Informer sur les risques et bénéfices de la migration influence-t-il la décision de migrer ?

Source: The Conversation – in French – By Jean-Michel Lafleur, Associate Director, Centre for Ethnic and Migration Studies / Coordinator of IMISCOE, Université de Liège

Session de sensibilisation sur les risques et dangers de la migration irrégulière à Douala (Cameroun), juin 2022.
Organisation internationale des migrations/Cameroun 2022

Une étude quantitative de 2025 réalisée auprès d’un échantillon représentatif de la population résidente en Algérie confirme que les campagnes d’information sur les risques de la migration irrégulière promues par l’Union européenne et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) n’ont qu’un impact très faible sur la propension à émigrer en dehors des voies légales.


Au printemps dernier, le fonds « Asile, migration et intégration » (Amif), créé par l’Union européenne (UE), lançait un appel à proposition afin de prévenir la migration irrégulière par des campagnes d’information sur les risques liés à ce type de migration.

L’objectif de cet appel doté d’un budget de 10 millions d’euros :

« Dissuader et prévenir la migration irrégulière en fournissant des informations fiables sur les dangers de la migration irrégulière, sur les voies légales d’accès à l’Europe et sur les possibilités économiques alternatives dans les pays d’origine. »

Malgré le fait que les chercheurs s’interrogent depuis longtemps sur l’efficacité de ce type de campagne, l’UE, ses États membres mais aussi l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) dépensent, chaque année, des budgets conséquents dans des campagnes de ce genre.

Des campagnes nombreuses et à l’efficacité douteuse

Les campagnes d’information ciblant les pays d’origine et de transit des migrants, notamment par le biais d’annonces à la radio et à la télévision, dans les journaux ou sur les réseaux sociaux, sont un outil de dissuasion de la migration très fréquemment utilisé par les gouvernements.

Une caractéristique récurrente de ces campagnes est qu’elles mettent en avant les dangers et risques liés à la migration et évoquent rarement les bénéfices que celle-ci peut procurer ni n’informent sur les modalités légales par lesquelles il est possible de rejoindre l’Europe. Dans ces campagnes, l’usage de dispositifs audiovisuels induisant la peur est également fréquent.

Entre 2015 et 2019, au moins 130 campagnes ont été mises en œuvre, dont 104 soutenues par des gouvernements de l’UE. À titre d’exemple, l’OIM et le ministère italien de l’intérieur ont conduit, entre 2016 et 2023, la campagne « Aware Migrants », qui ciblait 11 pays africains d’émigration et de transit. Cette campagne aurait touché, selon ses organisateurs, plus d’un demi-million d’individus. Plus récemment, en 2025, la Belgique a conduit des campagnes visant les demandeurs d’asile camerounais et guinéens transitant par la Bulgarie et la Grèce afin de leur faire savoir que les centres d’accueil du pays sont complets.

Capture d’écran issue d’une vidéo diffusée par l’Office des étrangers (Belgique).
YouTube
Capture d’écran issue d’une vidéo diffusée par The Migrant Project-Edo/Media Coalition and Awareness to Halt Trafficking. Les propos cités ici sont ceux d’un jeune migrant originaire du Nigeria, Ikechukwu Oseji.
Compte Facebook du Migrant Project- Edo/Media Coalition and Awareness to Halt Trafficking

Les chercheurs qui ont analysé ce type de campagnes identifient trois limites récurrentes inhérentes à cet instrument des politiques migratoires européennes.

D’abord, la recherche qualitative existante (une sur le Cameroun, l’autre sur le Ghana) démontre que, contrairement aux hypothèses des financeurs des campagnes, la plupart des candidats potentiels à la migration dans les pays à revenus faible ou intermédiaire sont plutôt bien informés sur les risques liés à la migration irrégulière. Il n’empêche qu’en dépit de leur connaissance des risques encourus, y compris celui de perdre la vie, ils sont nombreux à estimer que, vu l’absence de voies légales pour quitter le pays où ils vivent, l’immigration irrégulière est leur seule possibilité.




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Ensuite, des travaux antérieurs ont déjà montré que les candidats à la migration accordent peu de crédit à la qualité de l’information diffusée dans des campagnes financées par des institutions explicitement motivées par le désir de réduire les flux migratoires. Ces campagnes peinent par conséquent à contrer les récits positifs diffusés par d’autres sources – tels les messages véhiculés par les passeurs et par les migrants de même origine déjà établis en Europe – et sont pour cette raison fréquemment présentées par la recherche comme vouées à l’échec.

Enfin, la communauté scientifique dans le champ des études migratoires souligne l’absence d’évaluation systématique de l’impact de ces campagnes et indique que, lorsque des évaluations sont conduites, celles-ci présentent des problèmes de fiabilité. Certains spécialistes s’interrogent également sur le caractère éthique de ces campagnes, qui visent à légitimer des politiques migratoires restrictives, et dont la capacité réelle à réduire la migration irrégulière paraît douteuse.

Une première évaluation à grande échelle auprès de la population algérienne

En réponse à ces critiques, notre étude a mis sur pied une expérimentation intégrée à une enquête administrée en ligne auprès d’un panel de 1 206 personnes représentatif de la population résidente en Algérie afin de tester l’impact de certaines informations sur la décision de migrer de façon irrégulière vers l’Europe.

La population sans papiers algérienne est en effet l’une des plus importantes en Europe : selon Eurostat, parmi les 918 925 personnes en séjour irrégulier en Europe en 2024, près de 60 000 sont des citoyens algériens. Elle constitue aussi le premier groupe national en nombre d’ordre de quitter le territoire, émis dans l’UE (plus de 38 000 citoyens algériens concernés en 2024).

Dans cette expérimentation, nous avons testé six messages.

Les deux premiers portent sur les risques liés à la migration : une vignette concerne les dangers de la migration irrégulière et comprend les risques de décès en mer, d’arrestation et d’expulsion du continent européen. La deuxième traite des murs et des grillages érigés en de nombreux points du territoire de l’UE dans le but de contenir l’immigration irrégulière. Chacun de ces messages a été testé dans une version « texte seul » et dans une version où le même texte est accompagné d’une photo d’illustration renforçant le caractère inquiétant du message écrit.

Les deux autres messages, testés uniquement en version « texte seul », concernaient l’accès aux droits des personnes migrantes dans le pays d’immigration, fréquemment présentés dans le débat politique comme des éléments susceptibles d’encourager la migration irrégulière vers l’Europe. À cet effet, une vignette fournissait des informations concernant la possibilité pour les sans-papiers de régulariser leur statut sous certaines conditions dans différents États membres de l’UE. L’autre concernait la possibilité pour les migrants algériens d’accéder à certaines prestations sociales en Europe grâce à l’existence d’accords bilatéraux de sécurité sociale.

Chacun de ces messages a été testé auprès d’une partie de l’échantillon. Les participants exposés à l’un de ces messages tout comme le groupe de contrôle (n’ayant pas reçu de message) ont ensuite répondu à trois questions sur leur désir et intention d’émigrer vers l’Europe, y compris de façon irrégulière.

Au terme de notre analyse, et dans la continuité des travaux principalement qualitatifs réalisés jusqu’ici sur la question, notre étude confirme l’absence d’impact des campagnes d’information. Plus précisément, fournir des informations sur les risques et les bénéfices liés à la migration n’a pas d’impact significatif sur la propension à migrer de façon irrégulière des individus résidant dans les pays à niveau de revenus faible et intermédiaire.

Impact insignifiant, débat indispensable

Puisqu’il se confirme que ce type d’information n’a pas d’impact sur la décision de migrer de façon irrégulière, il convient à nouveau d’interroger l’objectif des campagnes d’information menées dans les pays d’origine.

Si leur rôle est uniquement de rassurer les opinions publiques européennes quant à la capacité des États à limiter la migration irrégulière, s’agit-il d’un usage légitime des ressources publiques ? Si, comme cela est fréquemment invoqué, l’objectif est réellement d’informer les candidats à la migration quant à la réalité de l’expérience migratoire, alors l’usage d’informations délibérément incomplètes et inquiétantes sur la migration vers l’Europe pose bien entendu de sérieuses questions éthiques.

Autrement dit, le débat sur les campagnes d’information doit s’inscrire dans un débat plus large sur l’évolution des politiques migratoires en Europe. Comme le réclament la communauté scientifique et la société civile organisée, une politique migratoire qui entend permettre uniquement la migration régulière ne peut privilégier à ce point les réponses répressives et dissuasives sans risquer de continuer à produire des politiques migratoires inefficaces et dangereuses.

Si ces campagnes d’informations doivent être poursuivies, il importe qu’elles prennent désormais en compte deux éléments cruciaux jusqu’ici trop souvent passés sous silence. Il s’agit, d’une part, de reconnaître, outre la nécessité de créer de nouvelles voies d’accès légales et sûres vers l’Europe, qu’il existe des modalités légales limitées de migration, dont ces campagnes ne font pas mention. Informer adéquatement sur ces voies légales est un corollaire indispensable au droit de tout individu à quitter son pays, tel que garanti par la Déclaration universelle des droits de l’homme. D’autre part, dans un souci d’offrir une vision réaliste de l’expérience migratoire en Europe, il importe également que ces campagnes reconnaissent que, lorsque les politiques d’inclusion adéquates sont mises en œuvre, l’aspiration des candidats à la migration à une vie meilleure en Europe peut être rencontrée.

Sans prendre ces éléments en considération, ces campagnes sont condamnées à reproduire une vision partielle de l’expérience migratoire en Europe à laquelle les candidats à la migration ne continueront à accorder que peu de crédit.

The Conversation

Jean-Michel Lafleur a reçu des financements du FRS-FNRS pour conduire cette recherche.

Abdeslam Marfouk ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Informer sur les risques et bénéfices de la migration influence-t-il la décision de migrer ? – https://theconversation.com/informer-sur-les-risques-et-benefices-de-la-migration-influence-t-il-la-decision-de-migrer-265690

Comment observer la comète Lemmon, déjà visible à l’œil nu

Source: The Conversation – in French – By Josep M. Trigo Rodríguez, Investigador Principal del Grupo de Meteoritos, Cuerpos Menores y Ciencias Planetarias, Instituto de Ciencias del Espacio (ICE – CSIC)

La comète Lemmon (C/2025 A6), découverte en janvier 2025, traverse en ce moment notre ciel et s’offre déjà à l’œil nu. Un spectacle rare à saisir avant son départ vers l’espace profond.


Dans les prochains jours, nous aurons l’occasion d’admirer, et de photographier, une comète brillante visible au crépuscule. Il s’agit de la comète C/2025 A6, surnommée Lemmon, découverte le 3 janvier 2025 par l’astronome Carson Fuls dans le cadre du programme de suivi du Mount Lemmon Observatory (Arizona).

La comète parcourt une orbite très excentrique qui peut l’éloigner jusqu’à 36 milliards de kilomètres du Soleil. Il lui faut environ 1 350 ans pour en faire le tour. Autant dire qu’il faut en profiter ce mois-ci, avant qu’elle ne rapetisse à nos yeux et ne reparte vers les confins du système solaire.

Comment repérer la comète Lemmon dans le ciel

Si vous n’avez jamais eu la chance d’observer une comète et que vous voulez tenter l’expérience, pas de panique : avec quelques repères simples, l’aventure est à la portée de tous.

Première règle : trouver un ciel noir, loin des grandes villes et de toute pollution lumineuse. Choisissez de préférence une nuit claire avec l’horizon ouest dégagé, sans lampadaires ni obstacles.

Le meilleur moment pour commencer l’observation est le début de la nuit. Dès l’apparition des premières étoiles, cherchez la silhouette de la Grande Ourse à l’horizon nord-ouest. Cette constellation, formée de sept étoiles, est aussi connue sous le nom de « Grand Chariot » (ou « Grande Casserole »). Les deux étoiles les plus brillantes, situées vers le nord, permettent de tracer une ligne vers l’étoile polaire.

Trajet de la comète parmi les constellations visibles au crépuscule entre la mi-octobre et novembre 2025. La position de la comète doit être interpolée en fonction des repères indiqués pour chaque date. Image adaptée par l’auteur à partir d’une carte réalisée avec le logiciel Stellarium.
Observatorio Astronómico Nacional-IGN

Une fois la Grande Ourse repérée, prolongez en courbe sa « queue », dont la dernière étoile se nomme Alkaïd, jusqu’à atteindre l’étoile la plus brillante de la région : Arcturus. Cette dernière sera précieuse car le mardi 21 octobre, au moment où la comète sera la plus proche de la Terre (101 millions de kilomètres), Lemmon se trouvera dans la constellation du Bouvier, non loin d’Arcturus.

À l’œil nu ou aux jumelles

En ciel sombre, Lemmon est visible à l’œil nu, surtout depuis l’Espagne, le Mexique et l’Amérique centrale (ainsi que la France, NLDT), puisqu’elle se déplace dans l’hémisphère céleste Nord. Sa luminosité devrait se situer entre celle d’Alkaïd (queue de la Grande Ourse) et celle, plus faible, de Kornephoros (Beta Herculis), voire davantage.

En cas de pollution lumineuse, une paire de jumelles astronomiques avec un grossissement de 7 à 12 suffira. Orientez-les vers Arcturus, puis glissez doucement vers Alkaïd jusqu’à distinguer une petite tache nébuleuse prolongée d’une queue tournée à l’opposé du Soleil. N’hésitez pas à répéter le mouvement plusieurs fois.

La comète et sa queue colorée

Ces dernières semaines, les images spectaculaires de Lemmon se multiplient sur les réseaux sociaux. Les astrophotographes raffolent de ces astres changeants. À mesure qu’elle s’approche du Soleil, la surface glacée de Lemmon se réchauffe et commence à se sublimer. Les photos révèlent alors une queue bleutée, dite « ionique », ondulante et sensible au vent solaire.

La comète Lemmon (C/2025 A6) depuis l’ermitage de Santa Bàrbara, à Sant Feliu de Buixalleu (Catalogne, Espagne). Télescope Askar FRA400 à 280 mm avec une caméra Player One Ares-C PRO. Image reproduite avec l’autorisation de l’auteur.
Pau Montplet i Sanz (ACDAM/AstroMontseny)

Sa chevelure diffuse, appelée « coma », s’étend déjà sur plusieurs degrés. On s’attend aussi à l’apparition d’une seconde queue, cette fois poussiéreuse, produite par les particules libérées par les glaces sublimées. Ces minuscules grains réfléchissent la lumière solaire et donnent une queue plus diffuse, jaunâtre, souvent très lumineuse.

Les cartes de l’Observatoire astronomique national espagnol montrent le déplacement progressif de la comète vers l’ouest, nuit après nuit. Fin octobre, elle passera entre Kornephoros (dans la constellation d’Hercule) et Unukalhaï (dans la constellation du Serpent). Mi-novembre, Lemmon se rapprochera d’Antarès, l’étoile la plus brillante du Scorpion.

En ville, les comètes perdent de leur éclat. Voilà donc une belle occasion de fuir l’éclairage urbain, de lever les yeux vers le ciel et de s’offrir quelques minutes de contemplation d’un astre unique.

The Conversation

Josep M. Trigo Rodríguez reçoit des financements du projet du Plan national d’astronomie et d’astrophysique PID2021-128062NB-I00, soutenu par le MICINN et l’Agence nationale espagnole de la recherche.

ref. Comment observer la comète Lemmon, déjà visible à l’œil nu – https://theconversation.com/comment-observer-la-comete-lemmon-deja-visible-a-loeil-nu-267884

Nouveau partenariat Arabie saoudite-Pakistan : quelles conséquences internationales ?

Source: The Conversation – in French – By Kevan Gafaïti, Enseignant à Sciences Po Paris en Middle East Studies, Président-fondateur de l’Institut des Relations Internationales et de Géopolitique, doctorant en science politique – relations internationales au Centre Thucydide, Sciences Po

Dans un contexte où la protection militaire fournie par les États-Unis peut paraître douteuse, l’Arabie saoudite s’est rapprochée du Pakistan, en signant avec ce grand pays d’Asie doté de l’arme nucléaire un accord de défense aux multiples implications.


En cas d’attaque contre l’Arabie saoudite, le Pakistan utilisera son arme nucléaire pour la défendre, en vertu de leur nouveau pacte de défense mutuelle. C’est en tout cas ce que bon nombre d’observateurs ont conclu de l’annonce, le 17 septembre 2025, de la signature d’un accord stratégique de haut niveau entre Riyad et Islamabad.

Du fait de ses possibles implications nucléaires, l’accord semble porteur de conséquences régionales et internationales majeures. En réalité, une analyse précise révèle que l’Arabie saoudite ne bénéficiera pas nécessairement du parapluie nucléaire pakistanais
et que cet accord stratégique n’est pas aussi disruptif qu’annoncé.

Quel lien avec la frappe israélienne sur Doha ?

L’annonce intervient peu de temps après l’attaque illicite israélienne sur Doha, officiellement pour assassiner des cadres du Hamas, alors que le Qatar bénéficie d’un accord de défense avec les États-Unis, dont il héberge la plus grande base militaire au Moyen-Orient.

Il serait erroné de croire que l’accord saoudo-pakistanais a été initié par l’agression israélienne contre le Qatar, laissée impunie par les États-Unis, pourtant juridiquement engagés à protéger l’émirat : un pacte de défense mutuelle s’initie, se prépare et se matérialise en plusieurs années, et certainement pas en quelques jours.

En revanche, l’attaque israélienne et l’impunité qui s’en est suivie ont assurément accéléré le calendrier de l’annonce dudit accord stratégique, l’Arabie saoudite cherchant certainement à souligner une vérité politique ancienne mais peu connue : Riyad et Islamabad entretiennent une relation stratégique fournie, le Pakistan entraînant depuis plusieurs années déjà l’armée saoudienne, et recevant de la monarchie wahhabite différents soutiens financiers.

Il existe évidemment une proximité religieuse entre les deux États musulmans sunnites. À titre anecdotique, il peut être rappelé ici que les talibans afghans, d’obédience deobandi, école religieuse pakistanaise, avaient vu leur premier émirat reconnu internationalement par de très rares États, dont l’Arabie saoudite.

Cette annonce entre l’Arabie saoudite et le Pakistan vient ainsi mettre en lumière plusieurs dynamiques politiques pré-existantes, mais s’accélérant ostensiblement : la maîtrise de la technologie nucléaire civile et militaire fait l’objet d’une rude compétition au Moyen-Orient, région au sein de laquelle les blocs se reconfigurent.

Un accord nucléaire défensif, vraiment ?

La conclusion de l’accord de défense mutuel entre l’Arabie saoudite et le Pakistan est évidemment un événement majeur en soi pour la sécurité internationale, étant donné que le Pakistan possède l’arme nucléaire.

La doctrine nucléaire pakistanaise est de premier emploi, c’est-à-dire que, contrairement à la plupart des autres États nucléarisés, Islamabad se réserve le droit d’utiliser l’arme nucléaire en premier, et pas nécessairement en représailles face à une première attaque nucléaire. Il faut y ajouter que la formulation retenue à propos dudit accord rappelle clairement celle de l’article 5 du traité de Washington établissant l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan), c’est-à-dire une clause d’assistance mutuelle et de défense collective. En d’autres termes, si le territoire saoudien est attaqué, même par des moyens conventionnels, le Pakistan peut en théorie employer l’arme nucléaire contre l’agresseur. C’est d’ailleurs ce qu’a affirmé Ali Shihabi, présenté comme un analyste proche de la cour royale saoudienne.

Cependant, seul fait foi le verbe des autorités officielles des deux États, dont le communiqué officiel conjoint ne fait absolument pas mention de l’arme nucléaire pakistanaise. Plus largement, le contenu précis de l’accord n’a pas été révélé publiquement, ce qui tend à remettre en cause les analyses trop rapides selon lesquelles la bombe pakistanaise pourrait être utilisée au bénéfice de l’Arabie saoudite.

Le ministre pakistanais de la défense Khawaja Muhammad Asif, a toutefois affirmé que le programme nucléaire de son pays serait « mis à la disposition de l’Arabie saoudite en cas de besoin ». Nous sommes dans le flou sur ce que recouvre vraiment cette coopération nucléaire : sera-t-elle civile ou militaire ? Le volet précis est volontairement non précisé.

À ce stade, il apparaît donc que cet accord marque effectivement une nouvelle étape nucléaire pour l’Arabie saoudite, engagée dans cette voie depuis longtemps ; mais ce pacte de défense mutuelle n’est ni du même calibre que l’Otan ni une garantie militaire nucléaire pour Riyad.

Un approfondissement certain de la relation stratégique Riyad-Islamabad

Si, pour le moment, rien n’indique concrètement que la bombe nucléaire pakistanaise pourrait être utilisée en dehors de la seule défense du territoire national, il n’en reste pas moins que cet accord constitue une avancée majeure dans la relation bilatérale. L’Arabie saoudite marque clairement son souhait de diversifier ses partenariats stratégiques et de ne pas se reposer sur le seul partenaire américain.

Riyad, sans nécessairement s’éloigner de Washington, cherche à se rapprocher d’autres acteurs, asiatiques notamment. L’année 2025 a démontré que les États-Unis de Donald Trump alignaient leur politique moyen-orientale sur celle d’Israël : le président états-unien affirme régulièrement qu’en cas d’échec de la stabilisation à Gaza, le premier ministre israélien aura son plein soutien pour « finir le travail » ; Washington a attaqué l’Iran dans la foulée de l’agression illicite israélienne du vendredi 13 juin 2025 contre l’Iran, mais, nous l’avons dit, n’a pas réagi lorsque Tel-Aviv a aussi attaqué le Qatar, pourtant allié des États-Unis, Trump se contentant, trois semaines plus tard, de contraindre Nétanyahou à téléphoner en sa présence à l’émir du Qatar pour lui présenter ses excuses.

L’Arabie saoudite prend acte du fait que la Maison Blanche donne la priorité à un partenaire au détriment des autres. Elle se rappelle aussi que, lors de sa campagne électorale victorieuse de 2020, Joe Biden avait promis de faire du prince héritier Mohammed Ben Salmane un « paria » à la suite de l’assassinat en 2018 du journaliste saoudien Jamal Kashoggi, même s’il avait par la suite changé de position et s’était rendu à Riyad en 2022.

Pour autant, il ne faudrait pas voir une rupture complète dans la relation Washington-Riyad. Celle-ci s’inscrit toujours dans le strategic partnership unissant les deux États depuis le pacte de Quincy de 1945, basé sur une équation simple mais fondamentale : l’Arabie saoudite fournit du pétrole et achète massivement les équipements militaires américains (récemment encore, un contrat d’armement pour 142 milliards de dollars a été signé) ; en contrepartie, les États-Unis protègent l’Arabie saoudite et la monarchie wahhabite à sa tête.

Le Pakistan, quant à lui, renforce son statut de puissance militaire asiatique, mais aussi musulmane, tout en étant tracté vers le jeu moyen-oriental. L’accord peut aussi avoir pour effet de provoquer une embellie économique pakistanaise par des investissements saoudiens, la monarchie wahhabite étant accoutumée à l’équation « sécurité et armes contre financements et contrats ». Cette annonce de pacte de défense mutuelle permet également au Pakistan de réapparaître fort et protecteur par rapport à d’autres acteurs, quand sa propre situation sécuritaire est déjà particulièrement tendue.

Sur son flanc est, des combats sporadiques avaient éclaté en avril-mai 2025 avec le frère ennemi indien dans la région contestée du Jammu-et-Cachemire, faisant craindre le risque d’une guerre ouverte entre puissances nucléaires.




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À l’ouest, le Pakistan voit dorénavant son filleul taliban le combattre ouvertement, Kaboul et Islamabad se renvoyant la responsabilité des récents meurtriers affrontements transfrontaliers.

Et sur son flanc sud-ouest, le Pakistan sait que la région du Sistan-Baloutchistan, à cheval sur le sol iranien, est hautement inflammable d’un point de vue stratégique, Islamabad entretenant une relation ambivalente avec Téhéran.

L’instauration d’un nouvel ordre sécuritaire régional ?

L’annonce du nouveau partenariat stratégique entre l’Arabie saoudite et le Pakistan est indubitablement un événement majeur dans les dynamiques sécuritaires régionales et internationales, notamment pour les raisons susmentionnées. Nonobstant, cet accord confirme des dynamiques pré-existantes plus qu’il n’en crée et resserre des liens entre des acteurs qui collaboraient déjà dans les secteurs militaire et technologique. Il conforte un lien étroit entre puissances usuellement considérées comme « périphériques » et « intermédiaires », qui cherchent toutes deux à s’éloigner de l’hyperpuissance américaine, mais aussi de ses concurrents globaux (Chine et Russie).

Au-delà de cet accord bilatéral, il faudra suivre de près les perceptions et réactions de deux voisins : l’Iran pour l’Arabie saoudite, l’Inde pour le Pakistan. Téhéran et Riyad sont des rivaux pour l’hégémonie régionale et l’Iran ne saurait voir d’un bon œil un accord stratégique – surtout avec un versant nucléaire – entre deux États l’entourant, même si le président Pezeshkian a salué le pacte, le présentant comme le début de la mise en place d’« un système de sécurité régional ». L’Arabie saoudite doit également ménager son partenaire indien, qui goûte peu ce nouveau rapprochement de Riyad avec Islamabad.

Une puissance internationale peut clairement se réjouir d’un tel accord saoudo-pakistanais : la Chine. Pékin est le premier client du pétrole saoudien et le port pakistanais de Gwadar, dont il a acquis la propriété et où il prévoit d’installer des infrastructures militaires, est le premier point de sa stratégie dite du « collier de perles » qui vise à sécuriser ses approvisionnements énergétiques en provenance du golfe Persique. On l’aura compris : les États-Unis voient se bâtir de nouvelles reconfigurations ouest et sud-asiatiques sans eux, et confortant le rival chinois.

The Conversation

Kevan Gafaïti ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Nouveau partenariat Arabie saoudite-Pakistan : quelles conséquences internationales ? – https://theconversation.com/nouveau-partenariat-arabie-saoudite-pakistan-quelles-conse-quences-internationales-267448

Orientation postbac : pourquoi les femmes choisissent moins les sciences que les hommes

Source: The Conversation – in French – By Anne Boring, Associate professor, Erasmus University Rotterdam

Si les filles sont beaucoup moins enclines que les garçons à se diriger vers des filières scientifiques, c’est bien entendu lié pour une part à la persistance des stéréotypes de genre. Mais d’autres facteurs entrent en compte lors des processus d’orientation scolaire. Explications à partir d’une enquête de la Chaire pour l’emploi et l’entrepreneuriat des femmes (Sciences Po).


Comment attirer plus de femmes vers des études supérieures en sciences et technologies ? Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics soutiennent des initiatives visant à favoriser la mixité de ces filières d’études, la plus récente étant le plan d’action « Filles et maths », lancé par le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, en mai 2025.

Deux raisons principales motivent ces initiatives. D’une part, il s’agit de réduire les inégalités femmes-hommes sur le marché du travail, en particulier les écarts de rémunération. D’autre part, l’objectif est de soutenir la croissance économique dans des domaines porteurs, en formant davantage de personnes pouvant contribuer à l’innovation dans des secteurs d’activité stratégiques.

Des différences de choix marquées sur Parcoursup

Les différences d’orientation entre les femmes et les hommes restent très marquées à l’entrée de l’enseignement supérieur. C’est ce qui ressort des choix formulés par les élèves de terminale sur Parcoursup, la plateforme d’accès aux filières postbac, comme on peut le voir dans le graphique ci-dessous, obtenu grâce aux données mises à disposition sur Datagouv. Il représente le nombre de candidatures pour les formations les plus demandées (plus de 4 000 candidatures).

Source : Parcoursup 2024 – vœux de poursuite d’études et de réorientation dans l’enseignement supérieur et réponses des établissements.
Fourni par l’auteur

Les points au-dessus de la diagonale représentent les formations avec une prédominance de candidatures hommes, alors que ceux en dessous représentent les formations avec une prédominance de candidatures de femmes. Les hommes représentent environ 70 % des candidatures aux formations en sciences et technologies, y compris en sciences et technologies des activités physiques et sportives, ou Staps (en orange).

Les principales exceptions concernent des formations en sciences de la vie et de la Terre, pour lesquelles les candidatures par des femmes sont plus nombreuses. Les formations en sciences économiques, en gestion et en commerce (en bleu) sont plutôt mixtes. Enfin, les formations en santé, en sciences humaines et sociales, en lettres, en langues et en arts (en violet) sont majoritairement privilégiées par les femmes, qui constituent autour de 75 % des candidatures.

Certains facteurs permettant d’expliquer ces différences de choix d’études ont déjà été analysés, en particulier le rôle des stéréotypes de genre, des différences de performance scolaire dans les matières scientifiques ou la confiance en soi.

La passion pour un domaine d’études, un facteur déterminant

Afin de mieux comprendre les raisons actuelles des différences entre femmes et hommes dans les choix d’études supérieures, la Chaire pour l’emploi et l’entrepreneuriat des femmes de Sciences Po a mené, en février 2025, une enquête en partenariat avec Ipsos auprès d’un échantillon représentatif de la population étudiante en France, comprenant au total 1 500 réponses. Les résultats de cette enquête ont été publiés par l’Observatoire du bien-être du Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap).

L’un des résultats marquants de l’enquête concerne les différences femmes-hommes dans l’importance accordée à la passion comme facteur déterminant des choix d’études supérieures.

Les étudiantes sont significativement plus nombreuses à choisir des filières en lien avec leurs passions, et elles semblent faire ce choix en ayant pleinement conscience qu’il risque de les pénaliser plus tard sur le marché du travail. En effet, 67 % des femmes (contre 58 % des hommes) disent « préférer étudier un sujet qui les passionne, même si cela ne garantit pas un emploi bien rémunéré », alors que 33 % des femmes (contre 42 % des hommes) disent « préférer obtenir un emploi bien rémunéré, même si cela ne garantit pas d’étudier un sujet qui les passionne ».

Les femmes qui privilégient la passion ont une probabilité plus élevée de s’inscrire en lettres, arts et humanités, alors que celles qui préfèrent un emploi bien rémunéré ont une probabilité plus élevée de s’inscrire en sciences économiques, gestion et commerce ou en sciences et technologies.

Des parents plus ou moins prescripteurs

Par ailleurs, les résultats de l’enquête mettent en évidence le fait que les parents sont plus prescripteurs pour les garçons que pour les filles, concernant les choix d’études de leurs enfants. En effet, les étudiantes ont davantage le soutien de leurs parents, quel que soit le domaine d’études de leur choix, alors que les étudiants reçoivent moins souvent l’approbation de leurs parents, en particulier pour les domaines d’études qui mènent vers des carrières moins rémunératrices sur le marché du travail (par exemple, en sciences humaines et sociales ou en lettres et arts) ou qui se sont féminisés (par exemple, le droit ou la santé).

Paradoxalement, le manque de prescriptions parentales sur les choix des filles peut expliquer qu’elles suivent plus souvent leur passion, se retrouvant plus contraintes par la suite sur le marché du travail.

Les résultats montrent aussi que les goûts développés pour les différentes matières dans le secondaire permettent d’expliquer plus de la moitié des différences femmes-hommes dans les choix d’études supérieures.

« Les filles et les mathématiques » (France Info, 2013).

Les filles auraient des goûts plus diversifiés, le seul goût pour les maths n’explique qu’une petite partie (environ 10 %) de l’écart dans les choix d’études. Cela permet d’expliquer en partie pourquoi les filles se détournent des formations en sciences et technologies, qui peuvent être perçues comme impliquant un renoncement à d’autres matières appréciées. Les hommes sont quant à eux plus nombreux à n’avoir aimé que des matières scientifiques dans le secondaire (29 % des étudiants contre 14 % des étudiantes).

Filières pluridisciplinaires et « roles models »

Si l’économie française a besoin de davantage de femmes diplômées en sciences et technologies, comment faire alors pour les attirer vers ces domaines d’études ? Le défi principal réside dans le fait de transmettre la passion des sciences et technologies aux femmes.

Cela peut passer par les « role models », avec des personnalités qui viennent communiquer leur enthousiasme pour leur discipline avant que les élèves ne fassent des choix cruciaux, notamment en termes d’options choisies au lycée. Cela peut aussi passer par le développement de filières pluridisciplinaires qui associent sciences, sciences sociales et humanités, de manière à offrir aux jeunes femmes (et aux jeunes hommes) aux intérêts variés la possibilité de poursuivre des études scientifiques sans renoncer à d’autres domaines.

Enfin, les formations scientifiques peuvent adapter leur offre pédagogique afin de rendre les enseignements plus attractifs auprès des étudiantes. En mettant en avant comment les sciences et technologies peuvent contribuer au bien commun et aux défis de nos sociétés contemporaines, une reformulation des intitulés de cours peut par exemple faire ressortir des enjeux leur tiennent à cœur.


Créé en 2007 pour aider à accélérer et partager les connaissances scientifiques sur des questions sociétales clés, le Fonds Axa pour la recherche – qui fait désormais partie de la Fondation Axa pour le progrès humain – a soutenu plus de 750 projets à travers le monde sur des risques environnementaux, sanitaires et socio-économiques majeurs. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site web du Fonds Axa pour la recherche ou suivez @AXAResearchFund sur LinkedIn.

The Conversation

La collecte de données a été financée par la Chaire pour l’emploi et l’entrepreneuriat des femmes (Sciences Po, Paris).

ref. Orientation postbac : pourquoi les femmes choisissent moins les sciences que les hommes – https://theconversation.com/orientation-postbac-pourquoi-les-femmes-choisissent-moins-les-sciences-que-les-hommes-265639

Vie chère dans les outre-mer : pourquoi l’interdiction des exclusivités d’importation est une fausse bonne idée

Source: The Conversation – France (in French) – By Florent Venayre, Professeur des universités en sciences économiques, Université de la Polynésie Française

En 2022, en Martinique, les prix sont en moyenne plus élevés de 13,8 % qu’en France hexagonale. Marc Bruxelle/Shutterstock

Contre la vie chère dans les territoires français ultra-marins, la loi Lurel interdit les contrats exclusifs de distribution entre une entreprise hexagonale exportatrice de produits et un importateur-distributeur situé dans les départements, régions et collectivités d’outre-mer. Avec quelles réussites ?


En 2009, les « États généraux de l’outre-mer » font de la vie chère une priorité nationale. Trois ans plus tard, la loi Lurel instaure une mesure radicale : l’interdiction automatique – appelée « per se » – des droits exclusifs d’importation… sans avoir à prouver qu’ils sont anticoncurrentiels.

Présentée comme un outil pour briser des situations de monopole et faire baisser les prix, cette loi consiste à mettre fin à la possibilité, pour une marque, de confier à un seul importateur la distribution de ses produits dans un territoire ultra-marin. Un choix souvent adopté par les producteurs en outre-mer, puisque approvisionner ces îles au moyen de plusieurs importateurs peut multiplier de facto les coûts.

Applicable dans les départements, régions et collectivités d’outre-mer (DROM-COM) – mais pas dans l’Hexagone –, elle inspire des législations similaires en Nouvelle-Calédonie et, un temps, en Polynésie française.

Notre analyse, fondée sur l’examen de douze années d’application de cette loi, montre que cette singularité française est injustifiée sur le plan économique. Elle génère en réalité des inefficacités qui vont à l’encontre de l’objectif affiché de compétitivité et de baisse des prix pour les consommateurs ultramarins.

Pratiques anticoncurrentielles verticales et horizontales

L’approche des droits exclusifs d’importation fait figure d’exception dans le paysage antitrust mondial. Partout ailleurs, les exclusivités territoriales sont analysées au cas par cas selon la « règle de raison » – un texte peut être contesté « dans un délai raisonnable » – qui évalue leurs effets proconcurrentiels et anticoncurrentiels.

En droit de la concurrence, le recours à l’interdiction per se est réservé aux pratiques dont les effets anticoncurrentiels sont quasi certains, et les effets bénéfiques quasi nuls. Il s’agit notamment des ententes conclues sur les prix entre entreprises concurrentes d’un même marché, ou entente horizontale.

Pour les accords concertés entre entreprises opérant à différents niveaux de la chaîne de production ou de distribution, ou entente verticale, la pensée économique a au contraire généralisé le recours à la règle de raison. Par exemple, les cosmétiques de luxe sont commercialisés en choisissant les distributeurs. Cette restriction verticale garantit aux parfumeurs la préservation de leur image de luxe.

Interdiction sans justification solide

L’interdiction des droits exclusifs d’importation ultra-marine a été décidée sans que la preuve de leur nocivité systématique n’ait été apportée. Aucune étude n’a démontré qu’elles avaient des effets globalement négatifs.

La loi prévoit théoriquement une exemption si une entreprise démontre les bénéfices économiques de l’exclusivité et le partage équitable des profits avec le consommateur. Dans les faits, cette démonstration s’avère impossible à réaliser, transformant cette présomption réfragable (qui peut être renversée par la preuve contraire) en une interdiction pure et dure. Aucune entreprise n’y est jamais parvenue, comme l’a encore confirmé une récente affaire concernant l’importation de champagne aux Antilles-Guyane.

Trois idées reçues qui brouillent le débat

Cette interdiction s’est construite sur une perception souvent erronée de la réalité des marchés ultramarins.

Notion abusive de « monopole »

Qualifier l’importateur exclusif d’une marque de « monopole » est économiquement incorrect et sémantiquement connoté. Un agent qui représente une marque sur un territoire n’en retire pas pour autant de façon automatique un pouvoir excessif sur le marché du produit en question. Il fournit un service de commercialisation et participe de facto à la concurrence avec les autres marques.

Cette situation n’est pas différente de celle d’un industriel comme Nestlé, qui implante sa propre filiale de distribution locale en outre-mer. Le groupe agroalimentaire suisse commercialise seul ses produits, c’est-à-dire qu’il procède lui-même à l’importation de ses produits dans les outre-mer et les revend ensuite aux distributeurs de détail (ce que l’on appelle le circuit intégré). Il n’est donc pas considéré comme un importateur exclusif, puisque cette logistique est réalisée au sein du groupe.

Pour la loi Lurel, ce circuit de distribution est légal. En revanche, une société qui, plutôt que d’implanter un représentant local, contracte avec une autre société (l’importateur exclusif) pour la commercialisation de son produit, se trouve à l’inverse sanctionnable.

Annihilation supposée de la concurrence intramarque

L’idée que l’exclusivité au stade grossiste tue toute concurrence entre détaillants pour les ventes de la même marque est contredite par les faits. En Polynésie française, on observe pour des produits très populaires, comme le Nutella, des écarts de prix allant jusqu’à 80 % entre différents détaillants ! Cela prouve une concurrence intramarque vive au niveau du détail, les commerces étant libres de fixer leurs prix.

L’exclusivité d’importation ne concerne généralement que le stade grossiste (et encore est-elle limitée par le recours possible aux centrales d’achat) et n’empêche pas la concurrence entre les nombreux points de vente.

Faiblesse présumée de la concurrence entre les marques

Il est souvent postulé que les marchés ultramarins, oligopolistiques, sont caractérisés par une faible concurrence intermarques. Si cela peut être vrai pour quelques produits particuliers, ce n’est pas le cas général. Dans les affaires sanctionnées, comme celle précitée du champagne, les autorités ont elles-mêmes reconnu l’existence d’une vive concurrence entre les marques.

Bilan coût-avantage négatif

L’interdiction exclusive, ou per se, génère plus de coûts que de bénéfices.

Les agents commerciaux des marques peuvent proposer dans les économies insulaires éloignées des services complémentaires qui évitent aux distributeurs de détail de les prendre en charge. Par exemple, ils assurent la logistique complexe – transport maritime, dédouanement, stockage –, ou adaptent les produits aux marchés locaux. La suppression de leur rôle risque de fragmenter les commandes, privant les distributeurs de remises sur volume.




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Si un distributeur peut bénéficier d’une exclusivité, il pourra plus facilement promouvoir sa marque. À l’inverse, interdire les exclusivités peut décourager l’entrée de nouvelles marques, et finalement restreindre le choix du consommateur. Les centrales d’achat métropolitaines, souvent présentées comme une alternative efficiente, opèrent une sélection de produits qui n’est pas toujours adaptée aux goûts et besoins locaux.

La mise en conformité est coûteuse et complexe pour les entreprises. La pratique des appels d’offres mis en place tous les deux ans pour choisir un importateur, encouragée par l’Autorité de la concurrence, précarise les relations fournisseurs/distributeurs et désincite à l’investissement à long terme. Après douze ans, aucun effet positif significatif sur le niveau général des prix n’a été documenté.

Pour un retour à la (règle de) raison

La décision politique de l’interdiction per se des exclusivités d’importation dans les outre-mer, ou loi Lurel, est une exception française, dont les fondements économiques sont fragiles et les résultats concrets décevants. Ni soutenue par les faits ni alignée sur les meilleures pratiques internationales, elle semble moins corriger des abus systématiques que créer de nouvelles inefficacités.

Plutôt que de renforcer une réglementation automatique et contre-productive, il serait plus judicieux de revenir à l’application de la règle de raison. Cela permettrait aux autorités de concurrence locales, qui en ont la capacité, de cibler leurs interventions sur les cas où des exclusivités auraient effectivement des effets anticoncurrentiels avérés, tout en préservant les nombreux avantages qu’elles procurent.

La lutte contre la vie chère mérite mieux que des solutions simplistes et idéologiques ; elle exige une analyse pragmatique et nuancée de la réalité économique des outre-mer. D’autres effets potentiels sur les prix devraient être étudiés : structure des coûts d’approche, impact de la lourdeur des réglementations, régulation inefficace des monopoles naturels, fiscalité douanière, mesures de protection des marchés, etc.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

ref. Vie chère dans les outre-mer : pourquoi l’interdiction des exclusivités d’importation est une fausse bonne idée – https://theconversation.com/vie-chere-dans-les-outre-mer-pourquoi-linterdiction-des-exclusivites-dimportation-est-une-fausse-bonne-idee-266077

OpenAI slipped shopping into 800 million ChatGPT users’ chats − here’s why that matters

Source: The Conversation – USA – By Yuanyuan (Gina) Cui, Assistant Professor of Marketing, Coastal Carolina University

AI could soon be buying things for you – maybe without even asking. Andriy Onufriyenko/Moment via Getty Images

Your phone buzzes at 6 a.m. It’s ChatGPT: “I see you’re traveling to New York this week. Based on your preferences, I’ve found three restaurants near your hotel. Would you like me to make a reservation?”

You didn’t ask for this. The AI simply knew your plans from scanning your calendar and email and decided to help. Later, you mention to the chatbot needing flowers for your wife’s birthday. Within seconds, beautiful arrangements appear in the chat. You tap one: “Buy now.” Done. The flowers are ordered.

This isn’t science fiction. On Sept. 29, 2025, OpenAI and payment processor Stripe launched the Agentic Commerce Protocol. This technology lets you buy things instantly from Etsy within ChatGPT conversations. ChatGPT users are scheduled to gain access to over 1 million other Shopify merchants, from major household brand names to small shops as well.

As marketing researchers who study how AI affects consumer behavior, we believe we’re seeing the beginning of the biggest shift in how people shop since smartphones arrived. Most people have no idea it’s happening.

OpenAI’s ChatGPT takes on e-commerce with Etsy, Shopify partnership.

From searching to being served

For three decades, the internet has worked the same way: You want something, you Google it, you compare options, you decide, you buy. You’re in control.

That era is ending.

AI shopping assistants are evolving through three phases. First came “on-demand AI.” You ask ChatGPT a question, it answers. That’s where most people are today.

Now we’re entering “ambient AI,” where AI suggests things before you ask. ChatGPT monitors your calendar, reads your emails and offers recommendations without being asked.

Soon comes “autopilot AI,” where AI makes purchases for you with minimal input from you. “Order flowers for my anniversary next week.” ChatGPT checks your calendar, remembers preferences, processes payment and confirms delivery.

Each phase adds convenience but gives you less control.

The manipulation problem

AI’s responses create what researchers call an “advice illusion.” When ChatGPT suggests three hotels, you don’t see them as ads. They feel like recommendations from a knowledgeable friend. But you don’t know whether those hotels paid for placement or whether better options exist that ChatGPT didn’t show you.

Traditional advertising is something most people have learned to recognize and dismiss. But AI recommendations feel objective even when they’re not. With one-tap purchasing, the entire process happens so smoothly that you might not pause to compare options.

OpenAI isn’t alone in this race. In the same month, Google announced its competing protocol, AP2. Microsoft, Amazon and Meta are building similar systems. Whoever wins will be in position to control how billions of people buy things, potentially capturing a percentage of trillions of dollars in annual transactions.

What we’re giving up

This convenience comes with costs most people haven’t thought about.

Privacy: For AI to suggest restaurants, it needs to read your calendar and emails. For it to buy flowers, it needs your purchase history. People will be trading total surveillance for convenience.

Choice: Right now, you see multiple options when you search. With AI as the middleman, you might see only three options ChatGPT chooses. Entire businesses could become invisible if AI chooses to ignore them.

Power of comparing: When ChatGPT suggests products with one-tap checkout, the friction that made you pause and compare disappears.

It’s happening faster than you think

ChatGPT reached 800 million weekly users by September 2025, growing four times faster than social media platforms did. Major retailers began using OpenAI’s Agentic Commerce Protocol within days of its launch.

History shows people consistently underestimate how quickly they adapt to convenient technologies. Not long ago most people wouldn’t think of getting in a stranger’s car. Uber now has 150 million users.

Convenience always wins. The question isn’t whether AI shopping will become mainstream. It’s whether people will keep any real control over what they buy and why.

What you can do

The open internet gave people a world of information and choice at their fingertips. The AI revolution could take that away. Not by forcing people, but by making it so easy to let the algorithm decide that they forget what it’s like to truly choose for themselves. Buying things is becoming as thoughtless as sending a text.

In addition, a single company could become the gatekeeper for all digital shopping, with the potential for monopolization beyond even Amazon’s current dominance in e-commerce. We believe that it’s important to at least have a vigorous public conversation about whether this is the future people actually want.

Here are some steps you can take to resist the lure of convenience:

Question AI suggestions. When ChatGPT suggests products, recognize you’re seeing hand-picked choices, not all your options. Before one-tap purchases, pause and ask: Would I buy this if I had to visit five websites and compare prices?

Review your privacy settings carefully. Understand what you’re trading for convenience.

Talk about this with friends and family. The shift to AI shopping is happening without public awareness. The time to have conversations about acceptable limits is now, before one-tap purchasing becomes so normal that questioning it seems strange.

The invisible price tag

AI will learn what you want, maybe even before you want it. Every time you tap “Buy now” you’re training it – teaching it your patterns, your weaknesses, what time of day you impulse buy.

Our warning isn’t about rejecting technology. It’s about recognizing the trade-offs. Every convenience has a cost. Every tap is data. The companies building these systems are betting you won’t notice, and in most cases they’re probably right.

The Conversation

The authors do not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organization that would benefit from this article, and have disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

ref. OpenAI slipped shopping into 800 million ChatGPT users’ chats − here’s why that matters – https://theconversation.com/openai-slipped-shopping-into-800-million-chatgpt-users-chats-heres-why-that-matters-267402

Space exploration in the backyard, on a budget – how NASA simulates conditions in space without blasting off

Source: The Conversation – USA – By Jordan Bretzfelder, Postdoctoral Fellow, Earth and Atmospheric Sciences, Georgia Institute of Technology

Analog missions, like those conducted at NASA’s CHAPEA facility at the Johnson Space Center, help scientists study human spaceflight without leaving Earth. Ronaldo Schemidt/AFP via Getty Images

Humanity’s drive to explore has taken us across the solar system, with astronaut boots, various landers and rovers’ wheels exploring the surfaces of several different planetary bodies. These environments are generally hostile to human and equipment health, so designing and executing these missions requires a lot of planning, testing and technological development.

You may have heard about the extensive testing facilities for spacecraft and equipment, but how do scientists prepare for the human aspect of space exploration?

One way to test out techniques and identify situations that may arise during a real mission is using a simulation, which in this field is more commonly known as an analog. Researchers choose and design analog missions and environments to replicate elements of a real mission, using what is available here on Earth.

These missions are conducted in extreme environments on Earth that are comparable to the Moon or Mars, in habitats designed to replicate living quarters, or a combination of both. Researchers can use analogs to study crew performance and procedures, or to test instruments under development for use in space.

For example, operating a drill or wrench may seem easy here on Earth, but try doing the same task in thick gloves on a bulky, pressurized space suit in lower gravity. Suddenly, things aren’t so straightforward. Testing these scenarios on Earth allows researchers to identify necessary changes before launch. The analogs can also train crew members who will one day undertake the actual mission.

I’m a planetary scientist, which means I study the geology of other planets. Currently, I study environments on Earth that are similar to other planets to improve our understanding of their counterparts elsewhere in the solar system. I participated as a volunteer in one of these analog missions as an “analog astronaut,” serving as the crew geologist and applying my prior research findings from studying the surfaces of the Moon and Mars.

These analog missions vary in setting, length and intensity, but all aim to learn more about the human factors involved in space exploration.

Where do we send them?

Analog missions are designed to simulate the crew’s experience in a given mission plan. In some cases, they simulate surface operations on the Moon or Mars for up to a year. Others might replicate the experience of being in transit to Mars for a period of time, followed by the crew “landing” and exploring the surface.

NASA uses several analog mission facilities spread across the world. For example, the Mars Desert Research Station in Utah is located in an environment chosen to imitate conditions on Mars, while analog missions at Aquarius, an undersea research station off the coast of Florida, help scientists learn about crew behavior and psychology in a confined habitat located in a hostile environment.

Some natural environments are commonly used for analog operations, such as volcanic terrains in the western U.S., human-made craters in Nevada, the natural meteor crater in Arizona and research stations in Antarctica. These locations mirror the geologic settings the crews are likely to encounter on future missions, and so training in these locations helps them execute the actual missions.

I participated in a simulated 28-day lunar surface mission at a facility called Hi-SEAS as part of a study on crew dynamics and psychology in extreme isolation. The facility is located on Mauna Loa, a volcano on the big island of Hawaii. This habitat has been used for a variety of studies, as the volcanic terrain is reminiscent of both the Moon and parts of Mars, and the isolated location simulates being in space.

A series of photos showing a dome-shaped habitat; a circular window; a circular doorway labeled 'airlock'; a room full of cabinets and appliances labeled 'laboratory'; a stairwell and elliptical; and a room with a small bed labeled 'cabins'
The HI-SEAS Habitat, which recreates the conditions of living and working on the Moon, is located in Mauna Loa, Hawaii.
Jordan Bretzfelder

Analog mission crews

Most missions require applicants to hold relevant degrees. They must undergo physical health and psychiatric evaluations, with the goal being to select individuals with similar backgrounds to those in the astronaut corps. The ideal crew is typically made up of participants who work and live well with others, and can stay cool under stress.

Crews also include at least one person with medical training for emergencies, as well as a variety of scientists and engineers to operate the habitat’s life support systems.

Two photos of a group of people wearing flight suits walking in a volcanic terrain and standing in front of a geodesic dome.
Special suits were required whenever researchers left the habitat. They consisted of flight suits, protective pads, thick motorcycle gloves and a modified helmet with an air pump unit attached, housed in a backpack. Ensuring the suits and air systems were functioning before and during these short expeditions was critical.
Jordan Bretzfelder

The experiences of each crew varies, depending on the mission design, location and makeup of the crew. My mission was designed so that the six crew members would not have any information about our crewmates until we arrived in Hawaii for training. In addition to geology expertise, I also have some medical training as a Wilderness First Responder, so I was there to assist with any medical issues.

Daily life on an analog mission

Once in Hawaii, the crew spent three days learning how to operate the habitat systems, including the hydroponic garden and solar panels. We practiced emergency procedures and were taught how to perform other tasks.

After that orientation, we were deployed to the habitat for 28 days. We turned in our phones to mission control and could only access the internet to check emails or use a few preapproved websites required for our daily duties. Our days were scheduled with tasks from wake up, about 6:30 a.m., to lights out, about 10 p.m.

A mission patch showing three people wearing masks and flight suits and walking toward a dome-shaped habitat, with a ring around it saying 'Medulla IV' with the names of the participants.
The mission patch from the lunar analog mission.

The tasks included a variety of exercises to assess individual and group performance. They included individual assessments – similar to a daily IQ test – and group computer-based tasks, such as team 3D Tetris. The researchers remotely monitored our interactions during these activities, and the results were analyzed as the mission progressed. They used our fluctuating performance on these activities as a proxy for estimating stress levels, group cohesion and individual well-being.

Additionally, we went on two-to-three-hour extra-vehicular activities, or excursions outside the habitat, on alternating days. During these expeditions, we conducted geologic investigations on the volcano. On our “off days,” we spent two hours exercising in the habitat. We had to be fully suited in a mock spacesuit any time we went outside, and we had to be careful about the airlock procedures. We were never outdoors alone.

We could only eat freeze-dried and powdered foods, aside from what we were able to grow in the hydroponic system. We had no additional food delivered during our stay. Water was also rationed, meaning we had to find innovative ways to maintain personal hygiene. For example, a bucket shower one or two times per week was allowed, supplemented by “wilderness wipe” baths. As someone with a lot of very curly hair, I was happy to figure out a method for managing it using less than two liters of water per week. We were also permitted to do laundry once during our stay, as a group. Sorting through your crewmates’ wet clothes was certainly one way to bond.

Though physically demanding at times, the workload was not unreasonable. We were kept busy all day, as certain everyday tasks, such as cooking, required more effort than they might need in our normal lives. Preparing nutritionally balanced and palatable meals while rationing our very limited resources was hard, but it also provided opportunities to get creative with recipes and ingredients. We even managed to bake a cake for a crew member’s birthday, using peanut butter protein and cocoa powders to flavor it.

After dinner each night, we shared the pre-saved movies and shows we had each brought with us into the habitat, as we could not access the internet. Those of us who had brought physical copies of books into the habitat would trade those as well. One crew member managed to acquire a downloadable form of the daily Wordle, so we could still compete with our friends back home. We also played board games, and all of these activities helped us get to know each other.

Though different from our typical daily lives, the experience was one of a kind. We had the satisfaction of knowing that our efforts advanced space exploration in its own small way, one IQ test and slapdash cake at a time.

The Conversation

Jordan Bretzfelder does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organization that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

ref. Space exploration in the backyard, on a budget – how NASA simulates conditions in space without blasting off – https://theconversation.com/space-exploration-in-the-backyard-on-a-budget-how-nasa-simulates-conditions-in-space-without-blasting-off-264658

How AI can improve storm surge forecasts to help save lives

Source: The Conversation – USA (2) – By Navid Tahvildari, Associate Professor of Civil and Environmental Engineering, Florida International University

A hurricane’s storm surge can quickly inundate coastal areas. Chip Somodevilla/Getty Images

Hurricanes are America’s most destructive natural hazards, causing more deaths and property damage than any other type of disaster. Since 1980, these powerful tropical storms have done more than US$1.5 trillion in damage and killed more than 7,000 people.

The No. 1 cause of the damages and deaths from hurricanes is storm surge.

Storm surge is the rise in the ocean’s water level, caused by a combination of powerful winds pushing water toward the coastline and reduced air pressure within the hurricane compared to the pressure outside of it. In addition to these factors, waves breaking close to the coast causes sea level to increase near the coastline, a phenomenon we call wave setup, which can be an important component of storm surge.

Accurate storm surge predictions are critical for giving coastal residents time to evacuate and giving emergency responders time to prepare. But storm surge forecasts at high resolution can be slow.

A coastal area with severe damage to homes and others buildings.
An aerial photo of Fort Myers Beach, Fla., in the aftermath of Hurricane Ian in September 2022 shows the damage storm surge can do.
Ricardo Arduengo/AFP via Getty Images

As a coastal engineer, I study how storm surge and waves interact with natural and human-made features on the ocean floor and coast and ways to mitigate their impact. I have used physics-based models for coastal flooding and have recently been exploring ways that artificial intelligence can improve the speed of storm surge forecasting.

How storm surge is forecast today

Today, operational storm surge forecasts rely on hydrodynamic models, which are based on the physics of water flow.

These models use current environmental conditions – such as how fast the storm is moving toward shore, its wind speed and direction, the timing of the tide, and the shape of the seafloor and the landscape – to compute the projected surge height and determine which locations are most at risk.

Hydrodynamic models have substantially improved in recent decades, and computers have become significantly more powerful, such that rapid low-resolution simulations are possible over very large areas. However, high-resolution simulation that provide neighborhood-level detail can take several hours to run.

Those hours can be critical for communities at risk to evacuate safely and for emergency responders to prepare adequately.

A map of Florida shows areas at greatest risk of storm surge.
The National Hurricane Center’s storm surge forecast for Hurricane Ian two days before it made landfall near Fort Myers, Fla., on Sept. 28, 2022.
NOAA

To forecast storm surge across a wide area, modelers break up the target area into many small pieces that together form a computational grid or mesh. Picture pixels in an image. The smaller the grid pieces, or cells, the higher the resolution and the more accurate the forecast. However, creating many small cells across a large area requires greater computing power, so forecasting storm surge takes longer as a result.

Forecasters can use low-resolution computer grids to speed up the process, but that reduces accuracy, leaving communities with more uncertainty about their flood risk.

AI can help speed that up.

How AI can create better forecasts

There are two main sources of uncertainty in storm surge predictions.

One involves the data fed into the computer model. A hurricane’s storm track and wind field, which determine where it will make landfall and how intense the surge will be, are still hard to forecast accurately more than a few days in advance. Changes to the coast and sea floor, such as from channel dredging or loss of salt marshes, mangroves or sand dunes, can affect the resistance that storm surge will face.

The second uncertainty involves the resolution of the computational grid, over which the mathematical equations of the surge and wave motion are solved. The resolution determines how well the model sees changes in landscape elevation and land cover and accounts for them, and at how much granularity the physics of hurricane surge and waves is solved.

Detailed storm surge models can provide more specific information about expected flood height. These two modeled examples show the difference in expected flooding from a fast-moving storm, above, and a slow-moving storm, below.
NOAA
Slower-moving storms tend to have higher and broader storm surge inland, including into bays and estuaries.
NOAA

AI models can produce detailed predictions faster. For example, engineers and scientists have developed AI models based on deep neural networks that can predict water levels along the coastline quickly and accurately by using data about the wind field. In some cases, these models have been more accurate than traditional hydrodynamic models.

AI can also develop forecasts for areas with little historic data, or be used to understand extreme conditions that may not have occurred there before.

For these forecasts, physics-based models can be used to generate synthetic data to train the AI on scenarios that might be possible but haven’t actually happened. Once an AI model is trained on both the historic and synthetic data, it can quickly generate surge forecasts using details about the wind and atmospheric pressure.

Training the AI on data from hydrodynamic models can also improve its ability to quickly generate inundation risk maps showing which streets or houses are likely to flood in extreme events that may not have a historical precedent but could happen in the future.

The future of AI for hurricane forecasting

AI is already being used in operational storm surge forecasts in a limited way, mainly to augment the commonly used physics-based models.

In addition to improving those methods, my team and other researchers have been developing ways to use AI for storm surge prediction using observed data, assessing the damage after hurricanes and processing camera images to deduce flood intensity. That can fill a critical gap in the data needed for validating storm surge models at granular levels.

As artificial intelligence models rapidly spread through every aspect of our lives and more data becomes available for training them, the technology offers potential to improve hurricane and storm surge forecasting in the future, giving coastal communities faster and more detailed warnings about the risks on the way.

The Conversation

Navid Tahvildari’s research on coastal flooding has been funded by NSF, NOAA, NASA, and DOT.

ref. How AI can improve storm surge forecasts to help save lives – https://theconversation.com/how-ai-can-improve-storm-surge-forecasts-to-help-save-lives-259007

Why is Halloween starting so much earlier each year? A business professor explains

Source: The Conversation – USA (2) – By Jay L. Zagorsky, Associate Professor Questrom School of Business, Boston University

Halloween is a fun, scary time for children and adults alike – but why does the holiday seem to start so much earlier every year? Decades ago, when I was young, Halloween was a much smaller affair, and people didn’t start preparing until mid-October. Today, in my neighborhood near where I grew up in Massachusetts, Halloween decorations start appearing in the middle of summer.

What’s changed isn’t just when we celebrate but how: Halloween has evolved from a simple folk tradition to a massive commercial event. As a business school professor who has studied the economics of holidays for years, I’m astounded by how the business of Halloween has grown. And understanding why it’s such big business may help explain why it’s creeping earlier and earlier.

The business of Halloween

Halloween’s roots lie in a Celtic holiday honoring the dead, later adapted by the Catholic Church as a time to remember saints. Today it’s largely a secular celebration – one that gives people from all backgrounds a chance to dress up, engage in fantasy and safely confront their fears.

That broad appeal has fueled explosive growth. The National Retail Federation has surveyed Americans about their Halloween plans each September since 2005. Back then, slightly more than half of Americans said they planned to celebrate. In 2025, nearly three-quarters said they would – a huge jump in 20 years.

And people are planning to shell out more money than ever. Total spending on Halloween is expected to reach a record US$13 billion this year, according to the federation – an almost fourfold increase over the past two decades. Adjusting for inflation and population growth, I found that the average American will spend an expected $38 on Halloween this year – up from just $18 per person back in 2005. That’s a lot of candy corn.

Candy imports show a similar trend. September has long been the key month for the candy trade, with imports about one-fifth higher than during the rest of the year. Back in September 2005, the U.S. imported about $250 million of the sweet stuff. In September 2024, that figure had tripled to about $750 million.

This is part of a larger trend of Halloween becoming a lot more professionalized. For example, when I was a kid, it wasn’t unusual for households to pass out brownies, candied apples and other homemade treats to trick-or-treaters. But because of safety concerns and food allergies, for decades Americans have been warned to stick to mass-produced, individually wrapped candies.

The same shift has happened with costumes. Years ago, many people made their own; today, store-bought costumes dominate — even for pets.

Why Halloween keeps creeping earlier

While there’s no definitive research establishing why Halloween seems to start earlier each year, the increase in spending is one major driver.

Halloween items are seasonal, which means no one wants to buy giant plastic skeletons on Nov. 1. As total spending grows, retailers order more inventory, and the cost of storing ever-larger amounts of unsold items until the next year becomes a bigger consideration.

Once a season’s commercial footprint becomes large enough, retailers begin ordering and displaying merchandise long before it’s actually needed. For example, winter coats start appearing in stores in early fall and are typically gone when the snow starts falling. It’s the same with Halloween: Retailers put out merchandise early to ensure they’re not stuck with unsold goods once the season is over.

They also often price strategically – charging full price when items first hit the shelves, appealing to eager early shoppers, and then marking down prices closer to the holiday. This clears shelves and warehouses, making room for the next upcoming shopping season.

Over the past two decades, Halloween has become an ever-bigger commercial holiday. The growth in people enjoying the holiday and the increase in spending has resulted in Halloween becoming one giant treat for businesses. The big trick for retailers is preventing this holiday from starting before the Fourth of July.

The Conversation

Jay L. Zagorsky does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organization that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

ref. Why is Halloween starting so much earlier each year? A business professor explains – https://theconversation.com/why-is-halloween-starting-so-much-earlier-each-year-a-business-professor-explains-267716

Why are women’s shoes so pointy? A fashion expert on impractical but stylish footwear

Source: The Conversation – USA (2) – By Michael Watson, Interim Associate Chair and Instructor of Retailing, University of South Carolina

One thing uniting humans across history is their willingness to suffer for fashion. Victoria Kotlyarchuk/iStock via Getty Images Plus

Curious Kids is a series for children of all ages. If you have a question you’d like an expert to answer, send it to CuriousKidsUS@theconversation.com.


“Why are ladies’ shoes so pointy? Feet and toes aren’t pointy, most of men’s shoes aren’t pointy, and they hurt my feet.” – Bunny, age 13, Mizpah, New Jersey


While people’s actual feet are rounded on the end, women’s dress shoes often come to a sharp point at the toe. Many people also feel these pointy shoes are uncomfortable to wear. So why do shoe designers keep making them this way?

With over two decades in the fashion industry, I’ve researched and taught on the influences behind fashion design and how it’s used, even when certain traditions and styles seem impractical.

Revisiting the interesting history behind women’s pointy shoes can help us understand the various reasons why they’re still popular.

Pointy poulaines for men

Several current fashion trends for women, including pointy shoes, were in fact initially adopted by men.

In medieval Europe, around the 14th and 15th centuries, pointy leather shoes were popular among wealthy men. Called poulaines – or cracows, after the Polish city Kraków, where historians think they originated – these shoes could run as long as 12 inches in length. To keep the stiff, pointy shape, the wearer would stuff the ends of the shoes with moss or wool.

Black shoes with long, pointed tips
The pointy tip is the point for poulaines.
Deutsches Schuhmuseum Hauenstein, CC BY-SA

Like most items of fashion, shoes signal the wearer’s status to their peers. Poulaines were heavily decorated and expensive to make, and their elongated design made it difficult to move around. Thus, wearing poulaines communicated to others that the wearer was wealthy, having no need to perform physical work that required mobility.

Pointy shoes as status symbol

These shoes became so popular that in 1463 King Edward IV of England passed laws limiting toe length to 2 inches for anyone below a lord in social ranking. This decree had social, political and religious effects.

Socially, restricting the longest-toed shoes to the nobility ensured the shoe would be a visual status marker associated with the upper classes. This obvious sign helped maintain social order and prevented lower-class people from trying to pass themselves off as higher in standing than they were.

Politically, the king used this same legislation to control the textile trade and protect English industries. By regulating the fabrics and accessories necessary to make excessively ornate shoes, Edward IV could limit foreign competition with English textile manufacturers and at the same time manage fashion trends.

Painting depicting various aristocrats wearing pointy shoes at a banquet
Only nobility got to enjoy the longest pointy shoes England could offer.
Loyset Liédet (circa 1470)/Bibliothèque de l’Arsenal

From a religious perspective, King Edward IV passed these laws on the grounds that God was displeased by anything other than modest clothing – for the lower classes, anyway. Additionally, religious leaders believed that the long toes prevented people from kneeling in a respectful, submissive manner and so restricted the ability to properly pray.

The pressure to literally “fit in” to these pointy shoes also came with a physical cost. Poulaines hurt the wearer’s feet and could make their toe bones crooked. Bunions – a bony bump that develops on the inside of the foot at the big toe – became more common with the popularity of these shoes.

Pain with a purpose

Various cultures have adopted pointy shoes throughout history, often to signify status, wealth or a connection to a specific subculture. A few examples include the juttis or khussas of Northern India and Pakistan, respectively; the lotus shoes once popular in China; and the pointed flat slippers worn during the Etruscan civilization.

From a practical standpoint, however, pointy-toed shoes can lead to foot deformities and health problems. Why do people still wear pointy shoes if they’re so painful?

Shoes with a very close taper at the toes and high arches
Fitting into lotus shoes required intentionally breaking one’s feet.
Daniel Schwen/The Children’s Museum of Indianapolis via Wikimedia Commons, CC BY-SA

One reason is a desire to belong. Your brain is programmed to seek out and find people who think and believe like you. Like how early humans needed to stay with their tribe to survive, your brain thinks that being part of a group can help keep you safe.

Because high-heeled, pointed shoes are commonly worn by women, wearing them gives the wearer feelings of acceptance from other women. While there is nothing inherent about pointy shoes that make them feminine or attractive – considering that they were often originally designed for men – fashion often relies on trends that people unconsciously agree on. What is stylish is often influenced by accepted social norms.

Your brain also has clever shortcuts to help you make decisions quickly. One shortcut is to look at what other people are doing. If you see lots of people wearing a certain style or playing a particular game, your brain thinks, well, if everyone is doing this, it must be a good choice. This process helps you make decisions without having to think too hard about every little detail.

Scientists call the powerful, mental influence fashion has on both the person wearing it and the people seeing their outfit enclothed cognition. The shoes you wear may alter how you perceive yourself and others, as well as carry symbolic meaning. So designers might use elongated shoes to create the illusion of a long, slender silhouette to create a look that is not only seen but also personally felt as elegant and powerful.

With new technology and an increased consumer desire for comfort, the good news is that next time you get dressed and want to wear pointy, fashionable shoes, they may be at least a little less painful than they were in the past.


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The Conversation

Michael Watson does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organization that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

ref. Why are women’s shoes so pointy? A fashion expert on impractical but stylish footwear – https://theconversation.com/why-are-womens-shoes-so-pointy-a-fashion-expert-on-impractical-but-stylish-footwear-256174