Comment redonner une nouvelle vie aux friches industrielles en ville ?

Source: The Conversation – in French – By Loïc Sauvée, Directeur, unité de recherche InTerACT (Beauvais – Rouen), UniLaSalle

Jardin partagé de l’Astéroïde à Rouen. Ouiam Fatiha Boukharta, Fourni par l’auteur

Dans les villes post-industrielles comme Rouen, la cohabitation historique entre ville et industrie est à réinventer. Il s’agit de concilier les enjeux de la relocalisation industrielle, les nouvelles attentes de la société et les exigences de la transition écologique, notamment en termes de végétalisation urbaine.


Les villes contemporaines font face à de nouveaux enjeux, en apparence contradictoires. Il y a d’abord la nécessité de relocaliser la production industrielle près des centres urbains, mais aussi l’importance de reconstruire des espaces verts pour améliorer le bien-être des habitants et maintenir la biodiversité. Enfin, il faut désormais rationaliser le foncier dans l’optique de l’objectif « zéro artificialisation nette ».

Des injonctions paradoxales d’autant plus exacerbées dans le contexte des villes industrielles et post-industrielles, où se pose la question de la place de l’usine dans la ville.

C’est pour explorer ces défis que nous avons mené des recherches interdisciplinaires à l’échelle d’une agglomération concernée par ces défis, Rouen. Nos résultats mettent en avant la notion de « requalification territoriale » et soulignent la condition fondamentale de son succès : que le territoire urbain soit étudié de manière globale, en tenant compte de ses caractéristiques géohistoriques et environnementales. Celles-ci doivent être évaluées, à différentes échelles, à l’aune de différents indicateurs de soutenabilité.

Les villes post-industrielles, un contexte particulier

La notion de villes post-industrielles désigne des territoires urbains qui ont connu un fort mouvement de reconversion industrielle, ce qui a transformé l’allocation foncière. Ces territoires industriels en milieu urbain se trouvent par conséquent face à des enjeux complexes, mais présentent aussi un potentiel en matière de durabilité du fait de quatre caractéristiques :

  • ils sont dotés de nombreuses friches disponibles, mais qui peuvent être polluées ;

  • de nouvelles industries y émergent, mais ont des besoins fonciers de nature différente ;

  • la densité urbaine y est forte, avec une imbrication des espaces industriels et des zones d’habitation ;

  • les populations se montrent défiantes, voire opposées aux activités industrielles, tout en ayant des demandes sociétales fortes, comme la création de zones récréatives (espaces verts) ou d’atténuation des chocs climatiques (lutte contre les îlots de chaleur) ;

Ce contexte spécifique a plusieurs implications pour ces territoires, qui ont chacun leur particularité. En raison de la densité d’occupation des villes européennes et de la concurrence pour le foncier, on ne peut laisser les friches – issues en grande partie de la désindustrialisation – occuper de précieux espaces.


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La requalification de ces lieux doit donc être mise au service de la lutte contre l’étalement urbain. Cela permet de redensifier les activités et de reconstruire la « ville sur la ville ». Mais aussi « l’usine dans la ville », car se pose en parallèle la nécessité de relocaliser notre industrie pour accroître notre souveraineté et réduire notre dépendance externe.

Or, celle-ci doit tenir compte des enjeux d’une transition durable. Ce nouveau développement industriel et territorial, pour être plus vertueux que dans le passé, doit être envisagé dans une perspective de transition durable. Il lui faut aussi intégrer les attentes diverses de la population urbaine (bien-être, environnement sain, emploi et refus des nuisances).

Les acteurs de l’aménagement du territoire, qui se heurtent souvent à la suspicion des habitants vis-à-vis des industriels et des institutions gouvernementales, doivent donc veiller à maintenir équilibrée cette cohabitation historique entre ville et industrie.

Rouen et son héritage industriel

Pionnière de la révolution industrielle au XIXᵉ siècle, l’agglomération de Rouen fait partie des villes traversées par ces enjeux.

Elle se distingue par ses plus de 400 friches urbaines. Historiquement implantées à proximité de l’ancienne ville (actuel centre), elles ont été rattrapées par l’expansion urbaine et se trouvent aujourd’hui encastrées dans les territoires habités, près du cœur de l’agglomération.

En nous appuyant sur cet exemple, nous avons identifié trois conditions fondamentales pour requalifier de façon durable ces espaces industriels urbains et y déployer des infrastructures vertes adaptées :

  • les initiatives doivent tenir compte des spécificités géohistoriques des territoires,

  • envisager diverses échelles d’analyse,

  • et être conçues à l’aune d’indicateurs de durabilité qui intègrent la diversité des acteurs impliqués.

Le potentiel des friches urbaines

La recherche, menée à Rouen, est fondée sur des outils de système d’information géographique (SIG), des outils d’analyse fondée sur plusieurs critères et enfin des outils de modélisation. Elle propose un dispositif pour guider les décideurs de l’aménagement du territoire et les chercheurs dans l’identification et la priorisation des friches susceptibles d’être transformées en infrastructures vertes.

Le modèle propose une approche systématique de prise de décision pour éviter une répartition aléatoire. Il couple les caractéristiques locales des friches urbaines et les demandes environnementales au niveau territorial, par exemple lorsqu’une ancienne zone industrielle se trouve valorisée par un projet d’agriculture urbaine. Cette étape initiale aide à créer différents scénarios de projets de requalification des friches.

Par la suite, il s’agit d’identifier les parties prenantes, les porteurs de projets d’agriculture urbaine et les associations de quartiers afin de les engager dans le processus de décision. Pour cela, l’utilisation des méthodes participatives est essentielle pour répondre à la demande d’information des riverains et faciliter la participation des acteurs territoriaux.

Par exemple, le projet « Le Champ des possibles » a permis d’impliquer les habitants de la zone via une association dans une démarche combinant aspects éducatifs (jardinage) et visites récréatives. L’investissement local a été facilité par un appel d’offres de la ville, de manière à créer une gouvernance partagée.

Des projets d’agriculture urbaine

Forts de ces constats, nous avons pu dans le cas de notre recherche à Rouen, passer au crible d’indicateurs de durabilité un ensemble de projets d’agriculture urbaine implantés depuis les années 2013 à 2018. L’objectif était d’identifier dans quelles conditions ils pourraient s’inscrire dans de la requalification de friches industrielles et participer à une transition durable.

Nous en avons conclu que deux grandes exigences étaient à remplir : d’un côté, s’appuyer sur des indicateurs de soutenabilité (économique, sociale et environnementale), de l’autre garantir que la gouvernance des projets se fasse en lien avec les différents acteurs territoriaux du milieu urbain.


Ouiam Fatiha Boukharta, CC BY-NC-SA

En l’occurrence, de telles opérations de requalification via l’agriculture urbaine de territoires industriels en déshérence ou sous-utilisés ont généré des bénéfices en matière d’éducation à l’environnement et à l’alimentation, d’intégration des populations et de réduction des fractures territoriales. Cela permet également de développer la biodiversité des espaces renaturés.

Des liens à réinventer entre ville et industrie

Les territoires industriels, passés (sous forme de friches) ou présents ont incontestablement leur place dans la ville de demain. Mais celle-ci doit prendre en compte de manière plus contextuelle les enjeux locaux actuels.

L’exemple de Rouen révèle que les liens entre la ville et ses territoires industriels doivent sans cesse se réinventer, mais que la situation contemporaine place les exigences de durabilité au premier plan.

Les opérations de qualification des territoires urbains supposent une planification stratégique et minutieuse. Elle doit s’appuyer sur des processus de décision plus clairs et plus justes qui requièrent, outre les aspects techniques et réglementaires, une logique « bottom up », plus ascendante.

Les démarches de qualification durable des territoires industriels existent et sont suffisamment génériques pour être répliquées dans d’autres milieux urbains. La multiplication d’expériences de ce type en France et dans le monde démontre leur potentiel.

The Conversation

Ce travail est réalisé dans le cadre d’une chaire d’enseignement et de recherche développée depuis 2021 en collaboration entre l’institut Polytechnique UniLaSalle Rouen et le groupe Lubrizol.
Site internet de la Chaire : https://chaire-usinovert-unilasalle.fr/

Fabiana Fabri ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Comment redonner une nouvelle vie aux friches industrielles en ville ? – https://theconversation.com/comment-redonner-une-nouvelle-vie-aux-friches-industrielles-en-ville-254497

À Fos-sur-Mer, un territoire industriel portuaire à l’épreuve de la transition énergétique

Source: The Conversation – France (in French) – By Fabien Bartolotti, Docteur en histoire contemporaine, Aix-Marseille Université (AMU)

Sous couvert de décarbonation, un projet de réindustrialisation de la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer, qui héberge des industries lourdes depuis le XIXe siècle, pourrait voir le jour. Il impliquerait notamment la création d’un « hub » d’hydrogène vert. Mais il n’est pas aussi vertueux au plan environnemental qu’il n’y paraît : il entretient la confusion entre décarbonation et dépollution. Surtout, il n’implique pas assez les populations locales dans la prise de décision.


Depuis plus de 200 ans – une durée sans équivalent dans l’ensemble du bassin méditerranéen – le territoire de Fos-étang de Berre, dans les Bouches-du-Rhône, est confronté aux effets des aménagements industriels et portuaires. Depuis presque aussi longtemps, ses habitants s’inquiètent régulièrement des nuisances et pollutions engendrées. Tout ceci dans le cadre d’un rapport de force inégal impliquant riverains, industriels, pouvoirs publics et experts.

Nouvel épisode en date, un projet de réindustrialisation et de décarbonation. C’est le sujet de la consultation organisée par la Commission nationale du débat public (CNDP) jusqu’au 13 juillet. Dans ce cadre, la zone industrialo-portuaire (ZIP) de Fos-sur-Mer serait transformée façon « Silicon Valley de la transition écologique ».

Un projet qui implique en réalité une nouvelle densification industrielle de la ZIP, et derrière lequel on retrouve beaucoup d’incertitudes et de non-dits.




À lire aussi :
Faut-il décarboner des usines qui ferment ? En Bretagne, les mésaventures de Michelin et l’hydrogène vert


Un territoire marqué par l’industrie lourde

Le territoire de Fos – étang de Berre a connu trois grandes phases industrielles depuis le début du XIXᵉ siècle. Chacune d’elles a contribué à créer des emplois et à intégrer ce territoire dans les flux économiques internationaux. Elles ont eu aussi d’importantes répercussions en matière de recompositions démographiques, d’aménagement du territoire mais, elles ont également occasionné des pollutions qui ont marginalisé les activités traditionnelles et mis en danger la santé des ouvriers et des riverains.

Les mobilisations contre la pollution apparaissent dès le début du XIXe siècle, lorsque la production de soude indispensable à la fabrication du savon de Marseille débute : pétitions, manifestations, interpellations des pouvoirs publics, procès, émeutes

L’État se préoccupe très tôt de la question des pollutions : décret du 15 octobre 1810 pour limiter les odeurs, création de conseils d’hygiène et de salubrité dans les départements (1848), loi du 19 décembre 1917 sur les établissements dangereux, insalubres ou incommodes, lois sur la pollution de l’atmosphère (1961) et de l’eau (1964), création du Secrétariat permanent pour la prévention des pollutions et des risques industriels (S3PI) en 1971…

Des historiens ont cependant démontré que ces dispositions étaient avant tout fondées sur une perception partielle des pollutions et qu’elles imposaient une gestion administrative pilotée par le préfet, plutôt libérale, industrialiste et technophile, généralement favorable aux industriels.

Ces travaux historiques ont souligné le rôle ambivalent dévolu à l’innovation technologique. Elle peut jouer un rôle clé dans la mesure, la compréhension, la dénonciation puis la réduction des pollutions industrielles, mais aussi faciliter leur acceptation. Ceci à cause des discours qui réduisent les enjeux à des aspects techniques véhiculant l’idée que la technologie finira par réparer ce qu’elle a abîmé.


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Le mythe de l’innovation technologique « salvatrice » favorise ainsi la densification industrielle et la perpétuation du mode de croissance à l’origine de la crise climatique et écologique.

Une « industrie du futur » qui se conjugue au passé

À Fos-sur-Mer, l’avenir de la ZIP se joue sous nos yeux. Il y a la volonté d’amorcer une nouvelle phase de croissance fondée sur des secteurs dits « verts ». Après avoir incarné le productivisme pollueur et le centralisme des Trente Glorieuses, le territoire fosséen deviendrait ainsi une vitrine du green business et un hub de la transition énergétique.

L’écologisation des pratiques entrepreneuriales se voit désignée sous une myriade de concepts : écologie industrielle, circulaire, durabilité, etc. De fait, elle reste surtout associée à la décarbonation, c’est-à-dire à la réduction des émissions de CO2.

La dynamique entraîne un retour massif des investissements (12 milliards d’euros), dans la zone. De nouvelles implantations industrielles sont ainsi envisagées à l’horizon 2028-2030 : fabrication de panneaux photovoltaïques (Carbon), d’éoliennes flottantes (Deos), d’hydrogène « vert » (H2V), de fer bas-carbone (Gravithy), d’e-carburants (Neocarb) ou encore de biosolvants (GF Biochemicals).

Les industries lourdes héritées des « Trente Glorieuses » connaissent, quant à elles, une rupture technique. C’est le cas d’ArcelorMittal (ex-SOLMER), qui abandonne son haut-fourneau au profit d’un four à arc électrique pour la production d’acier « vert ».

Mais cet élan industrialiste est loin d’être totalement disruptif. Il réinvestit les logiques mêmes qui, il y a 60 ans, ont présidé à la création de la ZIP.

Les prophéties économiques continuent de véhiculer un culte du progrès, non plus pour « reconstruire ou moderniser » la France, mais pour l’insérer dans les nouveaux marchés du capitalisme climatique. À l’instar du discours des années 1960, qui faisait alors miroiter la création de quelque 200 000 emplois, il est estimé que la décarbonation de la ZIP générera à elle seule 15 000 emplois.

Présentation du projet à l’occasion de l’ouverture du débat public en avril 2025.

On serait passé de l’aménagement au bulldozer à un processus plus horizontal, participatif et soucieux des aspirations locales. De nouvelles structures de coordination industrielle et de concertation (par exemple PIICTO) ont certes vu le jour. Mais elles n’ont ni permis d’apaiser les inquiétudes des riverains, ni d’amoindrir le rôle de l’État.

Dans sa grande tradition colbertiste, celui-ci garde la mainmise sur le processus décisionnel, la répartition des financements (par exemple à travers le plan d’investissement France 2030) et la diffusion de narratifs tels que le « réarmement industriel » ou la « souveraineté nationale et européenne ».

Des incertitudes et des risques minimisés

Il existe surtout une confusion trompeuse entre décarbonation (baisse des émissions de gaz à effet de serre) et dépollution (industries non polluantes).

Cette idée nourrit des imaginaires sociotechniques qui nous projettent dans des futurs confortables et nous laissent penser que nous allons pouvoir continuer à consommer comme avant. La question des externalités négatives, sociales et sanitaires des activités industrielles n’est jamais vraiment discutée. L’administration s’en remet aux lois en vigueur pour encadrer les débordements des nouvelles usines, traitées individuellement, c’est-à-dire, sans bilan global des émissions et rejets associés aux nouveaux hydrocarbures verts, qui viendraient s’ajouter aux pollutions accumulées depuis plusieurs décennies.

Ceci alors même que les pouvoirs publics n’ont pas réussi à juguler l’existant et que l’époque est à l’allègement des contraintes réglementaires pour un « réarmement industriel » et pour une décarbonation, ces définitions étant laissées à la libre définition des entrepreneurs : l’État intervient pour poser un cadre favorable aux investissements sans exercer ses prérogatives en matière de régulation.

La création d’un « hub de la transition énergétique » tel qu’il est envisagé aujourd’hui n’est pas nécessairement une bonne nouvelle pour les riverains. Elle engendrera un phénomène de « dépendance au sentier » (où les trajectoires possibles pour l’avenir seront influencées par les décisions et développements passés), dont il sera difficile de s’extraire par la suite, même s’il s’avère finalement que ce choix n’était pas judicieux.

D’autant plus que des incertitudes – voire des non-dits – pèsent sur le projet.

Notamment en ce qui concerne la production d’hydrogène « vert » par hydrolyse. Il s’agit d’un procédé coûteux, très gourmand en eau et électricité. Rien ne garantit, à l’heure actuelle, que le procédé sera rentable, ni ne permet de prédire quels emplois seront détruits et lesquels seront sauvés.

Les scientifiques qui s’intéressent aux hubs d’hydrogène pointent ainsi deux écueils qui prolongent les problèmes rencontrés lors de l’industrialisation du territoire Fos-étang de Berre dans les années 1970 :

  • l’impossibilité de mener des tests à petite échelle qui permettraient de maîtriser une technologie avant de la déployer – et de s’assurer de son efficacité sur les plans industriels, économiques et écologiques,

  • la mise à l’écart des riverains qui devront vivre avec les conséquences de choix technologiques réalisés pour le très long terme – sans bénéfices directs.

Autre incertitude : la maintenance des pipelines qui devront connecter le hub aux sites de stockage et aux usagers. En effet, la spécificité de l’hydrogène, par rapport à d’autres gaz, est sa faible densité. Il nécessite d’être acheminé avec des précautions particulières, parce qu’il corrode l’acier et fuit à la moindre fissure. Il peut ainsi avoir des effets négatifs sur la couche d’ozone.

Comment parer à ces nouveaux risques ? Conscient de ces problèmes, le Département de l’énergie (DoE) américain a provisionné 8 millions de dollars pour les surveiller.

Qu’en est-il de la ZIP de Fos où l’Institut écocitoyen, une association, œuvre depuis 15 ans pour produire les d onnées environnementales et sanitaires manquantes réclamées par les populations ? De fait, les nouveaux projets industriels relèvent de la directive SEVESO qui s’applique aux usines dangereuses. Les riverains sont-ils prêts à voir le plan de prévention des risques technologiques, très contraignant pour l’urbanisme, s’étendre ?

Surtout, la production d’hydrogène repose aussi sur la disponibilité en électricité et en eau, des ressources dont l’accaparement n’est pas assez problématisé.

Pour répondre aux besoins d’électricité, il faudra envisager un raccordement électrique au nucléaire de la vallée du Rhône. Ainsi, la décision de construire une ligne à très haute tension (THT) entre Fos-sur-Mer et Jonquières Saint Vincent, dans le Gard, aggrave la colère de ceux qui pensaient que le zonage des années 1960 suffirait à sanctuariser la Crau et la Camargue. Or, ces lignes font courir aux écosystèmes des risques d’incendie, sans parler des problèmes de maintenance qui peuvent survenir lorsque la température extérieure dépasse 35 °C.

La région est régulièrement en situation de stress hydrique). Pourtant, certains ingénieurs arguent que l’eau ne sera plus un problème lorsque le projet visant à amener par voie souterraine les eaux de turbinage de la centrale hydroélectrique de Saint-Chamas jusqu’à la ZIP de Fos, d’un coût de plusieurs milliards d’euros, aura été réalisé. Ils oublient toutefois, de façon commode, d’évoquer la question des transferts de vulnérabilité qui en découleront : réduction à venir des débits des rivières, sécheresses de plus en plus fortes et fréquentes…

Quelle place pour le débat démocratique ?

Cette débauche de solutions technologiques est-elle compatible avec les objectifs de transition affichés ? On peut aussi se demander si leur adoption est aussi démocratique que ce que leurs promoteurs voudraient croire.

La Commission nationale du débat public (CNDP) a pu, après hésitation des autorités et grâce à la pression exercée par les riverains mobilisés contre la ligne THT, organiser la consultation. Mais ses conclusions, aussi intéressantes soient-elles, ne seront pas contraignantes. L’expertise scientifique et citoyenne locale, développée depuis quarante ans du fait de la cohabitation subie avec les pollutions, ne sera très certainement pas intégrée au processus de décision. Aux riverains d’accepter ce qu’on leur propose, au nom d’un intérêt général conforme aux visées d’une poignée d’acteurs politico-économiques dominants – au risque d’un conflit social potentiellement dur.

Tout porte à croire, alors que les défis climatiques et écologiques sont majeurs, que ce bégaiement de l’histoire ne permettra pas d’accoucher d’une transition véritablement robuste et juste. Pour cela, il faudrait qu’elle adopte une dimension réflexive et réellement partagée entre tous quant à ses conséquences sociales, économiques, sanitaires et environnementales.

The Conversation

Christelle Gramaglia est membre du Conseil scientifique de l’Institut écocitoyen pour la connaissance des pollutions de Fos (instance consultative)

Xavier Daumalin a reçu des financements de l’ANR

Béatrice Mésini, Carole Barthélémy et Fabien Bartolotti ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.

ref. À Fos-sur-Mer, un territoire industriel portuaire à l’épreuve de la transition énergétique – https://theconversation.com/a-fos-sur-mer-un-territoire-industriel-portuaire-a-lepreuve-de-la-transition-energetique-260437

Le quiz Environnement de l’été

Source: The Conversation – France (in French) – By Service Environnement, The Conversation France

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Avant de jouer, n’hésitez pas à prendre quelques minutes pour relire les articles de la semaine écoulée.

Besoin d’un peu d’aide ? Ok, voici quelques indices. Vous pouvez lire (ou relire) :

3, 2, 1, à vous de jouer c’est parti !

The Conversation

Service Environnement ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Le quiz Environnement de l’été – https://theconversation.com/le-quiz-environnement-de-lete-260875

En ville, comment redonner une nouvelle vie aux friches industrielles ?

Source: The Conversation – France (in French) – By Loïc Sauvée, Directeur, unité de recherche InTerACT (Beauvais – Rouen), UniLaSalle

Jardin partagé de l’Astéroïde à Rouen. Ouiam Fatiha Boukharta, Fourni par l’auteur

Dans les villes post-industrielles comme Rouen, la cohabitation historique entre ville et industrie est à réinventer. Il s’agit de concilier les enjeux de la relocalisation industrielle, les nouvelles attentes de la société et les exigences de la transition écologique, notamment en termes de végétalisation urbaine.


Les villes contemporaines font face à de nouveaux enjeux, en apparence contradictoires. Il y a d’abord la nécessité de relocaliser la production industrielle près des centres urbains, mais aussi l’importance de reconstruire des espaces verts pour améliorer le bien-être des habitants et maintenir la biodiversité. Enfin, il faut désormais rationaliser le foncier dans l’optique de l’objectif « zéro artificialisation nette ».

Des injonctions paradoxales d’autant plus exacerbées dans le contexte des villes industrielles et post-industrielles, où se pose la question de la place de l’usine dans la ville.

C’est pour explorer ces défis que nous avons mené des recherches interdisciplinaires à l’échelle d’une agglomération concernée par ces défis, Rouen. Nos résultats mettent en avant la notion de « requalification territoriale » et soulignent la condition fondamentale de son succès : que le territoire urbain soit étudié de manière globale, en tenant compte de ses caractéristiques géohistoriques et environnementales. Celles-ci doivent être évaluées, à différentes échelles, à l’aune de différents indicateurs de soutenabilité.

Les villes post-industrielles, un contexte particulier

La notion de villes post-industrielles désigne des territoires urbains qui ont connu un fort mouvement de reconversion industrielle, ce qui a transformé l’allocation foncière. Ces territoires industriels en milieu urbain se trouvent par conséquent face à des enjeux complexes, mais présentent aussi un potentiel en matière de durabilité du fait de quatre caractéristiques :

  • ils sont dotés de nombreuses friches disponibles, mais qui peuvent être polluées ;

  • de nouvelles industries y émergent, mais ont des besoins fonciers de nature différente ;

  • la densité urbaine y est forte, avec une imbrication des espaces industriels et des zones d’habitation ;

  • les populations se montrent défiantes, voire opposées aux activités industrielles, tout en ayant des demandes sociétales fortes, comme la création de zones récréatives (espaces verts) ou d’atténuation des chocs climatiques (lutte contre les îlots de chaleur) ;

Ce contexte spécifique a plusieurs implications pour ces territoires, qui ont chacun leur particularité. En raison de la densité d’occupation des villes européennes et de la concurrence pour le foncier, on ne peut laisser les friches – issues en grande partie de la désindustrialisation – occuper de précieux espaces.


Visuel d'illustration de la newsletter Ici la Terre représentant la planète Terre sur un fond bleu.

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La requalification de ces lieux doit donc être mise au service de la lutte contre l’étalement urbain. Cela permet de redensifier les activités et de reconstruire la « ville sur la ville ». Mais aussi « l’usine dans la ville », car se pose en parallèle la nécessité de relocaliser notre industrie pour accroître notre souveraineté et réduire notre dépendance externe.

Or, celle-ci doit tenir compte des enjeux d’une transition durable. Ce nouveau développement industriel et territorial, pour être plus vertueux que dans le passé, doit être envisagé dans une perspective de transition durable. Il lui faut aussi intégrer les attentes diverses de la population urbaine (bien-être, environnement sain, emploi et refus des nuisances).

Les acteurs de l’aménagement du territoire, qui se heurtent souvent à la suspicion des habitants vis-à-vis des industriels et des institutions gouvernementales, doivent donc veiller à maintenir équilibrée cette cohabitation historique entre ville et industrie.

Rouen et son héritage industriel

Pionnière de la révolution industrielle au XIXᵉ siècle, l’agglomération de Rouen fait partie des villes traversées par ces enjeux.

Elle se distingue par ses plus de 400 friches urbaines. Historiquement implantées à proximité de l’ancienne ville (actuel centre), elles ont été rattrapées par l’expansion urbaine et se trouvent aujourd’hui encastrées dans les territoires habités, près du cœur de l’agglomération.

En nous appuyant sur cet exemple, nous avons identifié trois conditions fondamentales pour requalifier de façon durable ces espaces industriels urbains et y déployer des infrastructures vertes adaptées :

  • les initiatives doivent tenir compte des spécificités géohistoriques des territoires,

  • envisager diverses échelles d’analyse,

  • et être conçues à l’aune d’indicateurs de durabilité qui intègrent la diversité des acteurs impliqués.

Le potentiel des friches urbaines

La recherche, menée à Rouen, est fondée sur des outils de système d’information géographique (SIG), des outils d’analyse fondée sur plusieurs critères et enfin des outils de modélisation. Elle propose un dispositif pour guider les décideurs de l’aménagement du territoire et les chercheurs dans l’identification et la priorisation des friches susceptibles d’être transformées en infrastructures vertes.

Le modèle propose une approche systématique de prise de décision pour éviter une répartition aléatoire. Il couple les caractéristiques locales des friches urbaines et les demandes environnementales au niveau territorial, par exemple lorsqu’une ancienne zone industrielle se trouve valorisée par un projet d’agriculture urbaine. Cette étape initiale aide à créer différents scénarios de projets de requalification des friches.

Par la suite, il s’agit d’identifier les parties prenantes, les porteurs de projets d’agriculture urbaine et les associations de quartiers afin de les engager dans le processus de décision. Pour cela, l’utilisation des méthodes participatives est essentielle pour répondre à la demande d’information des riverains et faciliter la participation des acteurs territoriaux.

Par exemple, le projet « Le Champ des possibles » a permis d’impliquer les habitants de la zone via une association dans une démarche combinant aspects éducatifs (jardinage) et visites récréatives. L’investissement local a été facilité par un appel d’offres de la ville, de manière à créer une gouvernance partagée.

Des projets d’agriculture urbaine

Forts de ces constats, nous avons pu dans le cas de notre recherche à Rouen, passer au crible d’indicateurs de durabilité un ensemble de projets d’agriculture urbaine implantés depuis les années 2013 à 2018. L’objectif était d’identifier dans quelles conditions ils pourraient s’inscrire dans de la requalification de friches industrielles et participer à une transition durable.

Nous en avons conclu que deux grandes exigences étaient à remplir : d’un côté, s’appuyer sur des indicateurs de soutenabilité (économique, sociale et environnementale), de l’autre garantir que la gouvernance des projets se fasse en lien avec les différents acteurs territoriaux du milieu urbain.


Ouiam Fatiha Boukharta, CC BY-NC-SA

En l’occurrence, de telles opérations de requalification via l’agriculture urbaine de territoires industriels en déshérence ou sous-utilisés ont généré des bénéfices en matière d’éducation à l’environnement et à l’alimentation, d’intégration des populations et de réduction des fractures territoriales. Cela permet également de développer la biodiversité des espaces renaturés.

Des liens à réinventer entre ville et industrie

Les territoires industriels, passés (sous forme de friches) ou présents ont incontestablement leur place dans la ville de demain. Mais celle-ci doit prendre en compte de manière plus contextuelle les enjeux locaux actuels.

L’exemple de Rouen révèle que les liens entre la ville et ses territoires industriels doivent sans cesse se réinventer, mais que la situation contemporaine place les exigences de durabilité au premier plan.

Les opérations de qualification des territoires urbains supposent une planification stratégique et minutieuse. Elle doit s’appuyer sur des processus de décision plus clairs et plus justes qui requièrent, outre les aspects techniques et réglementaires, une logique « bottom up », plus ascendante.

Les démarches de qualification durable des territoires industriels existent et sont suffisamment génériques pour être répliquées dans d’autres milieux urbains. La multiplication d’expériences de ce type en France et dans le monde démontre leur potentiel.

The Conversation

Ce travail est réalisé dans le cadre d’une chaire d’enseignement et de recherche développée depuis 2021 en collaboration entre l’institut Polytechnique UniLaSalle Rouen et le groupe Lubrizol.
Site internet de la Chaire : https://chaire-usinovert-unilasalle.fr/

Fabiana Fabri ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. En ville, comment redonner une nouvelle vie aux friches industrielles ? – https://theconversation.com/en-ville-comment-redonner-une-nouvelle-vie-aux-friches-industrielles-254497

Faut-il décarboner des usines qui ferment ? En Bretagne, les mésaventures de Michelin et l’hydrogène vert

Source: The Conversation – France (in French) – By Hugo Vosila, Doctorant en science politique , Sciences Po Bordeaux

À Vannes, le groupe Michelin a mis en place une station d’hydrogène début 2024 pour décarboner le processus industriel de son usine. Mais moins d’un an après le lancement de ce projet, l’industriel a annoncé la fermeture de l’usine. Un exemple des défis que pose la décarbonation dans un contexte encore prégnant de désindustrialisation.


Le 5 novembre 2024, le groupe Michelin annonçait à ses salariés de Cholet et de Vannes l’arrêt de la production des sites à horizon 2026.

« Saignée industrielle » selon la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, la fermeture de l’usine vannetaise du Prat, outre les quelque 299 emplois qu’elle concentrait, met également en péril le devenir de la station d’hydrogène vert HyGO attenante, qui participait à la décarbonation du processus industriel de Michelin pour la fabrication des pneus.

L’annonce de la fermeture de l’industriel – principal consommateur de l’hydrogène (H2) du site – et l’absence d’usages identifiés pour la mobilité interrogent sur le futur de la station, et plus largement sur la pérennité du déploiement des écosystèmes territoriaux basés sur l’hydrogène.

La ruée vers l’hydrogène de la décennie 2010

À l’écart des grands axes de transport nationaux, faiblement industrialisée, la Bretagne n’apparaît pas d’emblée comme la région de prédilection pour le développement d’une filière hydrogène. À la fin de la décennie 2010, elle n’échappe pourtant pas à l’engouement d’acteurs territoriaux publics et privés, qui ambitionnent alors de faire émerger des projets sur les territoires. Sans grand succès toutefois : en Ille-et-Vilaine, rares sont les initiatives qui dépassent le stade des études de faisabilité.

Au niveau étatique, un Plan national de déploiement de l’hydrogène voit le jour en 2018, ciblant la décarbonation de l’industrie, de la mobilité lourde et le soutien à l’innovation.

En parallèle, l’Agence de la Transition écologique (Ademe) lance un premier appel à projet « Écosystèmes mobilité hydrogène » en 2018. L’enjeu est d’assurer des boucles production-distribution-usages, d’essayer de cadrer les velléités locales et de faire le tri parmi les projets.

Du côté de la région, la feuille de route hydrogène renouvelable, publiée en 2020, identifie le maritime et les mobilités comme des axes forts du potentiel breton.

Mais les premières réflexions autour d’un écosystème hydrogène à Vannes remontent au début de cette effervescence, à l’écart des futures orientations régionales. Elles visent à décarboner le process de l’un des seuls sites industriels consommateurs d’hydrogène : l’usine Michelin de Vannes.

Les promesses locales du projet HyGO

Implantée dans l’agglomération depuis 1963, cette dernière utilisait de l’H2 gris fossile, issu du vaporeformage de gaz naturel, pour travailler les membranes métalliques des pneumatiques.

Soucieux de réduire l’empreinte carbone de ses sites, le Bibendum s’engage aux côtés d’acteurs de l’énergie dans une stratégie « tout durable ». Si de premiers appels du pied sont lancés par Engie dès 2015 pour verdir le procédé de l’industriel, il faut attendre 2020 et la création de la société HyGO pour que ces aspirations se concrétisent.

Dans les faits, il s’agit d’un petit électrolyseur sur site, alimenté par de l’électricité renouvelable fournie par Engie, capable de produire 270 kilos quotidiens d’hydrogène vert. Si Michelin est identifié comme le principal consommateur (avec uniquement 40 à 70 kg d’H2/jour cependant), la molécule est également avitaillée au sein d’une station de distribution ouverte pour le rechargement des quelques véhicules qui roulent à l’hydrogène dans l’agglomération – moins d’une dizaine.


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À l’heure actuelle, le coût de l’hydrogène vert est toujours prohibitif pour des usages diffus (c’est-à-dire, qui émaneraient de particuliers ou de privés qui s’approvisionneraient en H2 de façon non planifiée). En l’absence d’un marché compétitif, la présence d’un industriel historique comme consommateur rassure et garantit un débouché constant. D’autant que le passage de l’H2 gris à l’H2 vert n’a pas modifié le procédé de production de Michelin.

Catalyseur de la station, l’industriel doit donc amortir la faible rentabilité de la distribution, le temps que les usages mobilité se déploient. Après un délai de quelques années, la station HyGO est finalement inaugurée en janvier 2024.

La fermeture de l’usine, coup d’arrêt au projet ?

Moins d’un an plus tard, pourtant, Michelin annonce la fermeture de l’usine. Dans un communiqué de presse, le maire David Robo réagit :

« Ce 5 novembre 2024 […] est une journée noire pour Vannes et un séisme pour le territoire ».

Les raisons invoquées par le PDG Florent Menegaux ? La concurrence chinoise et la hausse de coûts de production du pneumatique en Europe – omettant toutefois de mentionner la rémunération record des actionnaires cette année-là.

Si aucun lien n’est officiellement établi avec le surcoût de l’hydrogène renouvelable consommé depuis peu sur le site, l’annonce est pour le projet HyGO une fâcheuse nouvelle. Les plus optimistes, certes, gagent que la partie mobilité sera amenée à décoller, compensant ainsi la perte commerciale liée à la fermeture de Michelin. Mais à ce stade, les usages mobilité de la station sont extrêmement limités, et ne promettent aucunement un avenir à l’écosystème. Même en couvrant les besoins de l’usine, la consommation d’hydrogène permet au mieux à HyGO d’être sous perfusion, sans rentabiliser les investissements.

Contrairement à Lorient, qui convertit une partie de sa flotte de bus à l’hydrogène renouvelable, l’agglomération de Vannes n’a pas émis le souhait d’utiliser la molécule produite localement pour assurer un débouché stable à la station via ses transports urbains.

Désintérêt de l’État pour la filière ?

Quel avenir pour HyGO ? Certains acteurs souhaiteraient que des aides à la consommation soient promulguées au niveau national pour réduire le prix de l’hydrogène à la pompe.

Mais c’est mal connaître la nouvelle conjoncture étatique de soutien à l’H2. Désormais, finis les appels à projets de l’Ademe qui favorisaient les boucles locales production-usages y compris de mobilité. L’heure est aux économies : la Stratégie nationale hydrogène, actualisée en avril 2025 – ainsi que les futurs appels à projets de l’Ademe – sont moins généreux dans leurs aides aux écosystèmes territoriaux, en particulier les plus petits.

Dans un contexte budgétaire limité, l’accompagnement étatique se resserre sur les usages considérés comme indispensables de l’hydrogène renouvelable, c’est-à-dire la décarbonation de l’industrie, au détriment des usages au lien avec la mobilité, à l’exception de ceux liés à la production de e-carburant pour l’aérien. C’est ironique pour HyGO Vannes, qui perd son atout industriel au moment même où ce dernier est consacré par les pouvoirs publics.

Cette restriction du soutien national à l’hydrogène est concomitante avec un recul critique plus diffus sur les vertus révolutionnaires de cette technologie, symptomatique des trajectoires des processus d’innovation.

Promesses techno-scientifiques et désillusions

Pour l’économiste Pierre Benoît Joly, une des caractéristiques pathologiques de ce qu’il nomme « régime d’économies des promesses techno-scientifiques » serait l’inévitable cycle hype (effet de mode)/hope (espoir)/disappointment (déception), auquel le déploiement de l’hydrogène renouvelable ne semble pas échapper. À l’excitation initiale véhiculée par l’apparition d’une nouvelle technologie succéderait un « creux de désillusion » (où les attentes exagérées se heurtent à la réalité), suivi d’une reprise plus mesurée et restreinte de son développement.

Un membre de l’Ademe Bretagne, avec qui j’ai eu un entretien dans le cadre de mon travail de thèse, a indiqué :

« À dire tout et n’importe quoi sur l’hydrogène, au bout d’un moment, les gens ont perdu espoir. Ils se sont dit non, mais l’hydrogène, c’est nul en fait. Il y a eu ce retour de bâton. Mais l’industrie, ça sera effectivement quelque chose de plus solide, à mon avis, quand ça va partir ».

Mais comment s’en assurer ? À Vannes, c’est précisément l’industriel qui a fait défaut. Projet lancé trop tôt ou surestimation de l’ancrage territorial de Michelin ? Les accompagnateurs de la station côté société d’économie mixte expriment le sentiment d’avoir « essuyé les plâtres » (selon les mots d’un membre de la société d’économie mixte (SEM) Énergies 56) en prenant le risque de se lancer les premiers.

La faute à pas de chance ? Prise isolément, la fermeture de Michelin à Vannes peut paraître anecdotique dans l’économie nationale de l’hydrogène. On l’a vu, l’industriel consommait moins de 70kg/jour d’hydrogène vert. La filière pneumatique battait déjà de l’aile, et la Bretagne, après tout, n’est pas une terre d’industrie.

La pertinence de l’hydrogène pour la décarbonation de l’industrie en France serait davantage à aller chercher du côté de la sidérurgie, de la chimie, ou du raffinage, dans le Nord-Pas-de-Calais, ou en Auvergne-Rhône-Alpes.

Des industries qui ne jouent pas le jeu ?

À s’y pencher de plus près, pourtant, ces filières n’échappent pas non plus aux menaces de fermeture.

Pour la sidérurgie, le géant ArcelorMittal, avec Genvia, investit certes dans un électrolyseur pour utiliser de l’hydrogène bas-carbone à la place du charbon et décarboner sa production d’acier. Mais il ferme en parallèle ses sites de Denain et de Reims, quelques semaines seulement après l’annonce de Michelin, laissant craindre un prochain plan social à Dunkerque.

Pour la chimie et la production d’engrais, la multinationale Yara s’est associée avec Lhyfe en Normandie pour utiliser de l’hydrogène vert dans sa production d’ammoniac. Mais elle ferme son site de Montoir-de-Bretagne en Loire-Atlantique, déficitaire et non conforme aux normes environnementales.

Citons également le groupe LAT Nitrogen, fournisseur européen d’engrais qui, après avoir bénéficié de 4 milliards d’euros de subventions pour réduire les émissions de ses sites via le développement d’électrolyseurs et la production-consommation d’hydrogène vert, cesse sa production à Grandpuits, bien qu’engagé auprès de l’État à décarboner le site via un contrat de transition écologique.

Dans la vallée de la chimie, en Isère, Vencorex et par effet domino Arkema, deux firmes consommatrices d’hydrogène dans leurs procédés, sont en voie de liquidation.

Les efforts de l’État en matière de réindustrialisation verte se multiplient pourtant : Loi industrie verte en octobre 2023, France Nation Verte en 2022… Mais quelles contraintes pour les entreprises ? À quoi bon décarboner des industries qui ferment ?

« Grand État vert » régulateur et planificateur ?

Inséré dans des marchés internationaux, le groupe Michelin peut se permettre de produire moins cher ailleurs, en Asie en l’occurrence. Est-ce la conséquence d’une décennie de politique de l’offre ? Les règles de la concurrence et du marché semblent peu adaptées aux enjeux de souveraineté industrielle et énergétique.

Dans un contexte de renouveau protectionniste exacerbé outre-Atlantique, la problématique des rapports entre stratégies multinationales et ambitions climatiques nationales mérite une actualisation. Planification, nationalisation… expropriation ?

Ce que l’économiste britannique Daniela Gabor nomme le Wall Street Climate Consensus, modèle d’une transition douce par les marchés, qui confie aux fonds d’investissement et aux entreprises privées le soin de s’écologiser, paraît avoir atteint ses limites : délocalisations à bas coût quand la conjoncture économique se dégrade, persistance d’actifs fossiles et d’activités extractives…

À l’opposé, le modèle du « Grand État vert », régulateur et planificateur, pourrait avoir certaines vertus. Sans nécessairement prôner le « léninisme écologique » d’un Andreas Malm, des formes plus poussées d’interventionnisme public, voire de coercition auprès de firmes, pourraient assurer une pérennité à certaines filières émergentes comme l’hydrogène vert.

The Conversation

Hugo Vosila a reçu des financements de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) pour son travail de thèse.

ref. Faut-il décarboner des usines qui ferment ? En Bretagne, les mésaventures de Michelin et l’hydrogène vert – https://theconversation.com/faut-il-decarboner-des-usines-qui-ferment-en-bretagne-les-mesaventures-de-michelin-et-lhydrogene-vert-257033

Votre manager est-il toxique ? Six signes qui ne trompent pas…

Source: The Conversation – France (in French) – By George Kassar, Full-time Faculty, Research Associate, Performance Analyst, Ascencia Business School

Si la gestion de la performance n’est pas mise en œuvre de manière adéquate, elle peut devenir un formidable outil pour démotiver, épuiser et pousser au départ vos collaborateurs. PeopleImages.comYuri A/Shutterstock

La recherche en gestion de performance offre une gamme complète de pratiques managériales toxiques à appliquer sans modération pour faire fuir les talents les plus précieux. Si ces conseils sont à prendre au second degré, ces pratiques restent bien réelles dans la gestion quotidienne de certains managers.


Qui a dit que la principale ressource d’une entreprise, et son véritable avantage concurrentiel, résidait dans ses employés, leur talent ou leur motivation ?

Après tout, peut-être souhaitez-vous précisément vider vos bureaux, décourager durablement vos collaborateurs et saboter méthodiquement votre capital humain.

Dans ce cas, la recherche en gestion de performance vous offre généreusement tout ce dont vous avez besoin : une gamme complète de pratiques managériales toxiques à appliquer sans modération pour faire fuir les talents les plus précieux.

En fait, la gestion de la performance, issue des pratiques de rationalisation au début du XXe siècle, est devenue aujourd’hui un élément clé du management moderne. En théorie, elle permet d’orienter l’action des équipes, de clarifier les attentes et de contribuer au développement individuel. En pratique, si elle n’est pas mise en œuvre de manière adéquate, elle peut également devenir un formidable outil pour démotiver, épuiser et pousser au départ vos collaborateurs les plus précieux.

Voici comment :

Management par objectifs flous

Commencez par fixer des objectifs vagues, irréalistes ou contradictoires. Surtout, évitez de leur donner du sens ou de les relier à une stratégie claire, et évidemment ne pas leur assurer les ressources appropriées. Bref, adoptez les « vrais » objectifs SMART : Stressants, Mesurés arbitrairement, Ambigus, Répétés sans contexte, Totalement déconnectés du terrain !

Selon les recherches en psychologie organisationnelle, cette approche garantit anxiété, confusion et désengagement parmi vos équipes, augmentant significativement leur intention de quitter l’entreprise.


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Le silence est d’or

Éviter toute forme de dialogue et de communication. Ne donnez jamais de feedback. Et si vraiment vous ne pouvez pas l’éviter, faites-le rarement, de manière irrégulière, strictement détachée du travail, et portez-le plutôt sur une critique de la personne. L’absence d’un retour d’information régulier, axé sur les tâches et exploitable, laisse les employés dans l’incertitude et les surprend au moment de l’évaluation et mine progressivement leur engagement.

Plus subtilement encore, c’est la manière dont vos employés interprètent vos intentions, et le feedback que vous leur donnez, qui compte le plus. Attention, lorsqu’il est perçu comme ayant une intention constructive, il risque de renforcer la motivation à apprendre et l’engagement. Mais lorsque ce même feedback est perçu comme incité par des intérêts personnels du manager (attribution égoïste), il produit l’effet inverse : démotivation, repli et départ.

« Procès » d’évaluations de performance

Organisez des entretiens annuels où vous ne relevez que les erreurs et oubliez totalement les réussites ou les efforts invisibles. Soyez rigide, critique, et concentrez-vous uniquement sur les faiblesses. Prenez soin de vous attribuer tout le mérite lorsque l’équipe réussit – après tout, sans vous, rien n’aurait été possible. En revanche, lorsque les résultats ne sont pas à la hauteur, n’hésitez pas à pointer les erreurs, à individualiser la faute et à rappeler que « vous aviez pourtant prévenu ».

Ce type d’évaluation de performance, mieux vaut le qualifier de procès punitif, garantit une démotivation profonde et accélère la rotation des équipes.




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Compétition interne poussée à l’extrême

Favorisez une culture de rivalité entre collègues : diffusez régulièrement des classements internes, récompensez uniquement les meilleurs, éliminer systématiquement les moins bien classés, dévaloriser l’importance de la coopération, et laisser la concurrence interne faire le reste. Après tout, ce sont les caractéristiques essentielles de la « célèbre » méthode que Jack Welch a popularisée chez General Electric.

Si vous remarquez un possible élan de motivation à court terme, ne vous inquiétez pas, les effets de la « Vitality Curve » de Jack Welch seront, à terme, beaucoup plus néfastes que bénéfiques. La féroce concurrence interne vous sera un excellent outil de détruire la confiance entre coéquipiers, de créer une atmosphère toxique durable et d’augmenter le nombre de départs volontaires.

Ignorez le bien-être : surtout, restez sourd

Nous avons déjà établi qu’il fallait éviter le feedback et tout dialogue. Mais si, par malheur, un échange survient, surtout n’écoutez pas les plaintes ni les signaux d’alerte liés au stress ou à l’épuisement. Ne proposez aucun soutien, aucun accompagnement, et bien sûr, ignorez totalement le droit à la déconnexion.

En négligeant la santé mentale et en refusant d’aider vos employés à trouver du sens à leur travail – notamment lorsqu’ils effectuent des tâches perçues comme ingrates ou difficiles – vous augmentez directement l’éventualité de burn-out et d’absentéisme chronique

De plus, privilégiez systématiquement des primes de rémunération très variables et mal conçues : cela renforcera l’instabilité salariale des employés et tuera ce qui reste d’engagement.

L’art d’user sans bruit

Envie d’aller plus loin dans l’art de faire fuir vos équipes ? Inspirez-vous de ce que la recherche classe parmi les trois grandes formes de violence managériale. Il s’agit de pratiques souvent banalisées, telles que micro-gestion, pression continue, absence de reconnaissance ou isolement, qui génèrent une souffrance durable. Ces comportements, parfois invisibles mais répétés, finissent par user les salariés en profondeur, jusqu’à les pousser à décrocher, mentalement puis physiquement jusqu’à rupture.


Évidemment, ces conseils sont à prendre au second degré !

Pourtant, les pratiques toxiques décrites ici restent malheureusement bien réelles dans la gestion quotidienne de certains managers. Si l’objectif est véritablement de retenir les talents et d’assurer le succès durable d’une entreprise, il devient indispensable d’orienter la gestion de la performance autour du sens, de l’équité et du développement authentique du potentiel humain.

The Conversation

George Kassar ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Votre manager est-il toxique ? Six signes qui ne trompent pas… – https://theconversation.com/votre-manager-est-il-toxique-six-signes-qui-ne-trompent-pas-260438

From robotic trucks to smart bins: how technology is helping cities sort their waste problem

Source: The Conversation – UK – By Breno Nunes, Associate professor in Sustainable Operations Management, Aston University

Since early January 2025, residents of Birmingham in the UK have been caught in the dispute between the city council and the Unite union over pay, terms and conditions for waste and recycling collectors. The latest attempt at talks broke down in acrimony.

At one point during the crisis, there were 17 tonnes of uncollected rubbish in Birmingham. Businesses and residents face public health and safety risks including pest infestations and the spread of disease and fire hazards.

These have tainted the reputation of the city and hurt its chances of hosting events and attracting visitors. The news of cat-sized rats in Birmingham has made headlines from the US to Australia.




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Birmingham bin strikes: a threat to public health


Workers’ pay is being negotiated between the union and the council in Birmingham. However, this is a fairly dangerous job and, with an ageing population, it may become more difficult to hire new workers. We argue that a more fair approach would be to use technology to help transition workers (including through training) towards better paid and safer positions.

This would be an opportunity to build more sustainable waste management in the UK’s second largest city and beyond. Advances in robotics and AI are making automated refuse collection a reality, for example. Some cities in the US, Canada and parts of Europe already use robotics-enabled equipment in their refuse collection systems.

A shortage of skilled personnel threatens the transition towards a greener economy. People have to be at the centre of the solution. In this case, skilled workers are needed to keep different types of waste separate and so improve recycling rates.

The recovery value can be high for certain products such as electronics, automotive parts, as well as materials like plastic and metal. This is still difficult for machines to do.

Smart bins and automated trucks

Birmingham city council has already proposed improvements to waste collection. Based on publicly available information, it aims at increasing the number of rubbish trucks, reducing the number of collection days and retraining refuse collectors. But it has yet to take full advantage of existing advanced technologies.

The plan, for instance, proposes improving communication with residents about collection day via text messages. While welcome, this is rather basic. It was only during the pandemic that all recycling centres started using online booking systems. Prior to that, endless queues were common – wasting time and increasing emissions with traffic jams.

We argue that a whole-systems approach is needed to make the most of the opportunities new technology affords. Automated side loader trucks and smart bins are already used in various cities – the latter use sensors to monitor waste volumes and predict when collection is needed. The council could analyse the strengths and weaknesses of each technology in different areas of the city.

Side loader trucks, which can lift up large bins and empty them, automate a dangerous process and are already considered a mature technology, used in cities across the US, Canada and Sweden. These trucks are difficult to drive in narrow streets. But, where appropriate, their benefits include increased productivity, reduced collection costs and greater worker safety.

Sensors embedded in the vehicle, including from cameras, can provide data on the distribution of waste in different areas. This helps to produce a waste map. AI algorithms can analyse the data and provide customised collection schedules that optimise the use of trucks in the collection fleet. The algorithms can learn and be continuously revised to improve the service.

In busy areas of the city, information from smart bins can prevent rubbish accumulating. Advanced machine learning techniques can then be employed to further optimise the collection schedule by detecting, for instance, anomalies such as a sudden increase in some types of waste. Such systems can provide more adaptable solutions and increase the productivity of officers.

Recent improvements in imaging techniques and chemical analysis can help to identify different waste materials and allow automatic sorting, and the identification of hazardous waste.

Other technological solutions, such as the use of smart underground large storage containers as communal bins allow for less frequent collections, but they may require significant changes to both infrastructure and trucks. These already exist in parts of Spain.

Pneumatic waste collection systems have been tested in Wembley, a suburb in northwest London. In this system, waste is sucked through underground pipes by a fan system at speeds approaching 50mph to a central point, where it is stored in airtight containers until further treatment takes place. More than 30 countries adopt this system.

Educating the public is vital too. Reducing waste in the first place is a good way to save money and would reduce pressure on waste collection systems.

As far as Birmingham goes, overlooking advanced technologies won’t make the council’s task of satisfying residents and waste collection teams any easier. We think a lot of people would be happier to see more robotics trucks and smart bins than more rats in the streets.

The Conversation

Breno Nunes receives funding from InnovateUK for a Knowledge Transfer Partnership (KTP) project on sustainable manufacturing strategy.

Roberto Castro Alamino does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

ref. From robotic trucks to smart bins: how technology is helping cities sort their waste problem – https://theconversation.com/from-robotic-trucks-to-smart-bins-how-technology-is-helping-cities-sort-their-waste-problem-260023

Sound recordings can give us an animals’ eye view of the war in Ukraine

Source: The Conversation – UK – By Janine Natalya Clark, Professor of Transitional Justice and International Criminal Law, University of Birmingham

The documentary film, Animals in War, tells the story of Russia’s invasion of Ukraine from the point of view of the animals affected by the conflict. Sota Cinema Group

The 2025 Tribeca Film Festival in New York included a world premiere of War Through the Eyes of Animals (also known as Animals in War). The documentary gives an animals-eye view of Russia’s war against Ukraine and features the wartime experiences of several different species, including a cow, a rabbit and a wolf.

Throughout history, animals have been affected by war and exposed to its many dangers. Despite this, war is usually discussed from human-centred perspectives that marginalise animal experiences.

My own work on the Russia-Ukraine war uses sound as a way of thinking about some of the war’s environmental impacts and the experiences of animals. The idea that sound can provide ecological information is not new. Research has shown how the sounds, for example, of plants and animals can tell us a lot about how their environment is changing. What is new is exploring this in the context of war.

Trailer for War Through the Eyes of Animals.

For my research project I interviewed more than 30 Ukrainians, including botanists, ornithologists, herpetologists (who study reptiles and amphibians) and a marine biologist. I also asked them to make short recordings of their local soundscapes.

A scientist working in Tuzlivski Lymany National Park in the Odesa region of southern Ukraine made a recording of Iranian Shahed drones flying over his office and explained that these “abnormal” sounds greatly affect some species of birds.

Shahed drones.
Interviewee recording879 KB (download)

In 2024, for example, there was a large colony of nesting flamingos in Tuzlivski Lymany. However, noise caused them to abandon their nests, leaving their eggs vulnerable to predators. No chicks were born in the flamingo colony that year. Research in peacetime has found that drones can lead to significant breeding failures among some birds.

A herpetologist, meanwhile, shared his recording of natterjack toads and European tree frogs that he made in the Volyn region of northern Ukraine the year before the start of the full-scale invasion in 2022.

Amphibian chorus.
Interviewee recording985 KB (download)

What he wanted to convey was that he may never hear this particular “amphibian chorus” again. The area is close to the border with Belarus, and it is unclear what impact the construction of Ukrainian defensive fortifications has had on local animal and plant life.

I also asked interviewees whether the war has helped nature in any way. In response, they frequently talked about reduced anthropogenic (human-made) pressures on the environment. An example is the ban on hunting, first imposed at the start of the war in eastern Ukraine in 2014.

Summer meadow.
Interviewee recording281 KB (download)

One interviewee recorded a nighttime summer meadow in Kyiv region and captured the distant sound of a fox calling. The prohibition on hunting has enabled foxes to thrive

Another interviewee made a recording near the Kaniv Nature Reserve in central Ukraine. Alongside birdsong are the barking sounds of roe deer, another species that has benefited from the hunting ban.

Of course, such population increases are not necessarily beneficial to wider ecosystems, as ecologist Aldo Leopold discussed in his classic Thinking like a Mountain (1949). Leopold found that uncontrolled numbers of deer due to the mass killing of wolves in the United States during the first part of the 20th century took a huge toll on the environment. “I have seen every edible bush and seedling browsed”, he wrote”, “first to anaemic desuetude, and then to death”.

The fact that the Russia-Ukraine war has contributed to reducing some anthropogenic pressures does not in any way minimise the enormity of harm done to nature, including forests, soil and marine ecosystems. Yet it is too narrow to think about the environment only in terms of harms done to it.

Nature’s recovery

The Chernobyl Exclusion Zone (CEZ) created following the Chernobyl nuclear disaster in 1986 is often cited as an example of nature’s ability to recover. One of the ornithologists whom I interviewed made a recording of birdsong from within the CEZ, in northern Ukraine.

Chornobyl.
Interviewee recording1.97 MB (download)

When I listen to the recording I am reminded of research which has found that birds have adapted physiologically to radiation exposure within the CEZ.

Another example of recovery relates to the destruction of the Kakhovka dam in June 2023. When Russian aggressors breached the dam, water drained from the Kakhovka reservoir, leaving it dry. Today, there is a young willow forest growing on the site of the former reservoir.

To emphasise the resilience of nature, one of my interviewees made an audio recording from the Yelanets Steppe Nature Reserve in the Mykolaiv region in southern Ukraine. Against the acoustic backdrop of wind gusting through the grasslands are the repeated calls of the common pheasant.

Common Pheasant.
Interviewee recording2.18 MB (download)

These sounds of the wild steppe awakening in early spring, the interviewee stressed, are also the sounds of nature getting on with life.

Birdsong is clearly audible in a recording made by soldiers near the frontline in Kharkiv region.

Near frontline.
Made by Ukrainian soldiers801 KB (download)

Similarly, birds continued to sing over the trenches during the first world war. Some interviewees also pointed out that certain species of birds, including cormorants, herons and white storks, have adapted to the sounds of war, becoming less sensitive to them.

Justice and reparations

I am particularly interested in the significance of nature’s sounds in the context of transitional justice – and especially reparations.

Discourse on environmental reparations focuses on repairing harms done to nature – and sounds can provide useful insights into some of these harms.

But what is missing from existing scholarship on reparations is attention to some of the ways that ecosystems can and do regenerate and recover. Moving forward, therefore, it is essential to think about how reparations can support (and not disturb) these natural ecosystem processes.

The Conversation

Janine Natalya Clark receives funding for this research from the Leverhulme Trust (RF-2024-137)

ref. Sound recordings can give us an animals’ eye view of the war in Ukraine – https://theconversation.com/sound-recordings-can-give-us-an-animals-eye-view-of-the-war-in-ukraine-260519

Charges against Canadian Army members in anti-government terror plot raise alarms about right-wing extremism

Source: The Conversation – Canada – By Kawser Ahmed, Adjunct Professor at the Political Science department, University of Winnipeg

This week, the RCMP arrested four men in Québec, alleging they were attempting to create an anti-government militia.

The RCMP used the umbrella term “Ideologically Motivated Violent Extremism” to categorize the suspects. Essentially, this means the RCMP alleges they share violent right-wing ideologies. Their arrests raise questions about whether Canada’s problem with right-wing extremism is getting worse.

The group is accused of storing explosive devices, dozens of firearms and thousands of rounds of ammunition. The RCMP seized all of it, and the four suspects are due to appear in Québec City court next week. Three are charged with facilitating a terrorist activity, along with weapon-possession offences.

The suspects include active members of the Canadian Armed Forces, according to the RCMP. Given the allegations that they were planning terrorist attacks for an extremist militia, the inclusion of army personnel might not be surprising.

But it could represent a stark manifestation of a deeply troubling and accelerating trend: the rise of violent right-wing extremism and anti-government or anti-authority radicalization within western democracies. This is a shift dramatically exacerbated by the COVID-19 pandemic as many seized the opportunity to spread anti-government ideas based on restricted freedoms.

Raphaël Lagacé, one of the suspects charged by the RCMP.
(Instagram)

Canada not immune to violent movements

Canada often thinks it’s safe from violent movements, but it’s becoming more vulnerable. This is especially evident in places like Québec, where there has been ideological conflict in the past, including the massacre at a Québec mosque in January 2017.

However, the threat is also clear on a national level.

According to a Canadian intelligence report, far-right extremist groups actively recruit past and present members of the military and police.

There’s also a long-running pattern of militia activity in North America. Activities in the United States show how dangerous it is when violent ideologies spread.

This includes the nihilistic doctrine of accelerationism, which is a white-supremacist belief that the current state of society cannot be fixed and that the only way to repair it is to destroy and collapse the “system”.

There are versions of accelerationism on both the right and left.

The rise in right-wing extremism globally

The charges in Québec shine a spotlight on the global trend of rising right-wing extremism that has been worsening since 2016.

In the past decade, white supremacist, anti-government and militia groups have gained traction. That’s due in part to online echo chambers, growing political and social divisions and the rise and rapid spread of conspiracy theories.

The U.S. is the best and most immediate example. Groups like the Oath Keepers and Proud Boys are well-known, playing a significant role in the Jan. 6 insurrection at the U.S. Capitol. These groups are keen to recruit current and former military and law enforcement officers because they know how to handle weapons and use explosives.

In 2023, the FBI repeatedly said domestic violent extremism continues to pose a threat, especially racially or ethnically motivated extremists and anti-government groups.

Accelerationism is behind a lot of this violence. It underpins efforts to speed up the disintegration of society through targeted violence and technology, with the goal of starting a racial war or civil war to bring down liberal democratic institutions.

The Base is an example of this trend. It’s a multinational, trans-border white supremacist network that supports violence to create chaos.

But this is not just a North American problem. Before Russia’s full-scale invasion of Ukraine, far-right members of the Ukrainian Azov Regiment reportedly drew western extremists to their cause, many of whom were looking for paramilitary training, possibly to use against their own governments.

Canada: The Base, the ‘freedom convoy’

This global tide doesn’t leave Canada out. The arrests in Québec are the most recent and concerning example.

Patrik Mathews, a former Canadian Army reservist from Winnipeg, was involved in a well-known Canadian case that involved recruiting for The Base, as well as a plot to harm a journalist, Canadian investigative journalist Ryan Thorpe. His reports in the Winnipeg Free Press exposed Mathew’s membership in the The Base.

Mathew fled to the U.S. in 2019. The FBI subsequently arrested him and charged him with gun-related crimes and taking part in a riot at a Virginia protest. Mathew is now serving a long prison sentence for his part in what the FBI called a “neo-Nazi plot to instigate a race war in the United States.”

These examples clearly show how extremists work within national military systems to learn tactical capabilities.

The so-called “freedom convoy” occupation of Ottawa in 2022 also showed troubling connections between radicalism and some parts of the Canadian Armed Forces.

Investigations found numerous active and former Army members were either actively involved with the convoy or donated a lot of money. Some were found to have posted extreme anti-government views online. Some Army members are also vulnerable to the right-wing ideologies of a “white-ethnostate” fuelled by political rhetoric and hate.

All of this paints a bleak picture: extremist ideas are slowly taking hold in Canada as adherents aim to leverage military training to spread cynicism in democratic institutions. Previous studies back this up.

Countering the threat

To deal with this complicated and changing threat, we need a whole society, integrated approach that includes reliable top-down enforcement and monitoring and proactive, bottom-up societal resilience.

To quickly disrupt and deter extremist groups, top-down actions are very important. To properly monitor, penetrate and break up violent extremist networks, law enforcement and security services like CSIS and the RCMP need more resources, updated laws and better co-ordination.

It’s also important for the Canadian Armed Forces and other security-sensitive organizations to have better screening processes to find and purge those with extremist ideas.

But law enforcement isn’t enough. For one, it could be seen as biased, which could lead to more radicalization. Bottom-up methods are just as important for long-term prevention.

We need programs that provide teachers, social workers, community leaders and families with the tools they need to spot early signs of radicalization and do something about it in a positive way.




Read more:
How not to counter the radical right


Dialogue, education

It’s important to teach people how to think critically, read the news to fight false information and learn about civic duties that stress democratic principles and diversity. This is especially critical to fight against rising hate-motivated crimes.

I am involved in a one such project. It’s called Extremism and Radicalization to Violence Prevention in Manitoba (ERIM). We strive to build resilient communities by creating awareness and early detection of radicalism.

Dialogue and education are paramount.

Canada can’t afford to wait for a disaster to happen before acting. It can’t let its soldiers — those tasked with protecting Canadians and Canada’s security — get caught up in right-wing extremism. They are a source of national pride and should remain so.

The Conversation

Kawser Ahmed has led a Public Safety project called Extremism and Radicalization to Violence Prevention in Manitoba (ERIM)

ref. Charges against Canadian Army members in anti-government terror plot raise alarms about right-wing extremism – https://theconversation.com/charges-against-canadian-army-members-in-anti-government-terror-plot-raise-alarms-about-right-wing-extremism-260778

Charges against Canadian Army members in anti-government terror plot raises alarms about right-wing extremism

Source: The Conversation – Canada – By Kawser Ahmed, Adjunct Professor at the Political Science department, University of Winnipeg

This week, the RCMP arrested four men in Québec, alleging they were attempting to create an anti-government militia.

The RCMP used the umbrella term “Ideologically Motivated Violent Extremism” to categorize the suspects. Essentially, this means the RCMP alleges they share violent right-wing ideologies. Their arrests raise questions about whether Canada’s problem with right-wing extremism is getting worse.

The group is accused of storing explosive devices, dozens of firearms and thousands of rounds of ammunition. The RCMP seized all of it, and the four suspects are due to appear in Québec City court next week. Three are charged with facilitating a terrorist activity, along with weapon-possession offences.

The suspects include active members of the Canadian Armed Forces, according to the RCMP. Given the allegations that they were planning terrorist attacks for an extremist militia, the inclusion of army personnel might not be surprising.

But it could represent a stark manifestation of a deeply troubling and accelerating trend: the rise of violent right-wing extremism and anti-government or anti-authority radicalization within western democracies. This is a shift dramatically exacerbated by the COVID-19 pandemic as many seized the opportunity to spread anti-government ideas based on restricted freedoms.

Raphaël Lagacé, one of the suspects charged by the RCMP.
(Instagram)

Canada not immune to violent movements

Canada often thinks it’s safe from violent movements, but it’s becoming more vulnerable. This is especially evident in places like Québec, where there has been ideological conflict in the past, including the massacre at a Québec mosque in January 2017.

However, the threat is also clear on a national level.

According to a Canadian intelligence report, far-right extremist groups actively recruit past and present members of the military and police.

There’s also a long-running pattern of militia activity in North America. Activities in the United States show how dangerous it is when violent ideologies spread.

This includes the nihilistic doctrine of accelerationism, which is a white-supremacist belief that the current state of society cannot be fixed and that the only way to repair it is to destroy and collapse the “system”.

There are versions of accelerationism on both the right and left.

The rise in right-wing extremism globally

The charges in Québec shine a spotlight on the global trend of rising right-wing extremism that has been worsening since 2016.

In the past decade, white supremacist, anti-government and militia groups have gained traction. That’s due in part to online echo chambers, growing political and social divisions and the rise and rapid spread of conspiracy theories.

The U.S. is the best and most immediate example. Groups like the Oath Keepers and Proud Boys are well-known, playing a significant role in the Jan. 6 insurrection at the U.S. Capitol. These groups are keen to recruit current and former military and law enforcement officers because they know how to handle weapons and use explosives.

In 2023, the FBI repeatedly said domestic violent extremism continues to pose a threat, especially racially or ethnically motivated extremists and anti-government groups.

Accelerationism is behind a lot of this violence. It underpins efforts to speed up the disintegration of society through targeted violence and technology, with the goal of starting a racial war or civil war to bring down liberal democratic institutions.

The Base is an example of this trend. It’s a multinational, trans-border white supremacist network that supports violence to create chaos.

But this is not just a North American problem. Before Russia’s full-scale invasion of Ukraine, far-right members of the Ukrainian Azov Regiment reportedly drew western extremists to their cause, many of whom were looking for paramilitary training, possibly to use against their own governments.

Canada: The Base, the ‘freedom convoy’

This global tide doesn’t leave Canada out. The arrests in Québec are the most recent and concerning example.

Patrik Mathews, a former Canadian Army reservist from Winnipeg, was involved in a well-known Canadian case that involved recruiting for The Base, as well as a plot to harm a journalist, Canadian investigative journalist Ryan Thorpe. His reports in the Winnipeg Free Press exposed Mathew’s membership in the The Base.

Mathew fled to the U.S. in 2019. The FBI subsequently arrested him and charged him with gun-related crimes and taking part in a riot at a Virginia protest. Mathew is now serving a long prison sentence for his part in what the FBI called a “neo-Nazi plot to instigate a race war in the United States.”

These examples clearly show how extremists work within national military systems to learn tactical capabilities.

The so-called “freedom convoy” occupation of Ottawa in 2022 also showed troubling connections between radicalism and some parts of the Canadian Armed Forces.

Investigations found numerous active and former Army members were either actively involved with the convoy or donated a lot of money. Some were found to have posted extreme anti-government views online. Some Army members are also vulnerable to the right-wing ideologies of a “white-ethnostate” fuelled by political rhetoric and hate.

All of this paints a bleak picture: extremist ideas are slowly taking hold in Canada as adherents aim to leverage military training to spread cynicism in democratic institutions. Previous studies back this up.

Countering the threat

To deal with this complicated and changing threat, we need a whole society, integrated approach that includes reliable top-down enforcement and monitoring and proactive, bottom-up societal resilience.

To quickly disrupt and deter extremist groups, top-down actions are very important. To properly monitor, penetrate and break up violent extremist networks, law enforcement and security services like CSIS and the RCMP need more resources, updated laws and better co-ordination.

It’s also important for the Canadian Armed Forces and other security-sensitive organizations to have better screening processes to find and purge those with extremist ideas.

But law enforcement isn’t enough. For one, it could be seen as biased, which could lead to more radicalization. Bottom-up methods are just as important for long-term prevention.

We need programs that provide teachers, social workers, community leaders and families with the tools they need to spot early signs of radicalization and do something about it in a positive way.




Read more:
How not to counter the radical right


Dialogue, education

It’s important to teach people how to think critically, read the news to fight false information and learn about civic duties that stress democratic principles and diversity. This is especially critical to fight against rising hate-motivated crimes.

I am involved in a one such project. It’s called Extremism and Radicalization to Violence Prevention in Manitoba (ERIM). We strive to build resilient communities by creating awareness and early detection of radicalism.

Dialogue and education are paramount.

Canada can’t afford to wait for a disaster to happen before acting. It can’t let its soldiers — those tasked with protecting Canadians and Canada’s security — get caught up in right-wing extremism. They are a source of national pride and should remain so.

The Conversation

Kawser Ahmed has led a Public Safety project called Extremism and Radicalization to Violence Prevention in Manitoba (ERIM)

ref. Charges against Canadian Army members in anti-government terror plot raises alarms about right-wing extremism – https://theconversation.com/charges-against-canadian-army-members-in-anti-government-terror-plot-raises-alarms-about-right-wing-extremism-260778