Quizá se haya preguntado alguna vez cómo puede una red social como LinkedIn recomendarle seguir a gente que, en realidad, sí conoce, pero no pertenece a su círculo profesional o laboral. Es porque se emplea una tecnología de inteligencia artificial (IA) conocida como redes neuronales gráficas, que funciona trazando y hallando conexiones –de todo tipo– entre distintos nodos. Esos nodos pueden ser personas, como ocurre en LinkedIn. Pero también pueden ser principios activos de medicamentos y enfermedades, con lo que esta clase de algoritmos resultan útiles para encontrar cierto vínculo entre una sustancia y el mecanismo de acción para tratar una dolencia y, así, sugerir nuevos usos para fármacos ya existentes.
Y todo ello, sin necesidad de andar probando uno por uno en el laboratorio durante largos y costosos procesos. Los investigadores no se pueden ahorrar, eso sí, el momento de comprobar si ese fármaco sugerido por la IA de verdad funciona en la realidad. Puede ser que sea un éxito. Pero también puede ser que no. Eso debemos recordarlo siempre.
Que las predicciones de un algoritmo no son fiables al cien por cien lo saben bien todos aquellos presos que han visto rechazada su petición de libertad condicional por la decisión de un programa de deep learning. De hecho, los estudios demuestran que la capacidad predictiva de los algoritmos en el ámbito penitenciario es muy limitada: en torno a la mitad de las veces fallan. Para más inri, fallan sobre todo con las personas más marginadas históricamente, entre ellas, los inmigrantes, a los que la Tabla de Valoración de Riesgo que se usa en cárceles españolas otorga automáticamente entre un 85 % y un 100 % de probabilidades de quebrantamiento de la ley.
Un ejemplo más de que la inteligencia artificial no está pensada para favorecer a minorías ni a grupos vulnerables es el caso de las personas con discapacidad, que son quienes más barreras encuentran para beneficiarse de las nuevas herramientas… y quienes más la necesitan. La solución, según los expertos, pasa por tenerles en cuenta desde el principio, en el diseño de esos programas informáticos. Porque de nada sirven las pomposas promesas de la tecnología si luego, en la práctica, no podemos aprovecharla todos por igual. La clave está no solo en el diseño atractivo, sino también en la utilidad del producto diseñado.
Nos corresponde, en última instancia, a los ciudadanos defender cómo queremos que sea esa tecnología que invade cada rincón de la sociedad. Aunque, para entrar en el debate público y poder saber lo que queremos, antes tenemos que saber también lo que tenemos, lo que nos ofrecen. Y la mejor forma de entenderlo es llamando a las cosas por su nombre, sin dejarnos confundir por métáforas que convierten a la IA en persona, presentándola como poseedora de inteligencia superior a la humana.
Así que aquí les dejamos algunos deberes para poner a trabajar eso que todos tenemos, que nos sale gratis y que no tiene impacto medioambiental: nuestro cerebro.
Les larves de mouches peuvent se nourrir d’animaux en décomposition.Melanie M. Beasley
Les asticots étaient-ils un mets de base du régime alimentaire des Néandertaliens ? Cela expliquerait pourquoi ces derniers présentent des taux d’azote-15 dignes d’hypercarnivores.
Pendant longtemps, les scientifiques ont pensé que les Néandertaliens étaient de grands consommateurs de viande. Des analyses chimiques de leurs restes semblaient indiquer qu’ils en mangeaient autant que des prédateurs de haut niveau comme les lions ou les hyènes. Mais en réalité, les Hominini – c’est-à-dire les Néandertaliens, notre espèce, et d’autres parents proches aujourd’hui éteints – ne sont pas des carnivores spécialisés. Ce sont plutôt des omnivores, qui consomment aussi de nombreux aliments d’origine végétale.
Il est possible pour les humains de survivre avec un régime très carnivore. De fait, plusieurs groupes de chasseurs-cueilleurs traditionnels du Nord, comme les Inuits, ont pu survivre principalement grâce aux aliments d’origine animale. Mais les Hominini ne peuvent tout simplement pas tolérer de grandes quantités de protéines comme les grands carnivores. Chez l’humain, un excès prolongé de protéines sans une quantité suffisante d’autres nutriments peut entraîner une intoxication protéique – un état débilitant, voire mortel, historiquement appelé « famine du lapin ».
Alors, comment expliquer les signatures chimiques retrouvées dans les os de Néandertaliens, qui suggèrent qu’ils mangeaient énormément de viande sans problème apparent ?
Je suis anthropologue et j’étudie l’alimentation de nos lointains ancêtres grâce à des éléments comme l’azote. De nouvelles recherches que mes collègues et moi avons menées suggèrent qu’un ingrédient secret dans le régime des Néandertaliens pourrait expliquer ces signatures chimiques : les asticots.
Les rapports isotopiques renseignent sur ce qu’un animal a mangé
Les proportions d’éléments spécifiques retrouvées dans les os d’un animal permettent d’avoir un aperçu de son alimentation. Les isotopes sont des formes alternatives d’un même élément, dont la masse diffère légèrement. L’azote possède deux isotopes stables : l’azote-14 (le plus courant) et l’azote-15 (plus lourd et plus rare). On note leur rapport sous la forme δ15N, mesuré en « pour mille ».
À mesure que l’on monte dans la chaîne alimentaire, les organismes ont relativement plus d’azote-15 en eux. L’herbe, par exemple, a une valeur de δ15N très faible. Un herbivore, lui, accumule l’azote-15 qu’il consomme en mangeant de l’herbe, de sorte que son propre corps a une valeur de δ15N légèrement plus élevée. Les animaux carnivores ont le ratio d’azote le plus élevé dans un réseau alimentaire ; l’azote-15 de leurs proies se concentre dans leur corps.
En analysant les rapports d’isotopes stables de l’azote, nous pouvons reconstruire les régimes alimentaires des Néandertaliens et des premiers Homo sapiens durant la fin du Pléistocène, qui s’étendait de 11 700 à 129 000 ans avant notre ère (av. n. è.). Les fossiles provenant de différents sites racontent la même histoire : ces Hominini ont des valeurs de δ15N élevées. Ces valeurs les placeraient typiquement au sommet de la chaîne alimentaire, aux côtés des hypercarnivores tels que les lions des cavernes et les hyènes, dont le régime alimentaire est composé à plus de 70 % de viande.
Mais peut-être y avait-il quelque chose d’autre dans leur alimentation qui gonfle ces valeurs ?
Découvrir le menu des Néandertaliens
Notre suspicion s’est portée sur les asticots, qui pouvaient être une source différente d’azote-15 enrichi dans le régime alimentaire des Néandertaliens. Les asticots, qui sont les larves de mouches, peuvent être une source de nourriture riche en graisses. Ils sont inévitables après avoir tué un autre animal, facilement collectables en grande quantité et bénéfiques sur le plan nutritionnel.
Pour explorer cette possibilité, nous avons utilisé un ensemble de données qui avait été initialement créé dans un but très différent : un projet d’anthropologie médico-légale axé sur la manière dont l’azote pourrait aider à estimer le temps écoulé depuis la mort.
J’avais initialement collecté des échantillons contemporains de tissu musculaire et des asticots associés au Centre d’anthropologie médico-légale de l’Université du Tennessee, à Knoxville, pour comprendre comment les valeurs d’azote évoluent pendant la décomposition après la mort.
Bien que ces données soient pensées pour aider dans des enquêtes actuelles sur des morts, nous les avons, nous, réutilisées pour tester une hypothèse très différente. Nous avons ainsi trouvé que les valeurs des isotopes stables de l’azote augmentent modestement à mesure que le tissu musculaire se décompose, allant de -0,6 permil à 7,7 permil.
Cette augmentation est plus marquée dans les asticots eux-mêmes, qui se nourrissent de ce tissu en décomposition : de 5,4 permil à 43,2 permil. Pour mettre ces valeurs en perspective, les scientifiques estiment que les valeurs de δ15N des herbivores du Pléistocène varient entre 0,9 permil et 11,2 permil. On enregistre pour les asticots des mesures pouvant être presque quatre fois plus hautes.
Notre recherche suggère que les valeurs élevées de δ15N observées chez les Hominini du Pléistocène tardif pourraient être gonflées par une consommation tout au long de l’année de mouches larvaires enrichies en 15N trouvées dans des aliments d’animaux séchés, congelés ou stockés.
Les pratiques culturelles influencent l’alimentation
En 2017, mon collègue John Speth a suggéré que les valeurs élevées de δ15N chez les Néandertaliens étaient dues à la consommation de viande putréfiée ou en décomposition, en se basant sur des preuves historiques et culturelles des régimes alimentaires chez les chasseurs-cueilleurs de l’Arctique.
Traditionnellement, les peuples autochtones considéraient presque universellement les aliments d’animaux entièrement putréfiés et infestés de mouches larvaires comme des mets très recherchés, et non comme des rations de survie. En fait, de nombreux peuples laissaient régulièrement et, souvent intentionnellement, les aliments d’origine animale se décomposer au point où ils grouillaient de mouches larvaires et, dans certains cas, commençaient même à se liquéfier.
Cette nourriture en décomposition émettait inévitablement une puanteur si intense que les premiers explorateurs européens, les trappeurs et les missionnaires en étaient dégoûtés. Pourtant, les peuples autochtones considéraient ces aliments comme bons à manger, voire comme une gourmandise. Lorsqu’on leur demandait comment ils pouvaient tolérer cette odeur nauséabonde, ils répondaient simplement : « Nous ne mangeons pas l’odeur. »
Des pratiques culturelles des Néandertaliens similaires pourraient bien être la clé de l’énigme de leurs valeurs élevées de δ15N. Les Hominini anciens coupaient, stockaient, conservaient, cuisaient et cultivaient une grande variété de produits. Toutes ces pratiques enrichissaient leur régime alimentaire paléolithique avec des aliments sous des formes que les carnivores non-Hominini ne consomment pas. Des recherches montrent que les valeurs de δ15N sont plus élevées pour les aliments cuits, pour les tissus musculaires putréfiés provenant de spécimens terrestres et aquatiques et, selon notre étude, pour les larves de mouches se nourrissant de tissus en décomposition.
Les valeurs élevées de δ15N des asticots associées aux aliments animaux putréfiés aident à expliquer comment les Néandertaliens ont pu inclure une grande variété d’autres aliments nutritifs au-delà de la simple viande, tout en affichant des valeurs de δ15N typiques de celles des hypercarnivores.
Nous suspectons que les valeurs élevées de δ15N observées chez les Néandertaliens reflètent la consommation régulière de tissus animaux gras et de contenus d’estomac fermentés, beaucoup étant à l’état semi-putride ou putride, ainsi que le bonus inévitable des mouches larvaires vivantes et mortes enrichies en 15N.
Ce qui reste encore inconnu
Les asticots sont une ressource riche en graisses, dense en nutriments, ubiquitaire et facilement disponible, et tant les Néandertaliens que les premiers Homo sapiens, tout comme les chasseurs-cueilleurs modernes, auraient tiré profit de leur pleine exploitation. Mais nous ne pouvons pas affirmer que les mouches larvaires seules expliquent pourquoi les Néandertaliens ont de telles valeurs élevées de δ15N dans leurs restes.
Plusieurs questions concernant ce régime alimentaire ancien restent sans réponse. Combien d’asticots une personne devait-elle consommer pour expliquer une augmentation des valeurs de δ15N au-delà des valeurs attendues dues à la consommation de viande seule ? Comment les bienfaits nutritionnels de la consommation de mouches larvaires changent-ils en fonction du temps de stockage des aliments ? Des études expérimentales supplémentaires sur les variations des valeurs de δ15N des aliments transformés, stockés et cuits selon les pratiques traditionnelles autochtones pourraient nous aider à mieux comprendre les pratiques alimentaires de nos ancêtres.
Melanie Beasley a reçu un financement de la Haslam Foundation pour cette recherche.
Source: The Conversation – in French – By Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business School
David Ricardo, économiste, philosophe et député, est considéré comme l’un des économistes libéraux les plus influents de l’école classique aux côtés d’Adam Smith.Store norske leksikon
Plus de deux siècles ans après la parution de ses Principes de l’économie politique et de l’impôt, le retour de Donald Trump à la Maison Blanche ramène au premier plan sa théorie sur l’équivalence budgétaire ou « neutralité ricardienne ». Une réponse à l’envolée des déficits publics ? Les politiques budgétaires actuelles sont-elles ricardiennes ?
Plus de deux siècles ans après la parution de ses Principes de l’économie politique et de l’impôt (1817), le retour de Donald Trump à la Maison Blanche ramène au premier plan deux de ses théories. En décidant de rompre brutalement avec soixante-dix-huit ans de réduction des barrières tarifaires dans le commerce international, le président états-unien s’oppose aujourd’hui frontalement à la théorie des avantages comparatifs.
La promulgation, le 4 juillet 2025, jour de l’indépendance américaine, du Big Beautiful Bill décline la doctrine fiscale et budgétaire du second mandat Trump. Cette dernière est fondée sur des réductions d’impôts massives pour les plus riches, une flambée des dépenses militaires et de lutte contre l’immigration et des coupes drastiques dans les dépenses sociales, notamment de santé des plus pauvres.
Devant l’envolée prévisible d’un déficit public déjà record au sein des pays de l’OCDE, il est utile de revenir sur une autre théorie de Ricardo, l’équivalence budgétaire ou « neutralité ricardienne ».
Équivalence ricardienne
The Principles of Political Economy and Taxation (1817). Wikimedia
L’équivalence ricardienne exposée dans Principes de l’économie politique et de l’impôt (1817), puis développée dans un article peu connu intitulé Funding System de l’Encyclopedia Britannica de 1820, est en réalité plus une simple expérience de pensée intuitive, une curiosité intellectuelle, qu’une véritable théorie.
Face à la dette publique anglaise colossale léguée par les guerres napoléoniennes – 250 % du PIB –, David Ricardo s’interroge sur la meilleure manière de la réduire. Il imagine alors un pays sans dette qui doit gérer le coût d’une guerre de 20 millions de livres, dans un contexte où le taux d’intérêt est de 5 %. Cette guerre peut être payée soit en une seule fois, soit par le biais d’un impôt perpétuel d’un million de livres, soit par le biais d’un impôt de 1,2 million de livres pendant quarante-cinq ans.
Sous certaines conditions très restrictives – que Joseph Schumpeter qualifiait de « vice ricardien » –, dont certaines utopiques comme la totale rationalité des citoyens, Ricardo conclut que toutes ces solutions sont équivalentes. Que les particuliers paient contraints et forcés un impôt ou qu’ils souscrivent volontairement un emprunt versant un intérêt garanti, ils transfèrent une partie de leurs ressources à l’État. Il n’y a donc pas de différence économique entre l’emprunt et l’impôt, seulement une différence comptable, par la hausse du taux d’épargne des ménages à hauteur de la dette, et… une différence sociale puisque les intérêts de cette nouvelle dette modifieront la répartition des revenus.
Les impôts levés pour payer les intérêts des emprunts s’analysent comme un transfert des mains du contribuable dans celles du créancier de l’État. Autrement dit, un mécanisme de redistribution des revenus en faveur des détenteurs d’obligations aux dépens de la population – et non pas, comme on le croit souvent, d’une génération à une autre. Quand les détenteurs de la dette publique sont des résidents du pays, comme c’était à peu près le cas à l’époque (mais plus maintenant, puisque les obligations de l’État français sont détenues à plus de 50 % par des non-résidents), que les intérêts de l’emprunt soient payés ou non, la nation ne s’en trouvera ni plus ni moins riche.
Dettes et impôts équivalents
Au moment de la crise de 1929, Keynes remet en cause un dogme budgétaire issu de la pensée de Smith et de Ricardo selon lequel les comptes publics devaient toujours rester équilibrés. Pour relancer l’économie, Keynes enseigne dans sa Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie de 1936, qu’un déficit budgétaire déclenché par une hausse des dépenses publiques est le seul moyen de sortir d’une grave dépression économique.
Cette vision du rôle de l’État éclipse les classiques. Elle constitue le nouveau dogme de la politique budgétaire des pays développés jusqu’aux années 1970, où le cumul du chômage et de l’inflation conduit certains économistes à rompre avec le keynésianisme pour réinventer la macroéconomie.
C’est ainsi qu’en 1974, Robert Barro, qui ignorait alors l’équivalence ricardienne, publie un article « Are Government Bonds Net Wealth ? » où il montre que, là encore sous certaines conditions très restrictives, les deux grands modes de financement modernes des dépenses publiques que sont la dette et l’impôt sont strictement équivalents. Par conséquent, une politique de relance budgétaire est « neutre » sur l’activité économique, ce qui implique qu’elle ne produit aucun effet « keynésien » comme le multiplicateur des dépenses, ou « néoclassique/antikeynésien » comme l’effet d’éviction.
Selon lui, les anticipations rationnelles des agents accroissent l’épargne privée à l’exact montant du déficit public lié à la relance budgétaire. En substituant la dette publique à l’impôt, le gouvernement ne modifie pas la valeur actuarielle des impôts futurs et, partant, le revenu permanent des ménages. C’est cette théorie qui sera rapidement qualifiée d’« effet Ricardo-Barro » notamment par Buchanan en 1976. Il soulignera que la contestation par Barro de l’efficacité des politiques budgétaires a un objet : montrer que le mode de financement des dépenses publiques – par impôt ou par emprunt – constitue un problème secondaire par rapport aux pertes d’efficience engendrées par un niveau excessif de dépenses publiques, financées par des impôts distordants.
Tests empiriques
Depuis, de nombreuses études empiriques ont analysé les effets de l’accroissement des déficits publics sur l’épargne des ménages. En France, une étude publiée par la Direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE) en 2004 suggère que les ménages, de la zone euro et en France, suivent, mais en partie seulement, un comportement ricardien :
« Une hausse de 1 point de PIB du déficit public structurel serait compensée par une augmentation de ¾ de point de PIB de l’épargne privée, ce qui serait cohérent avec un comportement largement ricardien des ménages de la zone euro. »
Un document de l’OCDE de 2015 met en évidence une relation non linéaire entre la dette publique et le multiplicateur keynésien. Celui-ci serait positif lorsque l’endettement est limité, mais deviendrait négatif lorsque la dette dépasse un seuil compris selon les pays entre 65 et 75 % du PIB. Pour les auteurs, cela peut s’expliquer par deux cas de figure :
par la psychologie des agents économiques qui fixeraient un seuil psychologique au-delà duquel la charge de la dette est perçue comme insupportable,
par le fait que le service de la dette entraîne une éviction interne trop importante des ressources allouées aux autres postes du budget de l’État, ce qui ne permet plus d’assurer le financement des dépenses publiques productives (entendues comme permettant l’augmentation de la productivité marginale du capital privé).
En conclusion, on peut affirmer que l’équivalence ricardienne n’est globalement pas validée dans sa forme pure.
L’analyse de l’évolution des déficits publics et de l’épargne privée dans les pays de l’OCDE met toutefois en évidence une équivalence partielle entre eux, qui peut correspondre à l’existence de comportements ricardiens dans une partie de la population en particulier lorsque la dette publique est plus élevée.
Les politiques budgétaires actuelles sont-elles ricardiennes ?
Pour éviter tout malentendu, Ricardo précisait bien, à l’opposé des politiques budgétaires actuelles, son hostilité de principe à la dette publique pour couvrir les dépenses extraordinaires de l’État, car ce moyen tend « à nous rendre moins industrieux et à nous aveugler sur notre situation ». Selon lui, le meilleur moyen d’éviter le recours à l’emprunt public et l’augmentation des impôts reste la gestion parcimonieuse des fonds publics. Elle est fondée sur le principe selon lequel l’État connaît moins bien que le marché les besoins des citoyens et qu’il doit donc s’en tenir à ses fonctions régaliennes.
En revanche, il est un aspect de la doctrine budgétaire de Donald Trump qui s’inscrit dans la droite ligne de la pensée de Ricardo : la volonté de réduire les dépenses sociales. Ricardo fustige les mesures de soutien matériel aux pauvres :
« La tendance manifeste et directe de la législation anglaise sur les indigents est diamétralement en opposition avec [mes] principes, qui sont de toute évidence. Ces lois, bien loin de répondre au vœu bienfaisant du législateur, qui ne voulait qu’améliorer la condition des pauvres, n’ont d’autre effet que d’empirer à la fois et celle du pauvre et celle du riche ; au lieu d’enrichir les pauvres, elles ne tendent qu’à appauvrir les riches. »
Peut-être la grande différence avec Donald Trump est que David Ricardo défendait une vision utilitariste du monde. Son non-interventionnisme était pragmatique et non doctrinaire. En faisant confiance au privé, c’était pour lui la meilleure manière d’atteindre le seul but légitime de tout gouvernement : le bonheur du peuple qui vit sous sa juridiction.
Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
Ils s’appellent Gulli Parc, My Dreamland, Royal Kids, Youpi Parc ou encore Fun City… ces nouveaux terrains de jeux des enfants, également connus sous le nom de « kids parcs », connaissent un véritable essor ces dernières années.
Le secteur des loisirs indoor connaît une forte dynamique et s’impose comme une véritable locomotive du marché du divertissement. Avec un chiffre d’affaires qui a franchi le cap du milliard d’euros en 2023, et une croissance annuelle de 15 % depuis 2019, il attire plus de 13 millions de visiteurs chaque année.
Portées par une demande forte (les Français ne sont pas prêts à rogner sur les loisirs malgré le contexte économique), ces activités séduisent un large public. Rien d’étonnant s’ils attirent également les investisseurs grâce à une rentabilité brute moyenne de 28 % (pour du multiloisir, soit le double de celle des parcs d’attractions). Les loisirs indoor se positionnent comme la troisième activité de loisirs préférée des Français, tandis que les kids parcs se retrouvent en tête des espaces indoor les plus fréquentés derrière le bowling. Pour mieux comprendre les raisons de ce succès, nous allons l’illustrer notamment à travers le cas de My Dreamland.
Ces espaces ludiques, ouverts aux tout-petits jusqu’aux préadolescents (1 à 12 ans), proposent un environnement sécurisé, où les enfants peuvent laisser libre cours à leur quête de découvertes, d’expérimentations et de socialisation. Les kids parcs ont été pensés comme de véritables laboratoires d’apprentissages, à même de favoriser le développement de la confiance en soi, de la coordination, voire de la capacité à résoudre des problèmes chez les enfants.
La recherche de Whitebread et ses collègues souligne que le jeu libre et structuré favorise le développement cognitif, social et émotionnel de l’enfant. Toutefois, d’autres auteurs ont souligné que l’effet bénéfique du jeu indoor dépend aussi de la diversité des activités et de l’encadrement proposés. Plus un espace de jeu offre de la diversité matérielle, des occasions d’exploration et même une prise de risque physique modérée, plus il favorise le développement global de l’enfant.
Par ailleurs, les kids parcs illustrent parfaitement le concept marketing de « retailtainment » ou « retailment » – contraction de retail (commerce) et entertainment (divertissement).
Ainsi, chez My Dreamland se mêlent dans un seul et même endroit des attractions et des services additionnels tels que la restauration ou le snacking, un espace presse ou encore une zone de repos avec connexion Internet. Ces espaces répondent aussi à ce besoin croissant d’expériences familiales dites clés en main, c’est-à-dire des solutions complètes et pratiques où tout est prévu pour le plaisir et la commodité des familles.
L’expérientiel par le multisensoriel
L’étude de cas CCMP que nous avons réalisée sur My Dreamland analyse la stratégie marketing de ce lieu. Elle décrypte les défis du marché du divertissement familial, elle examine son positionnement face à la concurrence et elle identifie les leviers clés d’une expérience client réussie, soulignant l’importance de l’aspect ludique, immersif et personnalisable des activités proposées.
Comptant actuellement trois sites en France, My Dreamland incarne l’évolution de ces espaces de loisirs vers des univers totalement immersifs et multisensoriels. Ce parc se distingue par la diversification de ses attractions, sa thématisation autour de la forêt magique et de ses thèmes anniversaires, offrant des univers personnalisés pour chaque enfant.
Dorian Trecco, co-fondateur et directeur général de My Dreamland, explique :
« On a créé un parc multiactivités dans lequel on peut retrouver vraiment toutes les attractions qui sont en général du monoactivité. »
L’utilisation de technologies avancées est également un axe clé de l’expérience clients chez My Dreamland (parc d’Osny, Val-d’Oise), comme le souligne la récente installation de la plateforme VR TOWER de Virtuarides. Cette innovation procure des sensations immersives grâce à des casques Meta Quest 3 et des ventilateurs simulant les effets de vent et de chute.
Influenceurs familiaux
La réussite d’un tel lieu repose aussi sur la communication marketing. Le cas mentionne alors les partenariats stratégiques tissés par My Dreamland avec des influenceurs familiaux locaux et régionaux. En témoigne la collaboration avec Marine-Daphnée Gaillard, créatrice de contenus sur Instagram sous le nom de Rêveuse en pagaille, qui a partagé son expérience du parc auprès de sa communauté de plus de 120 000 abonnés.
En outre, le parc intègre habilement des éléments pédagogiques dans ses attractions. Cette tendance à l’« edutainment » se retrouve dans de nombreux kids parcs.
Par exemple, Panomano, nouveau concept lancé en 2025 en France, invite les enfants à explorer une mini-ville où ils peuvent incarner différents rôles (chef cuisinier, pilote de ligne ou policier), favorisant l’apprentissage par le jeu d’imitation et la découverte des métiers du quotidien. Gulli Parc, quant à lui, intègre des jeux interactifs basés sur des licences que l’on retrouve sur sa chaîne jeunesse tandis que Royal Kids mise sur des parcours d’obstacles qui développent la motricité et la coordination.
Xerfi Precepta 2023.
Défis à relever pour pérenniser le concept
Malgré leur succès, les kids parcs doivent cependant composer avec plusieurs fragilités structurelles que notre cas expose.
Premièrement, la concurrence ne cesse de s’intensifier : regroupant plus de 2 500 parcs indoor, ce marché voit en effet émerger de nouveaux concepts hybrides (comme les color, brick ou quiz rooms) qui fragmentent la clientèle et complexifient la fidélisation. Cette multiplication des offres oblige alors chaque acteur à renouveler constamment ses attractions, ce qui pèse sur les coûts d’investissement et la rentabilité.
Parallèlement, de grands groupes, jusque-là absents de ce secteur dominé par des indépendants, commencent à s’implanter avec des offres plus accessibles et des moyens financiers conséquents, accentuant la pression concurrentielle. Dès lors, certains acteurs du marché s’inquiètent d’un scénario à la façon du secteur du fitness où l’arrivée de Basic Fit et la guerre des prix ont fini par concentrer le marché autour d’une poignée de gros groupes.
Le modèle économique des kids parcs reste aussi vulnérable à la saisonnalité et à la pression sur le pouvoir d’achat des familles. La fréquentation, condition essentielle à la rentabilité, constitue un enjeu majeur, d’autant qu’elle tend à baisser hors périodes de vacances scolaires. Dans un contexte inflationniste, les exploitants doivent composer avec une demande irrégulière et des coûts fixes en augmentation. Pour tenter de lisser les flux de visiteurs, certains parcs diversifient leur activité en développant des offres à destination des entreprises (B-to-B), comme le fait My Dreamland avec l’accueil d’événements d’entreprises.
Enfin, si les espaces de jeux indoor favorisent la socialisation et la motricité, la recherche académique a, jusqu’à présent, surtout mis en avant les apports uniques du jeu en plein air (notamment les possibilités de mouvement, d’exploration et de contact avec la nature).
C’est pourquoi, face à ces défis, l’avenir des kids parcs dépendra de leur capacité à innover et à proposer du sensationnel, à diversifier leurs services – y compris vers le B-to-B – et à renforcer leur ancrage local, tout en restant attentifs aux évolutions des attentes familiales et de la société.
Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.
Longtemps confiné aux cours royales européennes, l’opéra s’est imposé comme un art complet et une force géopolitique. À la fois édifice, spectacle et symbole, il structure les territoires, reflète les rapports de pouvoir et incarne une mémoire collective en mutation.
Premier épisode de la série « L’opéra : une carte sonore du monde ».
L’opéra, forme artistique complète alliant théâtre, musique, danse mais aussi architecture, s’est imposé comme un objet géoculturel singulier. Né en Europe vers 1600, il dépasse le cadre d’un simple spectacle pour devenir un phénomène de société qui se développe dans le temps et l’espace, façonnant des territoires, incarnant des identités collectives et révélant des logiques de pouvoir. S’il demeure au départ enraciné dans une tradition européenne, il s’est au fil du temps mondialisé en suivant divers flux migratoires, en répondant aux attentes de réseaux diplomatiques et de certaines politiques culturelles.
De par sa polysémie, le terme « opéra » désigne à la fois un lieu visible et une forme artistique invisible qualifiée d’art lyrique. Comme toute manifestation musicale, on peut considérer que cet art total se manifeste sur un « territoire à éclipses » composé de tous ses acteurs même s’il reste indissociable d’un espace bien localisé, souvent symbolique et stratégiquement situé : celui de son théâtre et de la ville qui l’accueille.
La plupart des grandes maisons d’opéra européennes (Bayreuth, Milan, Paris ou Vienne) incarnent un patrimoine tant esthétique que politique. Leur architecture monumentale leur donne parfois l’allure d’édifices religieux. Victor Hugo disait d’ailleurs de l’Opéra de Paris qu’il était la réplique profane de Notre-Dame de Paris.
Une architecture de prestige pour un art territorialisé
Cette territorialisation de l’opéra s’exprime par son inscription concrète dans le tissu urbain et social qui lui permet de développer un lien avec ses acteurs à différentes échelles, de façonner des goûts et de s’inscrire dans la mémoire collective. Qu’ils soient architectes, musiciens, chanteurs ou décorateurs, tous ces artistes contribuent à la construction d’un « produit social » au centre d’un enjeu urbain.
Ces maisons ne sont pas seulement des scènes artistiques, mais également des instruments d’image et d’attractivité participant au marketing territorial à différentes échelles. Restaurer ou construire un opéra revient à affirmer un statut, à valoriser une centralité et répondre à une ambition, celle d’appartenir aux grandes métropoles qui comptent dans un espace mondialisé. Ces lieux s’insèrent ainsi dans un maillage hiérarchisé où l’on trouve des pôles émetteurs comme Paris ou Berlin, des lieux de consécration non pérennes à l’image des grands festivals lyriques (Aix-en-Provence ou Bayreuth), des espaces émergents ou de diffusion secondaire (Dijon).
Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence.
Ce réseau lyrique ouvert sur le monde, structuré par des flux d’artistes, d’œuvres et de publics, repose sur des logiques économiques, sociales, politiques et bénéficie, en France tout au moins, du soutien des pouvoirs public et d’institutions comme la Réunion des opéras de France (ROF) ou l’Association française des agents artistiques (Afaa). Il reflète aussi des déséquilibres entre grandes capitales et régions périphériques à l’échelle des pays mais aussi du continent européen. Face aux besoins de financement récurrents, aux incertitudes consécutives aux réformes territoriales et au besoin de s’adapter à un monde qui change, l’opéra reste un sujet de préoccupation constante pour les décideurs, soucieux de voir perdurer un bien culturel qui s’est fondu dans notre civilisation occidentale.
D’un art de cour à un outil de soft power
Historiquement, l’opéra est né à la cour, celle des Médicis, puis des Bourbon, avant de s’implanter dans les palais européens, servant à magnifier le pouvoir, à imposer des goûts esthétiques tout en devenant un objet d’ostentation. Dès le XVIIe siècle, la forme musicale s’exporte dans les cours européennes qui très souvent font construire des salles, s’équipent de machineries savantes et s’entourent d’artistes de talents qu’elles mécènent, rivalisant ainsi entre-elles.
Quand Mazarin importe l’opéra italien en France ou que Louis XIV fonde l’Académie royale de musique, l’art lyrique participe à un projet politique : affirmer la suprématie d’un modèle culturel. Dans l’ouvrage Fragments d’Europe, la carte illustrant l’expansion de l’opéra dans les cours européennes puis sur l’ensemble du continent montre que ce réseau lyrique s’est constitué au fil du temps, tissant une toile avec d’autres phénomènes comme la propagation de l’art baroque.
Comme le souligne le géographe Michel Foucher, cette logique se poursuivra en Europe au XIXe siècle avec un Verdi devenu l’étendard du Risorgimento italien ou un Wagner incarnant l’identité allemande. Plus tard, la bourgeoisie prendra le relais et s’appropriera ce divertissement pour se distinguer socialement du reste de la population.
Dans les colonies, l’implantation des maisons d’opéra (Alger, Tunis, Hanoï) accompagne l’imposition d’une influence culturelle européenne qui déborde du continent. Cette tradition lyrique s’exportera d’ailleurs sur d’autres continents (États-Unis, Asie, Amérique latine) le plus souvent portée par les diasporas européennes.
Aujourd’hui, les politiques culturelles soutenant la production lyrique et son export participent à une forme de soft power dont l’objectif est de diffuser l’image d’une culture européenne raffinée. La circulation des stars se joue des frontières. Elles sont en lévitation permanente du fait de voyages aériens fréquents entre les plus grandes maisons d’opéra du monde. Ce jet-singing conduit à la mise en place d’un territoire lyrique mondialisé avec un répertoire constitué de quelques œuvres célèbres et au succès garanti.
La pénétration de la forme musicale accompagnée de ses théâtres s’est ainsi opérée d’une façon différentielle dans le temps et l’espace, traçant des limites culturelles bien réelles qui participent à la lecture du monde sur le plan géopolitique devenant tantôt un outil de dialogue interculturel, tantôt une arme de domination révélant des lignes de fracture ou de convergence entre blocs culturels. Ces dernières se combinent avec les frontières linguistiques même si la langue chantée dans un opéra reste souvent anecdotique par rapport à la musique dont la capacité à émouvoir demeure généralement universelle.
L’opéra, un élément à prendre en compte dans l’analyse des territoires et les relations
L’opéra, considéré comme un objet géographique structurant les territoires, nous interroge sur la manière dont les sociétés acceptent (ou non) cet art, sur la place qu’elles réservent à ses lieux, à ses récits et à ses voix, sur la possibilité qu’elle lui laisse de structurer un imaginaire partagé participant à la construction d’une identité collective. Sa territorialisation, loin d’être figée, reflète les mutations du monde à différentes échelles, les attentes et objectifs de ses acteurs, les ressources mises en œuvre pour pérenniser son fonctionnement et son implication dans les échanges diplomatiques.
Appréhender cet art sous l’angle géographique n’exonère cependant pas d’une approche croisée avec d’autres disciplines – la musicologie notamment – pour savoir délimiter tant les styles que leurs zones d’influence. Dans son ouvrage Géographie de l’opéra au XXᵉ siècle, Hervé Lacombe avait déjà résumé ce que l’art lyrique en ses lieux pouvait représenter comme enjeux :
« L’expansion du modèle lyrique occidental est l’un des cas les plus fascinants de développement d’une forme artistique constituant à la fois un divertissement raffiné, le véhicule d’une culture, un outil nationaliste, un instrument de propagande civilisationnelle, une forme de reconnaissance internationale. »
Frédéric Lamantia ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
Source: The Conversation – in French – By Adrien Maillot, Epidémiologiste, spécialisé en toxicologie médicale, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)
À La Réunion, des plantes décoratives sont vendues dans le commerce alors qu’elles sont potentiellement toxiques par contact cutané ou si des parties du végétal sont ingérées de manière accidentelle, par exemple par des enfants. La vigilance doit être de mise pour trois d’entre elles, en particulier, car elles sont très prisées alors qu’elles sont particulièrement à risque.
Située dans l’océan Indien, à l’est de Madagascar, La Réunion est un département français d’outre-mer à la géographie contrastée. Cette île volcanique d’environ 2 500 km2 – soit la taille du Luxembourg – se distingue par son relief accidenté et son climat tropical.
Comprendre la richesse des plantes de La Réunion
Elle présente, sur une surface restreinte, une étonnante diversité de paysages : forêts humides en altitude, savanes littorales semi-sèches, falaises abruptes ou encore cirques montagneux.
Grâce à la variété de ses microclimats, l’île offre des conditions idéales pour le développement d’une flore d’une richesse exceptionnelle, dont environ un tiers est endémique (c’est-à-dire des espèces végétales que l’on ne trouve qu’à La Réunion, ndlr).
Plantes ornementales en vente sous les tropiques : attention aux risques
À La Réunion, le commerce de végétaux à vocation ornementale occupe une place importante dans l’économie locale. Pépinières, marchés, grandes surfaces spécialisées : l’offre en végétaux exotiques y est abondante, portée par une forte demande de la population.
Cependant, certaines plantes commercialisées sur l’île présentent des risques pour la santé humaine. Leur toxicité naturelle peut entraîner divers effets indésirables : intoxications par ingestion (notamment chez l’enfant), réactions allergiques respiratoires, irritations ou brûlures cutanées en cas de contact, voire photosensibilisation (la photosensibilisation correspondant à une réaction anormale de la peau après exposition au soleil).
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a récemment alerté sur ce sujet. À la demande du ministère de la santé, elle a engagé un travail d’identification des plantes toxiques vendues dans les territoires ultra-marins, en vue de les intégrer à la liste des végétaux à risque établie, dans un premier temps, pour la France hexagonale.
À noter qu’en France, un arrêté impose depuis 2020 une information à l’acquéreur au moment de la vente de plantes commercialisées potentiellement dangereuses pour la santé (étiquette, pancarte, brochure…).
État des lieux de la situation
Une étude spécifique a été menée par le Dispositif de toxicovigilance de l’océan Indien (DTV-OI) à la demande des autorités sanitaires, avec un focus sur l’île de La Réunion et Mayotte. Ce travail d’expertise s’appuie sur une approche croisée mobilisant plusieurs sources : la littérature scientifique, les observations cliniques recueillies dans les établissements de santé réunionnais (via la base de données du DTV-OI), ainsi que les cas enregistrés dans la base nationale des centres antipoison.
Comme il n’a pas été possible de se procurer une liste officielle de végétaux commercialisés à Mayotte, le travail a dû être restreint à La Réunion mais s’appliquera tout de même à Mayotte.
Au total, 41 espèces végétales présentant un risque de toxicité pour la santé humaine ont été identifiées. Trois d’entre elles se distinguent par une dangerosité élevée qui peut entraîner de graves effets sur la santé, comme en témoignent les données du DTV-OI et/ou des publications scientifiques. Il s’agit de l’agave d’Amérique (Agave Americana), du pignon d’Inde (Jatropha curcas L.) et de la fleur de corail (Jatropha podagrica).
Les fiches d’information sur ces plantes peuvent être consultées sur Plantes-risques.info. Ce site, qui dépend du ministère de la santé, présente les espèces végétales classées par la réglementation comme présentant un risque pour la santé humaine, si on les ingère, si on respire leurs pollens ou en cas de contact avec la peau ou les yeux.
Focus sur les trois plantes potentiellement les plus dangereuses
Que faut-il retenir concernant ces trois plantes les plus à risque de toxicité pour la santé humaine à La Réunion et à Mayotte ?
L’agave d’Amérique dont le nom local à La Réunion est le choka bleu (Agave americana)
Très appréciée pour son esthétisme et sa résistance à la sécheresse, l’agave d’Amérique ou choka bleu est largement présente dans les jardins de l’île de La Réunion et en milieu naturel. Pourtant, ses feuilles et tiges contiennent des substances irritantes.
Un contact avec la peau peut entraîner, quelques heures après l’exposition, des rougeurs et une sensation de brûlure. En cas de piqûre par les épines situées à l’extrémité des feuilles, des lésions cutanées douloureuses peuvent apparaître, avec un risque de surinfection. Une atteinte traumatique de l’œil est également possible.
La projection de sève dans l’œil ou le contact indirect avec l’œil (par l’intermédiaire des mains) peut provoquer un gonflement des paupières, des douleurs intenses, une rougeur, voire une atteinte de la cornée.
En cas d’ingestion accidentelle, des douleurs buccales, une sensation de brûlure, une salivation excessive, des vomissements, des diarrhées et un gonflement de la gorge sont possibles.
Le pignon d’Inde (Jatropha curcas)
Utilisé comme plante ornementale, le pignon d’Inde est un petit arbuste qui contient des esters de phorbol dans ses graines, qui s’avèrent très toxiques. Leur ingestion entraîne, dans les heures qui suivent, des vomissements, douleurs abdominales et diarrhées parfois sanglantes, pouvant provoquer une déshydratation sévère.
Les feuilles et tiges renferment également un latex toxique, irritant pour la peau, les yeux et la bouche.
Les graines du pignon d’Inde sont très toxiques. De plus, les feuilles et tiges de ce petit arbuste renferment un latex irritant. Vinayaraj, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia, CC BY
En cas de contact cutané, des rougeurs, une sensation de brûlure et des cloques peuvent apparaître quelques heures après. En cas d’ingestion par accident, une sensation de brûlure, une salivation excessive et un gonflement de la gorge sont possibles. En cas de projection dans l’œil ou de contact avec les mains contaminées, des douleurs intenses, un gonflement des paupières, une rougeur, voire une atteinte plus grave peuvent survenir.
La fleur de corail ou baobab nain, dont le nom local à La Réunion est ti baobab (Jatropha podagrica)
Très répandue car très décorative, la fleur de corail ou ti baobab est une plante ornementale est intégralement toxique : feuilles, fleurs, graines et racines contiennent des substances irritantes.
Le contact cutané peut entraîner des rougeurs et une sensation de brûlure dans les heures suivant l’exposition. L’ingestion de parties de la plante peut provoquer une sensation de brûlure, une salivation excessive et un gonflement de la gorge.
En cas de projection dans l’œil, ou de contact indirect via les mains, peuvent apparaître un gonflement des paupières, des douleurs intenses, une rougeur, voire une atteinte plus sérieuse de l’œil.
Vers une meilleure prévention : des recommandations concrètes
Ces trois espèces ne figurent pas encore sur la liste officielle des plantes à risque encadrées par l’arrêté du 4 septembre 2020 qui impose une information au moment de la vente. L’Agence de sécurité sanitaire (Anses) a recommandé leur inscription à l’image de ce qui existe déjà dans l’Hexagone pour le laurier-rose, le datura ou la belladone par exemple.
Certaines de ces espèces, déjà inscrites sur la liste de l’arrêté de 2020, sont également commercialisées à La Réunion ou à Mayotte. Le risque n’est donc pas limité aux plantes spécifiques à l’outre-mer.
Pour chaque plante concernée, l’Anses produit une information standardisée sur les risques sanitaires, les parties toxiques, les voies d’exposition, les gestes de prévention et la conduite à tenir en cas d’exposition.
Chacun peut également agir en adoptant les bons réflexes. De façon pragmatique, il est possible de réduire les risques au quotidien :
éviter de planter des espèces potentiellement dangereuses dans les zones fréquentées par des enfants ;
s’informer avant d’acheter une plante ornementale ;
demander conseil aux pépiniéristes ;
sensibiliser son entourage.
Au-delà du commerce : une vigilance élargie
Si ce travail s’est concentré sur les plantes commercialisées, les recommandations émises peuvent s’appliquer à l’ensemble des espèces présentes sur l’île, qu’elles soient vendues, introduites ou naturellement présentes.
Des travaux complémentaires ont d’ailleurs été réalisés pour actualiser la liste des plantes à risque pour la santé humaine, qu’elles soient commercialisées ou non. La liste des plantes à risque reste évolutive, et pourra être actualisée en fonction des signalements, des données toxicologiques et des connaissances scientifiques disponibles.
En cas d’intoxication : quelle conduite tenir ?
En cas de troubles sévères ou de signes de détresse vitale (difficultés pour respirer, perte de conscience…) après avoir été exposé par accident à une plante potentiellement toxique, voici la conduite à tenir :
appeler sans délai le 15 ou le 112, ou le 114 pour les personnes malentendantes
si un enfant a mis des feuilles ou des baies à la bouche, lui rincer l’intérieur de la bouche avec un linge humide, de lui laver les mains et appeler un centre antipoison, ou consulter un médecin en cas de symptôme ou au moindre doute sur l’identification de la plante
Comment contacter un centre antipoison ?
Le numéro téléphonique national des centres antipoison (ORFILA) 24h/24 et 7j/7 est le +33 (0)1 45 42 59 59.
ne pas attendre que des symptômes surviennent pour prendre l’avis d’un centre antipoison en cas d’ingestion d’une plante toxique.
À noter enfin que ces plantes sont également toxiques pour les animaux. En cas d’ingestion, contacter sans délai un centre antipoison vétérinaire.
Adrien Maillot est membre expert du groupe de travail « Vigilance des toxines naturelles » de l’Anses.
Sandra Sinno-Tellier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
Source: The Conversation – France in French (3) – By Philippe Droz-Vincent, Professeur agrégé en sciences politiques et en relations internationales. Spécialiste du monde arabe, Sciences Po Grenoble
La Syrie a connu un événement extrêmement violent dans le sud du pays, mettant en avant la question druze, une minorité ethno-confessionnelle également présente au Liban, en Jordanie (dont le ministre des affaires étrangères est issu) et en Israël, avec des liens transnationaux importants. Tout part d’un incident local, le 11 juillet 2025, opposant un marchand druze à des coupeurs de route bédouins, dans une région largement défavorisée et paupérisée.
La récente explosion de violence à Souweïda (sud de la Syrie) ravive d’anciens différends entre Druzes et Bédouins, nourris par des rivalités autour du contrôle des terres – champs cultivables, pâturages – mais aussi des routes de contrebande, notamment de drogue, devenues un moyen de survie local. Derrière cet affrontement, c’est une dynamique régionale plus large du Sud syrien qui se dessine, jusqu’aux confins de la Jordanie.
Cet arrière-plan avait éclaté au grand jour fin mars 2025 lorsqu’en direct à la télévision, un représentant bédouin interpella avec virulence le président Ahmed Hussein Al-Charaa, juste après la nomination du second gouvernement de transition, pour dénoncer l’absence de représentants du Sud. Al-Charaa lui répondit que le gouvernement comprend bien un ministre originaire du Sud : il s’agit en réalité d’un Druze de Souweïda, ce qui ne fait que confirmer la marginalisation ressentie dans d’autres composantes sociales du Sud.
Plusieurs épisodes de tensions violentes autour de la minorité druze avaient eu lieu depuis la chute du régime Assad, mais étaient restés contenus, en particulier des incidents entre les forces de sécurité (et forces affiliées) et les groupes druzes d’autodéfense à Damas (Jaramana, Ashrafiyyat Sahniyya) en avril 2025. Mais le niveau de violence atteint à partir du 11 juillet est inédit, avec représailles et exactions de part et d’autre et large mobilisation de groupes armés druzes et bédouins, occasionnant en quelques jours plus d’un millier de morts, des déplacements importants et des atrocités diverses, le tout sur fond de déchaînement de haine sur les réseaux sociaux.
L’épisode violent du Sud se déroule dans le contexte spécifique et fragile de la transition en Syrie après la chute inattendue du régime Assad et l’arrivée au pouvoir d’un groupe armé très spécifique du Nord-Ouest, Hayat Tahrir al-Cham (HTC). Cette transition, déjà extrêmement fragile, comme l’avait montré l’épisode des violences contre les alaouites sur la côte en mars 2025 (le rapport d’enquête sur ce massacre a été remis au président Al-Charaa le 13 juillet), est encore plus fragilisée par la violence extrême survenue à Souweïda. À cela s’ajoute un facteur régional de plus en plus pesant : alors que l’affaiblissement de l’Iran et du Hezbollah avait déjà précipité la chute du régime Assad, l’interventionnisme israélien dans cette crise locale devient désormais un élément central, et intrusif, de la transition.
Une poussée de violence qui touche au cœur de la transition
Contre toute attente, la transition syrienne amorcée en décembre 2024 avait jusqu’alors semblé relativement maîtrisée, en partie grâce à la communication habile du groupe HTC, nouvel acteur au pouvoir. Cette maîtrise du récit était d’autant plus cruciale que HTC, groupe armé issu du Nord-Ouest et marqué par une généalogie djihadiste (État islamique en Irak, Al-Qaida), avait officiellement rompu avec cet héritage. Il s’agissait de renouer avec l’élan initial de la révolution de 2011, fondée sur une mobilisation pacifique contre l’autoritarisme.
Des signaux d’alerte existaient pourtant. En mars 2025, de graves violences avaient été rapportées sur la côte syrienne, fief historique de la minorité alaouite, longtemps instrumentalisée par le régime Assad.
Parallèlement, un autre pilier du processus résidait dans la réintégration régionale et internationale de la Syrie nouvelle, rendue possible par une diplomatie proactive. Sur le plan économique, le régime avait donné les gages nécessaires pour obtenir la levée des sanctions américaines, puis européennes, qui asphyxiaient une économie exsangue.
Mais la Syrie se trouve à un point d’inflexion. Les mesures décidées et en cours pour la reconstruction politique interne du régime, dans le cadre de la période transitoire, suscitent de multiples méfiances, comme nous l’avons déjà souligné dans ces colonnes. En particulier, se posent des problèmes de reprise de contrôle par le centre (Damas) sur des espaces qui se sont autonomisés à la faveur de dynamiques complexes depuis 2011 – qu’il s’agisse de l’espace kurde ou de l’espace druze –, ainsi que sur des régions désormais périphéralisées qui avaient longtemps constitué des bastions du régime Assad, comme la région de la côte alaouite.
L’enjeu majeur, qui conditionnera in fine la réussite de la transition, est la réintégration à part entière de ces espaces dans une logique d’État syrien inclusif – et non dans celle d’un État affaibli, manipulé et démonétisé par des cliques se maintenant au pouvoir, comme ce fut le cas sous le pouvoir précédent pendant 54 ans.
La violence s’est déclenchée en juillet dans la province de Souweïda (à 90 % druze), territoire qui a conservé une trajectoire singulière depuis 2011. Maintenant une spécificité acceptée de facto sous le régime Assad, la région s’est essentiellement positionnée en retrait lors de la militarisation du soulèvement, sans pour autant échapper à la violence : en 2018, celle-ci est rappelée par une attaque sanglante de Daech – que certains attribuent au régime Assad, soucieux de signaler aux Druzes les limites de leur autonomie.
En 2023, une révolte civique éclate dans la ville de Souweïda. Elle est « tolérée » par un régime alors à bout de souffle, et se prolonge continûment jusqu’à sa chute. Depuis l’arrivée au pouvoir de HTC, Souweïda est parvenue à préserver son autonomie. Elle conserve aussi aujourd’hui plusieurs groupes armés druzes : certains se sont opposés militairement aux forces de sécurité du régime Assad entre 2018 et 2024 ; d’autres sont composés, au moins en partie, d’anciens militaires issus du régime depuis sa chute, y compris des officiers bien identifiés. Mais d’importantes factions druzes défendent désormais une réintégration dans le giron du gouvernement central à Damas, dans un environnement marqué par un factionnalisme druze très complexe.
Quel futur pour l’État central syrien dans cette région ?
Au-delà de la seule réintégration institutionnelle des territoires périphéralisés, c’est la question de l’identité même de l’entité syrienne en reconstruction qui se pose. Cette refondation de l’État doit permettre de réintégrer les différentes composantes de la société – notamment les sociétés civiles actives, comme celle de Souweïda – et les groupes autonomisés, le plus souvent armés, dans un cadre national commun.
Pour l’heure, l’identité dominante sous HTC reste celle d’un État musulman sunnite majoritaire, qui suscite la crainte de plusieurs communautés, confessions ou groupes. Quelques jours avant les événements de Souweïda, une tentative de médiation de haut niveau, fortement poussée par les États-Unis et la France, a échoué à établir un accord de réintégration avec les Kurdes des YPG-SDF, qui contrôlent toujours 25 % du territoire au Nord-Est. Cette dernière tentative marque même un recul par rapport aux avancées de l’accord du 10 mars 2025 entre YPG-SDF et Damas. Après les affrontements à Souweïda, les méfiances des YPG-SDF envers Damas risquent de se renforcer encore davantage.
Un test concret très important pour le nouvel État syrien sous la direction de HTC est la question des forces de sécurité et de l’armée, déjà controversée depuis les massacres d’alaouites sur la côte en mars. Il s’agit d’un problème classique des périodes de transition : reconstruire, dans le cadre de ce que l’on appelle en jargon la Security Sector Reform (SSR), des forces de sécurité réformées (police et armée), qui doivent exercer un rôle de protection de la population avec une certaine éthique, en s’éloignant de leurs origines miliciennes – et, pour certaines, d’une implication dans le racket ou le banditisme –, tout en écartant ou en punissant ceux qui sont impliqués dans des exactions contre les civils.
Dans le Sud, après le 11 juillet, les forces de Damas, associées à HTC et déployées comme force d’interposition entre groupes druzes et bédouins, ont été attaquées par des groupes druzes, soumises à des exactions, et ont répondu par d’autres exactions qui n’ont fait que renforcer l’unité des groupes druzes autour de leurs éléments les plus extrémistes. Ce type de crise permet (ou non…) de démontrer si le nouveau pouvoir est véritablement entré dans une logique étatique de stabilisation.
L’intervention israélienne de plus en plus intrusive
Israël avait déjà fait preuve d’interventionnisme sous le régime Assad, visant systématiquement et continûment les intérêts de l’Iran et du Hezbollah en Syrie. Après la chute du régime, il a intensifié ses actions, multipliant les frappes contre le matériel sophistiqué, l’aviation, les infrastructures et les sites de missiles laissés par l’armée d’Assad.
Les Druzes sont présents sur le plateau du Golan, occupé par Israël, qui a étendu ses avant-postes fortifiés sur le territoire syrien depuis la chute d’Assad. Ils vivent aussi en Israël, où une substantielle communauté a la citoyenneté israélienne. Politiquement actifs, ils représentent un groupe de pression influent, appuyé par leurs autorités religieuses. Les autorités israéliennes les considèrent comme une minorité loyale, participant au service militaire, y compris dans des unités d’élite ou de garde-frontières.
L’ingérence israélienne, justifiée par la protection des Druzes de Syrie, est dernièrement devenue beaucoup plus intrusive. Le gouvernement israélien s’est retrouvé pleinement impliqué dans la gestion de la crise de juillet entre Souweïda et Damas, notamment autour des négociations concernant le déploiement éventuel de forces militaires et de sécurité syriennes, en particulier la Sécurité générale, puis de forces plus légères, voire de forces locales druzes « en lien » avec ces forces venues de Damas.
Les propositions issues d’accords de cessez-le-feu, négociées entre acteurs de la société civile druze, chrétienne et autres notables à Souweïda avec Damas, ont été systématiquement dénoncées, quasi immédiatement après leur annonce, par certains groupes miliciens druzes proches du cheikh Al-Hijri, l’un des principaux leaders druzes. Ces dénonciations ont immédiatement été suivies de frappes israéliennes ciblant les forces de Damas et les groupes bédouins.
De manière inédite, pour faire pression sur Damas avant le deuxième cessez-le-feu – lui aussi violé – du 16 juillet 2025, Tel-Aviv a bombardé un bâtiment de l’état-major de l’armée syrienne en plein Damas, ainsi qu’une zone proche du palais présidentiel et des bases militaires au Sud. Ces bombardements visaient à imposer l’idée d’un second cessez-le-feu incluant le déploiement de forces locales druzes pour rétablir la sécurité, et non plus de forces de sécurité venues de Damas.
Un objectif possible d’Israël est la création d’une Syrie du Sud démilitarisée, ou d’un bastion druze soutenu par Israël, à l’image du modèle turc dans le Nord-Ouest entre 2015 et 2024 – zone d’où est issu HTC en décembre 2024 – avec des arrangements locaux et une administration informelle.
On peut aussi suspecter, au moins dans certains secteurs du pouvoir israélien, une volonté d’interventionnisme régional à grande échelle dans des États affaiblis ou détruits (par Israël), selon ses propres objectifs. Cette stratégie s’inscrit dans le cadre du « remodelage » inédit du Moyen-Orient présenté en 2024 par Benyamin Nétanyahou.
Elle se manifeste à Gaza, où Israël poursuit ses actions militaires sans jamais consentir à un cessez-le-feu, ainsi qu’au Liban, en Iran – notamment après la guerre directe entre les deux pays et la destruction (à confirmer) du programme nucléaire avec l’aide d’une intervention aérienne américaine – et en Syrie. Dans toutes ces zones, l’aviation israélienne contrôle largement l’espace aérien.
Dans le cas syrien, cette stratégie est même critiquée par l’envoyé de Trump pour la Syrie et ambassadeur en Turquie, Tom Barrack, qui a déclaré dans une interview à AP que l’intervention israélienne « crée un autre volet très confus ».
Les conséquences plus larges d’une déflagration locale
L’épisode de Souweïda constitue un moment décisif pour la transition syrienne sous la direction de HTC, qui se trouve à la croisée des chemins : soit vers la reconstruction d’un véritable État, soit vers l’échec et l’effondrement du processus.
D’abord, le président Al-Charaa apparaît affaibli par son incapacité à stopper la violence qui a éclaté à partir d’un simple incident local. Or la « qualité » du leadership est un facteur clé dans toute transition. Certains éléments peuvent même contribuer à sérieusement le délégitimer. Ses soutiens lui reprochent notamment le blocus imposé par les forces militaires de HTC autour de la province de Souweïda. Ce blocus, qui visait à empêcher le renforcement des clans tribaux sunnites, a été perçu comme une capitulation devant les groupes druzes soutenus par Israël, notamment Hikmet Al-Hijri. Sur les réseaux sociaux comme Telegram, X ou Twitter, Al-Charaa est critiqué pour avoir fait de nombreuses concessions à Israël, qui impose un contrôle druze sur la province, accompagné du déplacement de nombreux Bédouins (environ 10 % de la population).
Ces critiques font le lien avec le positionnement antérieur très conciliateur adopté par les nouvelles autorités de Damas envers Israël, notamment le retour des dossiers personnels de l’espion israélien au cœur de l’État syrien Eli Cohen, pendu à Damas en mai 1965 ; le musellement des groupes armés palestiniens réfugiés à Damas ; les rencontres sécuritaires officieuses de haut niveau entre officiels syriens et le cabinet de sécurité israélien, notamment aux Émirats arabes unis ou à Bakou.
La dernière réunion le 12 juillet, quelques jours avant l’embrasement des événements de Souweïda, a été à tort perçue à Damas comme un feu vert pour mener une opération de maintien de l’ordre dans la région druze. Tout récemment, une première rencontre officielle a eu lieu à Paris le 24 juillet entre le ministre des affaires étrangères syrien et le ministre israélien des affaires stratégiques Dermer.
Ensuite, le déchaînement de violence sur le terrain – avec des corps suppliciés, pendus ou exhibés sur des pickups – et sur les mêmes réseaux sociaux a nourri le confessionnalisme. La logique de vengeance risque de transformer le cessez-le-feu en simple pause, plutôt qu’en étape vers la paix et la réconciliation/reconstruction.
Enfin, les forces civiles et civiques locales de Souweïda, qui ont toujours négocié avec Damas, se retrouvent affaiblies face aux groupes armés les plus durs cherchant à s’autonomiser par rapport à Damas.
Les mois à venir seront cruciaux pour le président Al-Charaa…
Philippe Droz-Vincent ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
Source: The Conversation – in French – By Carmela Cucuzzella, Dean, Faculty of Environmental Design, Université de Montréal, Full Professor School of Design, Université de Montréal
L’accessibilité universelle profite à toute la société, bien au-delà des personnes en situation de handicap. Elle renforce la santé publique et stimule l’économie.
Encore faut-il en faire une priorité.
L’accessibilité — référence à la conception d’environnements, de produits et de services qui permettent aux personnes de toutes capacités de participer pleinement à la vie quotidienne — est particulièrement cruciale pour les personnes en situation de handicap, les personnes âgées et les autres groupes marginalisés.
Je suis doyenne de la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal tandis que mon collègue Bechara Helal y est vice-doyen à la recherche et à la vie scientifiques. Nous examinons comment l’accessibilité façonne la santé publique et le développement économique, en nous appuyant sur des recherches et des études de cas pertinentes.
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Santé publique : quand l’environnement devient un soin
Des obstacles tels que l’inaccessibilité des cliniques, le manque d’interprètes en langue des signes et les difficultés de transport empêchent les gens d’obtenir des soins en temps voulu, ce qui aggrave les maladies chroniques et entraîne une augmentation des coûts des soins de santé.
Des parcs, des centres de remise en forme et des installations récréatives accessibles permettent aux personnes en situation de handicap et aux personnes âgées de pratiquer une activité physique, ce qui améliore leur état de santé général et leur qualité de vie.
La santé mentale est également influencée par l’accessibilité. En 2024, l’American Psychological Association a annoncé que l’incapacité à naviguer dans les espaces publics ou à utiliser des services essentiels en raison d’obstacles physiques, sensoriels ou cognitifs peut conduire à l’isolement social, à la dépression et à l’anxiété. À l’inverse, les environnements inclusifs qui permettent de participer à des activités communautaires favorisent l’inclusion sociale, réduisent le stress et améliorent le bien-être mental.
Une économie plus inclusive, et plus forte
Au-delà de ses effets sur la santé, l’accessibilité universelle constitue un levier économique puissant. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), un environnement inaccessible freine la participation à la vie active, limitant ainsi les contributions économiques d’une partie importante de la population. Les personnes en situation de handicap sont confrontées à des taux de chômage plus élevés en raison de l’inaccessibilité ou de l’inadaptation des lieux de travail, ce qui entraîne une perte de potentiel économique et une dépendance accrue à l’égard des systèmes de protection sociale.
Les entreprises qui mettent en œuvre des pratiques d’embauche inclusives et des aménagements sur le lieu de travail élargissent non seulement leur vivier de talents, mais favorisent également la diversité des points de vue, ce qui peut stimuler la créativité et la résolution de problèmes.
L’industrie du tourisme bénéficie également de l’accessibilité universelle. Le Conseil mondial du voyage et du tourisme note que le tourisme accessible génère des revenus importants en ciblant les voyageurs plus âgés et les personnes en situation de handicap. Les pays qui investissent dans des hôtels, des attractions, des espaces et des lieux publics accessibles, ainsi que dans des systèmes de transport, profitent d’un marché croissant de voyageurs à la recherche d’expériences inclusives, ce qui stimule les économies locales.
Des modèles à suivre
Plusieurs pays démontrent concrètement les bénéfices de l’accessibilité. Par exemple, la Suède a créé une société inclusive dans laquelle les transports publics, les soins de santé et les lieux de travail sont adaptés aux personnes en situation de handicap. En conséquence, la Suède a l’un des taux de participation au marché du travail les plus élevés d’Europe parmi les personnes en situation de handicap, ce qui contribue à sa stabilité économique.
Au Canada, le nombre de personnes âgées de 85 ans et plus continue de croître de manière exponentielle et devrait tripler au cours des 25 prochaines années, passant d’un million en 2026 à près de trois millions en 2051. Il devient donc de plus en plus important de veiller à ce que nos futurs concepteurs, architectes, architectes paysagistes et urbanistes soient préparés à conceptualiser et à construire nos futurs espaces et lieux d’une manière inclusive et universelle.
L’accessibilité : un choix stratégique pour l’avenir
L’accessibilité universelle est un facteur déterminant de la santé publique et de la prospérité économique. En supprimant les obstacles dans les soins de santé, les transports, les lieux de travail et les espaces publics, les sociétés peuvent améliorer les résultats en matière de santé, promouvoir l’inclusion sociale et stimuler la croissance économique.
À mesure que le monde progresse en matière de technologie et d’infrastructure, il devient essentiel de placer la conception universelle au cœur des priorités pour construire des sociétés durables et inclusives pour les générations futures.
Il faut élargir l’accès aux produits, services et espaces pour tous. Cela suppose des investissements dans les infrastructures, l’adoption de politiques d’emploi inclusives, des campagnes de sensibilisation du public, des innovations technologiques et des mesures législatives. Dans un contexte où la population canadienne vieillit, ces améliorations sont plus que jamais d’actualité.
Carmela Cucuzzela reçu des financements de La Fondation Mirella et Lino Saputo pour la recherche et l’enseignement sur l’accessibilité universelle.
Bechara Helal a reçu des financements de La Fondation Mirella et Lino Saputo pour la recherche et l’enseignement sur l’accessibilité universelle.
Source: The Conversation – in French – By Christian Abadioko Sambou, Dr en Sciences Politiques, spécialiste en paix & sécurité, Université Numérique Cheikh Hamidou Kane
Depuis plus de dix ans, les violences terroristes déstabilisent le Sahel central (Burkina Faso, Mali, Niger), fragilisant les sociétés, les institutions et les régimes démocratiques. Dans ce contexte, des coups d’État militaires ont eu lieu au Mali (2020, 2021), au Burkina Faso (2022) et au Niger (2023), invoquant la nécessité de restaurer l’ordre. Ces régimes prolongent la transition au-delà de son cadre temporaire, privilégiant la promesse de stabilité à un retour constitutionnel.
En tant que chercheur, j’ai étudié les crises sécuritaires en Afrique de l’Ouest, notamment les conflits sécessionnistes et leur évolution dans des Etats en permanente modernisation et démocratisation. Selon moi, la trajectoire des institutions et des régimes politiques, ainsi que leur effet sur la paix et la sécurité au Sahel, constitue un sujet de recherche particulièrement pertinent.
Dans cet article, j’explore comment l’insécurité persistante légitime les gouvernements militaires, où le pouvoir repose sur la gestion de la menace plutôt que sur l’élection, transformant ainsi la transition en un mode de gouvernance durable.
Echec de dix ans de lutte contre le terrorisme
Les transitions militaires au Sahel central sont le symptôme d’un échec plus large : celui des politiques internationales de lutte contre le terrorisme. Depuis 2013, l’engagement militaire étranger — à travers l’opération Serval puis Barkhane, la force conjointe du G5 Sahel, ainsi que divers dispositifs bilatéraux et multilatéraux soutenus par l’Union européenne — a privilégié une approche strictement sécuritaire. Cette stratégie a eu pour effet de marginaliser des dimensions essentielles telles que la gouvernance démocratique, la justice sociale et le développement.
La coordination entre les multiples acteurs internationaux et locaux a manqué de cohérence, chacun poursuivant des agendas parfois divergents. Cette fragmentation stratégique a favorisé l’extension des violences : du nord du Mali vers le centre, puis dans l’ensemble du Burkina Faso et certaines régions du Niger comme Tillabéry, Tahoua ou Diffa.
Les données d’Armed Conflict Location & Event Data (ACLED, une organisation qui recueille des données sur les conflits violents et les manifestations) montrent une nette augmentation des violences et des morts après 2020, principalement au Burkina Faso épicentre du terrorisme. Le nombre de décès lié aux violences a augmenté de 28 % entre 2020 et 2022 (année du coup d’Etat). Depuis 2020, le pays a enregistré plus de 28 000 décès (20 000 au Mali,7 000 au Niger).
Les conséquences humanitaires sont alarmantes : des milliers de morts au Sahel central, la fermeture de près de 10 000 écoles et centres de santé (OCHA), et près de 3 millions de personnes déplacées selon le Haut commissariat des unies pour les réfugiés (UNHCR).
Dans ce chaos, les groupes armés prolifèrent. Ils ont de plus en plus recours à l’utilisation de drones. Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), l’État islamique au grand Sahara (EIGS), Boko Haram (au Nigeria), la Katiba Macina (au Mali), ainsi que des milices d’autodéfense et des groupes communautaires armés, contribuent à aggraver les tensions locales.
La perte de légitimité des gouvernements civils et la défiance envers les partenaires internationaux se sont accentuées. Cela s’est traduit par un rejet massif de la présence militaire étrangère et une contestation croissante des élites locales. Des manifestations ont éclaté à Bamako (2020), Ouagadougou (2021) et Niamey (2023). La confiance envers la MINUSMA, Barkhane et la Mission de formation de l’Union européenne au Mali (EUTM) s’est progressivement effritée.
Dans ce contexte, les transitions militaires apparaissent pour certains citoyens de ces pays comme une réponse à l’échec des interventions extérieures. Les militaires sont perçus comme les seuls capables d’agir dans un environnement dominé par l’urgence sécuritaire. Or, cette réponse ne règle ni les causes profondes ni les effets délétères du conflit.
Coups d’Etat militaires et « solutions transitoires »
Depuis 2020, les coups d’État militaires au Sahel central se multiplient, directement liés à la persistance d’une crise sécuritaire profonde. Le Mali a ainsi connu deux coups en août 2020 et mai 2021, suivi du Burkina Faso en janvier et septembre 2022, puis du Niger en juillet 2023.
Si les premiers coups d’Etat des années 60 à 80 ont souvent été attribués aux influences étrangères, la vague de coups d’État récente depuis 2020 au Sahel central, résulte en réalité davantage d’une grave détérioration sécuritaire interne que d’une manipulation extérieure. Mais désormais, les dirigeants utilisent une rhétorique sécuritaire prévalente depuis les années 2000 pour légitimer leurs actions politiques et judiciaires, réduisant ainsi tout débat politique au seul prisme sécuritaire.
Face à l’échec sécuritaire des États, les régimes militaires du Sahel central ont adopté une stratégie de durcissement, s’alliant à des acteurs comme la Russie et les paramilitaires d’Africa Corps (ex-Wagner). Rejetant les approches multilatérales de la Minusma, de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) ou de la France, ces régimes revendiquent leur souveraineté et bouleversent la géopolitique régionale. Pourtant, les transitions se prolongent sans freiner les violences : les attaques terroristes se poursuivent, les groupes armés restent actifs.
Pire, cette réponse strictement militaire engendre des violations des droits humains, aggrave les tensions communautaires et favorise la radicalisation.
Ainsi, loin d’apporter une véritable stabilisation, les transitions deviennent progressivement des outils de répression politique, de restriction des libertés individuelles et de musèlement des contre-pouvoirs, notamment au Mali.
Finalement, la combinaison complexe entre instabilité politique et sécuritaire entretient ce cycle continu de transitions prolongées. Cela révèle les limites intrinsèques de ces transitions lorsqu’elles sont envisagées comme seule réponse à la crise durable du Sahel central.
La notion de transition, entendue comme une période brève entre deux régimes politiques, tend à perdre son sens au Sahel central. Traditionnellement, une transition comprend deux sous-phases : la libéralisation (ouverture politique) et l’organisation d’élections libres menant à un régime démocratique. Toutefois, au Mali, au Burkina Faso et au Niger, les autorités militaires prolongent cette phase au point de consolider un nouveau pouvoir qui se veut permanent, et rompt avec la tradition de démocratisation.
Les assises nationales, censées être inclusives, sont devenues un outil de légitimation du pouvoir militaire au détriment des élections. Ces assises, tenues au Mali (septembre 2020, décembre 2021, juin 2023), au Burkina Faso (février 2022, octobre 2022, mai 2024) et au Niger (concertations limitées et non nationales), se présentent comme des assemblées populaires, mais elles contournent les mécanismes démocratiques en excluant les voix divergentes et en opérant sur la base d’un consensus préétabli favorable aux militaires.
Elles se substituent à l’élection en définissant la durée de la transition, en érigeant des colonels en généraux, en nommant des présidents de la République, et en fixant les orientations économiques du pays. Ces pratiques traduisent une institutionnalisation de la gouvernance militaire, éloignée du caractère temporaire d’une transition.
Parallèlement, les régimes militaires jouissent d’un soutien populaire alimenté par un rejet massif de la France, de la communauté économique des Etas de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) et des élites politiques traditionnelles. La perception d’un manque de compassion et de solidarité dans la lutte contre le terrorisme, les sanctions imposées par les institutions régionales suite aux coups d’Etat, perçues comme des relais des puissances occidentales, ont légitimé aux yeux des opinions locales un retrait des trois Etats de la Cedeao.
Ce contexte a contribué à la création de l’Alliance des États du Sahel (AES), structure à vocation sécuritaire mais de plus en plus politique. L’AES cherche à structurer un nouvel ordre régional en bousculant les équilibres régionaux.
Recul de la démocratie
Le discours souverainiste, profondément anti-occidental, s’appuie à la fois sur le passif colonial et l’échec sécuritaire des partenaires classiques. Il a permis de matérialiser le départ de la France de la région, sans pour autant construire une véritable autonomie stratégique. Le remplacement de la force Barkhane par Wagner, devenu Africa Corps, interpelle toutefois sur la souveraineté revendiquée.
La gouvernance militaire repose désormais sur un agenda sécuritaire renforcé, où les élections sont repoussées sine die, les libertés restreintes et les droits humains souvent bafoués. Tout cela justifié par l’état de guerre contre le terrorisme. Cette militarisation se manifeste aussi par l’intégration des civils dans des gouvernements militaires et la mobilisation de forces paramilitaires comme les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) au Burkina Faso.
Face à cette dynamique, la démocratie électorale recule tandis que d’autres pays ouest-africains (Sénégal, Cap-Vert, Bénin) conservent une trajectoire démocratique. Le contraste souligne les défis historique de sécurité et de stabilité politique communs à l’ensemble des pays de la région. Il soulève surtout la question de l’évolution des régimes politiques en situation de conflits asymétriques.
Au Sahel central, on assiste ainsi à une réinvention du logiciel de lecture des régimes de transition.
Christian Abadioko Sambou does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.
Buildings are the third-largest source of greenhouse gas emissions in Canada. In many cities, including Vancouver, Toronto and Calgary, buildings are the single highest source of emissions.
The recently launched Infrastructure for Good barometer, released by consulting firm Deloitte, suggests that Canada’s infrastructure investments already top the global list in terms of positive societal, economic and environmental benefits.
In fact, over the past 150 years, Canada has built railways, roads, clean water systems, electrical grids, pipelines and communication networks to connect and serve people across the country.
Now, there’s an opportunity to build on Canada’s impressive tradition by creating a new form of infrastructure: capturing, storing and sharing the massive amounts of heat lost from industry, electricity generation and communities, even in summer.
Natural gas precedent
Indoor heating often comes from burning fossil fuels — three-quarters of Ontario homes, for example, are heated by natural gas. Until about 1966, homes across Canada were primarily heated by wood stoves, coal boilers, oil furnaces or heaters using electricity from coal-fired power plants.
After the oil crisis of the 1970s, many of those fuels were replaced by natural gas, delivered directly to individual homes. The cost of the natural gas infrastructure, including a national network of pipelines, was amortized over more than 50 years to make the cost more practical.
Sources of greenhouse gas emissions in Ontario. (J. Cotton), CC BY
This reliable, low-cost energy source quickly proved to be popular. The change cut heating emissions across Ontario by roughly half throughout the 1970s and 1980s, long before climate change was the concern it is today.
Now, as the need to decarbonize becomes more pressing, recent studies not only emphasize the often-overstated emissions reductions benefits from using natural gas; they also indicate that burning this fuel source is still far from net-zero.
However, there’s no reason why Canadian governments can’t invest in new infrastructure-based alternative heating solutions. This time, they could replace natural gas with an alternative, net-zero source: the wasted heat already emitted by other energy uses.
Heat capture and storage
Depending on the source temperature, technology used and system design, heat can be captured throughout the year, stored and distributed as needed. A type of infrastructure called thermal networks could capture leftover heat from factories and nuclear and gas-fired power plants.
In essence, thermal networks take excess thermal energy from industrial processes (though thermal energy can theoretically be captured from a variety of different sources), and use it as a centralized heating source for a series of insulated underground pipelines connected to multiple other buildings. These pipelines, in turn, are used to heat or cool these connected buildings.
A substantial potential to capture heat similarly exists in every neighbourhood. Heat is produced by data centres, grocery stores, laundromats, restaurants, sewage systems and even hockey arenas.
In Ontario, the amount of energy we dump in the form of heat is greater than all the natural gas we use to heat our homes.
A restaurant, for example, can produce enough heat for seven family homes. To take advantage of the wasted heat, Canada needs to build thermal networks, corridors and storage to capture and distribute heat directly to consumers.
The effort demands substantial leadership from all levels of government. Creating these systems would be expensive, but the technology does exist, and the one-time cost would pay for itself many times over.
Such systems are already working in other cold countries. Thermal networks heat half the homes in Sweden and two-thirds of homes in Denmark.
District heating pipes being laid at Gullbergs Strandgata in Gothenburg, Sweden in May 2021. (Shutterstock)
These were offered to utility companies looking to expand district energy operations, and to consumers by incentivizing connections to such systems. Additionally, in Denmark, controlled consumer prices served a similar function.
At least seven American states have established thermal energy networks, with New York being the first. The state’s Utility Thermal Energy Network and Jobs Act allows public utilities to own, operate and manage thermal networks.
They can supply thermal energy, but so can private producers such as data centres, all with public oversight. Such a strategy avoids monopolies and allows gas and electric utilities to deliver services through central networks.
An opportunity for Canada
Canada has a real opportunity to learn from the experiences of Sweden, Denmark and New York. In doing so, Canada can create a beneficial and truly national heating system in the process. Beginning with federal government leadership, thermal networks could be built across Canada, tailored to the unique and individual needs, strengths and opportunities of municipalities and provinces.
Such a shift would reduce emissions and generate greater energy sovereignty for Canada. It could drive a just energy strategy that could provide employment opportunities for those displaced by the transition away from fossil fuels, while simultaneously increasing Canada’s economic independence in the process.
Thermal networks could be built using pipelines made from Canadian steel. Oil-well drillers from Alberta could dig borehole heat-storage systems. A new market for heat-recovery pumps would create good advanced-manufacturing jobs in Canada.
Funding for the infrastructure could come through public-private partnerships, with major investments from public banks and pension funds, earning a solid and secure rate of return. A regulated approach and process could permit this infrastructure cost to be amortized over decades, similar to the way past governments have financed gas, electrical and water networks.
As researchers studying the engineering and policy potential of such an opportunity, we view such actions as essential if net-zero is to be achieved in the Canadian building sector. They are also a win-win solution for incumbent industry, various levels of government and citizens across Canada alike.
Yet efforts to install robust thermal networks remain stalled by institutional inertia, the strong influence of the oil industry, limited citizen awareness of the technology’s potential and a tendency for government to view the electrification of heating as the primary solution to building decarbonization.
In this time of environmental crisis and international uncertainty, pushing past these barriers, drawing on Canada’s lengthy history of constructing infrastructure and creating this new form thermal energy infrastructure would be a safe, beneficial and conscientious way to move Canada into a more climate-friendly future.
James (Jim) S. Cotton receives funding from the Natural Sciences and Engineering Research Council of Canada.
Caleb Duffield does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.