l’Agence, comme le laissent entendre certaines déclarations de responsables iraniens. Ils suivraient alors la trajectoire empruntée par la Corée du Nord, qui s’est dotée de l’arme nucléaire après avoir rompu avec l’AIEA et quitté le TNP. Une telle évolution risquerait d’encourager d’autres États, comme l’Arabie saoudite ou la Turquie, à envisager une voie similaire, compliquant davantage encore la recherche d’une issue diplomatique pourtant essentielle à la résolution des crises de prolifération.

Enfin, ces attaques risquent d’affaiblir un régime de non-prolifération déjà singulièrement érodé par les critiques croissantes sur l’absence de désarmement nucléaire, une contrepartie actée dans le traité mais qui n’a pas connu l’ombre d’un début d’application, la tendance allant plutôt dans le sens d’une course aux armements…

The Conversation

Abdelwahab Biad ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Attaques contre les installations nucléaires iraniennes : que dit le droit international ? – https://theconversation.com/attaques-contre-les-installations-nucleaires-iraniennes-que-dit-le-droit-international-259926

The Supreme Court upholds free preventive care, but its future now rests in RFK Jr.’s hands

Source: The Conversation – USA (3) – By Paul Shafer, Associate Professor of Health Law, Policy and Management, Boston University

The Affordable Care Act has survived its fourth Supreme Court challenge. Ted Eytan via Wikimedia Commons, CC BY

On June 26, 2025, the U.S. Supreme Court handed down a 6-3 ruling that preserves free preventive care under the Affordable Care Act, a popular benefit that helps approximately 150 million Americans stay healthy.

The case, Kennedy v. Braidwood, was the fourth major legal challenge to the Affordable Care Act. The decision, written by Justice Brett Kavanaugh with the support of Justices Amy Coney Barrett, Elena Kagan, Ketanji Brown Jackson and Sonia Sotomayor, ruled that insurers must continue to cover at no cost any preventive care approved by a federal panel called the U.S. Preventive Services Task Force.

Members of the task force are independent scientific experts, appointed for four-year terms. The panel’s role had been purely advisory until the ACA, and the plaintiffs contended that the members lacked the appropriate authority as they had not been appointed by the President and confirmed by the Senate. The Supreme Court rejected this argument, saying that members simply needed to be appointed by the Health and Human Services Secretary – currently, Robert F. Kennedy Jr. – which they had been, under his predecessor during the Biden administration.

This ruling seemingly safeguards access to preventive care. But as public health researchers who study health insurance and sexual health, we see another concern: It leaves preventive care vulnerable to how Kennedy and future HHS secretaries will choose to exercise their power over the task force and its recommendations.

What is the US Preventive Services Task Force?

The U.S. Preventive Services Task Force was initially created in 1984 to develop recommendations about prevention for primary care doctors. It is modeled after the Canadian Task Force on Preventive Health Care, which was established in 1976.

Female doctor with long hair, white coat and stethoscope examines a young child sitting on an exam table, while an adult stands behind the child.
Under the ACA, insurers must fully cover all screenings and interventions endorsed by the U.S. Preventive Services Task Force.
SDI Productions/E+ via Getty Images

The task force makes new recommendations and updates existing ones by reviewing clinical and policy evidence on a regular basis and weighing the potential benefits and risks of a wide range of health screenings and interventions. These include mammograms; blood pressure, colon cancer, diabetes and osteoporosis screenings; and HIV prevention. Over 150 million Americans have benefited from free coverage of these recommended services under the ACA, and around 60% of privately insured people use at least one of the covered services each year.

The task force plays such a crucial role in health care because it is one of three federal groups whose recommendations insurers must abide by. Section 2713 of the Affordable Care Act requires insurers to offer full coverage of preventive services endorsed by three federal groups: the U.S. Preventive Services Task Force, the Advisory Committee on Immunization Practices, and the Health Resources and Services Administration. For example, the coronavirus relief bill, which passed in March 2020 and allocated emergency funding in response to the COVID-19 pandemic, used this provision to ensure COVID-19 vaccines would be free for many Americans.

The Braidwood case and HIV prevention

This case, originally filed in Texas in 2020, was brought by Braidwood Management, a Christian for-profit corporation owned by Steven Hotze, a Texas physician and Republican activist who has previously filed multiple lawsuits against the ACA. Braidwood and its co-plaintiffs argued on religious grounds against being forced to offer preexposure prophylaxis, or PrEP, a medicine that prevents HIV infection, in their insurance plans.

At issue in Braidwood was whether task force members – providers and researchers who provide independent and nonpartisan expertise – were appropriately appointed and supervised under the appointments clause of the Constitution, which specifies how various government positions are appointed. The case called into question free coverage of all recommendations made by the task force since the Affordable Care Act was passed in March 2010.

In the ruling, Kavanaugh wrote that “the Task Force members’ appointments are fully consistent with the Appointments Clause in Article II of the Constitution.” In laying out his reasoning, he wrote, “The Task Force members were appointed by and are supervised and directed by the Secretary of HHS. And the Secretary of HHS, in turn, answers to the President of the United States.”

Concerns over political influence

The U.S. Preventive Services Task Force is meant to operate independently of political influence, and its decisions are technically not directly reviewable. However, the task force is appointed by the HHS secretary, who may remove any of its members at any time for any reason, even if such actions are highly unusual.

Kennedy recently took the unprecedented step of removing all members of the Advisory Committee on Immunization Practices, which debates vaccine safety but also, crucially, helps decide what immunizations are free to Americans guaranteed by the Affordable Care Act. The newly constituted committee, appointed in weeks rather than years, includes several vaccine skeptics and has already moved to rescind some vaccine recommendations, such as routine COVID-19 vaccines for pregnant women and children.

Kennedy has also proposed restructuring out of existence the agency that supports the task force, the Agency for Healthcare Research and Quality. That agency has been subject to massive layoffs within the Department of Health and Human Services. For full disclosure, one of the authors is currently funded by the Agency for Healthcare Research and Quality and previously worked there.

The decision to safeguard the U.S. Preventive Services Task Force as a body and, by extension, free preventive care under the ACA, doesn’t come without risks and highlights the fragility of long-standing, independent advisory systems in the face of the politicization of health. Kennedy could simply remove the existing task force members and replace them with members who may reshape the types of care recommended to Americans by their doctors and insurance plans based on debunked science and misinformation.

Partisanship and the politicization of health threaten trust in evidence. Already, signs are emerging that Americans on both side of the political divide are losing confidence in government health agencies. This ruling preserves a crucial part of the Affordable Care Act, yet federal health guidelines and access to lifesaving care could still swing dramatically in Kennedy’s hands – or with each subsequent transition of power.

Portions of this article originally appeared in previous articles published on Sept. 7, 2021; Dec. 1, 2021; Sept. 13, 2022; April 7, 2023; and April 15, 2025.

The Conversation

Paul Shafer receives research funding from the National Institutes of Health, Agency for Healthcare Research and Quality, and Department of Veterans Affairs. The views expressed in this article are those of the authors and do not necessarily reflect the position or policy of these agencies or the United States government.

Kristefer Stojanovski receives funding from the Robert Wood Johnson Foundation. The views expressed in this article are those of the authors and do not necessarily reflect the position or policy of these agencies or the United States government.

ref. The Supreme Court upholds free preventive care, but its future now rests in RFK Jr.’s hands – https://theconversation.com/the-supreme-court-upholds-free-preventive-care-but-its-future-now-rests-in-rfk-jr-s-hands-260072

La démographie, frein au développement ? Retour sur des décennies de débats acharnés

Source: The Conversation – France in French (3) – By Serge Rabier, Chargé de recherche Population et Genre, Agence Française de Développement (AFD)

L’aide au développement fournie par les pays occidentaux, que ce soit via leurs structures étatiques ou à travers diverses organisations internationales ou fondations caritatives, a mis en avant, au cours des dernières décennies, des priorités variées. En matière de démographie, on a observé une certaine constance : de nombreuses actions ont été entreprises pour aider – ou inciter – les pays les moins développés à réduire leur natalité.


En février 2025, l’une des premières mesures de la nouvelle administration Trump a été de purement et simplement supprimer l’agence des États-Unis pour le développement international (USAID), avec pour conséquence de couper des financements représentant plus de 40 % de l’aide humanitaire mondiale.

L’arrêt de la contribution majeure des financements américains destinés au développement invite à un retour historique sur le rôle et l’influence des États-Unis en matière de définition et de déploiement de l’aide publique au développement, en particulier à travers le prisme démographique.

L’instrumentalisation de la démographie dans les agendas successifs du développement

Depuis près de soixante ans, l’agenda international du développement a connu des orientations prioritaires variées, le primat ayant été donné successivement à l’industrialisation, à la lutte contre la pauvreté, aux programmes d’ajustement structurel puis au développement humain et aux enjeux de gouvernance et de droits humains (y compris ceux des femmes et des filles) à l’ère de la mondialisation. À partir de 2000 et jusqu’à aujourd’hui, cet agenda a mis l’accent sur d’autres thématiques : lutte contre les inégalités, urgences climatique et environnementale, finance durable.

Toutes ces orientations prioritaires se sont traduites dans des narratifs démographiques spécifiques : démographie et géopolitique ; démographie et droits humains ; démographie et crise climatique, pour n’en prendre que trois.

Dans le premier cas, les tendances de la fécondité dans les pays en développement ont justifié le soutien financier et logistique à des programmes de contrôle des naissances au nom de la défense des valeurs occidentales contre l’expansionnisme de l’URSS. Dans le deuxième cas, l’affirmation de l’approche par les droits a voulu minorer les dynamiques démographiques en privilégiant la reconnaissance des droits des personnes à décider en matière de droits sexuels et reproductifs. Dans le troisième cas, le plus contemporain, l’argument du poids encore croissant de la population mondiale, et donc de sa limitation nécessaire, serait une (voire la) réponse à la crise climatique, oubliant au passage la cause principale que représente le « modèle » du développement extractiviste et consumériste actuel.

La démographie :un levier de l’engagement international des États-Unis pour le développement

Dans le quatrième point de son discours d’investiture du 20 janvier 1949, le président Harry Truman présente la nécessité d’un « programme nouveau et courageux pour rendre accessibles les résultats bénéfiques de nos avancées scientifiques et de notre progrès industriel en vue des progrès et de la croissance dans les nations sous-développées ».

Au-delà de l’aspect généreux de l’engagement présidentiel dans la lutte contre « l’ignorance, la maladie et la misère » ainsi que les nécessités, plus intéressées, de reconstruction économique, en particulier de l’Europe dévastée par la Seconde Guerre mondiale, il faut aussi voir dans ce programme le poids des néomalthusiens inquiets des risques selon eux liés à l’explosion démographique dans les pays du tiers-monde, de l’Asie en particulier.

Ainsi, à l’orée de la décennie 1950, le facteur démographique apparaît à la fois, d’une part, comme une justification pour soutenir le développement des pays pauvres qui, processus de décolonisation aidant, deviendront des États indépendants ; et d’autre part, comme une composante majeure de la politique étrangère des États-Unis que leur statut de « super-puissance » de plus en plus évident leur imposait.

En effet, outre l’argument souvent mis en avant (à juste titre) de l’engagement économique (Plan Marshall) et politique (le début de la guerre froide) des autorités gouvernementales, il faut souligner le rôle d’éminents démographes tels que Kingsley Davis (The Population of India and Pakistan (1951)), Hugh Everett Moore (The Population Bomb (1954)), ou encore Ansley J. Coale et Edgar M. Hoover (Population Growth and Economic Development in Low-Income Countries (1958)).

En étudiant l’impact de la croissance démographique (présentée comme excessive et donc néfaste) sur le développement économique, ils sont au fondement des débats ultérieurs sur l’articulation entre population et développement, ainsi que des financements publics des politiques de planification familiale de nombreux bailleurs bilatéraux (États-Unis, Royaume-Uni et Suède notamment) et multilatéraux (Banque mondiale, ONU).

Enfin, la mise à l’agenda de l’explosion démographique du tiers-monde a été rendue possible par la conjonction de certains travaux de la communauté académique et de l’engagement de grandes fondations à but non lucratif des États-Unis, qui a contribué à proposer et à financer des programmes de recherche et de terrain en matière de contrôle et de limitation des naissances, de promotion de la contraception et de la planification familiale.

De fait, la puissance d’imposition d’un tel agenda a bénéficié de facteurs déterminants : capacité financière des fondations privées Rockefeller, Ford, MacArthur rejointes dans les décennies 1990/2000 par, entre autres, la William and Flora Hewlett Foundation, la David and Lucile Packard Foundation ou encore la Bill and Melinda Gates Foundation ; implication d’universités et d’institutions scientifiques privées, parmi lesquelles le Population Reference Bureau (1929), le Population Council (1952), Pathfinder (1957) et plus tard, le Guttmacher Institute (1968) ; et enfin, quelques années plus tard, les financements institutionnels massifs de l’USAID.

Ces financements permettront aussi à des bureaux de consultants américains de devenir des intermédiaires incontournables dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des programmes de planification familiale : Futures Group, 1965 ; Management Science for Health, 1969 ; Population Services International, 1970 ; Family Health International, 1971 ; John Snow Inc., 1975.

« Le meilleur contraceptif, c’est le développement »

C’est au cours de la conférence mondiale de Bucarest (1974) (Conférence mondiale sur la population des Nations unies) que s’affrontent les tenants de deux approches opposées du développement au regard des enjeux, réels ou supposés, de la démographie.

D’un côté, il y a les pays développés à régimes démocratiques libéraux, inquiets des conséquences économiques, alimentaires, environnementales de l’évolution démographique du monde – une inquiétude qui se trouve au cœur du livre alarmiste de Paul R. Erhlich, The Population Bomb (paru en français sous le titre La Bombe P) et du texte de l’écologue Garrett Hardin sur la tragédie des biens communs, tous deux parus en 1968. De l’autre, il y a les pays ayant récemment accédé à l’indépendance, souvent non alignés et rassemblés sous l’appellation « tiers-monde » : pour la plupart d’entre eux (surtout sur le continent africain), la maîtrise de la croissance de la population n’est pas la priorité.

À travers le slogan « Le meilleur contraceptif, c’est le développement », ce sont la croissance et les progrès économiques qui sont mis en avant comme préalables à la nécessaire articulation des enjeux démographiques et économiques.

Les politiques de population au service du développement

La Conférence internationale sur la population et le développement (Le Caire, 1994) représente le moment de bascule entre des objectifs gouvernementaux strictement démographiques en termes de contrôle de la fécondité (au prix souvent de fortes mesures incitatives voire coercitives, voire d’eugénisme social telles que l’Inde a pu en connaître) et l’affirmation du droit des femmes à contrôler librement leur santé et leur vie reproductive ainsi que celui des ménages à décider de manière informée du nombre d’enfants qu’ils souhaitent avoir (ou non) et de l’espacement entre les naissances de ceux-ci.

Le vice-président des États-Unis Al Gore (deuxième à partir de la gauche) s’adresse aux délégués lors de la Conférence du Caire en 1994.
UN Photo

Ainsi, avec le « consensus du Caire », la problématique du développement n’est plus simplement affaire d’objectifs démographiques quantifiables ; elle acte que l’approche fondée sur les droits doit contribuer aux agendas du développement, successivement les Objectifs du millénaire pour le développement (2000-2015) puis les Objectifs du développement durable (2015-2030).

Le financement et la mise en place de programmes de soutien à la planification familiale, qui avaient été conçus pour limiter le déploiement incontrôlé d’une sorte de prolétariat international pouvant servir de réservoir démographique au bloc communiste, se sont déployés en particulier avec le soutien financier massif des fondations précédemment évoquées.

Ces programmes, sous le nouveau vocable de « politiques de population », se sont progressivement inscrits dans l’agenda du développement international des gouvernements américains successifs. C’est au cours des années 1960-1980 que les États-Unis assument le leadership du financement international des politiques de population en Asie, en Afrique et en Amérique latine avec l’USAID, tout en soutenant fortement la création en 1969 du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), devenant ainsi un acteur clé du financement des politiques de population, avec une part variant entre 30 % et 40 % des financements mondiaux dans ce domaine.

De fait, à partir des années 1980, l’USAID est le principal canal de financement des enquêtes démographiques et de santé ou EDS (plus connues sous leur acronyme anglais DHS pour Demographic and Health Surveys), qui permettent, de façon régulière, aux pays en développement de bénéficier des données socio-démographiques nécessaires à la définition et à la mise en place de certaines politiques publiques en matière de population, d’éducation, de santé et d’alimentation.

Une inflexion à cet « activisme » démographique au nom des valeurs conservatrices survient en 1984, lorsque le président Ronald Reagan instaure la politique dite du « bâillon mondial » (« Mexico City Policy »), supprimant les financements états-uniens aux organisations de la société civile qui font, supposément ou non, la promotion de l’avortement. Cette politique sera tour à tour supprimée et ré-installée au rythme des présidences démocrates et républicaines jusqu’à aujourd’hui avec, en point d’orgue, la suppression de l’USAID dès les premiers jours de la seconde présidence Trump.

Une nouvelle ère ?

Les dynamiques démographiques actuelles, marquées par la baisse universelle de la fécondité (à l’exception notable de l’Afrique subsaharienne), l’allongement de l’espérance de vie, la remise en cause des droits en matière de fécondité, la politisation des migrations internationales et le vieillissement de la population mondiale dans des proportions jusqu’ici inconnues vont dessiner un tout autre paysage démographique d’ici à 2050.

Enfin, le retour des concurrences exacerbées de puissances, la fin de la mondialisation dite « heureuse », la résurgence du néo-mercantilisme et, surtout, la nécessité désormais incontournable de l’adaptation au changement climatique, sont autant d’enjeux qui, tous ensemble, vont requestionner radicalement le nexus démographie-développement.

The Conversation

Serge Rabier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. La démographie, frein au développement ? Retour sur des décennies de débats acharnés – https://theconversation.com/la-demographie-frein-au-developpement-retour-sur-des-decennies-de-debats-acharnes-259393

Au Moyen-Orient, que reste-t-il de l’« esprit des accords d’Alger » ?

Source: The Conversation – France in French (3) – By Myriam Benraad, Senior Lecturer in International Politics, Negotiation & Diplomacy, Sciences Po

Mohammad Reza Pahlavi (à gauche), Houari Boumediène (au centre) et Saddam Hussein en Algérie en 1975.

Lutte pour l’hégémonie régionale, la non-reconnaissance des frontières post-coloniales, la vulnérabilité des minorités ethno-confessionnelles ou contre l’escalade de la violence et les calculs déstabilisateurs des parties extérieures au conflit… Toutes ces problématiques, d’une grande actualité aujourd’hui au Moyen-Orient, se trouvaient déjà au cœur des accords signés à Alger, le 6 mars 1975, par l’Iran du chah et l’Irak de Saddam Hussein. Retour sur un moment d’espoir pour la région, vite douché : cinq ans plus tard, les deux pays entraient dans une guerre longue et terriblement meurtrière.


Le 6 mars 1975, en marge d’un sommet de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) tenu dans la capitale de l’Algérie, à l’issue d’une médiation du président Houari Boumédiène, l’Irak de Saddam Hussein et l’Iran de Mohammed Reza Pahlavi signent les accords d’Alger. Ces textes doivent permettre aux deux États de résoudre leurs différends, au premier rang desquels la délimitation de leurs frontières terrestres et fluviales (Basse-Mésopotamie, plaines et piémonts centraux, Kurdistan), dans le cadre d’une solution jugée « globale ».

La satisfaction affichée par les parties concernées est toutefois de courte durée : dans les faits, il n’y aura jamais ni reconnaissance par Bagdad et Téhéran de l’inviolabilité des frontières du pays voisin, ni respect de l’obligation de non-ingérence dans leurs affaires intérieures respectives. Au contraire, les accords d’Alger créent une impasse. Cinq ans plus tard, ce sera le déclenchement entre l’Iran et l’Irak d’une guerre de huit longues années (1980-1988) qui fera près d’un demi-million de morts de chaque côté.

Cet échec de la diplomatie, qui n’est pas le premier dans l’histoire du Moyen-Orient, n’est pas sans faire écho à la trajectoire récente, voire immédiate, de la région. Il illustre la persistance des conflits frontaliers dans cette partie inflammable du monde – de la bande de Gaza au Liban, en passant par le Yémen et la Syrie.

Saddam Hussein et le chah d’Iran s’embrassent lors des accords d’Alger en 1975.

L’abandon des Kurdes

En 1975, les États-Unis souhaitaient le renforcement de leur influence et de celle de l’Iran – alors un allié – dans le Golfe pour contrer l’Union soviétique. Ils n’hésitèrent pas à sacrifier les aspirations kurdes dans le Nord irakien, selon un scénario qui fait songer à la manière dont plus tard, dans la foulée de la guerre contre l’État islamique, Washington abandonna à leur sort ses partenaires kurdes en Syrie.

Comme en 1975 pour leur frères irakiens, les Kurdes de Syrie sont en effet, aujourd’hui, prisonniers d’un jeu géopolitique complexe qui engage leur survie, entre pressions grandissantes de la Turquie, abandon de leur vieux rêve d’indépendance et intégration incertaine à l’appareil militaro-sécuritaire érigé par un djihadiste « repenti », Ahmed al-Charaa.

Au milieu des années 1970, après quatorze ans de lutte révolutionnaire, le mouvement de libération kurde s’effondre en Irak. Le chah d’Iran avait établi des liens étroits avec le leader kurde irakien Mustafa Barzani depuis le milieu des années 1960, et fourni à ses hommes un armement considérable. Après l’arrivée au pouvoir à Bagdad des baasistes en 1968, Téhéran avait encore accru son appui militaire et financier, incité en ce sens par Richard Nixon et Israël.

Dès lors, les difficultés de l’Irak pour réprimer le soulèvement kurde, qui menaçait de faire chuter le régime, furent telles que Saddam Hussein – alors vice-président, mais déjà homme fort de Bagdad – s’était résolu à un compromis, soit une cession de territoires à l’Iran. Il va sans dire que cet épisode laissa un goût amer au Kurdistan, abandonné par Téhéran et Washington dès les premières heures ayant suivi la signature des accords d’Alger, puis immédiatement attaqué par l’armée de Saddam Hussein.

Une « nouvelle ère » qui fait long feu

Pis, rien ne fut fondamentalement réglé entre l’Irak et l’Iran dans la mesure où aucun de ces deux États n’avait renoncé à l’intégralité de ses revendications. De ce point de vue, les accords d’Alger étaient sans doute trop généraux dans leur formulation. Du côté irakien, ils suscitèrent ainsi indignation et sentiment d’humiliation, conduisant paradoxalement à une aggravation des tensions alors qu’ils étaient supposés les calmer. Les Irakiens estimaient que leurs droits avaient été bradés au profit de l’Iran, en particulier dans le détroit d’Ormuz alors occupé par la marine impériale du chah, par lequel transitent 20 % du pétrole mondial actuel et que la République islamique a menacé de fermer à la suite de la « guerre des 12 jours » avec Israël.

De fait, n’était-ce pas de façon superficielle que les accords d’Alger postulaient l’existence de « liens traditionnels de bon voisinage et d’amitié » entre ces pays ? Qu’en était-il vraiment ? Ces États pivots du Moyen-Orient partageaient-ils un intérêt justifiant une telle coopération à leur frontière ? Saddam Hussein arriva à la table des pourparlers résolu à écraser ses adversaires, tandis que le chah convoitait une extension de son influence régionale.

Il n’y aura pas de visite du monarque en Irak, comme la prévoyaient initialement ces accords, ou de déplacement de Saddam Hussein en Iran. La « nouvelle ère dans les relations irako-iraniennes en vue de réaliser les intérêts supérieurs de l’avenir de la région » évoquée sur le papier ne se matérialise pas.

S’ils ne modifiaient que partiellement le tracé de la frontière terrestre, les accords d’Alger ne s’embarrassaient pas d’attentions juridiques quant au volet fluvial de la dispute. Ils accordaient aux Iraniens ce qu’ils avaient longtemps recherché dans la zone du Chatt al-’Arab (« rivière des Arabes », baptisée Arvandroud en persan), cet exutoire à la confluence du Tigre et de l’Euphrate qui se jette dans le Golfe persique. Les Irakiens resteront emplis de rancœur face à ce transfert de territoire vers leur voisin ennemi, qu’ils estiment arbitraire.

Comme l’écrira le politologue Hussein Sirriyeh, en l’absence de confiance réciproque,

« c’est la question du Chatt al-’Arab et les problèmes frontaliers qui semblent avoir été les principaux enjeux du conflit irako-iranien avant et après l’effondrement du traité de 1975 ».

En octobre 1979, peu après l’avènement de la République islamique à Téhéran, l’Irak dénonce les accords et somme l’Iran de quitter son sol. Puis, en mai 1980, Saddam Hussein annonce que les accords d’Alger sont nuls et non avenus. En septembre 1980, les forces irakiennes envahissent l’Iran avec l’assentiment de nombreux États du Golfe, qui redoutent une exportation de la révolution islamique au sein de leurs frontières. Cette étape fait muter une guerre des mots en une guerre tangible aux conséquences dévastatrices dans un camp comme dans l’autre.

Nationalisme arabe et impérialisme perse

Les accords d’Alger, qui devaient façonner une coexistence pacifique entre l’Irak et l’Iran, sont donc enterrés. Les répudier revient aussi pour Saddam Hussein à rejeter en bloc la notion d’inviolabilité des frontières du Moyen-Orient post-colonial, comme en attestera par la suite sa décision d’annexer le Koweït en 1990.

Mais ce nationalisme à la fois arabe et irakien ne remonte pas aux seuls accords d’Alger. On en trouve la trace dans le traité d’Erzeroum de 1847, sur lequel l’Irak, province ottomane à cette époque, fonde ses exigences. Rappelons que les chahs de Perse étaient entrés en conflit avec les sultans ottomans après que Sélim Ier, dit « le Terrible », (1470-1520) eut repoussé les frontières de l’empire vers l’est et fait passer l’Irak sous sa tutelle.

Dans l’entre-deux-guerres, les exigences irakiennes resurgissaient dans les débats de la Société des nations, comme en 1934 et 1935 lorsque le général Nouri al-Saïd, ministre des affaires étrangères, avait accusé les Ottomans d’avoir permis à Téhéran d’établir de nombreux ports le long du Chatt al-’Arab, contre un seul pour Bagdad. Cette conception d’un Irak arabe lésé par un Iran perse n’évoluera plus. Elle tend même à s’exacerber.

En 1990, un échange renouvelé de lettres entre Bagdad et Téhéran montre d’ailleurs que le conflit est loin d’être résolu. Puis, à partir de 2003 et de l’intervention militaire des États-Unis en Irak, il devient évident que la non-application des accords d’Alger ouvre la porte aux appétits territoriaux, politiques, mais également pétroliers, d’une République islamique débarrassée de son adversaire existentiel Saddam Hussein.

Indirectement, le legs laissé par les accords d’Alger est par ailleurs exploité par des acteurs non étatiques. On songe par exemple aux références des djihadistes à l’« ennemi safavide », lequel constituerait un danger pour tout le Moyen-Orient, mais aussi à la propagande virulente des milices irakiennes concernant les actions et les guerres de l’Occident. Sur fond de délitement de l’« Axe de la résistance » qu’avaient établi dès 2003 les mollahs, ces milices chiites, véritable « État dans l’État », convoiteraient-elles in fine une reprise en main plus pérenne des provinces du Sud irakien et notamment de la région du Chatt al-’Arab ?

Les effets au long cours de cet « arrangement » en définitive éphémère entre l’Irak et l’Iran en 1975 n’ont, dans tous les cas, pas fini de faire parler d’eux. Que reste-t-il, en effet, de cet « esprit des accords d’Alger » auquel se référait le texte originel, sinon des décennies de sanctions et de conflagrations ? N’est-ce pas plutôt un esprit de vengeance tous azimuts qui a fini par l’emporter ?

The Conversation

Myriam Benraad ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Au Moyen-Orient, que reste-t-il de l’« esprit des accords d’Alger » ? – https://theconversation.com/au-moyen-orient-que-reste-t-il-de-l-esprit-des-accords-dalger-259520

AI is advancing even faster than sci-fi visionaries like Neal Stephenson imagined

Source: The Conversation – USA (2) – By Rizwan Virk, Faculty Associate, PhD Candidate in Human and Social Dimensions of Science and Technology, Arizona State University

In Stephenson’s novel ‘The Diamond Age,’ a device called the Young Lady’s Illustrated Primer offers emotional, social and intellectual support. Christopher Michel/Wikimedia Commons, CC BY-SA

Every time I read about another advance in AI technology, I feel like another figment of science fiction moves closer to reality.

Lately, I’ve been noticing eerie parallels to Neal Stephenson’s 1995 novel “The Diamond Age: Or, A Young Lady’s Illustrated Primer.”

“The Diamond Age” depicted a post-cyberpunk sectarian future, in which society is fragmented into tribes, called phyles. In this future world, sophisticated nanotechnology is ubiquitous, and a new type of AI is introduced.

Though inspired by MIT nanotech pioneer Eric Drexler and Nobel Prize winner Richard Feynman, the advanced nanotechnology depicted in the novel still remains out of reach. However, the AI that’s portrayed, particularly a teaching device called the Young Lady’s Illustrated Primer, isn’t only right in front of us; it also raises serious issues about the role of AI in labor, learning and human behavior.

In Stephenson’s novel, the Primer looks like a hardcover book, but each of its “pages” is really a screen display that can show animations and text, and it responds to its user in real time via AI. The book also has an audio component, which voices the characters and narrates stories being told by the device.

It was originally created for the young daughter of an aristocrat, but it accidentally falls into the hands of a girl named Nell who’s living on the streets of a futuristic Shanghai. The Primer provides Nell personalized emotional, social and intellectual support during her journey to adulthood, serving alternatively as an AI companion, a storyteller, a teacher and a surrogate parent.

The AI is able to weave fairy tales that help a younger Nell cope with past traumas, such as her abusive home and life on the streets. It educates her on everything from math to cryptography to martial arts. In a techno-futuristic homage to George Bernard Shaw’s 1913 play “Pygmalion,” the Primer goes so far as to teach Nell the proper social etiquette to be able to blend into neo-Victorian society, one of the prominent tribes in Stephenson’s balkanized world.

No need for ‘ractors’

Three recent developments in AI – in video games, wearable technology and education – reveal that building something like the Primer should no longer be considered the purview of science fiction.

In May 2025, the hit video game “Fortnite” introduced an AI version of Darth Vader, who speaks with the voice of the late James Earl Jones.

Older Black man wearing suit jacket poses on red carpet next to sinister-looking, costumed person wearing a black mask and black cape.
The estate of James Earl Jones gave Epic Games permission to use the late actor’s voice for an AI Darth Vader.
Jim Spellman/WireImage via Getty Images

While it was popular among fans of the game, the Screen Actors Guild lodged a labor complaint with Epic Games, the creator of “Fortnite.” Even though Epic had received permission from the late actor’s estate, the Screen Actors Guild pointed out that actors could have been hired to voice the character, and the company – in refusing to alert the union and negotiate terms – violated existing labor agreements.

In “The Diamond Age,” while the Primer uses AI to generate the fairy tales that train Nell, for the voices of these archetypal characters, Stephenson concocted a low-tech solution: The characters are played by a network of what he termed “ractors” – real actors working in a studio who are contracted to perform and interact in real time with users.

The Darth Vader “Fortnite” character shows that a Primer built today wouldn’t need to use actors at all. It could rely almost entirely on AI voice generation and have real-time conversations, showing that today’s technology already exceeds Stephenson’s normally far-sighted vision.

Recording and guiding in real time

Synthesizing James Earl Jones’ voice in “Fortnite” wasn’t the only recent AI development heralding the arrival of Primer-like technology.

I recently witnessed a demonstration of wearable AI that records all of the wearer’s conversations. Their words are then sent to a server so they can be analyzed by AI, providing both summaries and suggestions to the user about future behavior.

Several startups are making these “always on” AI wearables. In an April 29, 2025, essay titled “I Recorded Everything I Said for Three Months. AI Has Replaced My Memory,” Wall Street Journal technology columnist Joanna Stern describes the experience of using this technology. She concedes that the assistants created useful summaries of her conversations and meetings, along with helpful to-do lists. However, they also recalled “every dumb, private and cringeworthy thing that came out of my mouth.”

AI wearable devices that continuously record the conversations of their users have recently hit the market.

These devices also create privacy issues. The people whom the user interacts with don’t always know they are being recorded, even as their words are also sent to a server for the AI to process them. To Stern, the technology’s potential for mass surveillance becomes readily apparent, presenting a “slightly terrifying glimpse of the future.”

Relying on AI engines such as ChatGPT, Claude and Google’s Gemini, the wearables work only with words, not images. Behavioral suggestions occur only after the fact. However, a key function of the Primer – coaching users in real time in the middle of any situation or social interaction – is the next logical step as the technology advances.

Education or social engineering?

In “The Diamond Age,” the Primer doesn’t simply weave interactive fairy tales for Nell. It also assumes the responsibility of educating her on everything from her ABCs when younger to the intricacies of cryptography and politics as she gets older.

It’s no secret that AI tools, such as ChatGPT, are now being widely used by both teachers and students.

Several recent studies have shown that AI may be more effective than humans at teaching computer science. One survey found that 85% of students said ChatGPT was more effective than a human tutor. And at least one college, Morehouse College in Atlanta, is introducing an AI teaching assistant for professors.

There are certainly advantages to AI tutors: Tutoring and college tuition can be exorbitantly expensive, and the technology can offer better access to education to people of all income levels.

Pulling together these latest AI advances – interactive avatars, behavioral guides, tutors – it’s easy to envision how an AI device like the Young Lady’s Illustrated Primer could be created in the near future. A young person might have a personalized AI character that accompanies them at all times. It can teach them about the world and offer up suggestions for how to act in certain situations. The AI could be tailored to a child’s personality, concocting stories that include AI versions of their favorite TV and movie characters.

But “The Diamond Age” offers a warning, too.

Toward the end of the novel, a version of the Primer is handed out to hundreds of thousands of young Chinese girls who, like Nell, didn’t have access to education or mentors. This leads to the education of the masses. But it also opens the door to large-scale social engineering, creating an army of Primer-raised martial arts experts, whom the AI then directs to act on behalf of “Princess Nell,” Nell’s fairy tale name.

It’s easy to see how this sort of large-scale social engineering could be used to target certain ideologies, crush dissent or build loyalty to a particular regime. The AI’s behavior could also be subject to the whims of the companies or individuals that created it. A ubiquitous, always-on, friendly AI could become the ultimate monitoring and reporting device. Think of a kinder, gentler face for Big Brother that people have trusted since childhood.

While large-scale deployment of a Primer-like AI could certainly make young people smarter and more efficient, it could also hamper one of the most important parts of education: teaching people to think for themselves.

The Conversation

Rizwan Virk owns shares of investments funds which own stock in various private AI companies such as Open AI and X.ai. He owns public stock in Google and Microsoft. Virk has family members who work for a wearable AI company.

ref. AI is advancing even faster than sci-fi visionaries like Neal Stephenson imagined – https://theconversation.com/ai-is-advancing-even-faster-than-sci-fi-visionaries-like-neal-stephenson-imagined-257509

Le Palais de la découverte menacé de fermeture : quelle place pour la culture scientifique en France ?

Source: The Conversation – France in French (2) – By Bastien Fayet, Doctorant en géographie – UMR 6590 ESO, Université d’Angers

La mythique cage de Faraday du Palais de la découverte a permis à des milliers d’enfants de comprendre les principes de la conductivité électrique, en toute sécurité N Krief EPPDCSI, CC BY-ND

Fermé depuis quatre ans, le Palais de la découverte pourrait ne jamais rouvrir ses portes. Cette incertitude dépasse la seule question d’un musée parisien : elle met en lumière les fragilités d’un secteur culturel essentiel mais discret, celui de la culture scientifique.


Une question tient actuellement en haleine les professionnels et amateurs de culture scientifique : le Palais de la découverte va-t-il fermer ? Rouvrir ? Être déplacé ?

Le Palais de la découverte est un musée de culture scientifique. Ce champ d’activité propose des actions de médiation pour mettre en relation la société avec les connaissances scientifiques, grâce à des expositions, des ateliers, des conférences ou d’autres activités à destination des enfants et des adultes. Le Palais de la découverte est sous la tutelle principale du ministère de la Culture et celle, secondaire, de l’Enseignement supérieur, tout comme la Cité des Sciences et de l’Industrie, un autre centre de culture scientifique parisien. Ces deux structures ont d’ailleurs été regroupées dans la même entité administrative, Universcience, en 2009, pour faciliter leur gestion. Le Palais de la découverte est hébergé au sein du Grand Palais, dans l’aile ouest.

En rénovation depuis 4 ans, il devait rouvrir en 2026, avec une exposition temporaire et des événements de préouverture le 11 juin 2025. Cette préouverture a été annulée, sur fond de tension avec le ministère de la Culture, mais aussi avec le directeur du Grand Palais qui souhaiterait voir le Palais de la découverte être déplacé.

Depuis, le directeur d’Universcience, Bruno Maquart, a été limogé par le gouvernement, une pétition des salariés pour sauver le Palais de la découverte a été lancée et plusieurs tribunes de soutien ont été publiées, comme par des institutions scientifiques internationales, le Collège de France et le réseau national de la culture scientifique (AMCSTI). Le 19 juin, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche Philippe Baptiste c’est dit favorable au maintien du Palais de la découverte au sein du grand palais, mais le ministère de la Culture, tutelle principale du Palais, ne s’est toujours pas positionné, laissant encore planer une incertitude.

Pour des personnes extérieures à ce champ d’activité, les problèmes du Palais de la découverte peuvent sembler quelque peu parisiano-centrés ou peu importants par rapport à d’autres problématiques actuelles. Et pourtant, la question soulevée est plus globale qu’il n’y paraît.

Un symbole de l’évolution de la culture scientifique

Le Palais de la découverte est né dans le cadre de l’exposition internationale de 1937, d’une idée du peintre André Léveillé et du physicien et homme politique Jean Perrin.

Le Palais de la découverte, depuis 1937 temple de la vulgarisation scientifique.

Le Front Populaire au pouvoir porte les premières grandes politiques culturelles et Perrin voit dans le projet proposé par Léveillé un moyen de rendre la science accessible à tous et de favoriser des vocations. Il disait à propos du Palais de la découverte :

« S’il révélait un seul Faraday, notre effort à tous serait payé plus qu’au centuple ».

Perrin parviendra à pérenniser l’institution au-delà de l’exposition. À cette époque, difficile de parler de culture scientifique et de médiation : il s’agit surtout d’un temple de la science, important pour les scientifiques en période d’institutionnalisation de la recherche et de justification de sa légitimité.

Le Palais va par la suite faire évoluer son fonctionnement pour s’adapter aux changements sociaux. Des actions de médiation plus proches des formes contemporaines apparaissent dans les années 1960, en parallèle du développement du champ de la culture scientifique.

Ainsi, le Palais propose dans ces années des expositions itinérantes – traduisant la volonté d’aller au-delà des murs du musée – des conférences et de l’animation culturelle de clubs de jeunes. Dans les années 1970, les démonstrations et les conférences sont progressivement remplacées par des expériences interactives, et dans les années 1980 les activités pédagogiques avec les écoles, en complément des enseignements scolaires jugés souvent insuffisants, sont fréquentes.

En 1977, le président de la République Valéry Giscard d’Estaing valide l’aménagement de la Cité des Sciences et de l’Industrie à la Villette. Là où le Palais se veut plus proche des sciences académiques, la Cité est pensée pour faire le lien entre sciences, techniques et savoir-faire industriels. On parlera ainsi de l’électrostatique et des mathématiques dans le premier, par exemple, quand le deuxième proposera une exposition sur la radio.

Expérience démontrant le principe de l'électrostatisme au Palais de la découverte
Expérience démontrant le principe de l’électrostatisme au Palais de la découverte.
A Robin EPPDCSI, CC BY-ND

La diversité de la culture scientifique en France

Décentrons le regard de Paris. La culture scientifique est loin de se limiter à la capitale et au Palais de la découverte. Avec l’effervescence des revendications sociales des années 1960, des associations émergent pour diffuser la culture scientifique dans l’ensemble du territoire national.

L’institutionnalisation de ces structures de culture scientifique a lieu dans les années 1980, sous la présidence de François Mitterrand, avec la volonté d’encadrer le travail de médiateur scientifique et de créer des Centres de Culture Scientifique, Technique et Industrielle (CCSTI) permettant de diffuser cette culture dans l’ensemble du territoire.

Aujourd’hui, les acteurs de la culture scientifique sont marqués par leur grande diversité, si bien qu’il est difficile de les dénombrer. Entre les lieux de médiation centrés sur les sciences techniques ou de la nature, ceux sur le patrimoine, les associations d’éducation populaire, les musées et muséums ou encore les récents festivals, tiers-lieux culturels et médiateurs indépendants – sans parler des collectifs moins institutionnels et des groupements informels d’amateurs passant sous les radars, la culture scientifique est un champ culturel d’une grande diversité.


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Culture scientifique et justice sociale : mission impossible

Cette diversité d’acteurs propose des actions de médiation scientifique dans un contexte fort en enjeux sociaux : crises démocratiques et écologiques, désinformation, inégalités d’accès aux métiers et filières d’études scientifiques…L’accès à l’information scientifique est un enjeu de lutte contre les injustices sociales – défini par la philosophe Iris Marion Young comme ce qui constituent des contraintes institutionnelles au développement personnel (oppression), ou à l’auto-détermination (domination).

Mais plusieurs chercheurs français ou internationaux ont étudié l’incapacité de la culture scientifique à répondre aux enjeux de justice sociale qui lui sont attribués. En partie à cause de projets trop descendants, trop courts ou peu adaptés aux publics les plus marginalisés des institutions culturelles.

Le Palais de la découverte est peut-être là encore un symbole de son temps, car plusieurs critiques peuvent lui être adressées, par exemple concernant la sociologie de ces publics plutôt aisés et diplômés, au détriment des groupes sociaux marginalisés. Certes, on trouve davantage de catégories sociales défavorisées dans les musées de sciences que de ceux d’art, mais les populations précaires et racisées restent minoritaires.

Le Palais essayait tout de même de s’améliorer sur cette question, par exemple à travers les « relais du champ social », visant à faciliter la visite de personnes en précarité économique.

Mais les résultats de ce type d’actions inclusives, que l’on retrouve ailleurs en France, sont globalement mitigés. Développer des projets qui répondent réellement aux besoins des publics marginalisés nécessite du temps et des moyens financiers. Or les pouvoirs publics ne semblent pas financer la culture scientifique à la hauteur de ces besoins, d’après les professionnels du secteur. Ce n’est pas uniquement le cas pour les structures nationales mais aussi pour celles locales. Par exemple, Terre des sciences, CCSTI de la région Pays de la Loire, a récemment annoncé la fermeture de son antenne de la ville moyenne de Roche-sur-Yon, ouverte depuis 15 ans, faute de financement suffisant.

La situation du Palais de la découverte n’est donc pas un problème isolé. En tant qu’institution nationale de la culture scientifique, il est le symbole d’une histoire des relations entre les sciences et la société depuis sa création jusqu’à aujourd’hui. Et à travers la crise actuelle qu’il traverse, la question à poser est peut-être celle de la culture scientifique que nous voulons, partout en France

The Conversation

Bastien Fayet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Le Palais de la découverte menacé de fermeture : quelle place pour la culture scientifique en France ? – https://theconversation.com/le-palais-de-la-decouverte-menace-de-fermeture-quelle-place-pour-la-culture-scientifique-en-france-260125