Ce que nous apprend l’histoire du féminisme au Québec

Source: The Conversation – in French – By Adeline Vasquez-Parra, Maître de conférences, Université Lumière Lyon 2

Retour sur la longue histoire du féminisme québécois, sur ses figures marquantes et sur la relation entre ce mouvement, lui-même hétérogène, et diverses autres structures, qu’il s’agisse de partis politiques ou d’organisations de défense des droits des peuples autochtones.


Un sondage effectué en juillet 2025 montre que plus de 56 % de la jeune génération québécoise (18–34 ans) soutient l’indépendance du Québec. Pourtant, cette même génération se mobilise avant tout pour des luttes mondiales telles que l’écologie, la justice sociale et le féminisme. Comment comprendre ce paradoxe apparent ?

L’histoire du mouvement féministe au Québec offre une clé de lecture : elle montre comment, depuis plus d’un siècle, les luttes féministes se sont entremêlées, parfois harmonieusement, parfois plus douloureusement, avec divers projets d’émancipation politique, dont celui de la souveraineté du Québec.

Aux origines

Dès le début du XXe siècle, le féminisme québécois s’inscrit dans un double héritage : celui de l’implication des femmes dans les paroisses catholiques et celui des réseaux atlantiques. Ces réseaux comprennent des échanges et des circulations de personnes et d’idées entre l’Europe et l’Amérique du Nord depuis le XVIIIe siècle. C’est à partir de ces espaces que certaines prennent la parole et portent dans la sphère publique des questions liées aux inégalités sociales et politiques, comme l’absence de suffrage universel ou les écarts salariaux.

En 1902, la militante féministe Robertine Barry fonde le magazine bimensuel le Journal de Françoise, qui promeut les droits des femmes. Trois ans plus tard, elle participe avec une autre journaliste, Éva Circé-Côté, à la création de l’Association des femmes journalistes canadiennes françaises, qui regroupe des militantes engagées dans les combats progressistes de l’époque.

Circé-Côté publie dans le journal les Débats jusqu’à la condamnation de celui-ci par l’archevêque de Montréal en 1903, condamnation certes morale mais très influente dans la société québécoise de l’époque. Elle y défend l’accès à la culture pour les francophones privés de bibliothèques publiques, ainsi que l’éducation laïque.

Dans les décennies suivantes, le féminisme québécois s’allie avec le militantisme syndical, ce qui lui permet de toucher davantage les classes populaires.

Des militantes syndicales comme Léa Roback s’illustrent dans la grève des Midinettes de 1937, qui rassemble 5 000 ouvrières mobilisées pour de meilleures conditions de travail. Le syndicalisme féminin devient un vecteur de revendications, déjà portées par la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste et ses figures de proue telles que Marie Gérin-Lajoie et Caroline Dessaulles-Béique, militantes pour l’accès des femmes au marché de l’emploi et à la protection sociale.

Féminisme et souverainisme

Le mouvement se complexifie dans les années 1960, lorsque le féminisme croise l’indépendantisme et les luttes socialistes.

Le Front de libération des femmes (FLF), fondé en 1969, relie explicitement émancipation féminine et indépendance du Québec, adoptant le slogan « Pas de libération du Québec sans libération des femmes ». Il critique l’impérialisme états-unien et le capitalisme, dans lesquels il voit des sources d’exploitation économique et symbolique, et refuse toute influence linguistique ou idéologique du féminisme anglophone, qu’il soit états-unien ou canadien, lui-même accusé d’impérialisme.

La langue, pense-t-on, forge seule les concepts, impose une vision du monde et donc, trace les frontières du commun. Malgré des actions spectaculaires et la publication d’un journal, le FLF se dissout en 1971.

« Québecoises deboutte ! », brochure publiée en 1972.
Réseau québecois en études féministes

Le Centre des femmes, créé en 1971, prolonge cet héritage mais élargit ses priorités aux questions sociétales – avortement, reconnaissance économique du travail domestique – tout en diminuant la perspective nationale.

Face à l’influence du Parti québécois (PQ), formation indépendantiste fondée en 1968, qui exprime une conception conservatrice du rôle social des femmes, le mouvement féministe québécois finit par progressivement se détourner de la question nationale à la fin des années 1970. Il ne disparaît toutefois pas du paysage politique et revendique un féminisme ancré dans son contexte, attentif à l’articulation entre l’exploitation du corps des femmes et celle du territoire, problématique approfondie par la politologue Diane Lamoureux dès les années 1980.

Le féminisme autochtone

Parallèlement au développement de ce féminisme lié à la cause souverainiste (la volonté de faire du Québec un État souverain), les femmes autochtones du Québec mènent des luttes qui articulent genre, décolonisation et justice sociale.

Mary Two-Axe Earley, militante kanien’kehá :ka (mohawk), incarne cet engagement. Dans les années 1960 et 1970, elle s’attaque à l’alinéa 12(1)  b de la Loi fédérale sur les Indiens (1876), qui prive les femmes autochtones mariées à des non-Autochtones de leurs droits fonciers et communautaires, alors que les hommes transmettent leur statut sans restriction. Militante infatigable, elle parcourt le Québec et le monde pour faire entendre la voix des femmes autochtones et réclamer l’égalité des droits au sein de leurs communautés.

En 1974, Mary Two-Axe cofonde Femmes autochtones du Québec, organisation qui défend l’émancipation et les droits fonciers des femmes autochtones, tout en mettant en lumière les discriminations spécifiques qu’elles subissent, notamment le sexisme et le racisme.

Ellen Gabriel, porte-parole de la nation mohawk de Kanehsatà :ke, prolonge cette lutte jusqu’aux Nations unies en 2009, en dénonçant la continuité de politiques fédérales et provinciales qui favorisent l’exploitation des ressources naturelles par des multinationales au détriment des besoins des communautés vivant sur des terres autochtones.

Cette dénonciation renvoie à la crise d’Oka de 1990, évènement que l’on pourrait qualifier de « refoulé », tant il exerce toujours une pression latente sur la société québécoise sans être ouvertement débattu ou discuté. La crise d’Oka a opposé en 1990 la communauté mohawk de Kanehsatà :ke aux autorités québécoises et canadiennes après l’annonce de l’extension d’un terrain de golf sur un bois sacré et un cimetière ancestral. Le conflit, marqué par des confrontations tendues avec la Sûreté du Québec puis l’armée canadienne, a duré 78 jours et symbolise une première forme de résistance politique autochtone contemporaine.

Des hommes et des femmes du territoire mohawk de Tyendinaga (Ontario) bloquent le pont Skyway qui enjambe la baie de Quinte, septembre 1990.
Chris Malette/Belleville Intelligencer

Ces luttes trouvent un prolongement contemporain dans l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, mise sur pied en 2016. Celle-ci révèle l’existence d’une violence structurelle envers les femmes autochtones, en la rattachant à l’histoire coloniale et juridique du Canada. Aujourd’hui encore, les femmes autochtones courent un risque beaucoup plus élevé d’être victimes de violences conjugales, sans que ces violences soient signalées. Les conclusions de l’enquête rappellent ainsi que les droits des femmes ne peuvent être pleinement garantis sans la reconnaissance des droits des peuples autochtones.

La perspective décoloniale

Le croisement entre luttes autochtones, féminisme décolonial et projet d’indépendance du Québec est aujourd’hui incarné par la politologue Dalie Giroux. Dans son pamphlet l’Œil du maître (2021), elle interroge les liens entre souveraineté traditionnelle, exploitation du territoire et présence des peuples autochtones au Québec. Elle propose de « décoloniser la décolonisation » québécoise en soulignant que l’émancipation de la nation francophone doit se penser en dialogue avec les luttes autochtones, antiracistes, écologiques et féministes.

Par ailleurs, pour Giroux, l’héritage historique de l’interaction entre mouvement souverainiste et féminisme demeure ambivalent car le mouvement souverainiste n’est pas toujours jugé suffisamment inclusif.

Comme le souligne la sociologue Leïla Benhadjoudja, le Québec occupe une position singulière dans l’histoire du colonialisme, car placé sous la domination de deux régimes coloniaux distincts – français, puis britannique. La conquête britannique de 1760, qui va induire un rapport colonial entre francophones dépossédés et colonisateurs anglophones, constitue en cela un traumatisme politique durable pour les habitants canadiens francophones.

Ce passé explique une discrimination spécifique de la population canadienne francophone, mais il ne saurait être mis sur un pied d’égalité avec l’expérience coloniale subie par les peuples autochtones ou l’esclavage des populations africaines.

Enfin, la philosophe Mélissa Thériault a elle aussi analysé comment appliquer une pensée décoloniale dans ce contexte francophone nord-américain complexe. Elle insiste sur la nécessité de transformer le regard intellectuel sur les rapports sociaux afin de rééquilibrer les relations entre peuples autochtones, populations colonisées et descendants des colonisateurs européens. Selon elle, une critique féministe et décoloniale située est essentielle pour comprendre l’impact des rapports de domination à l’œuvre sur le territoire québécois, lui aussi par ailleurs qualifié par certains de « victime » du « colonialisme » de l’État canadien.

Adeline Vasquez-Parra a récemment publié Histoire du Québec. Des origines à nos jours (2025).
Éditions Tallandier

Ainsi, le féminisme autochtone et décolonial du Québec s’inscrit dans une logique de justice sociale globale depuis des enjeux plus restreints. Il ne s’agit pas seulement de droits des femmes, mais de droits collectifs, de reconnaissance territoriale et de transformation des rapports de pouvoir hérités de l’histoire coloniale occidentale.

Ce cadre offre une perspective complémentaire au féminisme québécois historique, permettant (peut-être) de concevoir un féminisme québécois hybride, à la fois national, autochtone et décolonial, capable de dépasser les modèles hégémoniques actuels.

Des leçons pour aujourd’hui

Aujourd’hui, les féminismes québécois se distinguent par leur originalité : enracinés dans un combat à la fois pour la reconnaissance politique et pour une nouvelle ouverture aux voix marginalisées, notamment celles des femmes autochtones, migrantes, allophones et réfugiées.

Ce double héritage, bien que partiel et inachevé car ne constituant pas un seul et même mouvement, constitue tout de même une richesse pour comprendre les débats contemporains sur la diversité. Reconnaître cette histoire permet de mieux comprendre les tensions actuelles entre universalisme et spécificités, luttes collectives et expériences locales.

The Conversation

Adeline Vasquez-Parra ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Ce que nous apprend l’histoire du féminisme au Québec – https://theconversation.com/ce-que-nous-apprend-lhistoire-du-feminisme-au-quebec-263871

Urbaniser sans artificialiser : le potentiel caché du sous-sol

Source: The Conversation – in French – By Jean-Philippe Antoni, Professeur de géographie et d’urbanisme, Université Bourgogne Europe

La loi « visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte
contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux » (2003) entend limiter l’artificialisation des sols d’ici 2050. Pour concilier développement urbain et sobriété foncière, l’urbanisme souterrain apparaît comme une solution intéressante. Il permet de préserver les terres agricoles et les paysages tout en intégrant infrastructures, commerces ou transports sous la surface.


Dans le cadre d’un aménagement durable lié à la lutte contre le changement climatique, la loi dite « Zéro artificialisation nette » (ZAN), adoptée en 2023, suscite de nombreux débats. Pour atteindre une sobriété foncière devenue nécessaire face à l’ampleur de l’étalement urbain, elle prévoit la fin probable de toute artificialisation d’ici 2050, c’est-à-dire l’interdiction de construire sans compensation sur des espaces qui ne sont pas déjà bâtis. La loi ZAN est de ce fait perçue par certains comme une atteinte historique à la propriété privée, mais également comme un frein à l’autonomie des communes, dont le développement économique et résidentiel serait mis sous cloche. Pour s’y préparer, de nombreux projets envisagent une requalification et une densification du bâti existant, mais rares sont ceux qui proposent de mieux exploiter le sous-sol. Or, l’urbanisme souterrain est une solution déjà ancienne dont les expériences récentes confirment l’efficacité, en particulier dans les zones les plus peuplées.

L’utilisation des sous-sols est souvent mal connue du grand public pour une raison simple qui constitue aussi son principal avantage : son invisibilité. C’est généralement seulement lors des travaux de voirie que l’on découvre dans le sous-sol un foisonnement technique très divers qui regroupe autant des réseaux d’eau, de communication et d’énergie, que des caves ou des espaces de stockage, voire des équipements de transports. La majorité, sans intérêt esthétique, y ont été enfouis pour y être cachés ou pour dégager un espace équivalent à leur volume, laissant la place en surface à des espaces ouverts ou végétalisés. Cette idée a fait l’objet de plusieurs approches théoriques qui ont montré son intérêt pour les villes d’aujourd’hui.

Un nouveau rôle pour le sous-sol

Au début du XXe siècle, l’urbaniste Eugène Hénard est parmi les premiers à imaginer des rues à étages multiples pour rationaliser l’usage du sol et rendre la ville plus salubre. Son idée repose sur le constat qu’au fil du temps, l’accumulation anarchique des réseaux dans les égouts de Paris a rendu leur fonctionnement difficile à gérer et empêche, par sa complication, toute possibilité d’évolution. Il propose alors de réserver systématiquement un espace en sous-sol pour les équipements nécessaires. Les rues seraient comme « dupliquées » : circulation des personnes et des véhicules légers en surface, réseaux techniques et transport lourd en souterrain. Cette proposition préfigure l’urbanisme de dalle, tel qu’il a par exemple été mis en œuvre dans les années 1960 à Barbican Estate (Londres) ou à la Défense (Paris), un quartier d’affaires dont l’aménagement devrait bientôt s’étendre en sous-sol.

Au milieu du XXe siècle, l’architecte Édouard Utudjian (1905-1975) a proposé une théorie de l’urbanisme souterrain plus complète, partant du principe que « les rues seront toujours trop étroites, les distances trop grandes, les constructions trop entassées, les fumées trop nombreuses ». Reste alors le sous-sol, qui apparaît selon lui comme « l’une des chances de demain ». Il y voit en effet plusieurs avantages, notamment la préservation des espaces verts en surface, le doublement des voies de circulation sans croisement, ou la protection du vent et des incendies. Il n’est évidemment pas question « d’enterrer l’habitat humain, mais seulement certains organes de la ville qui encombrent la surface de leur masse inerte », dans lesquels l’homme ne vivra que périodiquement.

La « ville souterraine » de Montréal (Québec, Canada) en 2017.
Lee Jung Tak

La ville souterraine de Montréal (Québec, Canada) concrétise aujourd’hui cette idée. Avec plus de 30 km de galeries souterraines piétonnières reliant près de 2 000 commerces et restaurants éclairés par des puits de lumière au milieu d’œuvres d’art et d’architecture remarquables, elle protège les habitants des intempéries hivernales. La lutte contre le froid et la chaleur est en effet un argument majeur pour justifier les constructions souterraines. Le climat est souvent l’une des premières motivations pour un enfouissement qui réduit les variations de température, à Montréal comme à Abou Dabi, où, pour limiter le recours à la climatisation, la ville laboratoire de Masdar City intègre des galeries et des équipements souterrains, avec à terme, un système de transport individuel et automatique innovant en sous-sol.

Ensuite, c’est la lutte contre la congestion qui justifie les projets souterrains. Le sous-sol permet d’organiser les flux de circulation, de réduire le trafic en surface, et donc la congestion qu’il génère, en augmentant le nombre de voies et en les séparant pour plus de sécurité. Bien connu dans les grandes métropoles, l’efficacité du métro réside dans l’enfouissement de tunnels en ligne droite et en site propre, qui permettent d’éviter l’encombrement et la circulation des rues pour un transport urbain parmi les plus rapides et les plus sûrs au monde.

Enfin, c’est la pénurie d’espace et la préservation des paysages qui invitent à enterrer certains bâtiments ou certaines infrastructures. Cette translation vers le sous-sol libère d’autant l’occupation du sol à l’air libre et ne laisse visible que le patrimoine architectural ou paysager qui doit être mis en valeur. À Naoshima au Japon, le musée de Chichū a par exemple été conçu en souterrain pour faciliter les jeux de lumière mettant l’art en valeur, mais aussi pour conserver une vue sur le paysage de collines environnant, faisant de la qualité du site naturel un atout revendiqué du projet.

Stratégies de sobriété souterraine

Le sous-sol apparaît donc comme une solution possible pour concilier développement urbain et sobriété foncière. La question reste de savoir ce qui pourrait être enterré, et à quelle profondeur, pour que l’ensemble reste viable et vivable. Les propositions déjà anciennes de l’aménageur québécois Daniel J. Boivin y répondent partiellement en découpant le sous-sol en trois strates selon leur accessibilité.

La première, « immédiatement sous nos pieds », est épaisse d’une dizaine de mètres et contient déjà des câbles et des conduites diverses. Elle pourrait aussi accueillir de nombreuses activités commerciales qui nécessitent peu de lumière naturelle directe (supermarchés, discothèques, cinémas, restaurants). Jusqu’à 200 mètres, la deuxième strate pourrait contenir des éléments d’industrie légère, des voies de transport et de stationnement, des entrepôts, des centres de recherche, des studios d’enregistrement ou des installations de chauffage urbain. Enfin, les grandes profondeurs (en dessous de 200 mètres) pourraient être réservées aux équipements lourds comme les centrales électriques, le stockage des déchets industriels, ou les réservoirs d’eau et d’énergie.

Par ailleurs, l’urbanisme souterrain se connecte sans difficulté majeure au système de transport urbain pour y apporter une valeur ajoutée. À Tokyo, par exemple, le développement des galeries marchandes souterraines s’est appuyé sur le métro pour capter sa clientèle, ce qui a permis de compenser directement le prix de l’investissement en sous-sol par un bénéfice commercial augmenté. On retrouve donc ici une idée bien connue des urbanistes d’aujourd’hui : le transit-oriented development (TOD). Théorisé par l’architecte américain Peter Caltorpe, le TOD vise à créer des quartiers accessibles autour des pôles de transport (gares ou stations métro/tramway) avec une haute densité bâtie, une grande mixité fonctionnelle et une déambulation piétonnière qui pourraient être largement favorisées par des projets souterrains.

La question est de savoir à quels coûts de tels projets sont envisageables. Si le montant des investissements nécessaires ne peut être estimé qu’au cas par cas, il est structurellement bien plus important que pour une construction classique. On ne peut donc envisager sa rentabilité que dans le long terme, dans le cadre de partenariats avec les acteurs publics, fondés sur une volonté politique durable de sobriété foncière. Les enjeux sont importants, notamment dans les périphéries des grandes villes sujettes à l’étalement urbain. En enfouissant autant que possible l’architecture sans fenêtres caractéristique des zones commerciales périurbaines, un urbanisme souterrain aurait l’avantage de ne plus consommer d’espaces agricoles et de ne plus nuire aux paysages des entrées de villes qui, plutôt que d’offrir une véritable vitrine aux agglomérations, sont souvent décriées pour leur hétérogénéité et leur manque d’harmonie.

Dans un contexte culturel où le monde souterrain a longtemps été associé à la peur ou à la science-fiction, il reste également à savoir comment de tels projets peuvent être perçus en termes d’ambiance et de confort. Mais c’est d’ores et déjà une question que les usagers du métro ne se posent plus vraiment, et les projets existants montrent par leur fréquentation que le sous-sol peut être exploité à son avantage dans des espaces valorisés par l’éclairage indirect. Il est fort probable que l’acceptabilité de projets de plus grande échelle réside dans un traitement architectural réussi, qui organise avec harmonie la transition entre la surface et le sous-sol. Urbaniser en souterrain n’est donc pas seulement un enjeu pour l’environnement et pour le le climat. C’est aussi un défi pour les architectes de demain.

The Conversation

Jean-Philippe Antoni a reçu des financements de l’Agence de la transition écologique (ADEME) et de l’Agence nationale de la recherche (ANR).

ref. Urbaniser sans artificialiser : le potentiel caché du sous-sol – https://theconversation.com/urbaniser-sans-artificialiser-le-potentiel-cache-du-sous-sol-263367

La new romance, un genre littéraire en ligne devenu phénomène de librairie

Source: The Conversation – in French – By Adeline Florimond-Clerc, Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, Université de Lorraine

À 28 ans, la Française Morgane Moncomble est une des stars du phénomène new romance. Capture d’écran/Youtube

Loin d’être un épiphénomène éditorial, la new romance s’installe dans le paysage éditorial grâce à sa capacité à conjuguer les pratiques numériques et l’édition papier. Elle correspond aussi à une redéfinition du lien qui s’instaure entre les autrices et leurs lectrices.


Le festival Le Livre sur la place, à Nancy (Meurthe-et-Moselle), fait partie des salons qui marquent la rentrée littéraire. La foule se presse pour voir les livres et les auteurs. Cette année (comme l’année précédente), dès l’ouverture du samedi matin, une longue file s’est formée. Il ne s’agissait pas de rencontrer un des habitués de la rentrée littéraire ou une vedette de la télé, mais Lyly Bay et C. S. Quill, autrices de new romance publiées chez Hugo Publishing. Lyly Bay aurait totalisé au moins 300 ventes dans la journée…

Naissance d’un genre littéraire en ligne

La new romance, idiome entré dans le langage courant par l’intermédiaire de la maison d’édition Hugo Publishing qui en a fait une marque déposée en 2014, est le fruit d’un héritage de la littérature sentimentale, du young et du new adult.

Trois grandes caractéristiques permettent de comprendre ce qu’il y a de nouveau dans ces romances contemporaines. La première est liée à son mode d’émergence : de nombreuses autrices ont débuté sur des plateformes d’écriture en ligne. La deuxième concerne la structure narrative. Il ne s’agit pas seulement d’une histoire d’amour autour d’un couple central qui se rencontre, connaît une disjonction, puis une conjonction finale, mais des « tropes » (stéréotypes narratifs) bien identifiables permettant aux lectrices d’orienter facilement leur choix de lecture (par exemple : enemies-to-lovers : récit où les personnages commencent par se détester pour ensuite tomber amoureux). La troisième caractéristique est liée au contenu même des récits. la new romance traite de sujets en lien avec les préoccupations contemporaines qui font écho à celles du lectorat : passage à l’âge adulte, concilier vie de famille et vie professionnelle, mise en avant du consentement comme condition nécessaire, plaisir féminin…

Ces caractéristiques expliquent en partie la nature du lectorat. Genre majoritairement écrit par des femmes, la new romance est aussi massivement lue par elles et notamment par de jeunes lectrices.

Nous l’avons vu, une des particularités de ce genre littéraire qui connaît de nombreuses déclinaisons (on parle de « romantasy », de « dark romance », de romance policière, de romance psychologique…) tient à son mode d’apparition en ligne. Les premiers succès du genre viennent des plateformes d’écriture collaborative.

After, d’Anna Todd, qui est souvent identifié comme le livre ayant contribué à la naissance de la new romance, est par exemple le fruit d’une fanfiction écrite sur Wattpad (un média social où les utilisateurs inscrits peuvent publier et partager récits, poèmes, fanfictions, romans fantastiques, d’amour, policiers, nouvelles et articles en tout genre). D’autres plateformes existent, dont Fyctia, créée en 2015 par Hugo Publishing (leader éditorial sur le marché de la new romance), qui fonctionne par voie de concours et multiplie les outils de discussion entre éditeur, auteur et lecteur.

Ces plateformes d’écriture collaborative permettent des interactions de natures différentes entre les autrices et leurs lectrices, lesquelles peuvent commenter, apprécier, voire orienter l’écriture en train de se faire. À ces plateformes s’ajoutent d’autres espaces numériques – tels que TikTok ou Instagram – qui structurent de véritables communautés en ligne et de recommandation où se décide et se construit une partie des succès en librairie.

La new romance correspond à un remaniement de la chaîne du livre à l’heure du numérique. Elle participe à inscrire le livre dans un ordre renouvelé par les outils qui l’entourent. Le succès qu’elle reçoit montre que la lecture sait rester vivante quand on s’adresse aux lecteurs (ici, lectrices) en partant de leur rapport au monde.

Du numérique à l’édition papier : le rapport à l’objet livre

Le livre est à la fois un bien physique et symbolique. Si la new romance trouve ses racines en ligne, cela n’empêche pas son passage à l’édition traditionnelle. Bien au contraire : l’imprimé suscite un véritable engouement. L’édition papier, en plus de matérialiser l’histoire parfois déjà lue sur l’écran, offre un plaisir différent. Non seulement ces livres publiés se distinguent des versions numériques par l’importance du travail éditorial entrepris (ils comportent de très nombreuses reprises et réécritures), mais ils bénéficient d’un soin particulier apporté à leurs caractéristiques matérielles.

Outre les couvertures, souvent dessinées, les livres de new romance peuvent se voir ornementés de jaspage, ressortir en « éditions collectors ». Le roman devient alors un objet de collection, que l’on photographie, que l’on range soigneusement en composant des mosaïques selon la couleur des tranches, que l’on expose fièrement. Les influenceuses littéraires entretiennent cette mise en scène de l’objet livre, à l’image de l’influenceuse littéraire Victoire @nous_les_lecteurs (compte TikTok de plus de 220 000 abonnés). On les voit dévoiler les livres à la manière de l’unboxing (ces vidéos publiées sur le Web, dans lesquelles des personnes se filment en train de déballer les produits achetés qu’elles viennent de recevoir).

Sur le compte Instagram de @lamaquilleusebooktok, une vidéo façon « unboxing ».
@lamaquilleusebooktok, sur Instagram

Ce soin éditorial participe au succès du genre, que la presse qualifie de « véritable filon d’or pour l’édition ». Les prix reflètent cette valorisation : environ 20 euros pour les grands formats, plus de 25 euros pour les éditions collector (généralement reliées). Un achat conséquent pour le cœur de cible, permis pour une partie des lectrices par la généralisation du Pass culture à l’ensemble des 15-18 ans. En effet, en 2024, celui-ci représentait 22 % des ventes de romance.

Le succès se mesure aussi à l’ouverture de librairies spécialisées dans la romance un peu partout en France. Et il s’inscrit dans la durée : les nouveautés ne chassent pas les anciennes. Des titres comme Captive (2020), de l’Algérienne Sarah Rivens, ou Hadès & Perséphone (2022) de l’Américaine Scarlett St. Clair, parus depuis plusieurs années, continuent d’occuper les meilleures places dans les rayons.

Au-delà du nombre de ventes, les lectrices de new romance sont souvent de grandes lectrices, que le nombre de pages (avoisinant souvent les 600) n’effraie pas. Comme le montre l’enquête de réception réalisée par Babelio qui parle de public « bibliophage ».

Lire, acheter, collectionner… le tableau ne serait pas complet sans évoquer l’importance du geste dédicatoire. Une fois dédicacé, le livre change de statut et porte en lui une charge émotionnelle forte. En séances de dédicace, certaines lectrices font la queue alourdies de plusieurs livres, parfois achetés en double, l’un pour la lecture et l’autre pour la dédicace. « Faire dédicacer » son exemplaire, c’est le faire entrer dans le domaine de l’unicité, voire de la sacralité. Celui-ci fait ensuite l’objet d’un usage propre, celui d’être conservé précieusement chez soi (caractère précieux accru par le temps passé à attendre que son tour arrive en festivals et salons du livre).

Des autrices de chair et d’os

Comme nous l’avons déjà analysé, la rencontre physique avec un auteur à l’occasion d’un festival ou d’un salon du livre modifie l’image que l’on se fait d’un auteur et bouleverse le rapport qu’un lecteur entretient avec lui. C’est aussi la redéfinition de la posture auctoriale qui est en jeu, dans un effet de surexposition publique. Celle qu’on suit sur les réseaux est là physiquement, devant nous dans les différents événements, tels que les salons. Elle est incarnée par le livre et elle incarne le livre. Elle forme, à l’instar de Lyly Bay (une des autrices phares de chez Hugo pour cette rentrée littéraire), le trait d’union entre le livre physique, les échanges numériques et la lectrice.

Cette rencontre physique modifie la nature des rapports entre lectrices et autrices. La proximité autrice/lectrice est déjà entretenue par les différentes formes d’interaction rendues possibles à travers le numérique (plateformes d’écriture collaborative et réseaux sociaux de l’autrice). La rencontre physique est un degré supplémentaire dans la proximité (proximité illusoire et volontairement entretenue à des fins marketing aussi) entre autrice et lectrice. Illusion de la proximité, de l’accessibilité qui s’accroît avec le tutoiement, les embrassades, les selfies, les signes de complicité entre autrices et lectrices (un petit cœur fait avec les doigts de la main de Lyly Bay adressé à une lectrice âgée de 14 ans en pleine table ronde au Livre sur la Place).

Ce n’est pas nouveau. Les opportunités de rencontres avec un auteur sont aujourd’hui nombreuses : dans les sphères médiatiques, numériques et physiques. En conséquence, la frontière est de plus en plus ténue entre le moi social et le moi profond de l’auteur. C’est le dilemme de « l’auteur moderne » pour reprendre une expression d’Alain Vaillant.

Toutefois, la new romance – parce qu’elle entretient fortement ces moments de rencontre, parce que les thèmes intimes traités invitent à l’épanchement personnel, parce que les jeunes filles (cœur de cible) y voient un miroir de leurs préoccupations, de ce qu’elles vivent ou de ce qu’elles pourraient vivre (processus d’identification) – est un genre littéraire qui peut conduire à des situations inconfortables. Par exemple, une autrice à succès nous confiait regretter ne pas avoir suivi une formation en mediatraining pour savoir comment fermer la porte, en douceur, à un flot de témoignages parfois très douloureux qu’elle ne souhaite pas recueillir.

Ce goût pour la matérialité du livre et cette appétence pour la rencontre contribuent tous deux à l’identité du genre : ils transforment des textes initialement diffusés gratuitement en ligne en objets culturels valorisés et désirés dans tous les sens du terme. Par-delà sa forme physique ou numérique et bien plus qu’un simple objet de consommation, la new romance se partage, se montre, se collectionne et invite à la confidence.


Adeline Florimond-Clerc et Louis Gabrysiak viennent de publier New Romance. Anatomie d’un phénomène éditorial, aux éditions de l’Université de Lorraine, Nancy, 2025.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

ref. La new romance, un genre littéraire en ligne devenu phénomène de librairie – https://theconversation.com/la-new-romance-un-genre-litteraire-en-ligne-devenu-phenomene-de-librairie-265407

Comment adapter nos régimes de retraite à la nouvelle longévité

Source: The Conversation – in French – By François L’Italien, Professeur associé, sociologie, Université Laval

Les régimes de retraite actuels pourraient être insuffisants pour la prochaine génération. (Phyllis Lilienthal, Unsplash), CC BY-SA

Le vieillissement de la population québécoise et canadienne, combiné à l’allongement de l’espérance de vie, représente un véritable défi pour nos régimes de retraite.

Les retraités actuels et futurs courent le risque de voir certaines de leurs sources de revenus diminuer, ou, dans le meilleur des cas, stagner.

L’espérance de vie a beaucoup augmenté, atteignant 86 ans en 2021 pour les personnes atteignant l’âge de 65 ans, contre 78 ans en 1927, selon une étude de Retraite Québec.

En tant que coordonnateur de l’Observatoire de la retraite, je suis préoccupé par le déclin des régimes à prestations déterminées (RPD), car cela fragilise les revenus des futurs retraités. Les régimes à prestations déterminées versent des rentes pour toute la vie des retraités, jusqu’au décès.


Cet article fait partie de notre série La Révolution grise. La Conversation vous propose d’analyser sous toutes ses facettes l’impact du vieillissement de l’imposante cohorte des boomers sur notre société, qu’ils transforment depuis leur venue au monde. Manières de se loger, de travailler, de consommer la culture, de s’alimenter, de voyager, de se soigner, de vivre… découvrez avec nous les bouleversements en cours, et à venir.


Le système de retraite

Il faut voir le système de retraite comme une maison à trois ou à quatre étages. Au Québec, les deux premiers étages représentent le programme de la Sécurité de la vieillesse et le Régime de rentes du Québec. Ces deux régimes permettent au retraité de recevoir des rentes jusqu’à son décès. Ces rentes sont garanties et indexées chaque année en fonction de l’Indice des prix à la consommation.

Quant au troisième étage, il renferme différents types de régimes.

Outre les produits d’épargne individuels, comme les Régimes enregistrés d’épargne-retraite (REÉR) ou les Comptes d’épargne libre d’impôts (CÉLI), les régimes collectifs sont présents dans certains milieux de travail afin que les personnes salariées puissent cotiser et, à leur retraite, jouir d’un revenu de retraite. Les deux grandes familles de régimes collectifs sont les régimes à cotisations déterminées (RCD) et les régimes à prestations déterminées (RPD).

Les produits d’épargne individuelle et certains régimes d’employeurs, comme les RCD, permettent aux personnes salariées d’accumuler un capital qui sera décaissé durant la retraite. Le décaissement se fait avec des produits offerts par les compagnies d’assurance ou les institutions financières privées. Les individus sont responsables de leur patrimoine, doivent gérer leur argent et assumer les risques de manière individuelle.

Mais il faut savoir qu’environ la moitié des personnes qui travaillent ne bénéficient pas d’un régime de retraite collectif, ni d’un REÉR.

Le remplacement des RPD par les RCD

Le problème, depuis quelques décennies, est la diminution de la proportion de personnes travaillant dans le secteur privé qui sont couvertes par des RPD. Cela fait en sorte que davantage de personnes salariées doivent se fier sur l’épargne individuelle ou des RCD pour financer leur retraite. Ces personnes sont donc financièrement vulnérables et doivent assumer les risques liés au décaissement de leur épargne, comme celui qu’il n’y ait pas suffisamment d’argent jusqu’à la fin de leurs jours.

Avec l’allongement de l’espérance de vie, les personnes nouvellement retraitées doivent planifier le décaissement de leur patrimoine issu de l’épargne individuelle ou des rentes de cotisations déterminées sur une plus longue période de temps.

Allongement de l’espérance de vie et décaissement

Quels peuvent être les impacts de cette situation ? Avec un décaissement réparti sur une plus longue période de temps, les montants mensuels pouvant être versés sont plus faibles. Par exemple, pour un même niveau de patrimoine (par exemple 400 000 $), les montants mensuels versés sur 15 ans peuvent être supérieurs à ceux versés sur un horizon de 25 ans.


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Les personnes retraitées pourraient par ailleurs vivre plus longtemps que la période prévue de décaissement, avec pour résultat que certaines sources de revenus se tariront ou diminueront fortement. Des difficultés financières peuvent ainsi apparaître à la fin de la vie, et des décisions difficiles pourraient devoir être prises alors que les capacités cognitives des personnes retraitées déclinent.

Une idée pour les RCD

Des actions ont déjà été entreprises par les organismes de contrôle et de supervision en matière de retraite pour faire bénéficier de rentes à vie les participants à des RCD. Le projet de loi no 80 préparé par Retraite Québec et adopté en 2024 permet aux RCD de mettre en place des modalités de décaissement versant des rentes pour toute la vie de la personne retraitée.

Cette année-là, le Québec a emboîté le pas au gouvernement fédéral en légiférant pour que les RCD puissent verser des rentes à vie.

L’une des limites de ces régimes qui offrent des rentes versées à vie est que la petite taille de l’actif du régime ne permettra pas de faire diminuer les frais de gestion. De manière générale, plus l’actif à gérer est important, plus ils diminuent.

Nous pourrions aller plus loin. Le Royaume-Uni, par exemple, a mis en place le National Employment Savings Trust (NEST) en 2012 afin de recueillir et de gérer les cotisations des personnes salariées n’ayant pas de régime de retraite offert dans leurs milieux de travail. Les salariés et les employeurs y versent les cotisations. Les frais de gestion du NEST sont de 1,8 % pour les cotisations et de 0,3 % de l’actif sous gestion.

L’intérêt pour ce type de formule publique dans un contexte d’allongement d’espérance de vie est que les frais de gestion sont, de manière générale, plus faibles que dans le secteur privé.

Le patrimoine accumulé dans cet organisme grâce aux cotisations peut être retiré graduellement pour toute la vie, tout en permettant de sortir de l’argent dans les cas d’urgence. Il s’agit d’une approche plus structurante dont le Québec et les provinces canadiennes pourraient s’inspirer pour améliorer les modalités de décaissement des régimes à cotisations déterminées.

Une idée pour les régimes publics

Les régimes publics du Québec et du Canada (le premier et le deuxième étage du SRR) versent des rentes indexées selon l’Indice des prix à la consommation. Cependant, d’autres méthodes d’indexation existent ailleurs dans le monde. Par exemple, certains pays indexent les rentes des régimes publics en fonction des salaires ou du coût de la vie.

Plusieurs organismes ont déjà proposé que les rentes des régimes publics canadiens et québécois soient indexées en fonction de la hausse du salaire moyen plutôt que de l’Indice des prix à la consommation. Cela ferait en sorte que les rentes augmenteraient plus rapidement, puisque les salaires augmentent plus rapidement que l’inflation.

Une méthode d’indexation plus avantageuse pour les personnes retraitées est celle utilisée au Royaume-Uni. Elle consiste à indexer les rentes du plus élevé de ces facteurs : les prix à la consommation, les salaires ou 2,5 %. Elle a été surnommée Triple Lock.

Selon cette méthode d’indexation appliquée au Régime de rentes du Québec, calculée par l’institut de recherche et d’informations socioéconomiques, les rentes du RRQ auraient augmenté plus rapidement avec la méthode d’indexation du Royaume-Uni que de celle du Canada.

Des solutions existent donc afin de bonifier les modalités de décaissement des régimes à cotisations déterminées, ainsi que la méthode d’indexation des régimes publics.


Je remercie Riel Michaud-Beaudry, chercheur de l’Observatoire, pour sa relecture et ses commentaires.

La Conversation Canada

François L’Italien est coordonnateur de l’Observatoire de la retraite directeur adjoint de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC). Le financement de l’Observatoire de la retraite et de l’IREC provient d’organismes variés comme des associations de retraités ou de travailleurs et de Fonds de travailleurs.

ref. Comment adapter nos régimes de retraite à la nouvelle longévité – https://theconversation.com/comment-adapter-nos-regimes-de-retraite-a-la-nouvelle-longevite-250342

Comment généraliser le bio sans augmenter les importations ?

Source: The Conversation – France (in French) – By Michel Duru, Directeur de recherche honoraire, UMR AGIR (Agroécologie, innovations et territoires), Inrae

Les mangeurs bio étant moins exposés aux pesticides, il s’en suit une réduction du risque de développer des maladies chroniques non-transmissibles via l’alimentation. C’est particulièrement démontré pour le cancer du sein chez la femme ménopausée. Elina Mark, CC BY

Une agriculture française 100 % bio serait meilleure pour notre santé et celle de l’environnement. On pourrait arriver à cette généralisation du bio si l’on réduisait notre consommation de viande. Ce qui aurait également des effets bénéfiques pour notre santé.


Pour notre santé comme pour celle des écosystèmes, l’agriculture biologique apporte des bienfaits qui ne sont plus à prouver. Ses détracteurs aiment cependant dire qu’il serait impossible de la généraliser, car sa production par hectare étant souvent moindre, notre dépendance aux importations s’accroîtrait, assurent-ils.

C’est une vision parcellaire de notre système alimentaire. En effet, des études observationnelles, tout comme des scénarios de systèmes alimentaires, montrent qu’une généralisation de l’agriculture biologique serait possible si l’on réduisait en même temps notre consommation de produits animaux. Cela permettrait, d’une part, de libérer des terres arables pouvant compenser ces rendements moindres et, d’autre part, de produire ce dont notre alimentation manque cruellement pour notre santé et que, de plus, nous importons : fruits, légumes et légumineuses. Notre santé comme notre environnement s’en porteraient mieux.

Santé et environnement : des enjeux cruciaux et interdépendants

Commençons par un constat : notre système alimentaire actuel est fort coûteux. Il présente notamment une série de dépenses bien souvent invisibles pour le consommateur. On parle de coûts cachés. Il s’agit des dépenses faites ou qu’il faudrait faire pour corriger les conséquences sanitaires et environnementales de pratiques inadaptées comme :

  • l’utilisation excessive d’engrais azotés et de pesticides de synthèse, qui rendent la France très dépendante des importations et qui, du moins pour ce qui concerne la plupart des pesticides, sont nocifs pour la santé humaine et celle de l’environnement ;

  • la surconsommation de produits ultra-transformés et de produits animaux, en particulier de viande rouge et de charcuterie, qui contribuent au développement de maladies chroniques ;

  • le développement d’élevages très intensifs en intrants, souvent concentrés géographiquement, nécessitant beaucoup d’achats d’aliments pour nourrir les animaux, avec comme conséquences des nuisances graves sur les écosystèmes, comme le montre, par exemple, le problème des algues vertes en Bretagne.

Mises bout à bout, toutes ces dépenses équivalent presque aujourd’hui au prix total des denrées alimentaires consommées en France, soit 170 milliards d’euros.

La bonne nouvelle, c’est que l’agriculture et l’alimentation bio permettraient de réduire ces dépenses, car elles n’utilisent pas d’intrants de synthèse, sont plus exigeantes pour les modes d’élevage et plus restrictives quant aux additifs autorisés dans la fabrication des aliments. En outre, le bio comporte de nombreux bienfaits qui plaident en faveur de sa généralisation.

Meilleure pour la santé

L’alimentation bio est, avant tout, meilleure pour la santé. Ainsi, les produits biologiques ont en moyenne des teneurs un peu supérieures en micronutriments d’intérêt pour la santé, notamment des antioxydants, mais leur atout principal est de contenir bien moins de résidus de pesticides, à l’exception du spinosad, un insecticide naturel. Les mangeurs bio étant moins exposés aux pesticides, il s’en suit une réduction du risque de développer des maladies chroniques non transmissibles par l’alimentation, comme l’ont montré des études épidémiologiques et quelques études cliniques. C’est particulièrement démontré pour le cancer du sein chez la femme ménopausée.

Des effets contrastés sur l’environnement

L’agriculture bio a également nombre d’atouts pour le sol et pour la biodiversité qui sont bien documentés. En élevage, les vaches utilisent peu de terres labourables et elles pâturent dès que les conditions le permettent, si bien que leur alimentation entre peu en compétition avec la nôtre. Les achats de fourrages et de compléments sont également limités.

Les élevages de porcs et de volailles ont une moindre densité d’animaux par mètre carré et ont accès à des parcours, ce qui est mieux pour le bien-être animal. La plus faible densité d’animaux permet aussi d’utiliser les fumiers avec moins de risque de pollution, car plus d’hectares sont disponibles pour leur épandage. Toutes ces caractéristiques font qu’on parle d’élevage « avec lien au sol ».

Les émissions de gaz à effet de serre qui contribuent au réchauffement climatique, bien que très variables selon les études, sont, lorsqu’exprimées par kilogramme de produit, en moyenne un peu plus élevées en bio si les rendements des cultures sont plus faibles et les temps d’élevage sont plus longs. Il en est de même des pertes de nitrates à l’origine, par exemple du problème des algues vertes en Bretagne. Un autre point négatif parfois pointé est celui du cuivre et du soufre qu’utilisent certains vignerons ou maraîchers bio pour lutter contre les maladies et qui ne sont pas sans impact sur les sols.

Mais la principale faiblesse de l’agriculture bio provient des rendements de cultures moindres qu’en agriculture conventionnelle d’environ 25 % en moyenne ; les différences les plus fortes étant observées pour les céréales et pour les pommes de terre (jusqu’à 35 %) et les plus faibles pour le tournesol, pour les fruits et légumes (20 %). Pour les productions animales, les différences moyennes sont de 15 %.

De façon générale, il faut plus de surfaces pour obtenir une même quantité de produits. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il a été montré par modélisation au Royaume-Uni qu’une généralisation de l’alimentation bio n’est pas possible.

En France, une agriculture totalement bio est encore loin d’advenir, vu que l’agriculture conventionnelle représente aujourd’hui 90 % des terres agricoles et qu’elle reste à l’origine de 94 % des dépenses alimentaires des ménages.

De ce fait, cela peut sembler ironique quand on entend les craintes de dépendance aux importations que soulèvent les sceptiques du bio, car l’agriculture française est déjà aujourd’hui très dépendante des produits importés, avec 2 millions de tonnes d’engrais azotés de synthèse et 3,5 millions de tonnes de tourteaux de soja pour l’agriculture conventionnelle, auxquels il faut ajouter l’équivalent de 680 000 hectares de fruits et légumes.

D’où la question : est-il possible de consommer plus de produits bio, globalement bénéfiques pour la santé et pour l’environnement, malgré des productions agricoles plus faibles ?

Diminuer la viande dans l’assiette pour généraliser le bio

La réponse est oui, si l’on diminue notre consommation de produits animaux, et donc la surface agricole réservée à l’élevage pour en consacrer plus aux productions végétales. Pour évaluer quelle diminution serait bénéfique à la fois pour la santé et pour l’environnement, commençons par regarder quelles sont les recommandations sur la part de protéines végétales et animales que l’on devrait avoir dans notre alimentation.

Notre consommation moyenne de protéines totales (1,4 g/jour de protéines par kilogramme de poids corporel) excède aujourd’hui les recommandations d’environ 30 % et les besoins de 70 % (0,83 g/jour de protéines par kilogramme de poids corporel). Un régime plus végétalisé demeure meilleur pour la santé. Il serait même possible d’utiliser jusqu’à 80 % de protéines végétales tout en assurant nos besoins en micronutriments essentiels, comme la vitamine B12, pour apporter suffisamment de protéines, à condition d’associer des céréales aux légumineuses de façon à avoir un apport équilibré en acides aminés.

Ces données scientifiques permettent de définir un ordre de grandeur pour une baisse sans risque de la consommation de produits carnés, qui serait de l’ordre de 50 % en moyenne pour respecter les limites planétaires, notamment pour le climat et pour l’azote, sans augmenter la dépendance aux importations.

Moins manger de viande n’est d’ailleurs pas aberrant du tout d’un point de vue historique, car, si certains associent un régime très carné à des traditions culturelles, les Français mangeaient en réalité moitié moins de viande il y a cent ans.

Les produits laitiers sont également surconsommés aujourd’hui, au regard des recommandations nutritionnelles, avec une consommation moyenne de 70 grammes de fromage par jour lorsqu’il est conseillé de ne pas dépasser 40 grammes.

Une alimentation plus bio est donc possible en végétalisant l’assiette, car diminuer la consommation de produits animaux réduirait bien plus la surface pour se nourrir que la généralisation d’une alimentation bio ne l’augmenterait.

Ainsi, réduire la consommation de produits animaux permet de diviser par deux cette surface (de 8,3 m²/jour pour ceux qui mangent moins de 50 grammes de viande par jour à 16,8 m²/j pour ceux qui en mangent plus de 100 grammes par jour), alors que consommer bio ne l’augmenterait que de 30 %. De cette façon, il serait possible de libérer au moins 4 millions d’hectares de cultures utilisées par l’élevage et de les affecter à des productions végétales cultivées en bio, compensant ainsi des rendements inférieurs, notamment pour les céréales.

Quel type d’élevage favoriser ?

Reste la question de savoir quels types d’élevage il faudrait en priorité diminuer et ceux qui, au contraire, sont à favoriser.

Les élevages de ruminants (bovins, ovins) à soutenir sont ceux où l’alimentation des animaux provient principalement des prairies pâturées ou récoltées. De tels élevages sont plus faciles à mettre en œuvre en bio. Ils sont meilleurs pour l’environnement car ils génèrent moins de pollutions azotées et utilisent bien moins ou pas de pesticides. En outre, le lait et la viande sont plus riches en acides gras insaturés à fonction anti-inflammatoire.

En conséquence, la réduction des productions animales devrait surtout concerner les élevages les plus intensifs en intrants de synthèse, et/ou concentrés géographiquement, qui utilisent le plus de terres labourables et sont le plus dépendants d’importations de concentrés (soja) pour l’alimentation des animaux. Une partie des terres labourables – 3,8 millions d’hectares pour l’élevage des ruminants et 3,9 millions d’hectares pour les porcs et les volailles – serait alors utilisée pour des productions végétales en bio.

Les scénarios conçus à l’échelle de l’Union européenne et de la France montrent que la mise en œuvre de pratiques agroécologiques ne permet pas à elle seule d’atteindre les objectifs de politiques publiques en matière de climat et d’émissions d’azote. Cela nécessite donc de végétaliser l’assiette, en complément du développement massif des légumineuses, qui ont l’immense intérêt de ne pas exiger d’apport en engrais azotés, de réduire de moitié le gaspillage alimentaire, et de recycler une partie de nos urines naturellement riches en azote. En effet, un point faible de l’agriculture biologique est souvent le manque d’azote, nécessaire à la croissance des plantes.

La bio étant une forme emblématique, mais perfectible, de l’agroécologie, le progrès des connaissances pour développer une agriculture, dite biorégénératrice, fondée sur les processus écologiques permettrait de réduire les différences de production avec l’agriculture conventionnelle. Cela suppose d’activer de nombreux leviers agronomiques : la diversification végétale, les pratiques améliorant la santé du sol ainsi que des modes d’alimentation des animaux fondés sur l’herbe pour les ruminants et sur la complémentation en lin pour les monogastriques.

Ignorant ces données scientifiques quant à nos besoins en protéines animales et leurs impacts sur l’environnement, le débat sur le bio est souvent mal posé.

The Conversation

Membre du Conseil scientifique de PADV (Pour une Agriculture du Vivant)

ref. Comment généraliser le bio sans augmenter les importations ? – https://theconversation.com/comment-generaliser-le-bio-sans-augmenter-les-importations-263394

The smartphone in Saudi Arabia: between women’s empowerment and surveillance

Source: The Conversation – France – By Hélène Bourdeloie, Sociologue, maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Sorbonne Paris Nord et chercheuse au LabSIC et associée au Centre Internet et Société (CIS– CNRS), Université Sorbonne Paris Nord

In January 2019, the plight of Rahaf Mohammed al-Qunun captured global attention. The young Saudi woman, attempting to escape her family, found herself stranded in Thailand after her passport was confiscated. Armed with her smartphone, she used social media to alert international organisations about the fate awaiting her. Canada eventually granted her asylum. The Saudi chargé d’affaires in Thailand then declared that the authorities should have deprived her of her phone, thereby revealing the unprecedented power of this connected device.

That same year, activist Manal al-Sharif, known for cofounding the Women2Drive movement in 2011 and popularising it on social networks, closed her Twitter and Facebook accounts. The very social media platforms that had first allowed her to liberate her voice had become a trap, serving Saudi propaganda and misinformation efforts. Instruments of resistance and feminist mobilisation that resonated worldwide, social media platforms also proved to be oppressive weapons.

By the late 2010s, countless Saudi women were leveraging social media to build both small businesses and larger enterprises.

These examples reflect the remarkable complexity of women’s experiences in Saudi Arabia – conditions that cannot be reduced to the stereotypical representation of the Muslim woman as victimised and submissive or, conversely, as a glamorous, cosmopolitan entrepreneur. They also highlight the role the smartphone can play in challenging gender norms.

The kingdom presents a fascinating paradox: religious conservatism coupled with technological innovation. It ranks among the world’s most connected nations, boasting exceptional penetration rates for microblogging and social media, particularly YouTube. Introduced in the 2000s, the smartphone rapidly took root in this society, which has made digitisation and investment in tech one of its new political banners.

The institutionalisation of gender segregation

Shaped by historical, cultural, religious, and economic dimensions, the identity of Saudi women is more complex than what has been conveyed in the West, which tends to see them only as subordinates.

It is true that the tribal heritage and Wahhabi doctrine, dominant in the country, long imposed a strict framework that shaped women’s place in society. But paradoxically, it was the oil boom of the 1970s that reinforced and institutionalised gender segregation, constituting both an obstacle and a lever for women’s emancipation.

However, in the 2000s, progressive reforms took place: since 2014, Saudi women have been able to work in many sectors without requiring their guardian’s approval; since 2018, they have been allowed to open their own businesses and drive without male consent; and since 2019, they have been able to travel independently, no longer bound by guardianship restrictions. The Vision 2030 plan further accelerated this movement by placing economic and social liberalisation at the heart of Saudi political projects.

Saudi society nevertheless remains sexist and hierarchical, with gender relations embedded in a patriarchal system where men hold authority and define female honour as a property to be protected. This hierarchy manifests itself in the family, public space, law, and even in language, which enshrines male domination.

It is in this context of a segregated society, where Saudi women were long confined to the domestic sphere, but also within the framework of reforms in favour of women’s rights, that the smartphone exerts its polyvalent and paradoxical role.

Smartphones disrupting gender boundaries

Saudi women quickly appropriated the Internet and, even more so, the smartphone. Initially more connected than men – 96% of them used the Internet in 2015, compared to 88% of men (according to the Communications and Information Technology Commission, now the Space and Technology Commission) – Saudi women also spent more time online, and connected more often from home and via their smartphones. These practices were linked both to the social construction of gender identity, which confined them to the domestic sphere, and to the ban on driving, which reinforced their reliance on the smartphone.

Far from being a simple technical tool, the smartphone was thus invested as a medium of visibility and self-expression to compensate for an invisibility engendered by gender segregation.

Always at hand, the smartphone also became a fashion accessory, highly visible for women dressed in an abaya and niqab – all the more so before Crown Prince Mohammed bin Salman, the strongman of the kingdom, declared in 2018 that the abaya was no longer mandatory.

In this stratified society where objects carry distinctive power – a latest-generation iPhone being a social and aesthetic marker – the smartphone becomes an ostentatious ornament, an instrument of stylisation and self-presentation displayed in public spaces, particularly in shopping malls where women can stroll with confidence.

Beyond its symbolic role, the smartphone opened up a space for emancipation through photography and social networks, even though human imagery remains controversial in Islam and photographs were long proscribed in Saudi Arabia, to the extent that the first camera-equipped phones were banned. These prohibitions gradually gave way, despite persistent restrictions.

In 2016, the rise of Snapchat played a decisive role. Very popular in Saudi Arabia – the kingdom ranked among the world’s top users – the app allowed young women to make themselves visible through selfies and retouched portraits. Filters served as strategies to circumvent Islamic censorship, as a modified face or body was no longer considered a human representation. These playful uses could be transgressive: showing one’s hair or face, even altered, amounted to defying norms.

The smartphone thus enabled Saudi women to negotiate with codes, assert female presence in digital spaces, and, at times, contest the established social order.

The smartphone: a tool for or against feminism?

For Saudi women, who were prevented from driving until 2018, the smartphone became a tool of mobility through ride-hailing apps such as Uber or Careem, allowing them to move without relying on a male family member or a private driver. Geolocation apps, meanwhile, reassured relatives and facilitated outings for young women.

Beyond this, the smartphone constitutes a genuine instrument of activism. The Women2Drive movement thus gained new momentum through digital platforms. Indeed, IN 2013, it was with their connected mobiles that Saudi women publicly defied the driving ban by filming themselves behind the wheel and sharing these videos on YouTube and Twitter.

More broadly, in a country where the political scene is non-existent, it is on social media that feminist debates and mobilisations take place. It is also thanks to the development of digital services that Saudi women have been able to circumvent some of the rules of the guardianship system. Thus, the government application Absher, created in 2015, simplified women’s daily lives and their guardians’ administrative tasks, even opening up a way to bypass the system by allowing women to grant themselves travel authorisations.

Yet, the smartphone can also work against feminism. The very same Absher app, initially designed to streamline administrative procedures, has been denounced as a surveillance tool reinforcing control over women. Furthermore, instrumentalised by the regime, smartphones have become tracking devices through their IMEI numbers, used to monitor dissidents or women attempting to escape their possible tragic fate.

Both a tool of emancipation and empowerment, the smartphone in Saudi Arabia, then, is also an instrument of control. Beyond the cases of Rahaf Mohammed or Manal al-Sharif mentioned above, it has enabled women to develop entrepreneurial activities on Instagram, or Muslim preachers to defend women’s rights in digital spaces by advocating for the preservation of the guardianship system, which some of them see as a protective framework for Saudi women.

In service of feminism – a look away from the West reveals the plurality of feminism’s faces, irreducible to a model of resistance based on Western experiences – the smartphone in Saudi Arabia can both advance and undermine women’s causes. It has reinforced the control of dissident voices, developed spying and tracking practices, and consolidated, through social media platforms, a culture of surveillance already embedded in the social fabric. Neither a simple tool of emancipation nor a pure instrument of oppression, the smartphone remains an object and a space of tension where power relations and gender norms are redrawn.


This text draws on a presentation at the XXIe Congress of the Association internationale des sociologues de langue française (AISLF) held in 2019.


A weekly e-mail in English featuring expertise from scholars and researchers. It provides an introduction to the diversity of research coming out of the continent and considers some of the key issues facing European countries. Get the newsletter!


The Conversation

Hélène Bourdeloie ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. The smartphone in Saudi Arabia: between women’s empowerment and surveillance – https://theconversation.com/the-smartphone-in-saudi-arabia-between-womens-empowerment-and-surveillance-265536

À l’ONU, Donald Trump redessine l’exceptionnalisme américain à son image

Source: The Conversation – in French – By Vincent Bricart, Doctorant au Center for International Relation Studies de l’Université de Liège. Spécialisé dans l’étude des relations transatlantiques EU-USA et dans la politique étrangère des Etats-Unis., Université de Liège

Les prédécesseurs de Donald Trump ont tous assumé, chacun à sa façon, la notion d’« exceptionnalisme américain ». Lors de son discours prononcé à l’ONU, le 24 septembre dernier, le locataire actuel de la Maison Blanche a présenté une vision très différente de ce concept, ancrant la politique étrangère conduite par Washington dans les principes de nationalisme et de souverainisme, et y ajoutant une forte composante personnelle. De l’exceptionnalisme américain, on semble être passés à un « exceptionnalisme trumpien ».


Mercredi 24 septembre 2025, Donald Trump a pris la parole devant l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU) pour la première fois depuis sa réélection. D’une durée d’un peu moins d’une heure, cette intervention a marqué les esprits autant par sa forme – un langage singulier pour un discours adressé à ses pairs internationaux – que par le fond du message. Trump y a vanté son bilan et défendu sa vision de l’Amérique (c’est-à-dire, des États-Unis) sur la scène mondiale, s’en prenant largement au passage à l’institution onusienne, aux politiques migratoires et environnementales de l’Union européenne, au bilan de son prédécesseur Joe Biden, ou encore à certaines figures étrangères comme le maire de Londres Sadiq Khan et le président du Brésil Lula.

Plus qu’une simple série de règlements de comptes, le discours de Trump visait surtout à exposer les succès de son Amérique et à affirmer l’avènement d’un nouveau modèle américain, marqué par une forme d’exceptionnalisme proprement trumpien : une Amérique illibérale, centrée sur le leadership personnel du président, en rupture avec la conception traditionnelle du rôle des États-Unis dans le monde.

Retour sur l’exceptionnalisme et le modèle américains post-guerre froide

Pour comprendre la rupture que constitue ce discours, il faut d’abord comprendre ce que sont l’« exceptionnalisme américain » et le modèle qui en découle.

L’exceptionnalisme américain repose sur trois postulats ou croyances constitutifs de l’identité nationale états-unienne. D’une part, les États-Unis se perçoivent comme une société distincte des autres dans l’histoire, car investie d’un destin singulier : la « destinée manifeste ». D’autre part, leur organisation politique, leurs institutions, leur démocratie et la liberté individuelle qui en résulte sont considérées comme supérieures à celles des autres pays du monde. Enfin, prévaut la conviction que l’Amérique constitue une référence, un modèle à diffuser – par l’exemple ou par l’action – à l’ensemble de l’humanité.

Ces idées sont profondément ancrées aussi bien dans une partie de la population que dans la grande majorité de la classe politique américaine. La notion d’exceptionnalisme américain se trouve ainsi au cœur de l’identité nationale des États-Unis. Elle repose non pas sur une histoire ou un peuple homogène, mais sur un patrimoine de valeurs partagées (liberté, autodétermination, destin unique) qui sert de mythe fondateur et de refuge en période de crise. Portant une dimension religieuse et émotionnelle, elle agit comme un ciment fédérateur pour les citoyens.

American Progress (1872), du peintre états-unien John Gast (1842-1896), illustrant la destinée manifeste des États-Unis.
Wikimedia

Dans le domaine de la politique étrangère, l’exceptionnalisme sert d’outil de légitimation et de justification. Deux grandes doctrines s’en dégagent : une approche messianique, visant à exporter le modèle américain à l’échelle mondiale, par la persuasion ou par la force ; et une approche exemplaire, qui consiste à laisser ce modèle rayonner et inspirer sans chercher à l’imposer.

Sa souplesse en fait un concept en constante évolution, que les dirigeants du pays adaptent selon leurs besoins pour affirmer leur vision du leadership et du rôle des États-Unis dans le monde. Le locataire de la Maison Blanche occupe une place décisive dans ce processus. En tant que commandant en chef des armées et de la garde nationale et principal porte-parole du pays, il façonne la doctrine de politique étrangère et incarne les valeurs de l’exceptionnalisme. Ses discours sont des instruments privilégiés pour reformuler et actualiser ce récit, en fonction de sa propre lecture du contexte international et de ses objectifs politiques. À travers ses allocutions, il construit une stratégie narrative qui lie les valeurs américaines à l’affirmation de la puissance et au maintien du leadership mondial.

Depuis la fin de la guerre froide, l’exceptionnalisme américain et le modèle qu’il promeut dans les instances internationales, notamment à l’AGNU, ont évolué dans leurs modalités.

Dans les années 1990, sous George H. W. Bush et Bill Clinton, Washington a cherché à orienter le système multilatéral tout en multipliant les interventions militaires dites « humanitaires » : première guerre du Golfe en 1990-1991, opération Restore Hope en Somalie en 1992-1993, participation aux frappes de l’Otan contre les forces serbes en Bosnie en 1995 et en Serbie en 1999, pour n’en citer que quelques-unes. Les États-Unis se posaient alors comme « puissance indispensable », garante de la stabilité mondiale, promouvant un exemple cosmopolite et multilatéraliste.

Au début des années 2000, George W. Bush a durci cette posture. Inspirée par les néoconservateurs et le traumatisme du 11-Septembre, son administration a adopté une politique messianique, interventionniste, fondée sur la supériorité morale et militaire des États-Unis. Le recours à la force fut justifié par l’indispensable « démocratisation » du Moyen-Orient et la lutte contre les « États voyous ». Ces interventions – en particulier la guerre en Irak, illégale au regard du droit international car non autorisée par le Conseil de sécurité – ainsi que les propos et la vision très critique de l’administration Bush (la plus hostile envers l’ONU jusqu’à l’arrivée de Donald Trump) à l’égard du multilatéralisme ont considérablement fragilisé la crédibilité du modèle américain promu à l’international.

L’Amérique des néoconservateurs, documentaire de Georges Nizan et Michel Rivlin (2004).

À partir de 2009, Barack Obama a cherché à redéfinir cette notion d’exceptionnalisme : tout en affirmant la singularité du modèle américain, il a privilégié l’exemplarité interne et le multilatéralisme, rejetant le messianisme guerrier de ses prédécesseurs. Son approche relevait d’un leadership se voulant adapté à une ère « post-américaine » dans laquelle les États-Unis, en tant que puissance majeure, assumeraient davantage un rôle de soutien qu’une position de leader systématique.

Après le premier mandat Trump (nous y reviendrons), Joe Biden a entrepris de relancer l’exceptionnalisme américain, réaffirmant le leadership des États-Unis sur la scène mondiale en s’érigeant en chef de file indispensable des démocraties face à la montée de l’autoritarisme global. La guerre déclenchée par la Russie contre l’Ukraine en février 2022 est venue conforter sa vision d’un affrontement décisif entre démocratie et autocratie. Cependant, les événements consécutifs aux massacres du 7 octobre 2023 ont mis en lumière les contradictions de ce modèle : le soutien presque indéfectible apporté à Israël malgré la catastrophe humanitaire imposée aux habitants de Gaza a fragilisé le leadership moral américain et le modèle démocratique que Biden cherchait à réaffirmer. Par ailleurs, l’évolution progressive du contexte politique intérieur a infléchi sa rhétorique, recentrant son discours sur le modèle de résilience de la démocratie américaine face aux menaces internes portées par le mouvement MAGA.

Malgré ces variations et leurs interprétations parfois ambiguës, une constante demeure dans les discours des présidents américains à l’AGNU : la valorisation d’un ordre international fondé sur la coopération, l’État de droit, la démocratie, les droits humains, la libre concurrence et la bonne gouvernance selon les principes néolibéraux – même si les États-Unis n’ont pas toujours respecté l’exemple qu’ils défendaient eux-mêmes.

Le discours de Trump à l’AGNU : l’exceptionnalisme trumpien

Lors de son discours à la 80eAssemblée générale de l’ONU, Donald Trump a abordé plusieurs thèmes marquants. Nous revenons ici sur les plus polémiques.

Le président Trump a d’abord sévèrement critiqué l’institution, ironisant sur ses infrastructures défaillantes (un escalier mécanique et un prompteur tombés en panne) et mettant en doute l’utilité même d’une organisation incapable, selon lui, de régler le moindre conflit – sachant qu’il a lui-même contribué à cet affaiblissement en réduisant la contribution américaine au budget de l’ONU – et accusant l’institution d’en créer de nouveaux en encourageant l’immigration dans les pays occidentaux.

« Donald Trump à l’ONU : l’intégralité de son discours traduit en français », Le Figaro, 24 septembre 2025.

Trump a ensuite martelé sa défense de la souveraineté nationale comme principe cardinal des relations internationales, en rupture frontale avec l’héritage multilatéraliste et universaliste de ses prédécesseurs. Cette posture nationaliste et identitaire l’a conduit à affirmer que le christianisme était désormais « le culte le plus menacé au monde » et à fustiger la politique migratoire européenne, accusée de fragiliser la cohésion des sociétés.




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Il a également réaffirmé son déni du changement climatique, qu’il a qualifié d’« escroquerie », et a rejeté toute régulation environnementale, inscrivant ainsi son discours dans une logique productiviste et consumériste caractéristique de sa vision économique.




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En ce qui concerne la politique énergétique, il a dénoncé la dépendance européenne au pétrole russe et pointé du doigt la Chine et l’Inde pour leurs choix énergétiques similaires.

Enfin, l’allocution s’est distinguée par un ton particulièrement vindicatif. Trump a multiplié les attaques personnelles, mentionnant Joe Biden à sept reprises pour critiquer son bilan, et s’en prenant à d’autres figures politiques comme le maire de Londres, le travailliste Sadiq Khan – accusé de vouloir « imposer la charia » –, ou encore le président brésilien Lula da Silva. Tout en soulignant qu’il avait une bonne relation personnelle avec lui, il a reproché au gouvernement de Lula, parmi autres, d’instrumentaliser la justice – une référence à peine voilée à la récente condamnation à vingt-sept ans de prison de Jair Bolsonaro, le prédécesseur de Lula, pour tentative de coup d’État en 2023.

En parallèle, l’hôte de la Maison Blanche a longuement insisté sur les « succès » de son administration, se targuant notamment d’avoir mis fin à « sept guerres », et affirmant que les États-Unis vivaient leur « Âge d’or », portés par la puissance de leur économie, de leurs frontières, de leur armée, de leurs amitiés et de leur esprit national.




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Jamais dans l’histoire de l’AGNU un président états-unien ne s’était autant vanté de ses succès, tout en critiquant ouvertement ses prédécesseurs et des dirigeants de pays amis démocratiquement élus. Une telle approche est d’autant plus atypique qu’elle relève davantage de la dynamique d’un discours sur l’état de l’Union, traditionnellement prononcé chaque mois de janvier devant le Congrès américain, que d’une allocution solennelle devant ses pairs à l’ONU.

Comment comprendre ce discours ?

Le discours de Donald Trump consolide la remise en cause, entamée durant son premier mandat, de la place et de la fonction de l’exceptionnalisme américain traditionnel dans la politique étrangère de Washington. Contrairement à ses prédécesseurs, il rejette l’idée que les États-Unis incarneraient nécessairement le « monde libre » ou qu’ils seraient investis d’une mission universelle au service de la démocratie et des droits humains.

À ses yeux, l’héritage multilatéral des dernières décennies a affaibli la puissance américaine et son image internationale. Son propos vise autant les dimensions symboliques de l’exceptionnalisme – leadership systématique, vocation morale – que les politiques concrètes qui en découlaient.

Dès lors, sa critique des Nations unies, sa promotion de la souveraineté des États, le rejet des politiques migratoires et le soutien au matérialisme dans le rapport de force traditionnel entre États (où les États-Unis partent avantagés) s’inscrivent dans une volonté de rupture. C’est une réorientation franche, assumée, qui s’oppose au modèle libéral et multilatéral de l’Amérique post-guerre froide pour laisser place à une vision américaine illibérale, qui a vocation à s’exporter à travers le monde et notamment en Europe. Sa critique des politiques conduites par l’Union européenne doit se comprendre selon la même logique.

Toutefois, Trump ne nie pas la supériorité et le caractère exceptionnel de l’Amérique : sa perspective nationaliste et protectionniste est centrée sur la défense prioritaire des intérêts américains et sur une glorification de la puissance matérielle. Dans une logique de rapport de force, il veut prouver que son Amérique est la plus forte, au-dessus des autres nations et modèles et, pour cela, il valorise la puissance tangible – ressources, poids économique, budget militaire – et les victoires concrètes qu’il présente comme des wins (accords politiques, succès économiques ou militaires favorables aux États-Unis).

Le modèle trumpien se traduit ainsi par une surreprésentation de l’affirmation de la supériorité des États-Unis et de leur puissance matérielle, une puissance que les politiques vertes et les énergies renouvelables pourraient, selon lui, entraver. Plus qu’un simple déni du changement climatique, Trump critique toute mesure limitant le marché et la prospérité. En outre, derrière ses attaques contre l’achat de pétrole russe se profile la volonté de promouvoir les exportations américaines de GNL.

Parallèlement, Trump individualise cet exceptionnalisme en l’associant directement à sa propre personne. Il met en avant le modèle non pas de l’Amérique en général, mais bien de son Amérique – celle de son administration et de son leadership personnel. Cette appropriation s’accompagne d’une défiance marquée à l’égard des autres modèles – qu’il s’agisse de celui des démocrates tels que Joe Biden, celui des Européens ou celui des leaders de gauche au niveau international comme Lula da Silva.

Il se présente comme l’unique acteur capable de restaurer la grandeur américaine : c’est une forme d’« auto-exceptionnalisme », qui souligne le caractère singulier et supérieur des aptitudes du président actuel à incarner et à réaffirmer la singularité américaine.

Le discours de Donald Trump à l’AGNU de septembre 2025 illustre ainsi la reconfiguration du modèle américain vers une approche axée sur le souverainisme, sur le protectionnisme, sur le nationalisme et sur un leadership fortement personnalisé, au détriment de la tradition multilatéraliste, néolibérale et universaliste, qui caractérisait jusque-là la projection américaine dans les affaires mondiales. Cette orientation s’accompagne d’une défense prioritaire, assumée et sans compromis des intérêts nationaux dans un rapport de force global ouvert. Déjà, ce modèle américain inspire des émules en Europe comme ailleurs dans le monde, et tout indique qu’il est appelé à encore se renforcer au cours des prochaines années.

The Conversation

Vincent Bricart ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. À l’ONU, Donald Trump redessine l’exceptionnalisme américain à son image – https://theconversation.com/a-lonu-donald-trump-redessine-lexceptionnalisme-americain-a-son-image-266262

Why the politics of cancellation never works

Source: The Conversation – Canada – By Robert Danisch, Professor, Department of Communication Arts, University of Waterloo

Cancellation, elimination, subtraction, removal, invalidation — these synonyms describe a core, pervasive principle in our current political moment.

A common fantasy from those on all positions of the ideological spectrum is the belief that if one group, or several groups, of people were simply removed from public discourse, problems would be solved and politics would become functional.

Whether it’s United States President Donald Trump insisting the homeless population of Washington D.C., should be removed or Jimmy Kimmel and other late-night comedians should be taken off the air, the goal is to practise politics by subtraction.

Many on the left got caught up in stories about Trump’s declining health and the possibility that illness would remove him from office. Others, like American author and professor Roxanne Gay, argue that liberals cannot, and should not, engage with or be civil to conservatives, who are simply terrible people.

The animating belief of a politics of cancellation is that a functional society just beneath the surface will emerge if only the right people are removed.

Cancellation at odds with democracy

In the United States, cancellation is everywhere right now: there are calls to remove trans people from public life, to label the opposition party a “domestic, extremist organization,” to impeach Supreme Court Justice Clarence Thomas.

But this is largely political theatre, not a constructive form of collective problem-solving.

Removing homeless people from Washington, D.C., or any other city may make urban streets appear “clean” or “safe” to some, but the structural and moral issues represented by homelessness will persist and metastasize out of sight. The unhoused still won’t have homes.

Remove Trump, and J.D. Vance becomes president, amplifying the hard right turn of the last year in the U.S. In politics, collective problems cannot be solved by cancellation or removal.

Perhaps even more importantly, democracy cannot survive the practice of cancellation, nor will it produce the stability imagined once one group of people is eliminated from public discourse.

The work of democracy is always inclusion. Effective, collective decision-making rests on the possibility of persuasion to change minds and create consensus from disagreement.

Cancellation or subtraction are moves to eliminate the possibility of persuasion in favour of silence. To eliminate the practice of persuasion is to transform a society from democracy to authoritarianism.

Reconciling differences

In interpersonal communication, we know that when partners stonewall, silence or turn away from their significant other, the relationship runs into deep trouble.

The same is true for the kinds of constructive relationships between strangers required by democracy — when we turn away from our fellow citizens or silence them, functional communication processes and the possibility of persuasion are no longer available.

Even if we managed to cancel or subtract some group, the challenge of collective decision-making remains. There is no utopia just beyond successful cancellation, nor could there be given the requirements of democracy to reconcile differences in productive ways.

In interpersonal relationships, we know how damaging the Ziegarnik effect can be, which is the way unprocessed negative interactions stick with people and gradually erode trust. In other words, a problem unresolved is like a pebble stuck in our shoe, digging at us and causing additional problems.

The ideas and perspectives of people who face cancellation continue to circulate, stuck in our collective public discourse, causing deeper, future problems. Inclusion is a prerequisite for persuasion, transformation and change because it allows us to deal squarely with the problems we confront instead of leaving them unresolved.

Cancellation is a primary tool of fascism and authoritarianism. To blame and demonize one group of people for society’s ills is an easy way to explain away problems and consolidate power.

But the antidote to cancellation cannot be more cancellation. Jimmy Kimmel actively showed the way in his monologue upon returning from temporary cancellation. He offered a sophisticated defence of free speech that practised the inclusion of voices he usually criticized. Kimmel was civil in a deep way that is essential for democracy.

Jimmy Kimmel’s monologue after his brief cancellation. (Jimmy Kimmel Live!)

The importance of comedy

Comedy itself is a mode of criticism that can preserve the social order and resist the urge to cancel. This is why comedy is woven into the social fabric of democracies and not into authoritarian governments.

We poke fun to let others know we disagree, sometimes vehemently, but that kind of engagement keeps the conversation going and opens possibilities for change.

Those on the left, the remaining defenders of democracy, make a mistake when they attempt to practise a politics of cancellation, as do those on the right. A politics of inclusion is always the antidote and the best method of problem-solving.

Societies flourish and prosperity grows through inclusion not subtraction. Historians of democracy know this.

The Conversation

Robert Danisch receives funding from the Social Sciences and Humanities Research Council of Canada.

ref. Why the politics of cancellation never works – https://theconversation.com/why-the-politics-of-cancellation-never-works-266034

Charlie Kirk’s legacy is the beneficiary of empathy, but he couldn’t stand the term

Source: The Conversation – Canada – By Jane Barter, Professor, Department of Religion and Culture, University of Winnipeg

The grief that attended American political activist Charlie Kirk’s murder was not solely poured out by the political right. Liberal commentators also participated; journalist Ezra Klein expressed grief in an essay for The New York Times (“I was and am grieving for Kirk himself”), while Manitoba Premier Wab Kinew stated that “we have to have empathy for other people in our society.”

Kirk would likely be surprised, and perhaps a bit put off, by this display of empathy by his opponents: “I can’t stand the word empathy, actually. I think empathy is a made-up, New Age term that does a lot of damage, but it is very effective when it comes to politics. Sympathy I prefer more than empathy.”

Empathy, to Kirk, meant trying to feel someone else’s pain or sorrow as if it were your own. He cited Bill Clinton as an example of phony and opportunistic use of empathy. Sympathy, on the other hand, means acknowledging another’s pain without claiming to actually share or internalize that pain. Sympathy keeps the suffering of others at arm’s length.

What troubled Kirk about empathy was its fixation on people “out there” instead of those who should be the focus of Americans’ concern:

“The soldiers discharged for the jab, the children mutilated by Big Medicine, or the lives devastated by fentanyl pouring over the border. Spare me your fake outrage, your fake science and your fake moral superiority.”

Empathy, according to Kirk, ought to have limits; it should be directed to those being “mutilated” by vaccines and “devastated” by fentanyl.

Global News covers Charlie Kirk’s memorial service in Glendale, Ariz. on Sept. 21, 2025.

Empathy as a vice

What does the rhetoric of one’s own versus another’s pain signal? And how can empathy for another’s pain possibly be conceived as a Christian vice, as it has been portrayed by political leaders in the United States?

For a more developed theological critique of empathy from the right, we need to turn to Kirk’s close friend, JD Vance, who offers what he takes to be a distinctly Catholic perspective on empathy. Vance cites the Catholic doctrine originating from Saint Thomas Aquinas, ordo amoris, or order of love or charity.

“Your compassion should first and foremost be with your fellow citizens,” Vance asserted. “That doesn’t mean you hate people from outside our borders, but your priority should be the safety and well-being of Americans.”

According to Vance, Americans on the left have inverted the ordo amoris:

“You love your family, and then you love your neighbor, and then you love your community, and then you love your fellow citizens in your own country. And then after that, you can focus and prioritize the rest of the world.”

During a Fox News interview, Vance used Catholic theology to justify ICE’s cruel arrests and detention of undocumented immigrants, including children, in centres lacking basic standards of care or human rights.

True ordo amoris

As one of his last acts before his death, Pope Francis, observing the growing cruelty against immigrants in the U.S. and in response to Vance’s evocation of the teaching of ordo amoris, made a surprisingly direct intervention in American politics.

In a letter addressed to U.S. Catholic Bishops, Francis elaborated the true meaning of the ordo amoris:

The true ordo amoris … is that which we discover by meditating constantly on the parable of the ‘Good Samaritan’ … by meditating on the love that builds a fraternity open to all, without exception.”

In other words, the ordo amoris is a rooting of love in justice. Neither mere empathy nor a concern for one’s own first, mercy involves perception of the other’s pain no matter whose pain it is. It is open to all, without exception.

In his encyclical (a papal letter sent to Catholic bishops) titled Fratelli Tutti, Francis expands: “Mercy is a call to acknowledge the dignity of every human being and to build a society where that dignity is not only respected but honored.”

Mercy demands not only a feeling of sorrow for a person who is suffering, but a political response that is rooted in justice.

Empathy, mercy, justice

Empathy is indeed only partial in Catholic thought, but it is partial not because of the ordo amoris, as Vance understands it, but for the precise opposite reasons. Empathy must become mercy, and mercy involves justice for all. Mercy is not selective; indeed, according to Francis: “The name of God is Mercy.”

One may rightly counter that the Catholic Church has, like American politicians, been far too selective in the mercy it has shown. We would be right to question such mercy as it has gone so horrifically awry, as in the case of residential schools in Canada.




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But perhaps, in this case, theology nevertheless is a reproof against the church’s own unmerciful acts. For mercy — construed as love and justice — calls the church, and its many errant members, to a profound and urgent moral reckoning.

As for the rest of us, in the aftermath of Kirk’s murder, we should refrain from mere empathy — we should display mercy instead. For mercy cries for justice, even while it weeps with those deprived of it.

The Conversation

Jane Barter does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

ref. Charlie Kirk’s legacy is the beneficiary of empathy, but he couldn’t stand the term – https://theconversation.com/charlie-kirks-legacy-is-the-beneficiary-of-empathy-but-he-couldnt-stand-the-term-264831

Flood-prone Houston faces hard choices for handling too much water

Source: The Conversation – USA (2) – By Ivis García, Associate Professor of Landscape Architecture and Urban Planning, Texas A&M University

A roadside assistance vehicle is swamped by floodwaters on a Houston highway in 2024. Brandon Bell/Getty Images

Eight years after Hurricane Harvey devastated Houston in 2017, flooding hundreds of thousands of homes, the city still awaits a comprehensive flood protection system. The local flood control district estimates that at least one major flood occurs within its service area every two years.

There are two competing potential options to contain these floods with tunnels to direct excess water out of the city to the coast – one from the local flood control district board and one from Elon Musk’s Boring Company, with the backing of a local member of Congress. The two proposals differ significantly in size, capacity, cost and expected completion time.

And in late August 2025, county commissioners said they would begin to study a third option, combining elements of both – using just two tunnels, like Musk’s proposal, but larger ones than Musk had indicated, with their sizes in line with the local flood control district’s recommendation.

The choice between these three options involves a balancing act between taxpayer dollars, engineering and forecasting about future storms and flooding.

As researchers at Texas A&M University who study disaster resilience – including engineering, community planning, coastal geotechnics and hurricane surge modeling – we bring complementary expertise to analyzing this complex discussion. Here are what we see as the key factors for the city to consider.

People and small boats move along a flooded street.
Hurricane Harvey’s massive downpours flooded large areas of Houston.
AP Photo/David J. Phillip

The flood control district plan

In 2022, the Harris County Flood Control District released a report describing a US$30 billion system of eight tunnels, totaling about 130 miles in length, buried 40 to 140 feet underground. Construction would take between 10 and 15 years.

Those tunnels would run along existing drainage areas through the city and its surroundings, carrying water from various collection points around the city to the ocean, with discharge points near the Houston Ship Channel and Galveston Bay.

A map of Harris County, Texas, shows the estimated routes of proposed stormwater tunnels.
A system of eight tunnels in Harris County, Texas, is proposed as one way to address significant flooding problems during storms.
Harris County Flood Control District

Musk’s plan

The plan from Elon Musk’s Boring Company, with heavy support from U.S. Rep. Wesley Hunt, who represents part of the city and its surrounding suburbs, would involve two tunnels, each 36 miles long and 12 feet in diameter, running from the Addicks and Barker reservoirs to the ocean at the Port of Houston.

They would also be more shallow than the larger proposal, 15 to 30 feet below the surface.

This project would cost an estimated $760 million. The timeline is unclear – the company says it can bore as much as a mile a month, though its fastest boring project to date, in Las Vegas, averaged 49 feet per day, which would be more than three months per mile. The company has previously been contracted to build transportation tunnels, but it has never built flood control tunnels. It seems reasonable to conclude that boring the proposal’s combined 72 miles of tunnels would take several years.

The engineering reality: Size matters

A tunnel’s ability to carry water increases exponentially with its diameter: A tunnel with a 30-foot diameter can carry roughly 39 times as much water as a 12-foot-diameter tunnel. Even two 12-foot-diameter tunnels, combined, would carry less than one-fifth as much water as a single 40-foot-diameter tunnel.

Houston experiences flash flooding multiple times per year from routine storms that drop 4 to 6 inches of rain in a few hours. Even moderate storms cause problems: Storms that statistically occur every two years cause flooding in areas such as the Second Ward and Greater Fifth Ward because of outdated storm sewers. And storm severity is increasing: Rain amounts that once were expected once every 100 years now happen every 25 years.

And Hurricane Harvey dumped 1 trillion gallons in Harris County in four days. Some locations received over 60 inches of rainfall, about 15 inches more than average annual amounts for eastern Texas.

During Harvey, nearly every river, creek and bayou in southeast Texas flooded. About 90% of the area’s waterway monitoring stations recorded some amount of flooding. And nearly half of all waterway stations reported more flooding than ever recorded before.

A man in an orange helmet wades through chest-deep water while another man stands nearby in waist-deep water.
The release of water from Addicks Reservoir in Houston during Hurricane Harvey flooded homes and neighborhoods.
Erich Schlegel/Getty Images

Our analysis of the projects’ capacities finds that they would all be overwhelmed in a Harvey-scale event delivering over 50 inches of rain, with most of Houston experiencing a 1,000-year storm.

We have calculated that Musk’s two tunnels could handle only about 0.9% of Harvey’s water, while the county’s full eight-tunnel system would handle roughly 39% of Harvey’s rainfall. Without technical details, the best we can say is that the third tunnel option would likely fall in between those two capacities.

All the systems could provide protection against more routine flooding. The price tag for Musk’s proposal is significantly lower and could have some benefits, but it might divert funding from approaches that could handle even more water.

The Harris County Flood Control District’s feasibility study found that the eight large-diameter tunnels could significantly reduce the severity of 120,000 instances of flooding over the next 100 years across 11 of 23 major watersheds in Harris County. The other 12 watersheds would need separate projects to address their vulnerabilities. Smaller tunnels, or fewer of them, would provide proportionally less protection.

Musk’s proposal would primarily benefit areas near the Addicks and Barker reservoirs, helping to drain them quickly during major rain events. But most of Houston’s flooding problems are not a result of reservoir overflows. Rather, they happen in older neighborhoods with storm sewers that are too small to handle the amount of rain Houston regularly receives.

Houston’s geological challenge

While all the projects would have the bulk of the tunnels below utility lines, Houston’s geology still makes tunnel construction complex.

The Gulf Coast region consists of sand, silt, and clay – very young soils that haven’t compacted yet. The ground is already sinking in areas such as Katy, Spring, The Woodlands, Fresno and Mont Belvieu. Any tunnel construction would need to account for continued subsidence over the tunnels’ lifespan.

The area’s high groundwater table would increase water pressure on the tunnels themselves, with more complex soil conditions the deeper a tunnel went. Initial excavation, access shafts from the surface to the tunnels, and pumping stations would all cost more than they would in harder soil with a lower water table.

There are other approaches Houston continues to explore, in addition to the tunnels, including improving early warning systems, expanding basins for holding excess water, improving the flow channels of existing streams, creeks and bayous, and expanding voluntary buyout programs.

The engineering verdict

Musk’s proposal faces several engineering limitations. The 12-foot tunnels cannot handle Harvey-scale flooding due to insufficient capacity. The shallow boring approach through Houston’s unstable soils presents significant geological challenges. The limited scope addresses only two of the county’s 23 watersheds, leaving most flood-prone areas unprotected.

The flood control district’s plan would offer more protection, but not to the whole area nor in a way that would prevent another Harvey-level flooding disaster.

The hybrid option being studied by county commissioners could provide a middle ground, offering better capacity than Musk’s tunnels while potentially being cheaper and faster to build than the full district plan. But its pros and cons remain largely theoretical until detailed engineering studies are completed.

All three options would provide some flood protection, but none would completely solve Houston’s flooding challenges. The question becomes whether to invest in incremental improvements that help with routine flooding or pursue more expensive and more comprehensive solutions that provide greater protection against catastrophic events.

As Houston’s vulnerable communities face intensifying storms, we believe the city needs solutions that work when catastrophe strikes – not just during routine flooding.

The Conversation

Dr. Ivis García has received funding from the National Science Foundation; the U.S. Department of Housing and Urban Development; the U.S. Department of Transportation’s National Institute for Transportation and Communities; the Centers for Disease Control and Prevention; the Environmental Protection Agency; the National Academies of Sciences, Engineering and Medicine; JPB Foundation; Ford Foundation, Pritzker Traubert Foundation; Chicago Community Trust, SBAN, Texas Appleseed, Fundación Comunitaria de Puerto Rico, Urban Institute & UNIDOS, and Natural Hazards Center.

James M. Kaihatu received funding from National Academies and Environmental Protection Agency.

Shannon Van Zandt does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organization that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

ref. Flood-prone Houston faces hard choices for handling too much water – https://theconversation.com/flood-prone-houston-faces-hard-choices-for-handling-too-much-water-265352