Pourquoi l’insuline, cruciale face au diabète, reste inaccessible à des millions de patients

Source: The Conversation – France in French (3) – By Stéphane Besançon, Associate Professor in Global Health at the Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) / CEO NGO Santé Diabète, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)

Découverte au début du XXe siècle, l’insuline a révolutionné la prise en charge du diabète, transformant une maladie mortelle en maladie chronique. Mais un très grand nombre de patients n’a toujours pas accès à ce médicament essentiel. Pour changer les choses, les gouvernements doivent agir.


La découverte de l’insuline, en 1921, a révolutionné la prise en charge du diabète. De maladie mortelle, cette affection, qui se caractérise par un excès de sucre dans le sang, est devenue une maladie chronique que l’on pouvait désormais traiter.

Pour assurer l’accès à ce médicament vital au plus grand nombre, les découvreurs de l’insuline en ont cédé les droits à leur université pour un dollar symbolique. Pourtant, un siècle plus tard, une partie importante des patients atteints de diabète ne peut toujours pas se procurer cette molécule essentielle.

En 2021, l’Assemblée mondiale de la santé a souligné l’importance de l’accès à l’insuline dans sa résolution visant à renforcer la prévention et le contrôle du diabète. Pourtant, depuis, la situation a peu évolué au niveau mondial.

À la veille du 4e Sommet de haut niveau sur les maladies non transmissibles qui se tiendra à New York le 25 septembre, il est important de rappeler que l’action des gouvernements est cruciale pour garantir que toutes les personnes qui ont besoin d’insuline soient effectivement en capacité de s’en procurer.

Nous avons analysé le rôle que les gouvernements doivent jouer pour y parvenir. Voici ce qu’il faut retenir de nos travaux, dont les conclusions dépassent le cadre de l’accès à l’insuline.

Un médicament vital, mais toujours hors de portée

Découverte il y a plus d’un siècle, en 1921, et utilisée pour la première fois en contexte clinique en 1922 pour traiter un enfant, l’insuline a transformé le destin de millions de personnes atteintes de diabète.

Rappelons que cette hormone est fabriquée par certaines cellules spécialisées du pancréas (les cellules bêta des îlots de Langerhans). Elle permet de réguler la glycémie, autrement dit les taux de glucose dans le sang. L’insuline favorise en effet l’entrée de ce sucre dans les cellules, ce qui en diminue la concentration sanguine. Pour mémoire, il faut distinguer deux types de diabète, le diabète de type 1 (autrement dit, dû à une production insuffisante d’insuline) ou de type 2 (résultant d’une baisse de sensibilité des cellules à l’insuline).

Sur le long terme, les conséquences de l’hyperglycémie chronique, qui concernent principalement le cœur et les vaisseaux sanguins, sont catastrophiques. Elles aboutissent à une augmentation du risque d’athérosclérose, d’infarctus (risque multiplié de trois à cinq fois), d’accident vasculaire cérébral ou d’artérite (inflammation des artères) des membres inférieurs (pouvant mener à l’amputation), d’insuffisance rénale grave ou encore de cécité.

Les deux types de diabète peuvent nécessiter la prise d’insuline, mais pour le type 1 il s’agit d’une question de survie, car sans insuline, cette maladie constitue malheureusement une condamnation à mort. On comprend pourquoi la découverte du rôle de cette hormone, puis son utilisation en tant que médicament, a révolutionné la prise en charge de cette affection. Au point que, dès 1923, les scientifiques qui en ont été à l’origine (Frederick Banting, Charles Best, John Macleod et James Collip) se voyaient remettre le prix Nobel de physiologie (ou, médecine). Depuis lors, la prestigieuse récompense n’a plus jamais été attribuée si rapidement après une découverte…

En 2025, cependant, ce médicament essentiel à la survie des 9 millions de personnes vivant avec un diabète de type 1 et qui participe à une meilleure prise en charge de 63 millions de personnes vivant avec un diabète de type 2 reste inaccessible à une partie importante de la population mondiale.

Des conséquences importantes en matière de santé publique

On estime que, dans l’ensemble, une personne sur deux dans le monde n’a pas accès à l’insuline dont elle a besoin et en Afrique cette proportion est encore pire puisqu’elle est estimée à un patient sur sept.

Cette situation, qui concernait essentiellement les pays à revenus faibles et intermédiaires, touche aussi, depuis quelques années, les États-Unis. On estime que le prix très élevé de l’insuline dans ce pays oblige environ 16,5 % des personnes qui en ont besoin à rationner son utilisation (en retardant la prise ou en diminuant la dose, par exemple). Cela correspond à environ 1,3 million d’adultes.

Il est important de noter que cette problématique de l’accès à l’insuline ne concerne pas que le diabète de type 1, mais aussi le diabète de type 2, forme de la maladie qui est en très forte croissance dans le monde. En 2020, on estimait qu’environ 445 millions d’adultes âgés de 20-79 ans vivaient avec un diabète de type 2. Ils seront, selon les évaluations les plus optimistes, au minimum 730 millions dans ce cas en 2025, et 15,5 % d’entre eux devraient avoir besoin d’insuline.

Cette difficulté d’accès est principalement due au prix de l’insuline, mais aussi au manque de disponibilités de ce médicament dans de nombreux systèmes de santé. Or, déterminer les raisons pour lesquelles un médicament est disponible ou non n’est pas toujours simple, car l’accessibilité dépend d’une chaîne complexe dont chaque maillon peut faillir.

Pour y parvenir, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) propose de retenir huit dimensions : la recherche et l’innovation, la production, la réglementation, la mise sur le marché et le remboursement, l’approvisionnement, la prescription, la dispensation et l’utilisation. Dans le cas de l’accessibilité de l’insuline, ce cadre d’analyse nous apprend notamment qu’à chaque étape, les gouvernements ont un rôle important à jouer.

Recherche et innovation : pour que le bien public ne bascule pas vers le marché

Au niveau mondial, les gouvernements investissent des sommes importantes dans la recherche. Ces financements, souvent destinés aux universités, favorisent la découverte de traitements innovants. L’histoire de l’insuline illustre bien l’importance de ce rôle. Son brevet fut cédé par ses découvreurs à l’université de Toronto, où ils officiaient, pour un dollar symbolique, afin d’en assurer un accès universel. L’un d’eux, Frederick Banting, aurait déclaré :

« L’insuline ne m’appartient pas, elle appartient au monde entier. » (« Insulin does not belong to me, it belongs to the world. »)

Toutefois, une fois entre les mains de l’industrie pharmaceutique, les prix se sont envolés, illustrant les tensions entre brevets, innovation et accessibilité. Aujourd’hui, la production d’insuline est dominée par trois fabricants (Sanofi, Eli Lilly et Novo Nordisk), qui contrôlent 90 % d’un marché estimé à 29,4 milliards de dollars en 2024.

Cette situation limite la concurrence et neutralise l’effet que pourrait avoir sur les prix l’introduction de « biosimilaires » de l’insuline (autrement dit, des « génériques » de cette molécule). Pour cette raison, les gouvernements doivent donc repenser leur soutien à l’innovation.

Il s’agit non seulement de financer la recherche pour de nouvelles technologies, d’envisager une production locale et une production publique, mais aussi de promouvoir des « innovations douces ». Ces solutions moins spectaculaires sont souvent négligées par le secteur privé, mais peuvent pourtant être bien adaptées aux besoins réels. On peut, par exemple, envisager la mise en place de nouvelles approches pour l’éducation thérapeutique des patients, s’appuyant sur les nouvelles technologies, ou l’emploi d’outils d’intelligence artificielle (IA) pour mieux utiliser les données générées par les systèmes de santé.

Régulation et mise sur le marché : harmoniser et simplifier

L’autorisation de mise sur le marché relève d’agences nationales ou régionales, comme l’EMA (Agence européenne du médicament, en anglais l’European Medicines Agency) en Europe ou la FDA (Food and Drug Administration) aux États-Unis. Ces institutions sont essentielles pour garantir la qualité et la sécurité des médicaments, mais leurs procédures restent complexes, notamment quand il s’agit d’introduire des biosimilaires.

Face à la faible action des gouvernements, l’OMS a lancé, en 2019, un programme de préqualification pour l’insuline, destiné à faciliter l’entrée de nouveaux producteurs sur le marché. Pourtant, à ce jour, peu de fabricants ont déposé un dossier. Pour accroître la concurrence, les gouvernements doivent encore harmoniser et simplifier les procédures, tout en soutenant l’entrée de nouveaux fabricants sur les marchés.

La question des prix est tout aussi cruciale. Dans certains pays, les tarifs sont fixés par comparaison internationale. Dans d’autres, cela se fait après des négociations entre l’État et les industriels. Néanmoins, dans la plupart des pays à revenu faible ou intermédiaire, ces politiques sont inexistantes.

Ce manque de transparence grève les capacités de négociation, et aboutit à une inflation des prix non seulement pour les patients, mais aussi pour le système de santé. Pour remédier au problème, les gouvernements doivent développer des mécanismes de fixation des prix d’achat. Ils doivent également garantir un prix abordable (ou, idéalement, la gratuité) pour leurs populations.

Approvisionnement et distribution : le défi logistique

Qu’un médicament soit fabriqué et bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché ne suffit pas à assurer son accessibilité. Il faut également qu’il existe des chaînes logistiques permettant de le stocker correctement et de le transporter dans des conditions appropriées, notamment en respectant la chaîne du froid.

La chaîne d’approvisionnement doit également être efficiente et peu coûteuse, afin d’influer le moins possible sur le prix final du médicament. Or, dans de nombreux pays, des problèmes d’infrastructures ou des coûts logistiques élevés viennent gonfler le prix final payé par le patient.

Là encore, le rôle des gouvernements est central. Ces derniers doivent mettre en œuvre les investissements adéquats pour assurer l’efficience de l’infrastructure de leur chaîne d’approvisionnement. Ils doivent en parallèle garantir que sa structuration n’entraîne pas des coûts additionnels pour le système ou les patients.

Prescription et utilisation : renforcer les systèmes de santé

L’insuline ne sauve des vies que si elle est prescrite, dispensée et utilisée correctement.

Or, il arrive qu’en bout de chaîne, les patients atteints de diabète se retrouvent confrontés à des barrières à l’utilisation à cause de divers facteurs, tels que la faiblesse du système de santé, le manque de professionnels de santé ou une disponibilité aléatoire dans les pharmacies.

Les gouvernements doivent investir pour améliorer les systèmes de santé et garantir une prise en charge globale, holistique, du diabète.

Rééquilibrer le rapport de force avec le secteur privé

Pour reprendre la métaphore de l’économiste canadien Henry Mintzberg, la société est comme un tabouret à trois pieds, représentés par le gouvernement, la société civile et le secteur privé. Si les trois pieds ne sont pas au même niveau, l’équilibre est rompu. Or, c’est exactement ce qui se passe dans le cas de l’insuline. Le secteur privé impose souvent ses règles, au détriment de l’intérêt général.

Face à cela, les gouvernements doivent assumer pleinement leur rôle de contre-pouvoir. Ils ont entre leurs mains les leviers pour changer la donne. Ils doivent investir dans la recherche et l’innovation, réguler un marché trop concentré, financer des systèmes de santé solides et protéger les patients contre des prix abusifs.

Sans une action déterminée, les inégalités continueront de se creuser. L’insuline est un symbole. Elle incarne à la fois les promesses de la médecine moderne et les inégalités criantes dans l’accès aux soins. Garantir son accessibilité n’est pas seulement une question de santé publique : c’est un enjeu de justice sociale et de droits humains.

Plus d’un siècle après sa découverte, il est temps que l’insuline devienne enfin ce qu’elle aurait toujours dû être : un bien public mondial, accessible à toutes et à tous.

The Conversation

Stéphane Besançon est directeur de l’ONG Santé diabète qui a reçu des financements de l’Agence Française de Développemen pour le développement des projets de l’ONG Santé Diabète. Il fait parti du NCDs WHO civil society working group de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)

David Beran a reçu des financements de la Direction du Développement et de la Coopération du gouvernement suisse; World Diabetes Foundation; Breakthrough T1D et via le projet “Addressing the Challenge and Constraints for Insulin Sources and Supply” gérer par Health Action International un financement de The Leona M and Harry B Helmsley Charitable Trust. Il fait aussi partie du Technical Advisory Group for Diabetes de l’Organisation Mondiale de la Santé.

ref. Pourquoi l’insuline, cruciale face au diabète, reste inaccessible à des millions de patients – https://theconversation.com/pourquoi-linsuline-cruciale-face-au-diabete-reste-inaccessible-a-des-millions-de-patients-265623

Penser le monde d’après : l’utopie de la « République de l’Économie sociale et solidaire »

Source: The Conversation – France in French (3) – By Alexandrine Lapoutte, Maître de conférence en sciences de gestion, Université Lumière Lyon 2

Lancée en 2020, la « République de l’ESS » a pour objectif de créer une dynamique collective de citoyens autour d’un projet politique commun, fondé sur une vision du monde. JormSangsorn/Shutterstock

Depuis 2020, la « République de l’Économie sociale et solidaire » a pour ambition de construire un projet politique porteur d’une vision du monde. Laquelle ? Fondée sur quels imaginaires ? Quels mythes ?


Alors que les dystopies prolifèrent, alimentant à coup de zombies un imaginaire de l’effondrement, et que les entrepreneurs de la Silicon Valley rêvent de technosolutionnisme, l’économie sociale et solidaire (ESS) trace sa voie.

L’ESS, définie par une loi en 2014, regroupe des mutuelles, coopératives, associations, fondations et certaines sociétés commerciales qui respectent trois conditions cumulatives : un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices (utilité sociale), une gouvernance démocratique (le pouvoir est attaché à la personne plutôt qu’à l’argent) et un emploi des bénéfices au développement de l’activité (non lucrativité ou lucrativité limitée, réserves impartageables).

Mais quels imaginaires l’ESS propose-t-elle au monde aujourd’hui ? C’est ce que nous avons cherché à comprendre avec l’analyse de récits liés à la « République de l’Économie sociale et solidaire ».

Lancé en 2020, ce mouvement a pour objectif de créer une dynamique collective de citoyens autour d’un projet politique commun, fondé sur une vision du monde et des « raisons d’agir ».

Imaginaires utopiques

Un temps mise au ban pour avoir conduit au pire, la pandémie de Covid-19 a suscité un retour en grâce de la notion d’utopie autour de la transition écologique. Elle questionne le monde d’après comme l’atteste l’historien Gregory Claeys dans Utopianism for a Dying Planet : Life after Consumerism.

Selon le philosophe Paul Ricœur, les imaginaires sociaux sont constitués de deux pôles en tension. L’un idéologique, visant la normalisation et la reproduction, porte le risque du totalitarisme, tout en garantissant un certain ordre. L’autre utopique, aux fonctions subversives et créatrices, porte le risque de fuite dans la pensée magique, tout en se projetant dans un avenir différent.

« De ce non-lieu, une lueur extérieure est jetée sur notre propre réalité, qui devient soudain étrange, plus rien n’étant désormais établi. Le champ des possibles s’ouvre largement au-delà de l’existant et permet d’envisager des manières de vivre radicalement autres », rappelle Paul Ricœur.

Utopie rêvée et pratiquée

Les imaginaires de l’économie sociale et solidaire s’inscrivent historiquement dans le pôle utopique. L’ESS est considérée par le sociologue Henri Desroche comme un passage de l’utopie rêvée à l’utopie pratiquée.




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Selon Henri Desroche, l’utopie est une force, « le mirage qui fait démarrer les caravanes ». Ces utopies incarnées sont parfois appelées utopies réelles, désirables, faisables et viables, en tant qu’expériences vécues renforçant le pouvoir d’agir social, ou utopies locales, soulignant leur réalisation à l’échelle des territoires.

Cinq récits imaginaires positifs

Des récits de futurs désirables ont été produits en ateliers de co-écriture menés avec les membres de la Chambre régionale de l’ESS Auvergne-Rhône-Alpes et animés par le collectif Futurs Proches.

« Nous sommes en 2027, depuis cinq ans la France vit sous une “République de l’Économie sociale et solidaire” grâce au travail de plaidoyer qui avait été fait par le mouvement de l’ESS lors de la campagne présidentielle de 2021-2022. Un certain nombre de mesures fortes ont été prises ces cinq dernières années. »

À partir de cette consigne, cinq récits imaginaires positifs ont été écrits :

  • Le goût de vivre : tous les citoyens, quelles que soient leurs ressources, ont accès à une alimentation saine provenant de circuits courts.

  • Le fabuleux bug de l’an 2029, les ordinateurs en compote : tous les salariés participent à la gouvernance et aux décisions de leurs entreprises.

  • Ma campagne contre la République de l’ESS : un revenu garanti est attribué à tous les citoyens, leur permettant de satisfaire à tous les besoins fondamentaux (alimentation, transport, logement, culture, socialisation…).

  • Tiré au sort : les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) sont devenus des entreprises de l’économie sociale et solidaire.

  • Du rififi au camping zéro déchet : le peu de déchets encore générés est transformé en ressources.

Mythes et rituels

L’imaginaire social sous-jacent peut être abordé en termes de mythes, rituels magiques et métaphores, selon trois dimensions retenues par la littérature scientifique.

Les histoires écrites par les participants véhiculent des mythes de références que seraient : l’organisation démocratique, horizontale, autogérée, avec des citoyens au conseil d’administration ; le local avec le voisinage, les circuits courts, la vie de quartier, la région ; l’économie circulaire avec le réemploi des ressources, l’autonomie énergétique et la sobriété au « camping zéro déchet » ; enfin une technologie et intelligence artificielle au service des humains, qui ne les contrôle pas, comme avec les logiciels libres, l’abandon des cookies et publicités ou se passer des ordinateurs ponctuellement.

Les rituels dits magiques, relevant de la superstition plutôt que de la science, servent à maintenir la cohésion et la cohérence de la société. Ils peuvent apparaître de deux façons : dans les mécanismes de gouvernance collective, par exemple le conseil des campeurs au camping zéro déchet, et via la convivialité, avec la création d’un festival d’art dans la nature réunissant les salariés tous les trois ans.

Goût de vivre

Les récits créés par les participants évoquent plusieurs métaphores. Ils parlent de « goût de vivre », métaphore sensorielle soulignant le caractère subjectif et qualitatif de l’expérience de la vie : « Il apprend à son grand-père à jardiner, mais surtout, il lui fait découvrir une autre forme de plaisir : le goût de vivre ».

Ils mentionnent l’image combattante de « la bataille » : « La bataille pour la primauté des logiciels libres est sur le point d’être gagnée » ou « la bataille n’est pas finie, prévient Grishka, le conseil d’administration demain risque d’être long et houleux ! »

Une autre métaphore est la notion de bug et de mise en péril : « Nous souhaitons instituer des bugs réguliers, formaliser une “mise en péril” volontaire de l’organisation, afin que nous puissions nous remettre en cause avec autant de créativité et d’enthousiasme qu’aujourd’hui ».

Une utopie de l’action

Avec ses mythes, rituels et métaphores, la République de l’ESS propose un imaginaire utopique compatible avec la transition socio-écologique. Ses éléments de symbolisme s’opposent de manière évidente aux imaginaires dominants dans les systèmes économiques, ceux de l’expansion illimitée et de la domination technique, qui caractérisent le capitalisme selon le philosophe Cornelius Castoriadis.

Un point particulièrement intéressant dans la République de l’ESS est la dimension habilitante de son symbolisme, qui enjoint à l’action. L’être humain est capable d’agir librement, de faire des choix collectifs en tenant compte des impacts sociaux et environnementaux, de s’auto-limiter. Autant de facultés dont l’exercice, au vu des actuelles inégalités sociales et limites planétaires dépassées, peut aider à aller vers le monde d’après.

Terminons par ces mots de Cornelius Castoriadis :

« Une société vraiment libre, une société autonome, doit savoir s’auto-limiter, savoir qu’il y a des choses qu’on ne peut pas faire ou qu’il ne faut même pas essayer de faire ou qu’il ne faut pas désirer. ».

The Conversation

Alexandrine Lapoutte ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Penser le monde d’après : l’utopie de la « République de l’Économie sociale et solidaire » – https://theconversation.com/penser-le-monde-dapres-lutopie-de-la-republique-de-leconomie-sociale-et-solidaire-261619

Dense, compact urban growth is favoured by mid-sized Canadian cities

Source: The Conversation – Canada – By Rylan Graham, Assistant Professor, University of Northern British Columbia

Mid-sized Canadian cities, like Regina, aim to curb urban sprawl by revitalizing downtowns — with mixed success. (28thegreat/Wikimedia Commons), CC BY

Canada’s mid-sized cities — those with populations between 50,000 to 500,000 — have long been characterized as low-density, dispersed and decentralized. In these cities, cars dominate, public transit is limited and residents prefer the space and privacy of suburban neighbourhoods.

Several mounting issues, ranging from climate change and the housing affordability crisis to the growing infrastructure deficit, are challenging municipalities to rethink this approach.

Cities are adopting growth management strategies that promote density and seek to curtail, rather than encourage, urban sprawl. Key to this is intensification, a strategy that prioritizes adding new housing in existing and mature neighbourhoods instead of outward expansion along the city’s edge.

City centres are often central to intensification strategies, given the abundance of vacant or underused land. Adding more residents supports downtown revitalization efforts, while simultaneously curbing urban sprawl.

Challenges of intensification

Despite the adoption of bold policies, our research shows that implementation remains a challenge. In 2013, Regina set an intensification target requiring that 30 per cent of the housing built each year would be located within the city’s mature and established neighbourhoods. But between 2014 and 2021, the target was missed each year, and almost all growth occurred at the edge of the city in the form of new suburban development.

This disconnect is not particularly unique and is often referred to as the “say-do gap,” where development outcomes differ from intentions. This presents real challenges for cities trying to shift away from low-density suburban growth towards higher-density development.

Because Canada is a suburban nation, dense and compact mid-sized cities are atypical. A series of barriers further entrench this, including low demand for high-density urban living, difficulties in assembling land, aging infrastructure and overly rigid planning rules and processes that stifle innovation.

The failure to implement higher-density development raises the question: is intensification in mid-sized cities more aspirational than viable?

Success stories

Several mid-sized cities have experienced recent success with intensification. This has been marked by a flurry of downtown development activity, including new condos and rental towers.

Between 2016 and 2021, the number of downtown residents in Canadian cities increased by 11 per cent, exceeding the previous five-year period of 4.6 per cent.

Among the success stories is Halifax, which had a 25 per cent increase — the fastest downtown growth in Canada. Kelowna was not far behind, with a 23 per cent increase in its downtown residential population.

Other mid-sized cities, including Kingston, Victoria, London, Abbotsford, Kamloops and Moncton, also experienced above-average growth over this period.

Evolving downtowns

This growth can be attributed to several factors, one of the most important being downtown livability: the presence of amenities and services that meet the needs of residents. Many downtowns have evolved to cater primarily to the needs of daytime office workers at the expense of residents, who live — or might like to live — downtown.

Kelowna, however, offers an alternative experience shaped by intentional efforts to make the downtown friendly to residents. Restaurants and cafes line the streets, mixed among services including medical offices, fitness studios and even a full-service grocery store, a rare find in a mid-sized city as many downtowns have become food deserts.

Cultural and civic amenities, including the central library, city hall, museums, galleries and entertainment venues — including a 7,000-seat arena — are downtown. The downtown also borders Okanagan Lake, offering access to recreational and natural amenities. Beyond convenience, the mix of amenities and services in Kelowna makes for a vibrant downtown, which is key to increasing the appeal for downtown living.

a downtown city street at dusk
Bernard Avenue in downtown Kelowna provides a mix amenities and services, including easy access to the shores of Okanagan Lake. These features enhance liveability and increase the appeal of the downtown as a place to reside.
(Nathan Pachal/flickr), CC BY

Other cities can take inspiration from Kelowna by re-imagining and reshaping the downtown as a vibrant urban neighbourhood — and not solely as a place where people come to work. Municipalities can complement these efforts by reforming overly complex and rigid regulations that impede intensification — not just downtown, but in other neighbourhoods too.

Reforming and clarifying regulations

Our research shows that while many developers support intensification in principle, they often favour low-density suburban development because it provides more predictable returns and approvals processes than downtown mixed-use developments. Many developers also lack the expertise to take on these more complex and riskier projects.

Unsurprisingly, developers in mid-sized cities want the same things as those in larger cities: clearer rules, faster approvals and financial incentives to build denser development in the locations planners are calling for, like downtowns. While developers have long advocated for these changes, governments are now responding with greater urgency.

The housing accelerator fund, introduced by the federal government in 2023, provides municipalities with millions in funding to support housing construction. In exchange, municipalities have reformed zoning regulations, introduced fiscal incentives and expedited the approval process.

In British Columbia, provincial legislation was introduced to permit up to four housing units on parcels that previously only allowed detached or semi-detached dwellings, and up to six units of housing on larger lots in residential zones near transit. The requirement for site-by-site public hearings has also been removed.

In B.C.’s larger cities, legislation was introduced to remove parking minimums and permit taller buildings and increased housing densities around transit hubs.

Regulatory reforms and improved approval processes aim to streamline development. While these are important changes in making mid-sized cities denser and more compact, the gap between planning ideals and market realities remains wide.

A major factor is opposition from residents and councillors, who frequently resist dense development because of perceptions and concerns about increased noise and traffic and lowered property values. This suggests there is work to be done beyond downtown investments, and regulatory and approval reforms to further facilitate intensification.




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Changing cities

Nonetheless, the surge of recent development activity and downtown population growth — in Halifax, Kelowna and elsewhere — reflect important milestones in the evolution of mid-sized cities.

This signals a notable departure from the longstanding narrative that frames these cities as low-density with depleted downtowns.

Recent developments give reason to be cautiously optimistic about a future where Canada’s mid-sized cities become denser and more compact, and with vibrant and liveable downtown cores.

The Conversation

Rylan Graham receives funding from SSHRC and the British Columbia Real Estate Foundation.

Jeffrey Biggar receives funding from SSHRC, MITACS, and the Province of Nova Scotia

ref. Dense, compact urban growth is favoured by mid-sized Canadian cities – https://theconversation.com/dense-compact-urban-growth-is-favoured-by-mid-sized-canadian-cities-262848

Confronting residential schools denialism is an ethical and shared Canadian responsibility

Source: The Conversation – Canada – By Sean Carleton, Associate Professor, Departments of History and Indigenous Studies, University of Manitoba

In May 2021, when the Tk’emlúps te Secwépemc Nation announced preliminary results of their search for unmarked burials of children at the former Kamloops Indian Residential School (IRS), Canada was forced to reckon with a truth that Survivors had always carried: children were taken, and many never came home.

This difficult truth was already established years earlier, in 2015, by the Truth and Reconciliation Commission (TRC) of Canada’s final report, which confirmed more than 3,200 deaths of children as a result of the IRS system, including 51 at Kamloops.

The Kamloops announcement shook many Canadians and revealed that more children likely died at residential schools in Canada than the TRC reported. This was something the commission anticipated would happen with new research, and additional deaths have now been confirmed by First Nations and police as they have undertaken their own subsequent investigations.

Vigils sprang up across the country. Shoes, toys and teddy bears were placed on the steps of legislatures and churches to remember the children who died at residential schools. For a brief moment, Canada mourned with Indigenous Peoples; the truth of Survivors was acknowledged.

But four years later, residential school denialism — the downplaying and minimizing of residential school facts and the disavowal of the system’s abuse and harm — is on the rise.

As community initiatives and research related to missing children and unmarked burials have persevered and expanded, so too have efforts to diminish and disavow this very work.




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Residential school denialism, as historian Crystal Gail Fraser has outlined, is an attack on truth. It seeks to dismiss the validity of ground searches and recast residential schools as humanitarian and benevolent.

Residential school denialism is not simply an alternate perspective. It is a form of harm that retraumatizes Survivors, undermines truth and perpetuates colonial ideas that jeopardize Canada’s ability to work with Indigenous Peoples to create a stronger future.

Confronting denialism is an ethical and shared responsibility.

The denialist playbook

Residential school denialism follows a pattern familiar from other forms of atrocity denialism. Holocaust denialism, genocide denialism and similar movements employ similar strategies: demand impossible “proof,” discredit Survivor and expert testimony and attack the reputations of researchers.

This can include denialists turning their attention toward those who dare to speak openly: Survivors, Indigenous communities and the experts who support them. What is often framed as “debate” seems more like a campaign of intimidation.




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Residential school denialism, then, is not just an attack on truth. It also increasingly has many of the hallmarks of an attack on truth-tellers and anyone who is listening.

Denialists often present themselves as “skeptics” or “truth seekers,” cloaking harmful narratives in the language of free speech and rational inquiry. They cast Survivor testimony as unreliable, “emotional” or politically or financially motivated.

In doing so, they promote an alluring colonial narrative that absolves Canada of responsibility. The reach extends beyond Canada: denying the harms and facts of residential schooling is increasingly being used globally to shape international opinion related to the legacies of the British Empire.

At its heart, denialism is not about evidence. It is about power — who gets to tell the story of residential schooling and whose voices are considered trustworthy — and it causes harm along the way.

The human cost

The damage caused by denialism is immediate and personal. Survivors who bravely share their experiences are accused of fabrication.

Kimberly Murray, who serves as special interlocutor for missing children and unmarked graves and burial sites associated with Indian Residential Schools, received abuse, threats and hate mail.

Via social media and online commentary, people advocating denialist claims have targeted individual university employees.

Indigenous and non-Indigenous scholars, including ourselves, have seen their names dragged into online forums, their work misrepresented, their credibility attacked.

Cumulatively, efforts that discredit and delegitimize prominent truth-tellers contribute to backlash by creating space — for example, in comment sections or via re-circulating media — for people to voice ignorant views about Indigenous Peoples and perpetuate anti-Indigenous racism.

The cost is not limited to reputation; it is emotional and psychological. It has also resulted in disrespectful physical presence at former IRS sites: Murray reported that at the former Kamloops IRS:

“Denialists entered the site without permission. Some came in the middle of the night, carrying shovels; they said they wanted to ‘see for themselves’ if children are buried there.”

Survivors and Elders, those who should be most honoured, are retraumatized by these attacks on their integrity.

We, among other scholars, calculate the risks of speaking publicly, knowing it may bring harassment. And we know some community leaders for whom it is the same.

Denialism thrives on fear and hate

Residential school denialism has flourished in today’s political and digital climate. The rise of far-right populism, entrenched anti-Indigenous racism and the ecosystem of social media provide fertile ground for dedicated people to flood online spaces with disinformation.

Denialists exploit the deliberate, careful pace of ground searches and archeological work. They portray the absence of immediate excavation results as evidence that nothing is there, and ignore the confirmed deaths from exhumation when they are announced.

Proper archaeological and community-led work takes time. It requires ceremony, consent and cultural respect as multiple Nations work collaboratively to figure out how to honour children who attended schools from various communities. Excavation is not always possible, or even desired. Denialists twist these hard realities into narratives of doubt.

Gaps in education, inconsistent coverage

This manipulation is made easier by gaps in public education, inconsistent media coverage and government hesitancy. Too often, denialist claims circulate unchallenged. In these silences, mis- and disinformation thrives.

Denialism is not an Indigenous problem; confronting it is a Canadian responsibility.

Non-Indigenous Canadians must take an active role: learning the history, correcting misinformation and standing with Survivors and communities as they confront the truth about residential schooling.

Journalists and scholars also have a responsibility to report with care, refusing to legitimize denialist rhetoric under the guise of “balance” and disingenuous “debate.”

Truth and reconciliation cannot survive if the truth is minimized, downplayed or disavowed.

Shared responsibility

Despite these challenges, Indigenous communities continue the work of truth-telling. Survivors share their stories with courage: for example, one has launched a defamation lawsuit.

Communities organize and lead ground searches. Journalists fight to reveal hidden truths about residential school crimes.

Writers and scholars contribute expertise to raise awareness and meet community needs. Each act of testimony, ceremony and research is also an act of resistance against erasure and disavowal.

The children we are searching for, and remembering, deserve nothing less than our courage to confront the truth in an effort to create a better future. This is our shared responsibility.

The Conversation

Sean Carleton receives funding from the Social Sciences and Humanities Research Council of Canada.

Benjamin Kucher does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

ref. Confronting residential schools denialism is an ethical and shared Canadian responsibility – https://theconversation.com/confronting-residential-schools-denialism-is-an-ethical-and-shared-canadian-responsibility-265127

Bill C-4 privacy enhancements are modest and fail to regulate politicians’ use of social bots

Source: The Conversation – Canada – By Sophia Melanson Ricciardone, Postdoctoral Fellow, Department of Psychology, Neuroscience & Behaviour, McMaster University

Have you ever felt fired up with moral indignation after reading a controversial tweet, or after watching a YouTube video about a political topic?

Not only are you not alone, but these experiences online are likely by design. Our emotional landscapes have increasingly become the battleground where politicians compete for votes and power.

When political parties hire big data companies to help their candidates develop digital campaign strategies, like geofencing or programming social bots to inject key messaging into online political discussions, they could be treading on our universal rights and freedoms.

With our digital footprints — information about who we are — big data companies can group our likes, shares, retweets and purchases into virtual personality profiles and create content to match them.

This helps make what you read or watch seem personal and familiar, prompting the social parts of our brains to feel really good. And this, in turn, can cause us to lower our guard and trust information posted by social bots without even knowing it’s happening.

Social strengths make us vulnerable online

Historically, our social nature prepared us for the kind of large-scale co-operation that makes political institutions work. It enabled us to create the complex, modern societies we live in today. Understanding and sharing intentions were central to this evolution.

But there’s a catch: the very social strengths that make us successful as a species can now make us vulnerable online. With the use of AI technologies, our social connections can be simulated in highly realistic ways, manipulating our perceptions in the process.

AI-generated photos, videos and texts are being used for political advertising informed by augmented analytics, which create political ads personalized to our individual traits. This strategy is called microtargeting.

The situation gets more complicated when the content we see on social media isn’t created by humans but by social bots.

These are automated social media accounts designed to imitate us. By slipping naturally into our conversations, social bots make it nearly impossible to tell them apart from real human beings.

Bots increase exposure to negative and inflammatory content in online social systems. They also affect how we feel about the other side of the proverbial political divide. They can also give us the impression that our way of thinking is aligned with the consensus.

What Bill C-4 has to do with online data

In Canada, political parties use third-party firms that can program bots to post this kind of content on social media during elections. For instance, political parties can use bots to dampen or suppress some messages while amplifying others, and this remains a legal practice in Canada.

In June 2025, the federal government introduced a bill on affordability — Bill C-4, the Making Life More Affordable for Canadians Act — that also touched on political parties’ use of personal data.

The bill requires each party to develop a privacy policy, but it doesn’t set clear guidelines for how our data can be used. This means parties can still collect and use traces of our digital behaviour to inform how they use AI to strategically communicate with us online, as long as they follow the policies they create and self-regulate.

Though part of the bill proposes changes to the Canada Elections Act, focusing on how parties can use our personal information, it takes only a small step to protect privacy. While political parties will be obligated to create a policy about the use of citizens’ private data, they will not be required to stop collecting our online data or using it to making predictions about our voting behaviour.

It also fails to provide Elections Canada or the federal privacy commissioner the power to enforce meaningful limitations on the use of our online engagement for such purposes. Even if parties publish their privacy policies publicly, any third-party consultancies they hire are likely to remain beyond enforcement, creating significant gaps in accountability.

Why does this matter? Misused data could harm our rights to privacy and to participate in democratic elections free from manipulation.

Why political parties need universal guardrails

While Bill C-4 does force political parties to create privacy policies and assign someone to oversee them, the way those policies are handled is left up to the parties themselves.

Without clear and universal guardrails for how parties are allowed to collect and use our online data, Canadians remain at the mercy of whatever political parties decide to do.

Instead, Canada could follow the European Union’s example by prohibiting the use of data for online microtargeting purposes. We could also adopt a framework for the ethical use of citizens’ online data like the one currently being implemented in the United Kingdom, which would require political parties to obtain voters’ consent before using their data for campaign purposes.

Allowing parties to define their own rules and decide who enforces them leaves far too much open to interpretation and even potential abuse. And under the Canadian Charter of Rights and Freedoms, Canadians should be free to form political thoughts and opinions without interference from those who wield political power.

If we are not able to do so as voting citizens, can we genuinely say that our elections are free and fair? What, then, does this mean for democracy in Canada?

The Conversation

Sophia Melanson Ricciardone does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

ref. Bill C-4 privacy enhancements are modest and fail to regulate politicians’ use of social bots – https://theconversation.com/bill-c-4-privacy-enhancements-are-modest-and-fail-to-regulate-politicians-use-of-social-bots-264758

Pourquoi les fleurs du « phallus de titan » ont-elles une odeur si nauséabonde ?

Source: The Conversation – France (in French) – By Delphine Farmer, Professor of Chemistry, Colorado State University

The corpse plant’s bloom appears huge, but its flowers are actually tiny and found in rows inside its floral chamber. John Eisele/Colorado State University

C’est l’une des plus grandes inflorescences du monde et sa floraison a tout d’un spectacle macabre. Celle-ci, qui n’a lieu qu’une fois tous les sept à dix ans, ne dure que deux nuits et libère un parfum pestilentiel digne d’une carcasse en décomposition. Derrière cette puanteur insoutenable se cache en fait une stratégie de pollinisation sophistiquée, que des chercheurs ont pu analyser en temps réel grâce à des instruments de pointe.


Parfois, faire de la recherche pue. Littéralement.

L’Arum titan (Amorphophallus titanum, également appelée « phallus de titan ») est rare, et il est plus rare encore d’en voir fleurir une. Celle-ci survient une fois tous les sept à dix ans, et leur floraison ne dure que deux nuits.

Mais ces fleurs – rouges, magnifiques et imposantes, mesurant plus de 3 mètres de haut – dégagent une odeur nauséabonde. Imaginez de la chair en décomposition ou du poisson pourri.

En anglais, on les appelle corpse plants, soit « plantes cadavres ». Et ce surnom est bien mérité : l’odeur âcre de la plante attire non seulement les insectes nécrophages – coléoptères et mouches, normalement attirés par la viande en décomposition – qui pollinisent les plantes, mais aussi des foules de curieux, intrigués par ce spectacle rare et par son odeur putride.

Vidéo en accéléré de la floraison d’une fleur d’Amorphophallus titanum en 2024 à l’université d’État du Colorado. Plus de 8 600 visiteurs ont assisté à la floraison.

Les biologistes étudient ces fleurs depuis des années, mais en tant que spécialistes de la chimie de l’atmosphère, notre curiosité aussi était piquée : quels sont les mélanges chimiques qui créent cette odeur pestilentielle, et comment évoluent-ils tout du long de la courte période de floraison de cette plante ?

Des études précédentes avaient déjà identifié plusieurs dizaines de composés organiques volatils et soufrés qui contribuent à l’odeur de ces fleurs, mais personne n’avait encore quantifié précisément leurs taux d’émission ni examiné leur évolution au cours d’une même soirée. Nous avons récemment eu l’occasion de le faire. Nos conclusions suggèrent que derrière l’apparente complexité olfactive d’une fleur très inhabituelle, il s’agit en réalité d’une stratégie de pollinisation.

À la rencontre de Cosmo, spécimen Titan arum

Ces plantes sont originaires de l’île indonésienne de Sumatra et sont considérées comme menacées d’extinction, même là-bas.

Il y a plusieurs années, l’université d’État du Colorado (CSU) a reçu un exemplaire de Titan arum (Amorphophallus titanum) à des fins d’étude. Elle s’appelle Cosmo : les Titan arums sont si rares qu’on leur donne des noms.

Cosmo est resté en dormance dans les infrastructures de l’université pendant plusieurs années avant de montrer les premiers signes de floraison au printemps 2024. Lorsque nous avons appris que Cosmo allait fleurir, nous avons sauté sur l’occasion.

Une femme plonge la main dans une fleur géante ouverte à la tige haute
Pendant la floraison de Cosmo, Tammy Brenner, responsable des installations de culture végétale à l’université d’État du Colorado, montre l’intérieur de la spathe, la grande enveloppe extérieure qui s’ouvre. Juste en dessous de sa main se trouve la chambre florale, où fleurissaient des rangées de minuscules fleurs femelles et mâles. Elles ne sont pas faciles à voir de l’extérieur, mais leur parfum est impossible à rater.
John Eisele/Colorado State University

Nous avons déployé plusieurs appareils permettant de collecter des échantillons d’air avant, pendant et après la floraison. Nous avons ensuite mesuré les substances chimiques présentes dans les échantillons d’air à l’aide d’un chromatographe en phase gazeuse couplé à un spectromètre de masse, un instrument souvent mentionné dans les séries policières.

Nos collègues ont également apporté un spectromètre de masse à temps de vol que nous avons placé derrière Cosmo, dans le sens du vent, afin de mesurer chaque seconde les composés organiques volatils produits.

Pour que chacune de leurs rares floraisons compte vraiment, ces plantes y consacrent beaucoup d’énergie. Elles produisant de grandes fleurs qui peuvent peser plus de 45 kilogrammes. Les plantes se réchauffent alors grâce à un processus biochimique appelé thermogenèse, qui augmente les émissions de composés organiques qui attirent les insectes.




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Et ce qu’Arum titan dégage est tristement célèbre. Alors que certaines communautés locales vénéraient ces plantes, d’autres tentaient de les détruire. Au XIXe siècle, les explorateurs européens les ont activement collectées et les ont distribuées dans les jardins botaniques et les conservatoires du monde entier.

Il s’agit de plantes dichogames : chacune possède à la fois des fleurs mâles et femelles. À l’intérieur de la feuille géante en forme de pétale, appelée spathe, chaque plante possède un épi central appelé spadice, entouré de nombreuses rangées de petites fleurs femelles et mâles près de sa base. Ces fleurs femelles et mâles fleurissent à des moments différents pour éviter l’autopollinisation.

Une photo en gros plan des minuscules fleurs d’Arum titan
Chaque Arum titan possède à la fois des fleurs mâles (jaunes) et femelles (rouges). Les fleurs femelles s’épanouissent en premier afin d’attirer les pollinisateurs provenant d’autres fleurs de la même espèce. Le lendemain, les fleurs mâles s’épanouissent, fournissant du pollen que les mouches et les coléoptères transportent vers la plante suivante. Les filaments fins et jaunes sont du pollen.
John Eisele/Colorado State University

La première nuit de floraison d’Arum titan, les fleurs femelles s’ouvrent pour attirer les pollinisateurs qui, si la plante a de la chance, y transporteront le pollen d’un autre Arum titan. Puis, la deuxième nuit, les fleurs mâles s’ouvrent à leur tour, permettant aux insectes pollinisateurs de transporter le pollen vers une autre plante.

La rareté de leur floraison et leur résistance à l’autopollinisation expliquent non seulement pourquoi ces plantes sont classées comme espèces menacées, mais aussi pourquoi elles ont besoin de stratégies de pollinisation efficaces. C’est exactement le domaine de la chimie que nous voulions étudier.




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Les fleurs femelles travaillent plus dur

Nous avons découvert que les fleurs femelles accomplissent la majeure partie du travail en attirant les pollinisateurs, ce que des études précédentes avaient déjà souligné. Elles émettent de grandes quantités de composés organosulfurés, ainsi que d’autres composés qui imitent des odeurs de pourriture afin d’attirer les coléoptères et les mouches qui se nourrissent normalement de carcasses d’animaux.

Ce sont ces composés organosulfurés qui dégagent une odeur vraiment nauséabonde lors de la floraison des plantes femelles. En particulier le méthanethiol, une molécule appartenant à la même famille chimique que les composés odorants émis par les mouffettes, était le composé le plus émis pendant la floraison de Cosmo.

Illustration d’une fleur d’Arum Titan
Certaines des clés pour une floraison réussie de la fleur cadavre. Les composés organiques volatils biogéniques floraux (fBVOC) sont ceux libérés par les fleurs.
Mj Riches and Rose Rossell/Colorado State University

Nous avons également mesuré de nombreux autres composés organosulfurés, notamment le diméthyldisulfure, qui dégage une odeur d’ail, le sulfure de diméthyle, connu pour son odeur désagréable, et le trisulfure de diméthyle, qui sent le chou ou l’oignon pourri. Nous avons également mesuré des dizaines d’autres composés : l’alcool benzylique à l’odeur douce et aromatique, le phénol à l’odeur d’asphalte et le benzaldéhyde.

Alors que des études précédentes avaient révélé la présence des mêmes composés avec des instruments différents, nous avons pu suivre en particulier le méthanethiol et quantifier l’évolution des concentrations pour suivre l’évolution de la floraison pendant la nuit.

Au fur et à mesure que Cosmo se développait, nous avons combiné les données de nos instruments avec les mesures du taux de renouvellement de l’air dans la serre, c’est-à-dire la vitesse à laquelle l’air circule, et avons ainsi pu calculer les taux d’émission.

Les émissions de composés volatils représentaient environ 0,4 % de la biomasse moyenne de la plante, ce qui signifie que celle-ci, dont nous avons estimé le poids à environ 45 kg, a perdu une fraction de masse mesurable lors de la production de ces substances chimiques. On comprend alors pourquoi son odeur est si forte.

Piégeage floral

Les fleurs femelles ont fleuri toute la nuit, mais tôt le lendemain matin, les émissions ont rapidement cessé. Nous nous sommes demandé si ce point de rupture pouvait être la preuve de piégeage floral, une stratégie de pollinisation employée par d’autres membres de la famille du Titan arum.

Quatre images montrent l’extérieur, une coupe transversale et l’intérieur de la plante
Une coupe transversale d’une autre espèce d’Amorphophallus, Amorphophallus declinatus, montre comment les fleurs mâles et femelles entourent le spadice à l’intérieur de la spathe.
Cyrille Claudel, The Plant Journal, 2023, CC BY-NC-ND

Pendant le piégeage floral, la chambre florale peut se fermer physiquement grâce au mouvement des poils de la plante ou à l’expansion de certaines de ses parties, telles que la spathe qui l’entoure. Une fermeture physique de la chambre florale ne serait pas facilement visible pour les observateurs, mais elle pourrait rapidement interrompre les émissions, comme nous l’avons observé.

Un arum australien qui sent le fumier utilise cette technique. Les insectes nécrophages qui viennent butiner les fleurs femelles sont contraints de rester pour les fleurs mâles qui s’ouvrent la nuit suivante, afin de pouvoir transporter leur pollen vers une autre fleur femelle en décomposition. Nos recherches suggèrent que la fleur cadavre agit probablement de la même façon.

La deuxième nuit, les émissions de composés volatils ont repris, mais à des niveaux beaucoup plus faibles. Les fleurs mâles émettent un ensemble de composés aromatiques plus sucrés et beaucoup moins soufrés que les fleurs femelles.

Un graphique montre quatre substances chimiques qui augmentent rapidement et fortement pendant la floraison femelle, puis augmentent beaucoup plus subtilement pendant la floraison mâle
Comment quatre des principaux composés chimiques libérés par la plante ont augmenté, diminué, puis augmenté à nouveau au cours de ses deux jours de floraison. Les chiffres à gauche mesurent le méthanethiol ; ceux à droite mesurent les trois composés soufrés. Les flèches à gauche indiquent les niveaux comparatifs de méthanethiol mesurés au-dessus des décharges, des sites de traitement des déchets et d’une usine de papier afin de montrer à quel point la floraison était nauséabonde.
Rose Rossell/Colorado State University

Nous émettons l’hypothèse que les fleurs mâles n’ont pas besoin de déployer autant d’efforts pour dégager une odeur forte afin d’attirer autant d’insectes, car ceux-ci sont déjà présents grâce au piégeage floral consécutif à la floraison des fleurs femelles. Une étude réalisée en 2023 a révélé que la thermogenèse était également plus faible pendant la floraison mâle : le spadice atteignait 36 °C pendant la floraison femelle, mais seulement 33,2 °C pendant la floraison mâle.

Plus nauséabondes qu’une décharge

Notre étude montre que les puissantes émissions olfactives d’Arum titan peuvent être supérieures à celles des décharges d’un ordre de grandeur, mais seulement pendant deux nuits. Ces fortes émissions sont conçues pour se propager loin dans la jungle de Sumatra afin d’attirer les mouches charognardes.

Les odeurs résistent également à l’oxydation atmosphérique, c’est-à-dire à la dégradation des composés organiques dans l’atmosphère par réaction avec des oxydants présents dans la pollution, tels que l’ozone ou les radicaux nitrates. Les différents composés se dégradent à des vitesses différentes, ce qui constitue un facteur important pour attirer les pollinisateurs.

De nombreux insectes sont attirés non seulement par un seul composé volatil, mais aussi par des proportions spécifiques de différents composés volatils. Lorsque la pollution atmosphérique dégrade les émissions florales et que ces proportions changent, les pollinisateurs ont plus de mal à trouver des fleurs.

Le panache olfactif de la fleur femelle a maintenu un rapport à peu près constant entre les principaux composés chimiques soufrés. Le panache mâle, en revanche, était beaucoup plus sensible à la dégradation due à la pollution et à la modification des concentrations des composés chimiques dans l’air nocturne.

Ces plantes énigmatiques consacrent beaucoup d’énergie à des stratégies de pollinisation ingénieuses. Cosmo nous a appris que leur odeur de viande en décomposition se propageait loin, qu’elles utilisaient la thermogenèse pour augmenter leurs émissions et piéger les fleurs, nous offrant ainsi un nouvel éclairage sur la floraison spectaculaire d’Arum titan.

The Conversation

Delphine Farmer a reçu des financements de la Fondation Alfred P. Sloan, de la Fondation nationale pour la science, de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique, du Département de l’énergie et de la Fondation W.M. Keck.

Mj Riches a reçu des financements de la National Science Foundation américaine.

Rose Rossell ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Pourquoi les fleurs du « phallus de titan » ont-elles une odeur si nauséabonde ? – https://theconversation.com/pourquoi-les-fleurs-du-phallus-de-titan-ont-elles-une-odeur-si-nauseabonde-265779

The group Louis Vuitton (LVMH), a gift to the Musée d’Orsay and a huge tax incentive – business as usual?

Source: The Conversation – France (in French) – By Tanguy Gatay, Doctorant en histoire de l’art, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières

In January 2023, the Musée d’Orsay in Paris acquired La Partie de bateau (The Boating Party), an 1877 painting by Gustave Caillebotte (1848-1894) hailed as a major work of Impressionism for its bold and dynamic treatment, along with its subject’s carefree nature.

But this wasn’t always so. In fact, “The Boating Party” was long regarded as minor in the history of painting – much like the rest of Caillebotte’s work. The artist had fallen out of fashion before his death, mainly because of the outmoded subjects he dealt with, such as manual labour or idleness.

Gustave Caillebotte,
Gustave Caillebotte, Les Raboteurs de parquet (The Floor Scrapers), 1875.
RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay)/Hervé Lewandowski, CC BY-NC

Caillebotte’s paintings are now of interest to museums and wealthy collectors – so wealthy as to send prices spiralling and alarm institutions. In 2021, Los Angeles’s Getty Museum purchased le Jeune homme à sa fenêtre (Young Man at His Window) for $53 million, breaking the painter’s previous record of $22 million for le Chemin montant (The Ascending Path) at a Christie’s auction in 2019.

The price for The Boating Party was €43 million. When it went on sale, France’s ministry of culture decided to classify it as a national treasure in recognition of its exceptional nature. However, the ministry failed to free up funds to purchase the painting. It also prohibited it from leaving the country for 30 months, triggering a countdown to keep the canvas in France.

The price far exceeded the Musée d’Orsay’s acquisition budget, which is around €3 million per year. To prevent Caillebotte’s work from slipping back into private hands, as had been the case since the death of the painter’s last descendant, a call for sponsorship was launched with an attractive incentive: a tax deduction of 90% of the cost of the painting.

Already a patron of the Musée d’Orsay, the Louis Vuitton Moët Hennessy (LVMH) luxury group – of which Bernard Arnault is the main shareholder – leapt on the opportunity. True to form, the acquisition was not made discreetly, with the group issuing an inspired press release, which would go on to feature in an AFP dispatch. It is the latter that appears in the press, with no mention whatsoever of the French government’s gift to LVMH.

The fact that a private group is using the purchase of a painting from a public collection for PR purposes is questionable in itself. But the real problem lies elsewhere: it is the taxpayer who is bankrolling LVMH’s communication campaign – precisely 90% of it, due to the tax benefit. For the company, the cost is minimal, and the operation reinforces its image as a “cultural benefactor”, while potentially allowing the private group to exert a diffuse influence within the museum. Indeed, donations often generate an implicit sense of indebtedness.

The Louis Vuitton Foundation, a ‘gift to France’?

The purchase of Caillebotte’s painting is a textbook initiative by the LVMH group. Are these donations selfless? One would be forgiven for asking so, not only in light of the extent of this specific tax deduction, but of the frequency with which Arnault gets away with a low tax rate of 14% – and little press scrutiny to boot. Some have openly questioned the generosity of the patronage carried out by the giant luxury group, which has an annual turnover of €80 billion.

In 2014, for example, when the Louis Vuitton Foundation was built in Paris, LVMH was able to slash construction costs by 60% by deducting them from its taxes thanks to the Aillagon law of 2003 on patronage. That’s a €518 million tax rebate. That year, the cost of the foundation (“a gift to France”, according to Arnault) alone accounted for 8% of the country’s tax breaks, forcing the French parliament to impose limits on the law for the first time.

When, following the fire at Notre Dame de Paris in 2019, LVMH pledged millions to restore the cathedral while stressing it would not benefit from the law, this was hardly out of the goodness of its heart. Quite simply, the firm’s donation ceiling had been largely reached.

Above all, Arnault wanted his €200 million donation for the cathedral to dwarf the €100 million donation of his long-time rival, Kering, the world’s second-largest luxury goods group founded by François Pinault.

Caught in its own trap, LVMH had no choice but to double the stakes and, of course, communicate extensively about the operation. This attracted a lot of criticism, which brought Arnault out of his usual reserve: addressing the camera during a meeting with shareholders, he defended himself by arguing that in some countries, he would be congratulated rather than criticised for such an act.

La Partie de bateau on tour in French museums

To celebrate its arrival in public collections, La Partie de bateau has gone on a rock-star tour. It is being exhibited from one museum to the next (an unusual practice) in order to present it to as wide an audience as possible: first at the Musée des Beaux-Arts in Lyon, then in Marseille and finally in Nantes. Unknown masterminds then came up with a peculiar idea: to transport the painting by boat from city to city, pushing it along the country’s canals and rivers. After all, it’s a boat trip, so what could be better than taking it on a boat trip?

This is something that is never done. For simple reasons of time, cost and security, paintings are always transported in their crates, by lorry and aeroplane and under the watchful eye of conveyors so as to minimise the risks of transit. The idea of ferrying an exceptionally expensive painting across the country several times by a slow (it would have taken several weeks) and potentially submersible means of transport raises the question of capital risk in relation to the rather dull metaphor.

Even more oddly, the crate in question had to be decorated with a particular motif for this tour – a detail that sheds light on the logic at work behind the scenes of patronage.

Masterpiece in a luxury trunk

Starting from a certain insurance value, a work of art is stored and transported in a wooden crate that protects it. Waterproof, insulated, varnished: there are crates for all uses, made to measure or available for hire. In general, there is little fantasy in their appearance; on the contrary, they must remain discreet, if not anonymous. Some museums, particularly those that lend out a lot of works, have these crates painted in specific colours so that they can be easily identified in their overcrowded storage rooms.

In the case of La Partie de bateau, the crate had to be specially designed to protect the star of the art world during its dangerous aquatic journey. Louis Vuitton reportedly offered to transport the painting in one of its famous, exorbitantly priced trunks, thereby securing prestigious publicity in addition to the extensive media coverage already generated by the acquisition of the work.

In the end, the museum’s curators opted for speed and sent the painting in a crate. But there were other instances when LVMH had the last word. In 2018, for example, Johannes Vermeer’s The Milkmaid left the Rijksmuseum for the Ueno Royal Museum in Tokyo in a Louis Vuitton trunk.

The trunk carried a work that didn’t belong to the trunk maker, but never mind. Coincidence? Again, one would be forgiven for doubting it so, given that this is a group that never shies away from mixing advertising with patronage, deliberately blurring the boundaries by skirting the limits of the law, but not those of ridicule.


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The Conversation

Tanguy Gatay ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. The group Louis Vuitton (LVMH), a gift to the Musée d’Orsay and a huge tax incentive – business as usual? – https://theconversation.com/the-group-louis-vuitton-lvmh-a-gift-to-the-musee-dorsay-and-a-huge-tax-incentive-business-as-usual-265403

Peaux artificielles : comment reproduire la complexité de la peau humaine… jusqu’à son interaction avec le parfum

Source: The Conversation – France in French (2) – By Géraldine Savary, Enseignant-chercheur en analyse sensorielle dans le domaine des arômes, parfums et cosmétiques, Université Le Havre Normandie

Pourquoi un parfum ne tient-il pas de la même façon sur toutes les peaux ? Pourquoi certaines crèmes collent-elles davantage sur certains types de peau ? Ces différences, chacun les remarque, mais on ne les comprend pas encore très bien.


Depuis une dizaine d’années, nous travaillons à percer les mystères de la peau, et de la manière dont elle interagit avec les produits dermatologiques, les cosmétiques et les parfums en développant une réplique de peau humaine, sans cellule mais riche d’informations physico-chimiques.

Comprendre la peau avant de la reproduire

La peau est bien plus qu’un simple revêtement. Elle est un tissu complexe, à la fois barrière, capteur et interface chimique. Sa surface varie selon les individus : celle d’un bébé joufflu est moins rugueuse et plus hydratée que celle d’une personne âgée. Ces différences influencent non seulement la sensation mécanique au toucher et l’apparence mais aussi la répartition du sébum et donc la chimie de sa surface. Avec toutes ses propriétés qui s’entremêlent, ces phénomènes sont difficiles à modéliser.

Or, pour imiter la peau de manière crédible, il faut d’abord la caractériser précisément.

Notre équipe réalise chaque année des campagnes de mesures in vivo sur plusieurs centaines de volontaires. Nous analysons des paramètres comme la rugosité, la couleur, la composition lipidique (le gras) ou encore la mouillabilité (comment une goutte d’eau s’étale sur la peau).

Ces données, traitées statistiquement, permettent d’établir une « cartographie » des surfaces cutanées humaines et d’en quantifier la variabilité d’une personne à l’autre.

Les peaux artificielles

Les peaux artificielles ne sont pas nouvelles. On utilise depuis les années 1930 des modèles dits « biologiques » en dermatologie, comme des explants de peau humaine (petits morceaux de peau humaine prélevée lors d’une chirurgie et maintenue vivante en laboratoire), des peaux reconstruites à partir de cultures cellulaires, ou encore des peaux animales (notamment celle du porc, la plus proche de la peau humaine).

Plus récemment, depuis les années 2000, des peaux dites « électroniques » ou e-skins ont vu le jour, capables de capter diverses données pour des applications en robotique ou en médecine. Il s’agit de matériaux polymères souples, souvent sous forme de patch, qui collent sur la peau comme une seconde peau. Elles contiennent de minuscules capteurs capables de mesurer la pression, la température, ou des substances comme le glucose ou l’alcool dans la sueur, pour contrôler, reproduire ou ajuster ce qui se passe dans le corps.

Néanmoins, ces solutions biologiques et électroniques présentent souvent des limites : les peaux reconstruites sont coûteuses et peu reproductibles, les explants de peaux fragiles, de durée d’utilisation limitée et soumis à une variabilité biologique, et les peaux animales soulèvent des contraintes éthiques. De plus, un certain nombre d’entre elles, comme les peaux reconstruites et électroniques, ne reflètent pas fidèlement la chimie de surface de la peau humaine.




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Notre modèle synthétique : SURFASKIN

À partir de cette base de données, nous avons conçu un modèle de peau artificielle non biologique, développé initialement dans le cadre du projet FUI URBASKIN. Contrairement aux peaux cellulaires ou biologiques utilisées en laboratoire, SURFASKIN est une surface polymérique, stable dans le temps, peu coûteuse, facilement reproductible.

Notre peau artificielle synthétique est également exempte de cellules vivantes. En effet, elle ne vise pas à reproduire les fonctions biologiques de la peau, mais ses propriétés de surface, celles qui conditionnent la manière dont la peau interagit avec son environnement en reproduisant fidèlement le microrelief de l’épiderme, ainsi que la composition et la pigmentation de sa surface.

Ce modèle a d’abord été pensé pour simuler l’exposition de la peau à des polluants atmosphériques, comme les particules urbaines ou la fumée de cigarette, afin de comprendre leur capacité à y pénétrer et à altérer ses propriétés. Avec des mesures combinées (in vivo, explants, SURFASKIN), nous avons démontré que les polluants désorganisent la structure lipidique et provoquent des phénomènes d’oxydation, tandis que certains produits dermocosmétiques peuvent ralentir ces effets de manière ciblée pour renforcer la fonction barrière de l’épiderme.

Très vite, notre modèle a trouvé d’autres applications, notamment en cosmétique et dermatologie. Ainsi, SURFASKIN permet d’évaluer l’étalement de crèmes hydratantes, la couvrance des maquillages, ou encore la résistance à l’eau des protections solaires, avec un haut degré de représentativité. Ainsi, en appliquant une crème teintée sur la peau ou sur SURFASKIN, le film résiduel conserve les mêmes propriétés, tant en épaisseur qu’en composition, ce qui reproduit fidèlement des caractéristiques, comme le toucher collant ou le pouvoir couvrant.

Ainsi, SURFASKIN s’inscrit dans la tendance des peaux artificielles, tout en comblant un vide : celui d’un modèle robuste, passif, mais suffisamment précis pour simuler les interactions de surface. Il ne remplace pas les tests biologiques, mais les complète, en offrant un outil éthique et reproductible pour la recherche et le développement de cosmétiques et de produits dermatologiques.

Malgré ses atouts, SURFASKIN présente encore des limites, laissant la voie ouverte à de futurs développements pour mieux comprendre le rôle du microbiote cutané, par exemple, reproduire la pénétration des substances au sein de la peau, étudier les interactions biologiques avec les cellules, ou même intégrer des capteurs miniaturisés capables de mesurer d’autres paramètres, comme la pression lors de l’application d’un produit.

Le cas du parfum : vers une parfumerie personnalisée ?

Un nouveau champ d’application émerge aujourd’hui : la parfumerie. Il est bien connu des parfumeurs qu’un parfum « ne tient pas » de la même façon selon les personnes, c’est-à-dire qu’il n’adhère et ne s’évapore pas de la même façon selon les types de peau.

Ce phénomène, souvent attribué à la « magie du corps », repose en réalité sur des facteurs physico-chimiques : le pH, la présence de sébum, la température, la rugosité de la peau influencent la diffusion et la rémanence des molécules odorantes.

Avec SURFASKIN, nous développons désormais des répliques de peau reproduisant ces variations, pour tester de manière rigoureuse l’adhérence et l’évaporation des parfums. C’est une avancée inédite : si l’industrie du luxe explore la question des parfums sur mesure depuis longtemps, elle reste peu documentée scientifiquement, surtout quand il s’agit d’une personnalisation en fonction du type de peau.

À terme, ces travaux pourraient donc ouvrir la voie à des parfums personnalisés, conçus non plus uniquement pour une image ou une émotion, mais pour les propriétés chimiques individuelles de chacun.

Une technologie au service de la recherche et de l’industrie

En collaboration avec Normandie Valorisation, nos travaux visent à faciliter le transfert de cette innovation vers les acteurs industriels de la cosmétique et de la parfumerie. La France, leader mondial dans ces secteurs, dispose d’un écosystème favorable à ce type de développement, à l’interface entre science académique et innovation appliquée.

SURFASKIN illustre une nouvelle manière de faire de la recherche : en créant des outils concrets, fiables, éthiques, et utiles pour comprendre des phénomènes du quotidien. Sous les apparences simples d’une crème ou d’un parfum, c’est tout un monde physico-chimique que l’on commence à explorer.


Céline Picard participera à une table ronde sur le thème « À fleur de peau : chimie, biologie et équilibre », vendredi 26 septembre, dans le cadre de l’événement scientifique Sur les épaules des géants qui se tient du 25 au 27 septembre au Havre (Seine-Maritime).

The Conversation

Géraldine Savary a reçu des financements pour des recherches doctorale de l’Université Le Havre Normandie, La Région Normandie, l’Agence Nationale de la Recherche.

Céline Picard a reçu des financements de L’Université Le Havre Normandie, de Normandie Université, de Le Havre Seine Métropole, de la Région Normandie, de l’Agence Nationale pour la Recherche et de l’Europe pour des projets de recherche dont des projets de recherches doctorales

ref. Peaux artificielles : comment reproduire la complexité de la peau humaine… jusqu’à son interaction avec le parfum – https://theconversation.com/peaux-artificielles-comment-reproduire-la-complexite-de-la-peau-humaine-jusqua-son-interaction-avec-le-parfum-264926

La rhétorique du sacrifice dans les discours politiques aux États-Unis

Source: The Conversation – France in French (3) – By Frédérique Sandretto, Adjunct assistant professor, Sciences Po

Le terme de « sacrifice » est sur toutes les lèvres chez les partisans de Charlie Kirk, y compris chez les plus hauts dirigeants du pays. Analyse d’une rhétorique qui imprègne profondément la psyché du pays et a déjà été mobilisée par le passé autour de personnalités telles qu’Abraham Lincoln, John Fitzgerald Kennedy ou encore Martin Luther King.


Le discours du sacrifice occupe une place centrale dans l’imaginaire politique américain, et la cérémonie funèbre en hommage à Charlie Kirk, organisée à Glendale (Arizona) le 21 septembre 2025, en a fourni une illustration exemplaire. Donald Trump, venu prononcer l’éloge, a résumé en une formule l’enjeu rhétorique du moment en déclarant que « Charlie Kirk est un martyr de la liberté américaine et l’histoire ne l’oubliera jamais ».

Cette affirmation opère une transfiguration immédiate : elle fait passer l’événement tragique du meurtre d’un militant à la dimension d’un sacrifice héroïque, inscrivant Kirk dans la généalogie des grandes figures qui, par leur mort, auraient garanti la pérennité des idéaux fondateurs de la nation.

L’invocation du sacrifice au cœur des discours politiques américains

L’invocation du sacrifice dans le discours politique américain n’est pas une nouveauté mais un schème récurrent qui remonte aux origines de la République.

Les Pères fondateurs avaient eux-mêmes façonné un récit collectif où la liberté conquise contre l’Empire britannique était pensée comme le fruit d’épreuves et de souffrances. La Déclaration d’indépendance de 1776 se clôt sur une formule célèbre par laquelle les signataires « s’engagent mutuellement à consacrer leurs vies, leurs fortunes et leur honneur sacré » à la cause commune.

La rhétorique du sacrifice est ici constitutive du pacte fondateur : le citoyen libre ne se définit pas seulement par ses droits mais aussi par sa disponibilité à se sacrifier pour que la liberté survive. George Washington, dans ses adresses à l’armée continentale, n’a cessé de rappeler que la gloire de la République naissante reposait sur le sang versé par les patriotes, Thomas Jefferson soulignant pour sa part que l’arbre de la liberté devait parfois être « arrosé du sang des patriotes et des tyrans ». Ces images, bien que souvent stylisées, ont nourri une culture politique où la souffrance volontaire au service de la liberté est perçue comme le sceau d’authenticité du projet républicain.

L’oraison funèbre de Charlie Kirk réactive cette mémoire. Plusieurs orateurs, à l’instar de Tulsi Gabbard, actuelle directrice du renseignement national des États-Unis, ont affirmé que Kirk incarnait ce que « les fondateurs avaient imaginé », c’est-à-dire le courage de parler librement, même contre l’opinion dominante. Le secrétaire à la santé Robert F. Kennedy Jr. a affirmé que Kirk était mort « les bottes aux pieds » afin que les générations futures ne vivent pas dans la servitude, reformulant ainsi à sa manière l’idée jeffersonienne d’un sacrifice nécessaire pour préserver les droits constitutionnels.

En inscrivant le décès de Kirk dans cette trame narrative, la cérémonie ne se limite pas à la commémoration d’un individu mais met en scène une continuité entre les sacrifices fondateurs du XVIIIe siècle et ceux que réclamerait aujourd’hui la lutte politique contemporaine.

L’histoire des États-Unis est jalonnée d’exemples où la mort violente d’une figure politique a été transformée en récit de sacrifice. Le cas le plus célèbre demeure celui d’Abraham Lincoln, assassiné en 1865, dont le souvenir fut immédiatement sacralisé comme celui du président ayant donné sa vie pour que l’Union survive. Le discours de Gettysburg, que Lincoln avait prononcé deux ans plus tôt, préparait déjà ce registre en évoquant le « dernier plein sacrifice de dévotion » des soldats tombés pour que « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ne disparaisse pas de la terre ».

Plus près de nous, les assassinats de John F. Kennedy (1963), de Martin Luther King Jr. et de Robert Kennedy (tous deux en 1968) ont donné lieu à des élaborations similaires : leurs morts furent pensées non comme des accidents mais comme des offrandes involontaires sur l’autel de la démocratie et de l’égalité. Ces événements ont façonné une mémoire politique où le sacrifice personnel devient ressource collective, renforçant l’unité d’un groupe ou d’une nation.

Vers une codification du discours

Le discours sur Charlie Kirk reprend et réinterprète ces codes. En parlant de « martyr pour la liberté américaine », Donald Trump ne se contente pas d’un éloge personnel. Il élève l’individu au rang d’icône dont l’assassinat atteste la véracité et la justesse de la cause qu’il défendait.

Le lexique employé – martyre, immortalité, liberté – fait écho à des références religieuses qui amplifient l’effet émotionnel. Trump a même ajouté que l’Amérique devait « ramener la religion », car sans religion, frontières et ordre, il n’y aurait plus de pays. Ce passage révèle la structure profonde du discours du sacrifice : il ne s’agit pas uniquement d’une rhétorique politique mais d’une quasi-théologie civile où la mort d’un acteur devient signe et preuve de l’alliance entre une communauté et ses valeurs transcendantes.




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Les caractéristiques rhétoriques de ce type de discours sont constantes. Tout d’abord, la personnalisation extrême : le martyr devient l’incarnation de principes abstraits. Ensuite, l’amplification émotionnelle : la tristesse et l’indignation sont transfigurées en appel à la fidélité et à l’action. Le récit oppose systématiquement un « nous » des fidèles, héritiers de la mission, à un « eux » désignés comme responsables symboliques de la violence. Enfin, le registre religieux, explicite ou implicite, confère une aura sacrée à l’événement. En parlant de Kirk comme d’un évangéliste de la liberté ou d’un martyr immortel, Trump recourt à des métaphores qui dépassent la politique contingente pour toucher à l’imaginaire religieux du sacrifice rédempteur.

La finalité politique de ce discours est claire. En érigeant Charlie Kirk en martyr, ses partisans transforment une perte en ressource mobilisatrice. L’organisation qu’il avait fondée, Turning Point USA, peut ainsi se présenter comme l’héritière d’un sacrifice et non comme une simple structure militante. L’appel aux Pères fondateurs renforce cette légitimation en ancrant la mission dans une continuité historique qui va des patriotes de 1776 aux acteurs des guerres culturelles contemporaines. Cette continuité n’est pas une fidélité historique exacte mais une réappropriation symbolique qui vise à donner au combat présent la dignité d’une cause éternelle.

Capture d’écran de la page d’accueil du site de Turning Point USA le jour des funérailles de Charlie Kirk. Le dernier paragraphe dit : « Charlie est mort en faisant ce qu’il aimait : lutter pour la vérité, pour la foi, pour sa famille et pour l’Amérique. Son sacrifice restera un exemple pour les générations futures. Même si nos cœurs sont lourds, nous ne pleurons pas comme ceux qui n’ont pas d’espoir. L’héritage de Charlie perdure dans sa famille, dans Turning Point USA et Turning Point Action, et dans les millions de personnes qu’il a inspirées à vivre avec conviction. Nous lui rendons hommage non seulement par nos paroles, mais aussi par nos actions. Nous avancerons ensemble, en luttant plus fort, en nous tenant plus droits et en refusant de capituler. »
Turning Point USA

Les théoriciens du discours du sacrifice

La réflexion sur le discours du sacrifice a été largement développée par des théoriciens de la politique, de la philosophie et de la rhétorique, qui ont analysé comment la mort ou le sacrifice volontaire d’un individu sont investis d’une fonction symbolique et mobilisatrice au sein d’une communauté. René Girard, dans La Violence et le Sacré (1972), insiste sur le rôle central du sacrifice comme mécanisme de canalisation de la violence collective, soulignant que la figure du bouc émissaire ou du martyr permet de stabiliser la société et de créer un ordre symbolique.

Kenneth Burke, dans A Grammar of Motives (1945), développe le concept de « terminologie dramatique », montrant que le sacrifice est un instrument rhétorique permettant de transformer la culpabilité ou le conflit en une action signifiante, en construisant un héros dont la mort légitime l’agenda du groupe.

Jean-Luc Nancy, dans L’Insacrifiable (1991), aborde le sacrifice sous l’angle de la dépossession et de l’exposition de soi, insistant sur la dimension éthique et politique : le sacrifice n’est pas seulement un acte religieux, mais une manière de fonder la légitimité d’une cause en mobilisant le corps et la vie de l’individu comme signe.

Ces approches convergent dans l’idée que le discours du sacrifice opère comme un levier de cohésion et de légitimation, où la mort ou la vulnérabilité de l’acteur est investie d’un sens symbolique qui dépasse l’événement immédiat et touche à l’organisation morale, politique et sociale de la communauté.

En définitive, le discours du sacrifice autour de Charlie Kirk illustre la vitalité d’un registre rhétorique qui traverse toute l’histoire américaine. Il réactive les images des fondateurs prêts à sacrifier leurs vies et leurs fortunes, il reprend les modèles offerts par Lincoln, Kennedy ou King, et il conjugue ces références avec un langage religieux destiné à émouvoir et à galvaniser.

L’efficacité de ce discours tient précisément à cette combinaison : une narration héroïque qui dépasse la mort individuelle, une émotion collective transformée en mission politique, et une coloration spirituelle qui confère au sacrifice une valeur transcendante.

Dans une Amérique polarisée, ce type de rhétorique n’est pas seulement un hommage funèbre mais un instrument de mobilisation et de légitimation qui permet à une communauté politique de se penser comme dépositaire d’un héritage sacré et comme appelée à prolonger le sacrifice du martyr dans l’action présente.

The Conversation

Frédérique Sandretto ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. La rhétorique du sacrifice dans les discours politiques aux États-Unis – https://theconversation.com/la-rhetorique-du-sacrifice-dans-les-discours-politiques-aux-etats-unis-265816

Comment le Pacte vert est instrumentalisé par les populistes en Europe centrale et de l’Est

Source: The Conversation – France in French (3) – By Diana Mangalagiu, Professeur, environnement, stratégie, prospective, Neoma Business School

Le Pacte vert, supposé guider l’UE vers le net zéro, est aujourd’hui freiné par des résistances nationales : la transition écologique peut y être politisée pour servir toutes sortes d’intérêts. C’est particulièrement le cas en Europe de l’Est, où les clivages idéologiques et le contexte socio-économique jouent un rôle clé. C’est ce que montrent les exemples croisés de la Pologne, de la Hongrie et de la Roumanie.


Il devait s’agir de la boussole climatique de l’Union européenne. Le Pacte vert, adopté en 2019, se heurte aujourd’hui à des résistances nationales qui compliquent sa mise en œuvre. Là où l’Allemagne et l’Italie demandent des aménagements en invoquant des raisons économiques, la Pologne, la Hongrie et la Roumanie montrent comment la transition écologique peut être politisée pour servir toutes sortes d’intérêts, entre dépendance aux énergies fossiles, calculs populistes et consensus souvent fragiles.

Depuis son adoption en 2019, le Pacte vert européen s’est imposé comme la feuille de route de l’Union européenne pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Il vise à transformer l’économie européenne en réduisant drastiquement les émissions de gaz à effet de serre et en favorisant une transition la plus juste et inclusive possible.

Mais la mise en œuvre du Pacte vert se heurte à de fortes résistances dans bon nombre d’États membres. L’Allemagne, par exemple, défend la nécessité de maintenir des subventions massives à l’industrie et réclame un assouplissement des règles européennes sur les aides d’État pour soutenir la transition industrielle.

L’Italie, elle, s’oppose à certaines mesures jugées trop contraignantes et souhaite « corriger » la trajectoire du Pacte vert, insistant sur la nécessité de disposer d’investissements et de ressources suffisantes pour accompagner la transition, mais sans sacrifier sa croissance économique.

Enfin, les pays d’Europe centrale et de l’Est dépendent plus fortement des énergies fossiles d’un point de vue historique, ce qui peut nourrir des enjeux socio-économiques particuliers. Le Pacte vert peut y être d’autant plus instrumentalisé au plan politique. Dans ce contexte, notre recherche récente apporte un éclairage inédit sur les mécanismes politiques qui sous-tendent l’adoption et la mise en œuvre du Pacte vert dans trois pays d’Europe centrale et de l’Est : la Pologne, la Hongrie et la Roumanie.

Nous montrons que la politisation de la question climatique – c’est-à-dire le fait d’en faire un enjeu partisan – joue un rôle clé dans la façon dont ces pays s’approprient – ou non – les objectifs du Pacte vert. Les clivages idéologiques et le contexte socio-économique ont un impact majeur sur la construction des politiques climatiques nationales.

Pologne, Hongrie et Roumanie : trois scénarios distincts

En Pologne, le charbon n’est pas seulement une ressource énergétique : il incarne un héritage industriel et une identité régionale, notamment en Silésie.

Lors des élections législatives de 2019, la transition climatique s’est imposée comme enjeu central, polarisant la scène politique. Le parti de droite conservatrice Droit et Justice (PiS), qui se trouvait alors au pouvoir depuis quatre ans, a joué la carte du réalisme économique, subordonnant toute ambition écologique à un fort soutien financier de la part de l’UE et à la défense de l’emploi minier. Face à lui, la Plateforme civique (centre droit) et la gauche ont porté des scénarios plus ambitieux de sortie du charbon, mais sans convaincre l’électorat traditionnel : le PiS a conservé sa majorité absolue au Parlement.

Cette polarisation s’est amplifiée avec l’élection, en juin 2025, du président nationaliste Karol Nawrocki, qui se trouve en opposition frontale avec le premier ministre, le pro-européen Donald Tusk (Plateforme civique), à ce poste depuis les législatives houleuses de 2023.

Cette cohabitation complexe freine l’agenda réformateur, y compris sur le climat. Le gouvernement, quoique formé non plus de membres du PiS mais de représentants de la Plateforme civique et de ses alliés de centre et de gauche, réclame désormais une « révision critique » du Pacte vert, accusé d’alourdir les coûts énergétiques et de nuire à la compétitivité. Nawrocki a d’ailleurs promis un référendum sur le Pacte vert.

Malgré tout, la Pologne progresse sur les renouvelables et a réduit ses importations de gaz russe. Elle demeure toutefois loin des objectifs européens.

En Hongrie, la situation est différente. Viktor Orban, premier ministre sans discontinuer depuis 2010, a longtemps utilisé la question climatique pour renforcer sa position souverainiste, ainsi que comme levier dans son bras de fer avec Bruxelles. Lors des négociations sur le Pacte vert, il a menacé d’y opposer son veto, dénonçant une politique « utopique » imposée par l’UE sans tenir compte des réalités nationales.

Pourtant, malgré cette rhétorique, la Hongrie a adopté, sur le papier en tout cas, des plans nationaux relativement ambitieux. Ils visent la neutralité carbone d’ici à 2050 et une réduction de 40 % de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990.

Cette ambivalence est liée à la domination depuis quinze ans de la scène politique hongroise par le parti Fidesz. Maître du calendrier et du discours, Orban politise la question climatique quand cela sert ses intérêts – notamment pour mobiliser contre l’UE – puis désamorce le débat dès qu’il s’agit de négocier des fonds européens ou de répondre à la demande de certains électeurs.

Ainsi, la Hongrie avance à petits pas, en ménageant à la fois Bruxelles et son électorat conservateur. Sans que la question climatique ne devienne un enjeu de division nationale majeure.




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La Roumanie, enfin, offre un troisième scénario. La question climatique y reste largement en dehors de la compétition partisane. Les principaux partis abordent certes les thèmes environnementaux dans leurs programmes, mais sans en faire un enjeu de débat ou de clivage électoral.

Cette faible politisation s’explique par une dépendance énergétique moins marquée que dans les pays précédents et par un certain consensus sur la nécessité de moderniser l’économie.

La Roumanie affiche un soutien de principe au Pacte vert et à la neutralité carbone d’ici à 2050, avec des objectifs nationaux ambitieux : réduction de 85 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport au niveau de 1990.

Cependant, malgré des avancées sur les énergies renouvelables, les mesures concrètes tardent à être mises en place, la priorité étant donnée à la modernisation des infrastructures et des services publics. Le gouvernement met en avant la nécessité de concilier croissance économique et durabilité, tout en soulignant le coût élevé de la transition.




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Des divisions nourries par les partis populistes

Nos recherches montrent que dans ces trois pays, la politisation de la question climatique dépend de l’idéologie dominante dans la société, du contexte économique et du poids des industries fossiles et de la structure du système des partis politiques.

  • En Pologne, la forte polarisation et l’attachement identitaire au charbon favorisent une politisation intense qui freine la transition.

  • En Hongrie, la domination d’un parti unique permet une gestion opportuniste de la question climatique, avec des avancées ponctuelles, mais peu de débat public.

  • En Roumanie enfin, l’absence de clivage fort sur le climat permet un certain soutien, mais sans dynamique de transformation profonde.

Pour arriver à ces conclusions, nous avons d’abord passé au crible les engagements climatiques de ces trois pays, leurs plans nationaux énergie-climat (NECP) ainsi que l’évaluation de ces plans réalisée par la Commission européenne. Puis nous avons retracé l’évolution des discours des partis politiques et des débats de société sur le changement climatique et le Pacte vert. L’enjeu était de déterminer l’influence de paramètres tels l’idéologie, la dépendance aux énergies fossiles et le contexte économique sur la politisation du climat par les partis politiques et le gouvernement.

Nous mettons ainsi en lumière le rôle des partis populistes, en particulier de droite, dans la politisation de la transition climatique.

  • En Pologne et en Hongrie, ces partis utilisent la question climatique pour nourrir une rhétorique souverainiste et anti-européenne, accusant Bruxelles d’imposer des sacrifices économiques au nom de l’environnement. Cette instrumentalisation complique la construction d’un consensus national sur la transition et alimente la défiance envers les politiques européennes.

  • En Roumanie, la moindre polarisation du débat politique sur les questions climatiques facilite une approche plus pragmatique, mais au prix d’une mobilisation citoyenne limitée et d’une faible pression pour accélérer la transition.




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Mais les facteurs structurels (dépendance aux énergies fossiles, niveau de développement, inégalités) n’expliquent pas tout : ce sont les dynamiques politiques, la capacité des partis à s’approprier ou à dépolitiser la question climatique, et la manière dont les leaders utilisent le climat dans la compétition électorale qui font la différence dans la mise en œuvre du Pacte vert.

Il faut également noter que la politisation n’est pas toujours négative. Elle peut aussi permettre de rendre visibles les enjeux climatiques et de mobiliser la société, à condition d’éviter la caricature et la polarisation excessive.

A noter, enfin, que ces trois pays dépendent historiquement de la Russie pour leur approvisionnement en gaz et pétrole. Or, le premier ministre hongrois Viktor Orban se distingue par une connivence certaine avec la Russie tandis que la Pologne et la Roumanie s’en distancient.

Comment éviter l’instrumentalisation du Pacte vert ?

Que retenir de notre étude ? Pour éviter que le Pacte vert ne soit instrumentalisé par les populistes, il est essentiel que les citoyens puissent mieux cerner ses bénéfices concrets : création d’emplois dans les secteurs verts, réduction de la pollution, amélioration du cadre de vie, etc.

L’implémentation du Pacte vert doit donc insister sur la justice sociale de la transition, en garantissant un accompagnement des territoires et des personnes les plus exposées. Il s’agit aussi de valoriser les succès locaux et les initiatives citoyennes, pour montrer que la transition est possible et bénéfique à tous.

Il faut également renforcer le dialogue entre les institutions européennes, les gouvernements nationaux et la société civile, afin de co-construire des politiques adaptées aux réalités locales.

Cela peut passer, par exemple, par la mise en place de budgets participatifs pour les projets « verts » ou par des appels à projets ouverts à la société civile. L’idée est de pouvoir allouer des financements directement à des initiatives locales alignées avec les objectifs du Pacte vert. Cela implique le soutien des acteurs locaux (municipalités, ONG, acteurs économiques, etc.) avec des relais aux échelles nationale et européenne pour faciliter la concertation transfrontalière, l’échange de bonnes pratiques et la remontée structurée des besoins au niveau national et européen.

Une dépolitisation excessive est donc loin d’être la solution : il s’agit plutôt de favoriser un débat public éclairé, fondé sur la transparence, la participation et l’écoute des préoccupations sociales. De quoi aider l’Europe à surmonter les résistances et mobiliser le Pacte vert comme un projet collectif.

The Conversation

Diana Mangalagiu et ses co-auteurs ont reçu des financements européens pour le projet TIPPING+, un projet Horizon 2020.

ref. Comment le Pacte vert est instrumentalisé par les populistes en Europe centrale et de l’Est – https://theconversation.com/comment-le-pacte-vert-est-instrumentalise-par-les-populistes-en-europe-centrale-et-de-lest-263960