Pourquoi davantage de dette européenne favorisera la croissance et la consolidation des finances publiques des pays de l’UE

Source: The Conversation – in French – By Christakis Georgiou, Spécialiste de l’économie politique de la construction européenne, Université Sorbonne Nouvelle, Paris 3

L’instabilité politique aux États-Unis accroît la demande d’une alternative aux actifs libellés en dollar. L’euro en tête ? CarlosAmarillo/Shutterstock

L’émission de dette par l’Union européenne, lancée par le plan de relance européen du 27 mai 2020 (Next Generation EU), peut profiter à ses États membres. Car qui dit dette, dit obligation, mais aussi actif financier. Un actif sûr européen demandé par les investisseurs du monde entier, comme alternative aux bons du Trésor fédéral états-unien.


Alors que l’impératif de réduction du déficit budgétaire continue d’alimenter la crise politique en France et que les négociations s’engagent sur le prochain cadre financier pluriannuel (CFP) de l’Union européenne (UE), cette dernière continue de monter en puissance en tant qu’émetteur de dette obligataire.

Cet essor est du au plan de relance européen proposé par la Commission européenne le 27 mai 2020, à savoir Next Generation EU (NGEU). Celui-ci semble avoir ouvert la voie vers une capacité d’emprunt européenne permanente. Durant l’été 2025, l’UE met au point le programme SAFE (Security Action for Europe) qui prévoit 150 milliards d’euros de dette, tandis que la Commission européenne propose la création d’un instrument de gestion de crise. Celui-ci autoriserait l’exécutif européen à lever jusqu’à 400 milliards d’euros le cas échéant.

Dans cet article, j’explique pourquoi l’émission pérenne et accrue de dette européenne contribuera à la consolidation des finances publiques des États membres. Raison de plus pour l’UE d’accélérer dans cette direction.

Ce que veulent les investisseurs

Le point de départ de ce raisonnement est simple : que demandent les investisseurs en la matière ?

En 1999, la création de l’Union économique et monétaire (UEM) crée le potentiel de défauts souverains en Europe, c’est-à-dire le risque financier qu’un État membre ne rembourse pas ses dettes. L’UEM a soustrait la création monétaire au contrôle des États membres pour la confier à la Banque centrale européenne. Sans ce contrôle, les États de l’Union européenne perdent la certitude de pouvoir honorer leurs obligations souveraines car ils renoncent à la possibilité d’avoir recours à la création monétaire pour se financer.

Pour un ensemble de raisons, ce risque financier potentiel déstabilise le fonctionnement des marchés des capitaux, car il élimine le statut d’actif sûr dont jouissaient les titres de dette publique jusque-là.

C’est la raison pour laquelle les investisseurs financiers ont très tôt compris que l’Union économique et monétaire devrait être complétée par la création d’un actif sûr européen, soit d’une part en recourant à l’émission et la responsabilité conjointes des États de l’UE, soit d’autre part à l’émission de titres de dette par la Commission européenne.

Une alternative aux actifs libellés en dollar

L’offre de ce nouvel actif financier européen devrait être volumineuse, fréquente et pérenne de manière à s’ériger en actif financier de référence et valeur refuge dans le marché financier européen. Pour la quasi-totalité des investisseurs, le modèle à reproduire est celui du marché états-unien de la dette publique, dont le pivot est le bon du Trésor fédéral.




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À cela s’ajoute une demande croissante de la part des investisseurs extraeuropéens pour une alternative aux actifs libellés en dollar. Cette tendance est apparue depuis une dizaine d’années avec l’arsenalisation croissante du dollar par l’administration fédérale états-unienne. Le terme « arsenalisation du dollar » renvoie à un ensemble de pratiques à visée géopolitique, comme la menace d’interdire l’accès aux marchés financiers américains ou des poursuites judiciaires pour non-respect de sanctions (contre l’Iran, par exemple) prononcées par l’administration. Depuis un an, l’instabilité politique aux États-Unis, notamment la menace de réduire l’indépendance de la Réserve fédérale, a accru cette demande de diversification. L’euro est bien placé pour offrir une alternative, mais à condition de pouvoir offrir un actif aussi sûr et liquide que le bon du Trésor fédéral.

Étant donné que l’évolution de l’UE en émetteur souverain est une demande forte des investisseurs, par quels mécanismes cela pourrait-il contribuer à la consolidation des finances publiques des États membres ?

Premier canal : l’offre accrue d’actifs sûrs rassurera les investisseurs

Le premier mécanisme concerne l’effet général sur l’évaluation des risques de crédit par les investisseurs. L’augmentation nette de l’offre d’actifs sûrs aura un effet général rassurant et par conséquent réduira les primes de risque, mais aussi les spreads (différence de taux d’intérêt d’une obligation avec celui d’une obligation de référence de même durée) entre États de l’UE.

Un exemple de cette dynamique est l’expérience de l’automne 2020, avant et après l’annonce de l’accord sur le plan de relance européen. Tant que cet accord éludait les dirigeants européens, la fébrilité était palpable sur les marchés et les spreads. Celui de l’Italie en particulier avait tendance à s’écarter. L’annonce de l’accord a immédiatement inversé la dynamique. La mise en œuvre du programme fait qu’aujourd’hui les États membres du sud de l’UE – Italie, Espagne, Portugal – empruntent à des conditions similaires à celles de la France.

Le plan de relance européen de 2020 (baptisé « Next Generation EU »), proposé par la Commission européenne le 27 mai 2020, vise à pallier les conséquences économiques et sociales de la pandémie de Covid-19. Son montant est fixé à 750 milliards d’euros.
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Deuxième canal : attraction accrue de capitaux extraeuropéens

Le deuxième mécanisme répond à la demande de diversification des investisseurs extraeuropéens. En leur proposant une alternative crédible aux actifs en dollar, l’émission accrue de dette européenne attirera un surcroît de flux extraeuropéens vers l’Europe. Cela augmentera l’offre de crédit en Europe, ce qui diminuera les taux d’intérêt de façon générale et facilitera le financement de l’économie européenne.

Troisième canal : emprunter pour investir agira sur le dénominateur

Le troisième mécanisme dépend de l’utilisation des ressources collectées par l’émission de dette. Si, comme avec le plan de relance européen Next Generation EU, ces ressources sont affectées à l’investissement public, notamment en infrastructures, cela améliorera la croissance potentielle.

L’accélération de la croissance générera un surplus de recettes fiscales, tout en agissant sur le dénominateur (à savoir le PIB, auquel on rapporte le stock de dette publique pour obtenir le ratio qui sert le plus souvent de référence dans les débats sur la soutenabilité des dettes). Les effets bénéfiques attendus sont aujourd’hui visibles dans les principaux États membres bénéficiaires de ce plan de relance, à savoir l’Italie et l’Espagne.

L’amélioration des perspectives de croissance aura aussi un effet spécifiquement financier. Pourquoi ? Car elle contribuera à retenir davantage de capitaux européens qui aujourd’hui s’exportent aux États-Unis pour chercher des rendements plus élevés dans les start-ups du pays de l’Oncle Sam. En d’autres termes, la résorption de l’écart de croissance entre États-Unis et Europe offrira relativement plus d’opportunités de placement en Europe même à l’épargne européenne.

Quatrième canal : favoriser la constitution de l’union du marché des capitaux

Un actif sûr européen est la pièce maîtresse pour enfin aboutir à l’union des marchés des capitaux. L’offre d’un actif financier de référence, ou benchmark asset, contribuera à uniformiser les conditions financières dans les États de l’UE, favorisera la diversification et la dénationalisation des expositions au risque et fournira du collatéral en grande quantité pouvant servir à garantir les transactions transfrontières au sein de l’UE.

Cette dernière fonction des titres de dette publique (servir de collatéral dans les transactions financières) est capitale pour le fonctionnement du système financier contemporain. Lorsque les banques et autres firmes financières ont besoin de liquidités, elles se tournent vers d’autres firmes financières et leur en empruntent en garantissant la transaction par des titres de dette publique.

L’utilisation de ces titres à cette fin découle de leur statut d’actif sûr. C’est la raison pour laquelle un actif sûr européen sous forme de titres émis par la Commission européenne favorisera les transactions transfrontières : une banque portugaise pourra beaucoup plus facilement emprunter des liquidités à un assureur allemand si la transaction est garantie par des titres européens plutôt que par des titres portugais par exemple.

L’union des marchés des capitaux, c’est-à-dire l’élimination du biais national dans la composition des portefeuilles d’actifs, améliorera l’allocation globale du capital en permettant de mieux aligner épargne et investissements à travers le marché européen. Cela était précisément l’un des effets principaux escomptés lors de la création de l’Union économique et monétaire (UEM).

Durant la première décennie de son existence, cette intégration financière a eu lieu, bien que cela servît à financer des bulles de crédit dans la périphérie qui alimentèrent la crise de l’Union économique et monétaire en 2009-2012. Les flux accrus de capitaux vers les États membres du sud de l’Europe ont diminué drastiquement le coût de financement des entreprises et des autorités publiques mais ont principalement été canalisés vers des investissements improductifs et spéculatifs comme la bulle immobilière en Espagne. Or, intégration financière et bulles de crédit ne sont pas synonymes : si les conditions sont mises en place pour canaliser le surcroît de flux de capitaux transfrontières vers les investissements productifs, la hausse de la croissance sera durable.

The Conversation

Christakis Georgiou ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Pourquoi davantage de dette européenne favorisera la croissance et la consolidation des finances publiques des pays de l’UE – https://theconversation.com/pourquoi-davantage-de-dette-europeenne-favorisera-la-croissance-et-la-consolidation-des-finances-publiques-des-pays-de-lue-267165

Africa has a debt crisis: momentum from G20 in South Africa can help find solutions

Source: The Conversation – Africa – By Danny Bradlow, Professor/Senior Research Fellow, Centre for Advancement of Scholarship, University of Pretoria

The end of South Africa’s G20 presidency does not mean the end of its ability or responsibility to promote the issues it prioritised during 2025. It can still advocate for action on some of these issues through its further participation in the G20 and in other international and regional forums.

In this article, I argue that going forward South Africa should prioritise the financial challenges confronting Africa that it championed in 2025.

South Africa established four overarching priorities for its G20 presidency. Two of them dealt with finance. One sought to “ensure debt sustainability for low-income countries”. The other was to mobilise finance for a just energy transition.

The importance of debt, development finance and climate to Africa’s future is clear. Over half of African countries are either in debt distress or at risk of being in distress. More than half of Africa’s population live in countries that are spending more on servicing their debt than on health and/or education.

In addition, 17 African countries experienced net debt outflows in 2023. This means that they were using more foreign exchange to pay their external creditors than they received in new debts that could be used to finance their development. The continent is also experiencing extreme weather events that are adversely affecting food security and human wellbeing.

In short, African countries are caught in a vicious cycle. The impacts of climate and their struggle to meet their debt obligations are interacting in ways that undermine their ability to meet their sustainable development goals.

South Africa’s priorities

South Africa’s priorities for its G20 presidency were ambitious. Success required meaningful action at three levels:

Awareness. South Africa would need to bring the international community to a better understanding of the nature of the debt and development finance challenges confronting African countries and of the consequences of failing to address them.

Process. South Africa would need to convince the G20 to correct the shortcomings in the Common Framework it had devised to deal with low-income countries seeking debt relief.

The examples of Zambia and Ghana showed that the Common Framework was cumbersome, slow and unduly favourable to creditors. For example the framework requires the debtor to engage separately with each group of its creditors in a sequential process. This means that it should not negotiate with its commercial creditors until it has successfully negotiated with its official creditors.

Commercial creditors can’t give debt relief until the official creditors are satisfied with their deal and are confident that the commercial creditors will not receive more favourable treatment from the debtor than they have received.

Another complication is the IMF’s multiple roles in debt restructurings as an advisor to and a creditor of the debtor countries. In addition, it does the debt sustainability analysis that determines the amount of debt relief that all other creditors are expected to provide to the debtor country in order for it to regain debt sustainability. The more optimistic its assessment, the smaller the contributions the various creditors, including the IMF, are expected to provide. These contributions can either be in the form of new funding or new debt terms.

Substance. The current debt restructuring process treats debt as a technical financial and legal problem rather than as the complex multifaceted problem that is experienced by debtor countries. The former perspective limits the scope of debtor-creditor negotiations to the terms of the financial contracts.

The negotiations focus on the adjustments that must be made to these terms because the debtor cannot comply with its originally accepted obligations. They treat as largely outside the scope of the discussions the adverse impact the debt situation has on the sovereign debtor’s other legal obligations and on the social, political, environmental and cultural situation in the debtor country.

This approach in effect leaves the debtor to deal with these other issues on its own. This artificial distinction between the debtors’ other legal obligations and those it owes to its creditors makes it very difficult for the debtor to escape the vicious debt, development and climate cycle in which it is trapped. It forces it to choose between its commitments to its creditors and its development obligations.

Over the course of 2025, South Africa has been very effective in raising awareness of the African debt crisis and its dire impact on African countries. South Africa persuaded the G20 finance ministers and central bank governors to issue a declaration on debt sustainability at the end of their October meeting.

The declaration is the G20’s eloquent acknowledgement of the problem and of the need for more discussion of how these debt issues are managed by both debtors and creditors. Unfortunately, it does not contain any firm G20 commitments on what it will do to remedy the situation.

There has not been substantial progress at the process and substance levels. This is unlikely to change in the remaining weeks of South Africa’s G20 presidency.

But there are three actions that South Africa can take beyond the end of its term to ensure that the African debt crisis continues receiving attention.

Three actions

First, it should ask a group like the African Expert Panel that it established to advise the president to prepare a technical report that identifies and analyses all the barriers to Africa accessing affordable, sustainable and predictable flows of external development finance.

This report should be submitted to the South African president in the first half of 2026. Next year, South Africa will still be a member of the G20 Troika, which consists of the current, immediate past and the incoming G20 presidents. Consequently, next year, it will still be able to table the report at the G20. South Africa can also use the report to promote action in other appropriate regional and global forums.

Second, South Africa and the African Union should create an African Borrower’s Club that is independent of the G20. This club should be a forum in which African sovereign debtors can share information and lessons learned about negotiating sovereign debt transactions and about responsible debt management. When appropriate, the club can work with regional African financial institutions.

The club, working with regional organisations like the African Legal Support Facility, can also sponsor workshops in which interested African sovereign debtors can share information and more critically assess their financing options. They can also work to improve their bargaining capacity in sovereign debt transactions.

The African Borrower’s Club should also be mandated to establish an African Sovereign Debt Roundtable that is modelled on the Global Sovereign Debt Roundtable. This entity should be an informal forum, based on the Chatham House Rule in which the various categories of stakeholders in African debt can meet to discuss the design of a sovereign debt restructuring process that is effective, efficient and fair and that adopts an holistic approach to a sovereign debt crisis.

Third, South Africa should capitalise on the fact that the impacts of climate, inequality, unemployment and poverty on Africa’s development prospects are now acknowledged to be macro-critical, and so within the IMF’s macro-economic and financial mandate. South Africa should call for a review of the IMF’s operating principles and practices and its governance arrangements.

This call should note that the multilateral development banks have been the object of G20 review for a number of years and that this has resulted in important enhancements in their capital frameworks and operating practices. On the other hand the IMF has not been subject to a similar review despite the fact that its operations have had to undergo possibility even more extensive revisions.

The Conversation

Danny Bradlow, in addition to his position at the University of Pretoria is a Senior Non-Resident Fellow, Global Development Policy Center, Boston University; Senior G20 Advisor, South African Institute of International Affairs and a Compliance Officer, Social and Environmental Compliance Unit, UNDP.

ref. Africa has a debt crisis: momentum from G20 in South Africa can help find solutions – https://theconversation.com/africa-has-a-debt-crisis-momentum-from-g20-in-south-africa-can-help-find-solutions-269004

US-Nigeria relations: what it means to be a ‘country of particular concern’ and why it matters

Source: The Conversation – Africa (2) – By Saheed Babajide Owonikoko, Researcher, Centre for Peace and Security Studies, Modibbo Adama University of Technology

For the second time in five years, Nigeria has been designated a “country of particular concern” by the US government, in both cases by President Donald Trump. The first time was in 2020 but the designation was removed in 2021.

The November 2025 redesignation can be traced to, among other things, a campaign by US congressman Riley Moore, who alleged that there was an “alarming and ongoing persecution of Christians” in Nigeria.

Nigeria refuted this claim. President Bola Tinubu, in a statement, argued that the US characterisation of Nigeria did not reflect the country’s reality or values.

But what does the designation mean for Nigeria? And what should Nigeria’s response be? As a scholar who has studied Nigeria’s insecurity and identity crises, I have some suggestions.

Nigeria must prevent the diplomatic row with the US from progressing further, and act decisively against insecurity for all Nigerians.

To achieve this, the Nigerian government should look beyond military capability. The country needs governance and administrative restructuring that empowers sub-national and local authorities to address local issues. This bottom-up approach will address insecurity better than the current top-down approach.

What ‘country of particular concern’ means

The classification of a country as being of particular concern is outlined in the United States International Religious Freedom Act (IRFA) of 1998. Under section 402 of the act, “country of particular concern” is a designation given to a foreign country whose government has engaged in or tolerated especially severe violations of the religious freedom of its citizens.

By this definition, a country may not be directly involved in violating its citizens’ religious freedom, but culpable for not acting decisively against those who do.

For a country to be classified as such, it is first placed on a special watch list. This allows for an assessment of whether there is a serious violation of religious freedom.

The designation is part of US foreign policy for promoting human rights globally.

Why Nigeria was given this status

Nigeria was designated a country of particular concern because of allegations of “genocide” against Christians there. Since Nigeria’s independence in 1960, identity conflicts have become a common occurrence. But there’s a new dimension with the emergence of terror groups and intensifying farmer-herder disputes.

A study I conducted in early 2025 revealed that between 2010 and 2022, a total of 230 attacks specifically targeted Christians, 82 of which were between 2019 and 2022.

Several other attacks, such as the Runji killing in Kaduna State in April 2023, the Apata and Yelwata massacres in Benue State in March and June 2025, respectively, and the Mangu killings in Plateau State, have also taken place.

This shows that there are targeted attacks against Christians in parts of Nigeria. But they are a fraction of the attacks and killings carried out by non-state armed groups in the country.

As one study argued, Christians make up roughly half of Nigeria’s population, but attacks explicitly directed against them account for about 5% of total reported violent incidents.

Therefore, framing Nigeria’s insecurity in terms of anti-Christian violence alone oversimplifies the broader dynamics of the country’s national insecurity.

How this will affect Nigeria

The International Religious Freedom Act stipulates 15 required sanctions under section 405(a). Section 407 allows the president of the US to waive these sanctions based on national interest or to further the purpose of the act. For this reason, in most cases, the designation is seldom followed by sanctions.

Several countries have been exempted from sanctions even when designated as countries of particular concern. Pakistan, Saudi Arabia, Tajikistan, Turkmenistan and Uzbekistan have been repeatedly designated but the US has never sanctioned them.

Even Nigeria’s designation in 2020 was not followed by sanctions. The US continued to provide security assistance, military cooperation and development aid to Nigeria. The US only used the period of designation to call for improved protection of religious communities and accountability for perpetrators.

For the recent designation, however, Trump has threatened to cut aid to Nigeria and take military action against terrorists in Nigeria.

The US, through the US Agency for International Development, provided development assistance worth US$7.89 billion between 2015 and 2024 to support health, education, economic and humanitarian development. But all of that has reduced since the scrapping of the agency and a drop in foreign aid.

US security aid to Nigeria remains significant. It approved sales of sophisticated precision military weapons worth US$346 million to Nigeria and has offered training support for Nigerian soldiers.

The US could end that deal, but that would undermine Nigeria’s ability to address terrorism and general security challenges. It would counter the purpose of the International Religious Freedom Act. Therefore, I believe the US may waive this.

Direct military intervention in Nigeria is becoming a possibility and Trump is most likely going to do it without respect for Nigeria’s sovereignty. He has ordered the US Department of War to draw up plans, and they have come up with options. But I do not see this solving the problem of insecurity in Nigeria. It may instead lead to the dispersal of terrorists, complicating Nigeria’s insecurity. Or terrorists might increase mass kidnappings and hostage-taking for shields.

How Nigeria should respond

Nigeria must prevent diplomatic rows with the US because they are partners in the fight against terrorism. A discussion about how the US can improve Nigeria’s capacity to address its security challenges would be a good step.

Furthermore, Nigeria’s limited capacity to safeguard lives and property points to deeper structural and governance challenges. The country’s security architecture is too centralised and works top-down. This makes it harder for sub-national and local authorities to provide security and address the drivers of violence at the local level.

Nigeria should go beyond improving its military response. To enhance security, it also needs to reform its governance and administrative structures.

The Conversation

Saheed Babajide Owonikoko does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

ref. US-Nigeria relations: what it means to be a ‘country of particular concern’ and why it matters – https://theconversation.com/us-nigeria-relations-what-it-means-to-be-a-country-of-particular-concern-and-why-it-matters-269044

Guinea-Bissau’s presidential poll has already failed the credibility test

Source: The Conversation – Africa (2) – By Jonathan Powell, Visiting assistant professor, University of Kentucky

Guinea-Bissau heads into its November elections against the backdrop of a deepening crisis of electoral legitimacy across Africa. In recent months, a string of elections has reinforced the perception that incumbency, not competition, remains the standard.

In Cameroon, 92-year-old Paul Biya claimed an eighth consecutive term after officially winning 53.7% of a vote widely denounced as fraudulent and met with protests.




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In Tanzania, President Samia Suluhu Hassan was declared the victor with an implausible 98% of ballots cast in her favour following a poll marred by numerous irregularities and followed by protests and a crackdown unprecedented in the country’s history.




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And in Côte d’Ivoire, President Alassane Ouattara comfortably secured a fourth term with nearly 90% of the vote, extending his hold on power despite the constitution’s two-term limit.




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Across the continent, including west Africa, these outcomes have fuelled public cynicism and highlighted a worrying erosion of democratic norms, as leaders manipulate constitutions, neutralise opponents, and hollow out institutions meant to safeguard accountability.

It is within this climate of regional disillusionment that Bissau-Guineans will head to the polls on 23 November.

The west African country’s upcoming election once offered the potential to demonstrate a growing electoral resilience, a deepening of institutional strength that would help the country break from past legacies of instability. Instead, the process has been repeatedly undermined by President Umar Sissoco Embaló.

As social scientists who have written extensively on political instability in Africa, we believe that such dynamics all but guarantee another entry to the roster of failed elections across the region.

At stake is more than Guinea-Bissau’s democratic credibility. Its unravelling speaks to a wider regional crisis in which incumbents erode legitimacy not by abolishing elections, but by emptying them of real competition.

A legacy of instability

In contrast to long-tenured leaders like Biya or Ouattara, or enduring parties such as Tanzania’s Chama Cha Mapinduzi (CCM), Guinea-Bissau’s voters navigate an electoral system defined by unpredictability and instability, especially during election season.

The country’s modern electoral turbulence can be traced back decades. João Bernardo “Nino” Vieira returned to power in 2005 for a second stint, nearly a quarter-century after first seizing control via a 1980 coup.

His rule was marred by conflict, including an 11-month civil war triggered by a rebellion from former army chief of staff Ansumane Mané. Vieira’s long first tenure ended in a second coup in May 1999, and his second term was cut short in 2009 when he was murdered by members of the armed forces.

Malam Bacai Sanhá emerged as Vieira’s elected successor but passed away in January 2012, leaving Raimundo Pereira as interim president. Within months, Pereira would be removed in yet another military coup.

The 2012 upheaval halted a runoff election between Carlos Domingos Gomes Júnior and Kumba Ialá.

The 2014 election brought José Mário Vaz to the presidency, defeating a candidate with close ties to the military. When Vaz completed his term in 2020, he became Guinea-Bissau’s first president to finish a constitutionally defined tenure.




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Undermining the process

Questions arose even before Vaz’s exit. After Umar Sissoco Embaló was declared the winner over Pereira in the 29 December runoff, Pereira challenged the results. Ignoring the ongoing legal process, Embaló arranged an inauguration ceremony for himself in February 2020.

The African Party for Independence of Guinea and Cape Verde (PAIGC) accused Embaló of orchestrating a coup and appointed Cipriano Cassamá as an interim president.

Embaló then ordered the deployment of the military to state institutions, including the National Assembly. Cassamá stepped down on his second day, citing death threats.

The supreme court ultimately declined to rule on the dispute after its chief judge fled the country, also citing death threats. The crisis was effectively resolved by the Economic Community of West African States’ (Ecowas) recognition of the Embaló government. Uncertainty, however, would continue to plague the new government.

In May 2022, three months after an attempted coup, Embaló dissolved and suspended parliament.

The main opposition party, the PAIGC, formally regained parliamentary control in the June 2023 elections, setting the stage for continued confrontation between the presidency and the legislative majority. Embaló again pursued the dissolution of parliament in December 2023.

Although Embaló’s term officially expired in February 2025, the supreme court later ruled he could remain in office until 4 September.

Even after that date, Embaló remained in office. These manoeuvres have heightened concerns about the erosion of constitutional norms.

Concerns over the broader electoral environment have also come to the fore. Legislative elections initially scheduled for late November 2024 were indefinitely postponed due to alleged funding and logistical challenges. Earlier, Embaló had declared he would not seek reelection, only to reverse course in March 2025.

A mediation team deployed by the Economic Community of West African States, tasked with helping the sides agree to and honour an election timeline, abruptly withdrew following threats of expulsion from the Embaló government.

More recently, the PAIGC’s chosen presidential candidate, Domingos Simões Pereira, was barred from contesting the November election after the supreme court rejected his candidacy over the late submission of documents.

For the first time in Guinea-Bissau’s history, the country’s oldest and most influential party will be excluded from the presidential race.

The country has fallen in the Electoral Democracy Index, provided by the Varieties of Democracy (V-Dem). As shown in the graph below, the decline even outpaces the drop witnessed after military coups in 2003, 2012, and the assassination of Vieira in 2009.

The V-Dem data end in 2024, and thus do not yet capture the 2025 election cycle.

Performative elections, entrenched power

What is unfolding in Guinea-Bissau is not an isolated crisis. It is part of a wider regional pattern in which leaders recognise that elections can be held, even celebrated, while hollowing out nearly everything that once made them meaningful. Critically, the recent coups in the region have been linked, in part, to popular frustration with flawed electoral processes.

Embaló has not entrenched himself with the personal longevity of Cameroon’s Biya or the institutional dominance of Tanzania’s CCM, but the mechanisms he has used to tilt the field look strikingly similar.

The removal of viable opponents, the manipulation of constitutional timelines, the coercive use of the security sector, and the corrosion of judicial independence all signal a shift away from accountability.

Guinea-Bissau was for the first time in decades poised to demonstrate that democratic resilience could be strengthened. Instead, the 2025 election cycle risks becoming another example of how fragile gains can be reversed with impunity.

The Conversation

The authors do not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and have disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

ref. Guinea-Bissau’s presidential poll has already failed the credibility test – https://theconversation.com/guinea-bissaus-presidential-poll-has-already-failed-the-credibility-test-269461

Violence is a normal part of life for many young children: study traces the mental health impacts

Source: The Conversation – Africa (2) – By Kirsten A Donald, Professor of Paediatric Neurology and Development, University of Cape Town

By Teresa – Scan on Xerox DocuColor 2240, CC BY-SA 3.0, CC BY

Children in many countries are growing up surrounded by violence. It may happen at home, in their neighbourhoods, or both. Some children are directly harmed, while others witness violence between caregivers or in their communities. Either way, the impact can be profound.

Evidence shows that the relationship between violence exposure and poor mental health can be seen even before a child is old enough to go to school. Researchers are learning that early adversities can have lifelong consequences.

We are researchers in paediatric neuroscience and psychology who set out to understand how early experiences of violence are shaping young children’s cognitive and emotional health in low- and middle-income countries. Here we discuss our findings from a review of studies from 20 countries and new data from a large cohort of children in South Africa.

We found that violence exposure is extremely common in all the countries we looked at and that its effects on mental health are already visible in childhood.

The response will require action at all levels – families, communities, health systems and governments.

Gaps in the research

Early childhood (birth to 8 years) is a critical period for emotional, social and cognitive development. Mental health or cognitive difficulties that begin in the preschool years can shape children’s relationships, learning and wellbeing well into adolescence and adulthood. Yet, little is known about how violence affects children in the early years in low – and middle-income countries, where violence rates can be high. Most research focuses on school-age children or adolescents, missing the window when prevention may be most effective, in early childhood.

We aimed to fill that gap by collating existing knowledge and generating new evidence from South African children. This formed the basis of co-author Lucinda’s PhD thesis.

First, we reviewed 17 published studies from 20 low- and middle-income countries, examining how violence exposure affects children’s cognitive functioning. Second, we used data from almost 1,000 children in the Drakenstein Child Health Study, a long-running birth cohort in a peri-urban community outside Cape Town. We examined these children’s exposure to different types of violence by age four-and-a-half and assessed their mental health at age five.

What we found

Sadly, our findings revealed that violence exposure is extremely common.

The review found that over 70% of the studies drawing from 27,643 children from 20 countries, aged up to 11, across four continents, reported poor cognitive outcomes associated with experiencing maltreatment, intimate partner violence and war.

In our South African cohort, by age 4.5 years, 83% of children were exposed to some form of violence. This included witnessing community violence (74%), witnessing domestic violence (32%), and being direct victims in the community (13%) or at home (31%). Nearly half (45%) experienced more than one type of violence.




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Why South Africa’s children are vulnerable to violence and injuries


In many countries, early exposure to violence is not exceptional. It is a normal part of growing up for many children.

Regarding how violence affects mental health in early childhood, the South African data showed that preschool children exposed to more violence displayed more internalising symptoms, such as anxiety, fear, or sadness, and externalising symptoms, such as aggression, hyperactivity, and rule-breaking. Experiencing violence at home and witnessing violence in the community were particularly linked with these difficulties.

One of the clearest findings was that multiple exposures compounded the risk. Children who experienced both domestic and community violence were at particularly high risk of mental health difficulties, especially experiencing externalising symptoms.

Public health challenge

These results highlight a major public health challenge, which starts early. These patterns appear before school entry, suggesting that violence exposure can alter developmental pathways well before formal education begins.

Since the risks from mental health difficulties linked to violence were visible by age five, waiting to intervene until school-age misses a crucial opportunity.

Impacts to wellbeing in early childhood can cause some children to internalise distress and others to act out, but both can disrupt learning, relationships and future mental health.

It is a stark reality that in some communities, most children are affected by violence. Individual therapy alone cannot fix a problem this widespread. It is a population-level issue. Broader community and policy responses are needed, such as the INSPIRE strategies developed by the World Health Organization.

Where to from here

The reality is grim and calls for quick and informed action at all levels: families, communities, health systems, and governments. A successful response will include:

  1. Early identification: Health and community services should routinely ask about violence exposure, including witnessing violence, during early childhood visits.

  2. Support for families: Interventions that reduce domestic violence, strengthen parenting skills, and provide mental health and social support can protect both children and adults.

  3. Addressing community violence: Safer neighbourhoods, violence prevention efforts and policing reforms should be implemented and also clearly linked with child mental health strategies in policy wording.

  4. Policy that prioritises early childhood: Governments and NGOs should embed early violence prevention and child mental health promotion into national health and education strategies.

  5. Monitoring and revising strategies: Improving data collection and data quality will help track progress and inform improvements to further interventions.




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Violence exposure in early childhood is widespread in low- and middle-income countries and has clear impacts on young children’s mental health. These effects emerge early, grow with multiple exposures, and require early intervention at every level. Protection and support are essential to build healthier and safer communities for the future.

There is hope as some organisations in South Africa are working to prevent violence against women and children, and intervening for those affected.

The Conversation

Lucinda Tsunga received funding from the University of Bristol’s (i) Pro Vice-Chancellor (PVC)-Research and Enterprise Strategic Research Fund and (ii) The Quality-related Research Global Challenges Research Fund (QRGCRF) Strategy funded by Research England during the course of her Dctoral studies.

Kirsten A Donald does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

ref. Violence is a normal part of life for many young children: study traces the mental health impacts – https://theconversation.com/violence-is-a-normal-part-of-life-for-many-young-children-study-traces-the-mental-health-impacts-268512

Détox digitale : se déconnecter, entre le luxe et le droit fondamental

Source: The Conversation – France (in French) – By Chloe Preece, Associate Professor in Marketing, ESCP Business School

Alors que les dangers d’une consommation excessive des outils numériques apparaissent de plus en plus, la possibilité de se déconnecter est en train de devenir un produit de luxe. Se couper des réseaux sera-t-il bientôt réservé aux very happy few ?


Selon Ouest France, près d’un Français sur cinq déclarait en 2025 vouloir réduire son usage numérique, tandis que Statista notait que 9 % des Français souhaitaient diminuer leur temps passé sur les réseaux sociaux.

Ce souhait reflète une tendance lourde : le temps d’écran moyen ne cesse d’augmenter – plus de cinq heures par jour en moyenne – suscitant des inquiétudes dans la société civile, chez les chercheurs et, plus récemment, chez les responsables politiques. En avril dernier, l’ancien premier ministre Gabriel Attal appelait même à un « état d’urgence contre les écrans ».

Une prise de conscience collective

Au-delà du malaise diffus lié à l’impression de vivre à travers un écran, une véritable prise de conscience s’est installée. Depuis la fin des années 2010, de nombreux travaux dénoncent la « captologie » – la manière dont les grandes plates-formes utilisent les sciences comportementales pour capter notre attention en optimisant leurs interfaces et en affinant leurs algorithmes. Leur objectif est de retenir les utilisateurs le plus longtemps possible, parfois au détriment de leur santé. « Netflix est en concurrence avec le sommeil », déclarait ainsi Reed Hastings, son PDG, en 2017.




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Les effets néfastes de la surexposition aux écrans sont aujourd’hui bien connus et prouvés : anxiété accrue, troubles du sommeil aggravés, perte de concentration. Le psychologue américain Jonathan Haidt a notamment mis en évidence le lien entre la surconsommation d’écrans et la hausse des suicides chez les plus jeunes, en particulier les jeunes filles, dont le taux a augmenté de 168 % aux États-Unis dans les années 2010. En France, la tendance est similaire. Cette accumulation de données scientifiques et de témoignages a ouvert un débat public : comment reprendre le contrôle, sans pour autant se couper du monde numérique ?




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Le marché du minimalisme digital

Face à ces inquiétudes, une nouvelle économie de la déconnexion s’est développée. Sur YouTube, les vidéos d’influenceurs présentant leur « détox digitale » dépassent souvent le million de vues. D’autres, à l’image de José Briones, se sont spécialisés dans le minimalisme digital proposant des formations et même des newsletters payantes pour aider à « rompre avec les écrans ». Une démarche paradoxale, puisque ces conseils circulent essentiellement sur les plates-formes qu’ils critiquent.

Le phénomène dépasse le simple développement personnel. Dans le tourisme, des séjours « déconnexion » – sans téléphone, centrés sur le bien-être – se multiplient, parfois à des tarifs élevés. À Paris, le concept néerlandais, The Offline Club, organise des évènements sans écrans : lectures, balades, rencontres entre membres, chaque évènement étant tarifé entre 8 et 15 euros. Ainsi se structure un véritable marché du minimalisme digital. Désormais, pour s’éloigner du numérique, certaines personnes sont prêtes à payer.

L’essor des « appareils idiots »

Autre réponse à cette quête de sobriété numérique : les appareils idiots. Il ne s’agit pas de ressusciter les Nokia 3310, mais de proposer des téléphones ou tablettes épurés (en anglais : dumb down), limités volontairement à leurs fonctions essentielles, préservant leurs utilisateurs des effets addictifs ou intrusifs des écrans.

Le Light Phone, version minimaliste du smartphone, et la ReMarkable, alternative simplifiée à la tablette, incarnent cette tendance. Leur promesse est de préserver les avantages technologiques tout en réduisant la distraction. Leurs prix, en revanche, restent comparables à ceux des modèles haut de gamme, 699 € et 599 € respectivement, ce qui en fait des objets de niche !

Un luxe réservé à un public privilégié

Le discours marketing de ces produits cible un public précis constitué de cadres, de créatifs, d’indépendants – ceux qui disposent du temps, de la culture et des moyens nécessaires pour « se déconnecter ». L’imaginaire mobilisé valorise la concentration, la productivité et une forme d’épanouissement intellectuel ou spirituel.

Mais cette approche reste individuelle : se protéger soi-même, sans interroger collectivement la place du numérique dans la société. Ainsi, le « droit à la déconnexion » tend à devenir un produit de consommation, un luxe réservé à ceux qui peuvent se l’offrir.

Pour la majorité, il est aujourd’hui presque impossible d’éviter les écrans. La double authentification bancaire, les démarches administratives ou les plates-formes scolaires rendent le smartphone indispensable. Les solutions existantes reposent donc sur la responsabilité individuelle et, donc sur les ressources économiques et culturelles de chacun.

Vers une réponse collective et politique

Face à cette dépendance structurelle, quelques initiatives citoyennes et politiques émergent. En 2024, la commission sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans, présidée par la neurologue Servane Mouton, a remis au gouvernement un rapport proposant des mesures concrètes pour limiter l’exposition précoce. Les assises de l’attention, organisées à Paris tous les deux ans, rassemblent élus, chercheurs et associations comme Lève les Yeux, qui militent pour un usage plus raisonné du numérique.

Ces initiatives restent modestes, mais elles ouvrent une perspective essentielle : faire de la déconnexion non pas un luxe, mais un droit collectif – au croisement de la santé publique, de l’éducation et de la démocratie. Un enjeu fondamental pour que la reconquête de notre attention et de notre autonomie ne soit pas laissée aux seuls acteurs privés.


Cet article a été réalisée à partir de la recherche Clara Piacenza, diplômée du MSc in Marketing & Creativity.

The Conversation

Chloe Preece ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Détox digitale : se déconnecter, entre le luxe et le droit fondamental – https://theconversation.com/detox-digitale-se-deconnecter-entre-le-luxe-et-le-droit-fondamental-268784

Cyberattaques, sabotage, ingérence, drones… Bienvenue à l’ère de la guerre hybride

Source: The Conversation – in French – By Renéo Lukic, Professeur titulaire de relations internationales, Université Laval

Le système international se transforme depuis le début du XXIe siècle, passant d’un modèle bipolaire, en place depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, à un monde multipolaire en formation. C’est ainsi qu’on a vu émerger une nouvelle forme de conflit : la guerre hybride.

Cette dernière combine des actions militaires conventionnelles, mais aussi non militaires, comme les cyberattaques, l’ingérence informationnelle, le sabotage des infrastructures sur le terrain de l’ennemi, le survol de drones. Elle n’est jamais officiellement déclarée, ce qui rend difficiles l’attribution officielle et une réponse ciblée.

Professeur titulaire de relations internationales au Département d’histoire de l’Université Laval, la guerre en Ukraine et la réaction internationale vis-à-vis du conflit sont au centre de mes recherches.

La Russie et la guerre hybride

En Russie, la guerre hybride a trouvé sa légimité après le discours de Poutine à la conférence de Munich en 2007. Il y annonçait un renforcement de la politique étrangère russe, critiquait le monde unipolaire dirigé par les États-Unis et appelait à un ordre mondial multipolaire.

L’année suivante, la Russie lançait des hostilités en Géorgie et en 2014, elle annexait la Crimée. Puis, en 2022, la Russie a lancé une agression ouverte contre son voisin ukrainien.

Parallèlement à cette guerre conventionnelle, Moscou mène aussi une guerre hybride, non déclarée contre les alliés européens qui soutiennent l’effort de guerre ukrainien. Ainsi, depuis la mi-septembre, des drones russes survolent l’espace aérien de plusieurs pays limitrophes, mais aussi de la Belgique.

Des aéroports européens, notamment ceux de Copenhague, de Bruxelles et de Munich, ont vu leurs opérations perturbées par des drones d’origine inconnue.

La guerre hybride apparaît ainsi comme une mutation de la Guerre froide et s’inscrit dans la transformation de système international.




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Héritage de la guerre froide

La Guerre froide a marqué durablement les relations internationales entre les démocraties libérales et les États totalitaires et autoritaires, notamment l’Union soviétique, la Chine et leurs alliés. La chute du mur de Berlin en 1989 et la désintégration de l’Union soviétique en 1991 y a mis fin.

Après le massacre des étudiants à la place de Tian’anmen en 1989, la Chine est restée dans le collimateur de l’Occident. Une forme de Guerre froide à faible intensité a continué jusqu’au milieu des années 1990.

Durant la période de la Guerre froide, aucune guerre n’était envisageable entre l’Ouest et l’Est, ni conventionnelle, et encore moins nucléaire. Les traités signés limitant le nombre et la portée des armes nucléaires de deux côtés étaient respectés.

Après la crise des missiles à Cuba, en 1962, ces traités sont devenus la clé de voûte de l’architecture de sécurité de l’OTAN et du Pacte de Varsovie. La dissuasion nucléaire adoptée des deux côtés a exclu la guerre comme moyen pour obtenir des gains territoriaux, économiques ou autres. Cependant, la Guerre froide permettait d’autres formes de conflits entre deux camps, notamment une guerre de propagande, une course aux armements et des guerres interposées dans les pays qu’on appelait alors ceux du tiers-monde (Viêt-nam et Corée) entre autres.

Vers une Russie revancharde

La fin de la Guerre froide a été bénéfique pour la Russie et la Chine.

La coopération multiforme avec l’Occident était établie à tous les niveaux, politique, économique et culturel. Cependant, la prospérité créée par la fin de la Guerre froide n’a pas satisfait les ambitions géopolitiques de Vladimir Poutine. En attaquant l’Ukraine en 2022, il a décidé de restaurer l’empire russe par l’emploi de la force militaire et en violation flagrante du droit international.

Poutine a qualifié la guerre contre l’Ukraine « d’opération spéciale » visant à neutraliser la dérive néonazie du pays. Il s’agit d’une justification creuse, dénouée de crédibilité et digne de la rhétorique orwellienne. Outre d’imposer une souveraineté limitée à l’Ukraine en décembre 2021, deux mois avant le déclenchement de la guerre totale, Vladimir Poutine a exigé aussi le retrait géopolitique de l’OTAN, en lui demandant de revenir « aux frontières de 1991 ».

Ainsi, c’est un nouveau traité de Yalta que Poutine a exigé pour éviter la guerre contre l’Ukraine. Devant le refus de l’Occident de battre en retrait stratégiquement de l’Europe centre-orientale, Poutine a opté pour une guerre hybride, non déclarée, contre les États membres de l’OTAN, et une guerre totale contre l’Ukraine, aussi non déclarée. La guerre contre l’Ukraine peut être qualifiée comme totale, étant donné qu’elle englobe la guerre conventionnelle et la guerre hybride.




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L’Europe dans le collimateur

Le champ de bataille de cette guerre hybride lancée par Moscou contre les États membres de l’OTAN et de l’Union européenne est désormais dans le cyberespace.

C’est un nouveau front où se déroulent des cyberattaques menées par des pirates russes. L’éventail de l’ingérence informationnelle est large, elle peut cibler les infrastructures civiles, voire manipuler des élections, comme on soupçonne que ce fut le cas lors des présidentielles en Roumanie et en Moldavie en 2025.

Afin de protéger l’organisation de futurs scrutins, la Commission européenne a dévoilé le 12 novembre son « bouclier démocratique », un ensemble de mesures destinées à contrer la « guerre d’influence » menée par la Russie en Europe.

À cela s’ajoute une guerre de drones, jamais reconnue par la Russie. Elle paralyse des aéroports européens en perturbant les vols. La cible privilégie de ces attaques est désormais la Belgique (nouveau survol au début du mois de novembre), où est le siège de l’OTAN. Le pays semble être, avec les États baltes et la Pologne, au centre de la guerre hybride menée par Moscou.

Un rhétorique de menace

Vladimir Poutine envisage aussi la reprise des essais nucléaires. La réplique du président Trump ne s’est pas fait attendre. Les États-Unis vont emboîter le pas, même s’ils n’incluront pas d’explosions nucléaires lors de leurs essais.


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La remise en question de la dissuasion nucléaire par la Russie est accompagnée par une rhétorique toxique orchestrée par l’ancien président de la Russie, Dimitri Medvedev, proche de Poutine, et le politiste Serguei Karaganov, visant à intimider l’Occident.

La guerre hybride est la seule arme dont dispose la Russie pour dissuader les alliés de l’Ukraine de lui livrer des armes et d’apporter de l’aide économique. Tant que la guerre en Ukraine continue, celle, hybride, contre l’Occident ne s’arrêtera pas.

La guerre conventionnelle entre la Russie et les membres de l’OTAN est improbable. Le risque d’escalade deviendrait incontrôlable, et le danger d’utilisation d’armes nucléaires tactiques est tel que ni la Russie, ni l’OTAN ne veulent faire face à ce scénario catastrophe.

La Conversation Canada

Renéo Lukic ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Cyberattaques, sabotage, ingérence, drones… Bienvenue à l’ère de la guerre hybride – https://theconversation.com/cyberattaques-sabotage-ingerence-drones-bienvenue-a-lere-de-la-guerre-hybride-269454

« Revenge quitting » : est-ce vraiment une bonne idée de régler ses comptes au moment de quitter son emploi ?

Source: The Conversation – France (in French) – By Kathy Hartley, Senior Lecturer in People Management, University of Salford

Les départs spectaculaires peuvent nuire à la carrière, surtout dans des secteurs restreints où les réputations circulent vite. GaudiLab/Shutterstock

Quitter son poste avec fracas, c’est la nouvelle manière pour certains salariés d’exprimer leur ras-le-bol. Entre vidéos virales, mails incendiaires et départs spectaculaires, le « revenge quitting » traduit une colère profonde contre le monde du travail.

Beaucoup d’entre nous ont déjà ressenti la colère provoquée par un traitement injuste au travail – et parfois même l’envie soudaine de tout quitter. Chefs tyranniques, remarques humiliantes ou salaires dérisoires peuvent alimenter ces réactions impulsives. Mais tandis que la plupart des employés ravalent leur colère et retournent à leur poste, certains décident de partir d’une manière qui fait clairement passer le message à leur employeur. Bienvenue dans le monde du « revenge quitting ».

Contrairement au « quiet quitting », où les salariés restent en poste mais se contentent d’en faire le strict minimum, le « revenge quitting » consiste à partir de manière bruyante et spectaculaire.

Ce phénomène s’est désormais répandu dans le monde entier : certains filment leur démission pour les réseaux sociaux, envoient des mails d’adieu cinglants ou quittent leur poste à la dernière minute – parfois à deux heures du début d’un cours qu’ils devaient assurer.

Ces scènes illustrent la dimension libératrice du « revenge quitting » : une manière de reprendre sa dignité lorsque l’on se sent ignoré ou maltraité. Mais elles révèlent aussi autre chose qu’une simple montée du drame au travail ou un effet de génération : elles montrent qu’une partie des travailleurs, lorsqu’ils sont poussés à bout, sont désormais prêts à partir en faisant du bruit.

Dans son ouvrage classique de 1970 Défection et prise de parole (Exit, Voice, and Loyalty), l’économiste Albert Hirschman expliquait que face à une situation insatisfaisante, les individus disposent de trois options : faire entendre leur voix (voice), faire preuve de loyauté (loyalty) ou quitter (exit). Le « revenge quitting » relève de cette dernière catégorie – mais sous une forme particulière, pensée pour faire passer un message clair aux employeurs.

Plusieurs dynamiques au travail augmentent la probabilité de « revenge quitting » :

  • des supérieurs ou des environnements de travail toxiques : des recherches montrent qu’une supervision maltraitante rend les salariés plus enclins à riposter et à démissionner ;
  • le mauvais traitement par les clients : là aussi, des études indiquent que le manque de politesse ou l’incivilité de la clientèle peuvent déclencher des envies de vengeance chez les employés en contact direct avec le public ;
  • l’épuisement émotionnel : le surmenage ou le manque de soutien peuvent pousser certaines personnes à adopter des comportements de représailles, y compris des démissions spectaculaires ;
  • la culture des réseaux sociaux : des plateformes comme TikTok offrent une scène, transformant la démission en acte non seulement personnel, mais aussi performatif.

Risques et alternatives

Bien sûr, le « revenge quitting » comporte des risques. Les départs spectaculaires peuvent nuire à la carrière, surtout dans des secteurs restreints où les réputations circulent vite, ou lorsque les démissions s’enchaînent après de courts passages dans plusieurs postes. Pour les personnes très qualifiées, expérimentées et dotées d’un bon historique professionnel, ces risques restent toutefois plus limités.

Quelles sont donc les alternatives ?

  • faire entendre sa voix plutôt que partir : exprimer ses préoccupations auprès du service des ressources humaines, des responsables du bien-être au travail ou des représentants syndicaux lorsqu’ils existent ;

  • se désengager : se retirer discrètement, par exemple en limitant le temps passé à préparer les réunions ou en évitant les tâches supplémentaires, afin de reprendre un certain contrôle sur sa situation.

Ces alternatives peuvent, au final, nuire davantage aux organisations qu’un départ spectaculaire (à moins que le « revenge quitting » ne devienne un phénomène généralisé dans la structure). Mais bien sûr, tout le monde n’a pas la possibilité de démissionner, même lorsqu’il en a envie.

Une enquête menée en 2023 a révélé que plus de la moitié des travailleurs dans le monde souhaiteraient quitter leur emploi, mais ne le peuvent pas. Les raisons sont multiples : responsabilités financières, manque d’opportunités ou contraintes familiales.

Les chercheurs spécialistes du monde du travail appellent ces personnes des « reluctant stayers » (des « employés coincés malgré eux »). Une étude sur deux organisations a montré qu’environ 42 % des salariés entraient dans cette catégorie. D’autres travaux ont observé que ces salariés « bloqués » finissent souvent par élaborer des stratégies de représailles : ils diffusent discrètement de la négativité ou sapent la productivité. À long terme, cela peut s’avérer plus nuisible pour l’entreprise que le « revenge quitting » lui-même.

L’impact du « revenge quitting » dépend sans doute du contexte. Dans les petites structures, un départ soudain peut être dévastateur, surtout si l’employé possède des compétences rares ou très recherchées. Une démission bruyante peut aussi peser sur les collègues qui doivent gérer les conséquences.

Dans les grandes organisations, l’effet est généralement moins grave : elles peuvent plus facilement absorber le choc. Lorsqu’un cadre ou un employé hautement qualifié quitte bruyamment son poste, les employeurs cherchent en général à éviter ce scénario, en tentant de résoudre les problèmes avant qu’ils ne dégénèrent. Pour cette raison, le « revenge quitting » se manifeste plus souvent chez les travailleurs plus jeunes, précaires ou peu soutenus.

Un départ en fanfare en 2012.

Que peuvent faire les employeurs ? Le « revenge quitting » est souvent le signe que les dispositifs classiques de soutien aux salariés ne fonctionnent plus. Beaucoup d’équipes de ressources humaines sont déjà surchargées et peinent à répondre à toutes les attentes. Mais certaines pratiques de base peuvent encore faire la différence.

Cela passe par une communication ouverte, où les employés se sentent en sécurité pour évoquer les problèmes, et par une formation des managers afin d’éviter les comportements abusifs ou le micro-management. Par ailleurs, même si cela semble évident, des charges de travail ou des conditions inéquitables finissent toujours par susciter du mécontentement : il est donc essentiel de veiller à l’équité. Les employeurs doivent aussi tenir compte des attentes des jeunes générations, souvent plus attachées au respect et à l’équilibre de vie.

En définitive, le « revenge quitting » met en lumière des dysfonctionnements profonds dans l’entreprise. Quitter bruyamment peut donner au salarié un sentiment de pouvoir, surtout sur le moment, mais c’est rarement une bonne nouvelle, ni pour lui, ni pour l’organisation.

The Conversation

Kathy Hartley ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. « Revenge quitting » : est-ce vraiment une bonne idée de régler ses comptes au moment de quitter son emploi ? – https://theconversation.com/revenge-quitting-est-ce-vraiment-une-bonne-idee-de-regler-ses-comptes-au-moment-de-quitter-son-emploi-268321

Pour les artistes comme pour les scientifiques, l’observation prolongée permet de faire émerger l’esprit critique

Source: The Conversation – France (in French) – By Amanda Bongers, Assistant Professor, Chemistry Education Research, Queen’s University, Ontario

S’il semble évident que les scientifiques doivent développer des compétences en analyse visuelle, ces dernières ne sont pas suffisamment enseignées ni mises en pratique dans nos universités.


C’est l’une des difficultés de l’apprentissage des sciences : il repose en partie sur des images et des simulations pour représenter des choses que nous ne pouvons pas voir à l’œil nu. Dans des matières comme la chimie, les étudiants peuvent avoir du mal à visualiser les atomes et les molécules à partir des symboles complexes qui les représentent.

Pourtant, la plupart des cours de chimie dispensés l’université n’aident pas les étudiants à mieux comprendre ces représentations. Les étudiants passent leurs cours à regarder passivement des diapositives pleines d’images sans s’impliquer ni générer les leurs. En s’appuyant sur leurs capacités innées plutôt qu’en apprenant à affiner leur pensée visuelle et leurs compétences en analyse d’images, de nombreux étudiants finissent par se sentir perdus face aux symboles et ont recours à des techniques de mémorisation fastidieuses et improductives.

Que pouvons-nous faire pour aider les élèves à analyser et à tirer des enseignements des visuels scientifiques ? La solution se trouve peut-être du côté de l’histoire de l’art. Il existe de nombreux parallèles entre les compétences acquises en histoire de l’art et celles requises dans les cours de sciences.

Développer un œil averti

Se sentir déconcerté par une œuvre d’art ressemble fortement à l’expérience que font de nombreux étudiants en chimie. Dans les deux cas, les spectateurs peuvent se demander : que suis-je en train de regarder, où dois-je regarder et qu’est-ce que cela signifie ?

Et si un portrait ou un paysage peut sembler, a priori, porter un message simple, les œuvres d’art regorgent d’informations et de messages cachés pour un œil non averti.

Plus on passe de temps à regarder chaque image, plus on peut découvrir d’informations, se poser des questions et approfondir son exploration visuelle et intellectuelle.

Par exemple, dans le tableau du XVIIIe siècle intitulé Nature morte aux fleurs sur une table de marbre (1716) de la peintre néerlandaise Rachel Ruysch, en regardant plus longuement les fleurs, on découvre plusieurs insectes dont les historiens de l’art interprètent la présence dans un contexte plus large de méditations spirituelles sur la mortalité.

Nature morte représentant de nombreuses fleurs sur fond noir, avec des insectes posés sur certaines feuilles
Avez-vous remarqué les insectes dans Nature morte avec des fleurs sur une table de marbre ?
(Rijksmuseum)

Le domaine de l’histoire de l’art est consacré à l’étude des œuvres d’art et met l’accent sur l’analyse visuelle et les capacités de réflexion critique. Lorsqu’un historien de l’art étudie une œuvre d’art, il explore les informations que celle-ci peut contenir, les raisons pour lesquelles elle a été présentée de cette manière et ce que cela signifie dans un contexte plus large.




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Processus d’observation et de questionnement

Ce processus d’observation et de questionnement sur ce que l’on regarde est nécessaire à tous les niveaux de la science et constitue une compétence générale utile.

L’organisation à but non lucratif Visual Thinking Strategies a créé des ressources et des programmes destinés à aider les enseignants, de la maternelle au lycée, à utiliser l’art comme sujet de discussion dans leurs classes.

Ces discussions sur l’art aident les jeunes apprenants à développer leurs capacités de raisonnement, de communication et de gestion de l’incertitude. Une autre ressource, « Thinking Routines » (Routines de réflexion) du projet Zero de Harvard, inclut d’autres suggestions pour susciter l’intérêt des élèves pour l’art, afin de les aider à cultiver leur sens de l’observation, de l’interprétation et du questionnement.

Pour regarder de manière critique, il faut ralentir

De telles approches ont également été adoptées dans l’enseignement médical, où les étudiants en médecine apprennent à porter un regard critique grâce à des activités d’observation attentive d’œuvres d’art et explorent les thèmes de l’empathie, du pouvoir et des soins.

Une personne assise à un bureau regardant des images médicales
L’observation des œuvres d’art peut aider à enseigner aux professionnels l’observation critique, une compétence essentielle pour interpréter les images médicales.
(Shutterstock)

Les programmes d’humanités médicales aident également les jeunes professionnels à faire face à l’ambiguïté. Apprendre à analyser l’art change la façon dont les gens décrivent les images médicales, et améliore leur score d’empathie.

Les compétences nécessaires à l’analyse visuelle des œuvres d’art exigent que nous ralentissions, que nous laissions notre regard vagabonder et que nous réfléchissions. Une observation lente et approfondie implique de prendre quatre ou cinq minutes pour contempler silencieusement une œuvre d’art, afin de laisser apparaître des détails et des liens surprenants. Les étudiants qui se forment à l’imagerie médicale dans le domaine de la radiologie peuvent apprendre ce processus d’observation lente et critique en interagissant avec l’art.

Les étudiants en classe

Imaginez maintenant la différence entre un cadre calme comme un musée et une salle de classe, où l’on est obligé d’écouter, de regarder, de copier, d’apprendre à partir d’images et de se préparer pour les examens.

En cours, les étudiants prennent-ils le temps d’analyser ces schémas chimiques complexes ? Les recherches menées par mes collègues et moi-même suggèrent qu’ils y consacrent très peu de temps.

Lorsque nous avons assisté à des cours de chimie, nous avons constaté que les élèves regardaient passivement les images pendant que l’enseignant les commentait, ou copiaient les illustrations au fur et à mesure que l’enseignant les dessinait. Dans les deux cas, ils ne s’intéressaient pas aux illustrations et n’en créaient pas eux-mêmes.

Lorsqu’elle enseigne la chimie, Amanda, l’autrice principale de cet article, a constaté que les élèves se sentent obligés de trouver rapidement la « bonne » réponse lorsqu’ils résolvent des problèmes de chimie, ce qui les amène à négliger des informations importantes mais moins évidentes.

Analyse visuelle dans l’enseignement de la chimie

Notre équipe composée d’artistes, d’historiens de l’art, d’éducateurs artistiques, de professeurs de chimie et d’étudiants travaille à introduire l’analyse visuelle inspirée des arts dans les cours de chimie à l’université.

Grâce à des cours simulés suivis de discussions approfondies, nos recherches préliminaires ont mis en évidence des recoupements entre les pratiques et l’enseignement des compétences en arts visuels et les compétences nécessaires à l’enseignement de la chimie, et nous avons conçu des activités pour enseigner ces compétences aux étudiants.

Un groupe de discussion composé d’enseignants en sciences à l’université nous a aidés à affiner ces activités afin qu’elles correspondent aux salles de classe et aux objectifs des enseignants. Ce processus nous a permis d’identifier de nouvelles façons d’appréhender et d’utiliser les supports visuels. À mesure que nos recherches évoluent, ces activités sont également susceptibles d’évoluer.

Exemple d’activité d’analyse visuelle associant une œuvre d’art à un visuel de chimie
Exemple d’activité d’analyse visuelle associant une œuvre d’art à un visuel de chimie. À gauche : Étude cubiste d’une tête, par Elemér de Kóródy, 1913 (The Met). À droite : Analyse d’une réaction de cycloaddition (fournie par l’auteur).

De nombreux étudiants en sciences ne poursuivent pas une carrière traditionnelle dans le domaine scientifique, et leurs programmes mènent rarement à un emploi spécifique, mais les compétences en pensée visuelle sont essentielles dans le large éventail de compétences nécessaires à leur future carrière.

Par ailleurs, l’analyse visuelle et la pensée critique deviennent indispensables dans la vie quotidienne, avec l’essor des images et des vidéos générées par l’IA.

Développer des compétences pour ralentir et observer

Intégrer les arts dans d’autres disciplines peut favoriser la pensée critique et ouvrir de nouvelles perspectives aux apprenants. Nous soutenons que les arts peuvent aider les étudiants en sciences à développer des compétences essentielles en analyse visuelle en leur apprenant à ralentir et à simplement observer.

« Penser comme un scientifique » revient à se poser des questions sur ce que l’on voit, mais cela correspond tout aussi bien à la façon de réfléchir d’un historien de l’art, selon les principes suivants :

  1. Observer attentivement les détails ;

  2. Considérer les détails dans leur ensemble et dans leur contexte (par exemple, en se demandant : « Qui a créé cela et pourquoi ? ») ;

  3. Reconnaître la nécessité de disposer de connaissances techniques et fondamentales étendues pour comprendre ce qui est le moins évident ;

  4. Enfin, accepter l’incertitude. Il peut y avoir plusieurs réponses, et nous ne connaîtrons peut-être jamais la « bonne réponse » !

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ref. Pour les artistes comme pour les scientifiques, l’observation prolongée permet de faire émerger l’esprit critique – https://theconversation.com/pour-les-artistes-comme-pour-les-scientifiques-lobservation-prolongee-permet-de-faire-emerger-lesprit-critique-266616

Un empereur romain à genoux devant un roi perse : que faut-il lire derrière la nouvelle statue dévoilée à Téhéran ?

Source: The Conversation – France (in French) – By Peter Edwell, Associate Professor in Ancient History, Macquarie University

La mise en scène d’un empereur romain défait et soumis à Shapur Ier n’est pas nouvelle : elle puise dans l’imagerie triomphale de l’Iran antique. Mais son apparition sur la place Enghelab, à Téhéran, intervient à un moment où le pouvoir cherche à exalter la résistance nationale.


Une nouvelle statue dévoilée ces derniers jours en Iran représente un empereur romain se soumettant à un roi perse. Érigée sur la place Enghelab à Téhéran, la statue intitulée À genoux devant l’Iran montre l’empereur se prosternant devant Shapur Ier (qui régna aux alentours de 242 à 270 de notre ère). Mais d’où vient cette imagerie ? Et pourquoi cette statue a-t-elle été érigée maintenant ?

L’ascension de Shapur

Au IIIᵉ siècle de notre ère, une nouvelle dynastie appelée les Sassanides prend le pouvoir dans l’Iran antique. En quelques années, le premier roi sassanide, Ardachir Ier, commence à menacer les territoires romains en Mésopotamie (dans les régions correspondant aujourd’hui à la Turquie, l’Irak et la Syrie). Les Romains avaient arraché ces terres aux Parthes, les prédécesseurs des Sassanides.

Ardachir entend désormais reconquérir une partie de ces territoires perdus. Il remporte quelques succès dans les années 230. Mais son fils et successeur, Shapur Ier, porte cette ambition à un tout autre niveau. Ce dernier défait une armée romaine venue l’envahir en 244, une victoire qui entraîne la mort du jeune empereur romain Gordien III.

Dans les années 250, Shapur lance une vaste offensive en territoire romain à travers l’Irak, la Syrie et la Turquie. Deux grandes armées romaines sont vaincues et des dizaines de villes tombent. En 253, il s’empare d’Antioche, l’une des cités les plus importantes de l’empire. Certains de ses habitants, se trouvant au théâtre au moment de la chute de la ville, s’enfuient terrorisés tandis que les flèches pleuvent sur la cité.

L’empereur fait prisonnier

Si la prise d’Antioche est une lourde défaite pour les Romains, l’événement qui marque un tournant se situe en 260. Après une bataille à Édesse (dans l’actuelle Turquie méridionale), l’empereur romain Valérien est capturé. C’est la première et unique fois dans l’histoire qu’un empereur romain tombe vivant aux mains de l’ennemi. Valérien est emmené en Perse, avec des milliers d’autres prisonniers.

Son sort fait naître, par la suite, quantité de récits. Selon l’un d’eux, Valérien et des soldats prisonniers auraient été contraints de construire un pont sur le fleuve Karoun, à Shushtar. Les vestiges de cet ouvrage, connu sous le nom de Band-e Qayṣar (« le pont de l’empereur »), sont encore visibles aujourd’hui.

Le Band-e Kaïsar, construit par les Romains à Shushtar, en Iran, aurait été édifié par des prisonniers romains durant le règne de Shapur Ier.
Les ruines du pont Band-e Qayṣar.
Ali Afghah/Wikimedia

Selon un autre récit, Shapur aurait exigé que Valérien se mette à quatre pattes pour servir de marchepied, afin que le roi perse puisse monter à cheval. Shapur aurait également ordonné qu’après sa mort, le le corps de Valérien soit conservé, empaillé et placé dans une armoire. Ainsi, l’humiliation était totale.

On érigea des représentations des victoires de Shapur sur Rome dans tout l’empire perse. Plusieurs bas-reliefs sculptés célébrant ces triomphes ont survécu jusqu’à aujourd’hui. Le plus célèbre se trouve sans doute à Bishapur, dans le sud de l’Iran, où Shapur fit construire un palais magnifique. On y voit Shapur richement vêtu et assis sur un cheval. Sous le cheval gît le corps de Gordien III. Derrière lui se tient le captif Valérien, retenu par la main droite de Shapur. La figure placée à l’avant représente l’empereur Philippe Iᵉʳ (qui régna de 244 à 249 apr. J.-C.), successeur de Gordien. Il implore la libération de l’armée romaine vaincue.

Shapur sur son cheval.
Shapur est assis sur son cheval, sous lequel gît le corps de Gordien III. Derrière lui se tient le captif Valérien.
Marco Prins via Livius, CC BY

Shapur fit également graver une immense inscription en trois langues, qui célébrait notamment ses victoires majeures sur les Romains. Connue aujourd’hui sous le nom de Res Gestae Divi Saporis, elle est encore visible à Naqsh-i Rustam, dans le sud de l’Iran.

Le grand empire romain avait été profondément humilié. Les Perses emportèrent d’immenses ressources mais aussi des spécialistes comme des bâtisseurs, des architectes et des artisans, issus des villes conquises. Certaines cités de l’empire perse furent même repeuplées avec ces captifs.

Une nouvelle statue célébrant une vieille victoire

La statue révélée à Téhéran semble s’inspirer directement d’un bas-relief commémoratif de Naqsh-i Rustam. La figure agenouillée est présentée, dans plusieurs médias, comme Valérien. Si elle est effectivement inspirée du bas-relief de Naqsh-i Rustam, cette figure agenouillée correspond plutôt à Philippe Iᵉʳ, Valérien y étant représenté debout devant Shapur. Néanmoins, les déclarations officielles affirment qu’il s’agit bien de Valérien, notamment celle de Mehdi Mazhabi, directeur de l’Organisation municipale de l’embellissement de Téhéran, consignée dans un rapport :

La statue de Valérien reflète une vérité historique : l’Iran a toujours été une terre de résistance au fil des siècles […] En installant ce projet sur la place Enghelab, nous voulons créer un lien entre le passé glorieux de cette terre et son présent porteur d’espoir.

Les grandes victoires de Shapur sur les Romains restent une source de fierté nationale en Iran. La statue a ainsi été décrite comme un symbole de défi national après le bombardement par les États-Unis des installations nucléaires iraniennes en juin.

Bien que ces victoires sassanides remontent à plus de 1 700 ans, l’Iran continue de les célébrer. La statue s’adresse clairement au peuple iranien, dans la foulée des attaques américaines. Reste à savoir si elle constitue également un avertissement adressé à l’Occident.

The Conversation

Peter Edwell a reçu des financements de l’Australian Research Council.

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